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14/03/2003 | SUISSE | N°1A.113/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 mars 2003, 1A.113/2002


{T 1/2}
1A.113/2002 /dxc

Arrêt du 14 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral,
Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

Club alpin suisse, Helvetiaplatz 4, 3005 Berne,
Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage,
Hirschengraben 11, 3011 Berne,
Pro Natura- Ligue suisse pour la protection de la nature, 4000 Bâle,
WWF Suisse, Hohlstrasse 110, 8004 Zürich,
recourants, tous les quatre représentés par
Me Raphaël Da

llèves, avocat, passage Raphy-Dallèves,
case postale 374, 1951 Sion,

contre

Société de Développeme...

{T 1/2}
1A.113/2002 /dxc

Arrêt du 14 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral,
Reeb et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

Club alpin suisse, Helvetiaplatz 4, 3005 Berne,
Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage,
Hirschengraben 11, 3011 Berne,
Pro Natura- Ligue suisse pour la protection de la nature, 4000 Bâle,
WWF Suisse, Hohlstrasse 110, 8004 Zürich,
recourants, tous les quatre représentés par
Me Raphaël Dallèves, avocat, passage Raphy-Dallèves,
case postale 374, 1951 Sion,

contre

Société de Développement Agro-Touristique de Trient-Finhaut S.A.,
intimée,
représentée par
Mes Hildebrand de Riedmatten et Antoine Zen Ruffinen, avocats, avenue
Ritz
33, 1950 Sion 2,
Commune politique de Trient, 1929 Trient,
Commune politique de Finhaut, 1925 Finhaut,
Canton du Valais, p.a. Service des forêts et du paysage, place des
Cèdres,
case postale, 1951 Sion,
Département fédéral de l'Environnement, des Transports, de l'Energie
et de la
Communication,
3003 Berne.

défrichement pour la construction de remontées mécaniques,

recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
l'Environnement, des Transports,
de l'Energie et de la Communication, du 26 avril 2002.

Faits:

A.
Le 26 avril 2002, le Département fédéral de l'Environnement, des
Transports,
de l'Energie et de la Communication (ci-après: le DETEC) a accordé à
la
Société de Développement Agro-Touristique de Trient-Finhaut S.A.
(ci-après:
la SDAT), une autorisation portant sur un défrichement de 11'758 m2
sur le
territoire de la commune de Trient, pour la réalisation d'un
téléphérique (le
Châtelard-Griba) et d'un télésiège (Griba-Belle Place) ainsi que pour
l'aménagement des pistes de ski, dans le cadre de la création du
domaine
skiable de la Tête de Balme. Un défrichement de 971 m2 relatif à la
création
d'un autre télésiège a en revanche été refusé. La décision définit les
mesures de compensation, soit un reboisement de 21'735 m2 et la
protection et
l'aménagement d'une zone humide, et fixe encore d'autres charges et
conditions. L'indication des voies de recours mentionne le recours
auprès du
Conseil fédéral. La concession pour la construction et l'exploitation
des
installations avait été octroyée le 30 avril 1997.

B.
Par acte du 29 mai 2002, le Club alpin suisse, la Fondation suisse
pour la
protection et l'aménagement du paysage, Pro Natura-Ligue suisse pour
la
protection de la nature et WWF Suisse, associations qui avaient déjà
recouru
auprès du Conseil fédéral contre l'octroi de la concession (cette
procédure a
été suspendue jusqu'à droit jugé sur la question du défrichement),
ont formé
un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Elles
contestent la
voie de recours au Conseil fédéral. Sur le fond, elles requièrent une
coordination entre la procédure de défrichement et celle de
l'autorisation
cantonale de construire, et contestent la compétence du DETEC pour
rendre
l'autorisation litigieuse. Les recourantes critiquent également la
création
d'une servitude de survol des installations sur environ 13'320 m2, en
lieu et
place d'un défrichement; elles soutiennent que le dossier n'était pas
suffisant pour tenir lieu de rapport d'impact. Enfin, il n'y aurait
pas eu de
pesée globale des intérêts au sens de l'art. 5 LFo.

La SDAT a conclu au rejet du recours. Le DETEC a conclu au renvoi de
la cause
au Conseil fédéral, subsidiairement au rejet du recours. Le Service
des
forêts et du paysage du Département des transports, de l'équipement
et de
l'environnement du canton du Valais (SFP) s'est prononcé, sur le
fond, dans
le même sens que la décision attaquée, tout en relevant que la
procédure
décisive est celle de l'autorisation de construire cantonale; il a
néanmoins
estimé qu'il convenait d'appliquer l'ancien droit (compétence
fédérale pour
un défrichement de plus de 5000 m2).

C.
La décision du DETEC a aussi été attaquée auprès du Conseil fédéral,
par la
société Electricité d'Emosson S.A. (ESA), selon laquelle les
différentes
mesures de reboisement compensatoire - plus importantes que celles
pour
lesquelles elle avait précédemment donné son accord - touchaient aux
installations de forces hydrauliques et devaient, par conséquent, être
soumises à l'approbation de l'Office fédéral des eaux et de la
géologie
(OFEG) afin de déterminer si elles étaient compatibles, d'une part,
avec les
prescriptions sur la sécurité et, d'autre part, avec les droits et
obligations du concessionnaire.
Le 5 juillet 2002, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a ouvert un
échange
de vues avec le Tribunal fédéral, estimant ce dernier compétent pour
statuer
sur ce dernier recours, la procédure de défrichement devant être
coordonnée,
de préférence, avec la procédure cantonale. Le 6 novembre 2002, le
Tribunal
fédéral a déclaré partager ce point de vue: le principe déterminant
était
celui de la coordination entre le défrichement et les procédures
d'aménagement et d'autorisation de construire, au sens des art. 6 et
11 LFo,
22 et 24 LAT et 21 OEIE. La coordination des procédures au niveau
cantonal
permettait en outre une meilleure pesée des intérêts en présence,
ainsi qu'un
contrôle judiciaire suffisant.

D.
Le résultat de cet échange de vues a été porté à la connaissance des
parties.
Seuls les recourantes et la SDAT se sont déterminées, en confirmant
leurs
positions respectives.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1
La décision attaquée, rendue par le DETEC, mentionne la possibilité
d'un
recours au Conseil fédéral. Cette possibilité est contestée par les
recourantes, selon lesquelles, d'une part, le DETEC ne serait pas
compétent
pour statuer sur la demande de défrichement et, d'autre part, le
recours de
droit administratif serait ouvert en vertu de l'art. 6 LFo.
Indépendamment
des griefs de fond liés au principe de coordination, les recourantes
peuvent
s'adresser au Tribunal fédéral pour faire valoir que la décision
aurait dû
être rendue dans le cadre d'une procédure susceptible, conformément
au droit
fédéral, de faire l'objet d'un recours de droit administratif (cf.
ATF 128 II
311 consid. 2.1 p. 315).

1.2 Les recourantes sont reconnues comme des associations d'importance
nationale vouées à la protection de la nature; elles ont à ce titre
qualité
pour agir par la voie du recours de droit administratif (cf. art. 103
let. c
OJ en relation avec l'art. 12 de la loi fédérale sur la protection de
la
nature et du paysage - LPN; RS 451 - et l'art. 55 de la loi fédérale
sur la
protection de l'environnement - LPE; RS 814.01; cf. aussi les ch. 3,
6, 7 et
13 de l'annexe à l'ordonnance relative à la désignation des
organisations
habilitées à recourir dans les domaines de la protection de
l'environnement
ainsi que de la protection de la nature et du paysage - ODO; RS
814.076).

2.
Les recourantes contestent la compétence du DETEC pour rendre la
décision de
défrichement. Ce grief doit être examiné en premier lieu, puisque
l'incompétence ration materiae de l'autorité intimée entraînerait à
elle
seule l'annulation de la décision attaquée. Les recourantes invoquent
l'art.
6 LFo, modifié selon le ch. I 17 de la loi fédérale du 18 juin 1999
sur la
coordination et la simplification des procédures de décision
(LCoord), dont
le but est de donner plus de compétences aux cantons. La procédure
décisive
serait celle relative à la construction proprement dite de l'ouvrage
et non à
l'octroi de la concession, les intérêts protégés par la LAT étant
prioritaires. Invoquant l'art. 11 LFo, les recourantes affirment que
la
procédure de défrichement devait être coordonnée avec les procédures
cantonales de planification et d'autorisation nécessaires pour ce
genre
d'installation.

L'intimée SDAT conteste la nécessité de statuer simultanément sur le
défrichement et l'autorisation de construire. La procédure
d'autorisation de
construire devrait être menée dans un deuxième temps, après que les
questions
relatives à l'octroi de la concession ont été résolues. La SDAT
relève que
l'art. 6 LFo, dans sa nouvelle teneur, n'est entré en vigueur que le
1er
janvier 2000, alors que la requête initiale date de 1986 et qu'une
première
décision a été rendue le 22 avril 1997 par l'OFEFP. Malgré son
annulation par
le DFI, le 17 avril 1998, et le renvoi de la cause à l'OFEFP, ce
dernier
serait resté compétent. Dans ses dernières déterminations, l'intimée
estime
que la nécessité de coordonner les procédures de défrichement et
d'autorisation de construire ne permettrait pas de déroger à une
compétence
fixée dans la loi.
Le DETEC admet l'application de l'art. 6 nouveau LFo, mais estime que
la
"procédure décisive" au sens de cette disposition serait la procédure
fédérale de concession, comme cela est prévu en matière d'étude
d'impact sur
l'environnement (art. 60.1 de l'annexe de l'OEIE).

3.
La LCoord ne prévoit pas de concentration des décisions pour les
procédures
d'octroi d'une concession pour téléphériques. La concession
proprement dite
est du ressort du DETEC (art. 23 de l'ordonnance du 8 novembre 1978
sur
l'octroi de concession aux téléphériques - OOCT; RS 743.11).
L'autorité
examine les questions liées au besoin, à la concurrence, ainsi que les
garanties de respect des autres conditions. La LCoord a en revanche
modifié
l'art. 6 LFo en prévoyant que les autorisations de défricher sont
accordées
soit par les autorités fédérales lorsque la construction ou la
transformation
de l'ouvrage relève de leur compétence (al. 1 let. a), soit par les
autorités
cantonales lorsque la construction ou la transformation relève de leur
compétence (let. b).

3.1 Comme l'admet le DETEC, le nouvel article 6 LFo est applicable au
cas
d'espèce. Faute d'une disposition transitoire spécifique aux
procédures
fédérales (la disposition transitoire relative à la modification de
la LFo du
2 février 2000 n'est applicable qu'aux procédures cantonales), le
principe
général - concrétisé à l'art. 56 LFo - consiste à appliquer les
dispositions
en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être
apprécié
juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (Moor, Droit
administratif, vol. I, 2e éd., p. 170). En présence d'un état de
choses
durable, non encore révolu lors du changement de législation, le
nouveau
droit est en règle générale applicable, sauf disposition transitoire
contraire (rétroactivité impropre). Il n'y a pas, dans ce cas, de
rétroactivité proprement dite, en principe inadmissible. En l'espèce,
une
première autorisation de défricher a été annulée le 17 avril 1998 par
le DFI,
la cause étant renvoyée à l'OFEFP pour nouvelle décision. Le dossier
a été
complété et les surfaces de défrichement ont été redéfinies, passant
de 5500
m2 à 12729 m2. Une nouvelle mise à l'enquête a eu lieu le 6 octobre
2000, et
une nouvelle demande d'autorisation, datée du 15 décembre 2000 et
préavisée
positivement par le Service cantonal des forêts, a été transmise à
l'OFEFP.
Ainsi, même si elle porte sur le même objet, la demande du 12
décembre 2000
devait être soumise au nouveau droit, qu'elle constitue une nouvelle
demande
ou, comme l'affirme l'intimée, une simple continuation de la
procédure.

3.2 Les procédures de concession, de défrichement et d'autorisation de
construire n'étant pas concentrées, il y a lieu de rechercher quelle
est la
procédure décisive au sens de l'art. 6 LFo. Pour cela, il convient de
définir
quel type de procédure offre les meilleures possibilités de
coordination.
Selon le DETEC, la demande de concession doit, selon l'art. 10 al. 2
let. c
et d OOCT, contenir une description précise du projet, ainsi
notamment qu'un
plan indiquant les déboisements indispensables et les reboisements de
remplacement prévus, ce qui permettrait de statuer sur le
défrichement dans
le cadre de l'octroi de la concession. Cette dernière serait par
ailleurs la
procédure décisive selon le ch. 60.1 de l'annexe à l'OEIE.

3.3 La procédure de concession de téléphérique ne traite que des
questions
relatives au besoin, à la concurrence et aux conditions techniques et
d'exploitation (art. 3 al. 1 let. a, b et c OOCT). Tel est le sens de
la
réserve faite à l'art. 3 al. 3 OOCT en faveur des intérêts de la
Confédération et des cantons, concernant en particulier l'aménagement
du
territoire, la protection de la nature et du paysage et celle de
l'environnement. Or, l'ensemble de ces questions (respect du droit
cantonal
des constructions, autorisation exceptionnelle selon l'art. 24 LAT,
protection des eaux, protection de la nature) doit d'ordinaire être
résolu
dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire, voire de
planification cantonale. La question du défrichement est, elle aussi,
davantage liée à la procédure cantonale. L'art. 6 al. 1 let. b LFo va
dans le
même sens, en désignant l'autorité compétente pour autoriser la
"construction
ou la transformation", de même que l'art. 11 LFo, qui prévoit une
coordination entre défrichement et autorisation de construire.
Certes, la
procédure décisive, au sens de l'art. 5 al. 2 OEIE, est celle de
l'octroi de
la concession, selon le ch. 60.1 de l'annexe de l'OEIE. On peut
toutefois
s'interroger sur l'opportunité de cette solution, dès lors que, selon
le ch.
60.3 de cette même
annexe, la procédure décisive est, pour les pistes
de ski,
déterminée par le droit cantonal. En définitive, le principe
fondamental de
coordination est d'avantage respecté si la procédure de défrichement
est
menée conjointement avec celle relative à la planification et au
permis de
construire. Celle-ci permet une meilleure pesée des intérêts en
présence,
ainsi qu'un contrôle judiciaire suffisant, dans les cas où ce dernier
est
imposé, notamment, par l'art. 6 CEDH.

Telle était la conclusion à laquelle ont abouti l'Office fédéral de la
justice et le Tribunal fédéral au terme de leur échange de vues
précité, et
il n'y a pas lieu de s'en écarter.

4.
La coordination devant se faire au niveau cantonal, il en résulte
également
que le DETEC n'était pas compétent pour délivrer l'autorisation de
défricher
contestée. Cela entraîne l'annulation de l'autorisation de défricher,
sans
qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs soulevés par les
recourantes
(exploitation préjudiciable, insuffisance du rapport d'impact et de
la pesée
des intérêts). Le dossier de la procédure est renvoyé au DETEC, à
charge pour
ce dernier de le transmettre, en temps utile, à l'autorité cantonale
compétente. Les recourantes obtiennent gain de cause. Elles ont droit
à une
indemnité de dépens, à la charge de la Société de Développement
Agro-Touristique de Trient-Finhaut S.A., intimée dont les conclusions
sont
écartées. Un émolument judiciaire est également mis à la charge de
cette
dernière (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée; le dossier
de la
procédure est renvoyé au DETEC, à charge pour ce dernier de le
transmettre à
l'autorité cantonale compétente.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
Société de
Développement Agro-Touristique de Trient-Finhaut S.A., intimée.

3.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée aux recourantes, à
la charge
de la Société de Développement Agro-Touristique de Trient-Finhaut S.A.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
aux
Communes politiques de Trient et de Finhaut, au Service des forêts et
du
paysage du canton du Valais ainsi qu'au Département fédéral de
l'Environnement, des Transports, de l'Energie et de la Communication.

Lausanne, le 14 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.113/2002
Date de la décision : 14/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-14;1a.113.2002 ?
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