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13/03/2003 | SUISSE | N°I.333/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mars 2003, I.333/02


{T 7}
I 333/02

Arrêt du 13 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Vallat

G.________, recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat, rue de
Venise
3B, 1870 Monthey,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 5 avril 2002)

Faits :

A.
G. ________, né en 1965, collaborait à l'exploitation agricole
familiale


(cultures sous serres). Souffrant du dos, il a déposé le 31 mars 1998
une
demande de prestations AI.

Dans un rapport du 2...

{T 7}
I 333/02

Arrêt du 13 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Vallat

G.________, recourant, représenté par Me Henri Carron, avocat, rue de
Venise
3B, 1870 Monthey,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 5 avril 2002)

Faits :

A.
G. ________, né en 1965, collaborait à l'exploitation agricole
familiale
(cultures sous serres). Souffrant du dos, il a déposé le 31 mars 1998
une
demande de prestations AI.

Dans un rapport du 25 novembre 1998, le docteur B.________, médecin
traitant,
a confirmé que l'assuré avait subi de très nombreuses périodes
d'incapacité
partielle ou totale de travail en raison de lombo-sciatalgies
chroniques
depuis 1985. L'examen par IRM réalisé par les docteurs A.________ et
F.________ (rapport du 4 novembre 1998) avait mis en évidence des
discopathies aux trois derniers étages lombaires accompagnées de trois
hernies discales. Toujours selon le docteur B.________, des mesures de
reclassement étaient indiquées en raison de ces lombo-sciatalgies
chroniques
affectant un travailleur de force.

L'Office cantonal AI du Valais (ci-après: l'OCAI) a procédé à une
enquête
économique dont il ressort, en substance, que l'assuré exploite avec
son père
- ce dernier né en 1927 est encore actif à plein temps mais se
réserve les
tâches les moins pénibles - le domaine agricole familial, qui occupe
quatre à
cinq personnes en moyenne. Depuis la survenance de l'invalidité,
l'assuré
n'effectue plus ni les travaux au sol, ni les travaux de labours qui
provoquent des secousses, ni les travaux de manutention, mais peut
encore
effectuer les travaux du sol après labour au tracteur, les
traitements ainsi
que la direction et la supervision du personnel. Un ouvrier a été
formé
spécialement pour le remplacer dans les travaux à la machine qu'il ne
peut
plus effectuer. Compte tenu des engagements financiers contractés et
de la
conjoncture économique, la remise de l'exploitation à un tiers
n'était guère
envisageable, raison pour laquelle l'assuré, qui n'envisageait alors
pas un
reclassement professionnel, entendait poursuivre son activité en se
ménageant
(rapport d'enquête économique du 10 février 1999).

Appelés à se prononcer sur l'état de santé de l'assuré, les docteurs
R.________ et P.________, respectivement médecin-chef et médecin
assistant de
l'Hôpital X.________, ont notamment posé les diagnostics de
lombalgies
chroniques, périarthrite de la hanche droite, discopathies L3-L4,
L4-L5 et
L5-S1, s'associant à une petite hernie discale médiane L4-L5 et une
petite
hernie discale L5-S1 paramédiane gauche et obésité. Il n'était pas
possible
de déterminer si les périodes d'incapacité de travail antérieures
étaient
médicalement justifiées. La capacité de travail de l'assuré, qui
déclarait
préférer rester à la tête du domaine plutôt que d'entreprendre une
reconversion professionnelle pour laquelle il n'était pas motivé,
était
totale au moment de l'expertise, l'assuré précisant effectuer avant
tout un
travail de supervision et affirmant n'être plus en mesure d'effectuer
les
travaux mentionnés dans l'enquête économique. La capacité de travail,
susceptible de diminuer dans l'avenir, pouvait être maintenue, et les
douleurs atténuées, par un régime amaigrissant et un traitement de
reconditionnement physique, voire de restauration fonctionnelle
(rapport du
24 août 1999).

Au mois d'avril 2001, l'assuré a annoncé à l'OCAI que l'entreprise
familiale
avait été louée à un tiers. Avant de rendre une décision, l'OCAI a
encore
demandé au docteur B.________ un rapport sur l'évolution de l'état de
santé
de l'assuré. Ce médecin a indiqué que l'état de santé était
stationnaire,
superposable à celui de 1998, et correspondait aux constatations du
docteur
R.________; des mesures d'ordre professionnel étaient indiquées;
l'activité
exercée jusque là (activité de maraîcher avec des limitations quant
aux
travaux au sol, au port de charge et à la conduite de tracteurs) était
exigible à raison de cinq à six heures par jour consacrées à la
surveillance
et la direction de l'exploitation; la capacité de travail était de
100% (six
à huit heures par jour) dans une activité adaptée (informatique,
chauffeur
poids-lourd ou bus, magasinage léger, chef d'exploitation agricole)
permettant des variations de positions et d'éviter des charges de
plus de
cinq kilos (rapport du 16 juillet 2001).

Par décision du 7 septembre 2001, l'OCAI, a nié le droit de l'assuré
tant à
une rente d'invalidité qu'à une mesure de reclassement, réservant
toutefois
expressément la possibilité d'une aide au placement, au motif que le
taux de
son invalidité était nul.

B.
Par jugement du 5 avril 2002, le Tribunal cantonal des assurances du
canton
du Valais a rejeté le recours formé par l'assuré contre cette
décision,
considérant en substance, quant au fond du litige, que l'assuré
n'était ni
invalide ni menacé d'une invalidité imminente et que, son droit à
l'aide au
placement ayant été réservé, il lui incombait d'entreprendre des
démarches en
ce sens.

C.
G. ________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement en
concluant, avec suite de dépens, à son annulation et au renvoi de la
cause à
l'OCAI afin que soient mises en oeuvres des mesures d'orientation
professionnelle, de reclassement et de placement. Il a, par ailleurs,
requis
le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Considérant en droit :

1.
L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le
rapport
juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé
par la
décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de
la
décision effectivement attaqué. D'après cette définition, l'objet de
la
contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision
administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le
recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques
déterminés par la
décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris
dans
l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige (ATF
125 V
414 ss. consid. 1b et 2 et les références citées).
En l'espèce, par sa décision du 7 septembre 2001, l'OCAI a nié le
droit du
recourant à une rente d'invalidité, d'une part, et au reclassement
professionnel, d'autre part, son droit à une aide au placement étant
expressément réservé. L'OCAI ne s'est, en revanche, pas prononcé sur
le droit
de l'assuré à une orientation professionnelle, qui lui a, du reste,
été
reconnu depuis lors, selon communication du 16 décembre 2002.

Par ailleurs, le recourant, qui déclare expressément en procédure
fédérale
renoncer à demander une rente, conclut à la mise en oeuvre de mesures
d'ordre
professionnel, de reclassement et de placement, au sens des art. 15,
17 et 18
LAI. Aussi l'objet du litige est-il limité à son droit à une mesure de
reclassement professionnel.

2.
2.1 Le droit au reclassement professionnel suppose que l'assuré est
invalide
ou menacé d'une invalidité imminente (art. 8 al. 1 LAI). Est invalide
au sens
de l'art. 17 LAI, l'assuré qui n'est pas suffisamment réadapté parce
que son
état de santé est tel qu'il ne permet plus d'exiger l'exercice, en
tout ou
partie, de l'activité antérieure. Il faut alors que l'invalidité soit
d'une
certaine gravité; selon la jurisprudence, cette condition est donnée
lorsque
l'assuré subit dans l'activité encore exigible sans autre formation
professionnelle, une perte de gain durable ou permanente de quelque
20 % (ATF
124 V 110 consid. 1b et les références).

2.2 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être
déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail
que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est
comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al.
2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en
chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer
le taux
d'invalidité. Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés
exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans
le cas
particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs
approximatives
ainsi obtenues. Si l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement les
deux
revenus en cause, il faut, en s'inspirant de la méthode spécifique
pour
non-actifs (art. 27 RAI), procéder à une comparaison des activités et
évaluer
le degré d'invalidité d'après l'incidence de la capacité de rendement
amoindrie sur la situation économique concrète. La différence
fondamentale
entre la procédure extraordinaire d'évaluation et la méthode
spécifique
(selon l'art. 28 al. 3 LAI en corrélation avec les art. 26bis et 27
al. 1
RAI) réside dans le fait que l'invalidité n'est pas évaluée
directement sur
la base d'une comparaison des activités; on commence par déterminer,
au moyen
de cette comparaison, quel est l'empêchement provoqué par la maladie
ou
l'infirmité, après quoi l'on apprécie séparément les effets de cet
empêchement sur la capacité de gain. Une certaine diminution de la
capacité
de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une personne
active,
entraîner une perte de gain de la même importance, mais n'a pas
nécessairement cette conséquence. Si l'on voulait, dans le cas des
personnes
actives, se fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des
activités, on violerait le principe légal selon lequel l'invalidité,
pour
cette catégorie d'assurés, doit être déterminée d'après l'incapacité
de gain
(procédure extraordinaire d'évaluation; ATF 128 V 30 consid. 1, 104 V
136
consid. 2; VSI 1998 p. 122 consid. 1a et p. 257 consid. 2b).

2.3 La procédure extraordinaire, en tant qu'elle implique, à titre
préalable,
l'évaluation de la capacité à poursuivre l'activité qui était exercée
avant
la survenance de l'atteinte à la santé - faute de quoi l'on procède à
une
comparaison des revenus selon la méthode ordinaire (art. 28 al. 1
LAI) -,
suppose qu'un changement d'activité, au titre de la réadaptation par
soi-même, ne soit pas exigible de l'assuré. Selon la jurisprudence
rendue en
application de l'art. 28 al. 2 LAI, il faut, à cet égard, confronter
l'intérêt public à une application économique de la loi sur
l'assurance-invalidité à l'intérêt privé de l'assuré à la poursuite
de son
activité. Les exigences relatives à l'obligation d'atténuer le
dommage sont
d'autant plus strictes que les prétentions élevées à l'égard de
l'assurance
sont importantes, ainsi lorsque la renonciation à des mesures
susceptibles
d'atténuer le dommage a pour conséquence l'octroi d'une rente (ATF
113 V 32
et les références; VSI 2001 p. 279). En ce qui concerne l'intérêt à
poursuivre l'activité antérieure, il s'agit de prendre en
considération
toutes les circonstances subjectives (capacité de travail résiduelle,
facteurs personnels tels l'âge, la situation professionnelle, les
relations
avec l'entourage, etc.) et objectives (marché du travail équilibré,
durée
probable de l'activité, notamment) déterminantes (VSI 2001 p. 280 et
les
références).

3.
3.1Né en 1965, l'assuré, qui n'a pas achevé de formation
professionnelle
spécifique, peut, en l'espèce, compter demeurer actif encore plus de
vingt-cinq ans; son âge est, d'autre part, également un facteur
important
permettant d'exiger de lui un changement de profession dans le sens
de la
prise d'une activité dépendante simple et répétitive, dont rien
n'indique
qu'elle pourrait constituer une régression sur le plan social. A cela
s'ajoute une capacité de travail demeurée entière dans une activité
adaptée.
L'activité antérieure est, par ailleurs, certes, liée à
l'exploitation d'un
domaine, dont l'abandon n'est pas sans incidence sur les relations de
l'assuré avec son entourage (domaine familial sur lequel travaille
encore son
père). Les circonstances économiques ressortant du dossier - de 1993
à 1997
les résultats d'exploitation devant être répartis entre l'assuré et
son père
n'ont pas atteint 33'000 fr. pour le meilleur exercice (1993) et ont
été
déficitaires à deux reprises (39'682 fr. 30 en 1995 et 36'377 fr. 35
en 1997)
-, qui ont également joué un rôle dans la remise de l'entreprise à un
tiers
en 2001, relativisent toutefois fortement la portée de cet élément.

Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, un changement
d'activité
apparaissant exigible de l'assuré, c'est à juste titre que les
premiers juges
ont admis que le taux de son invalidité soit calculé en comparant le
gain
hypothétique qu'il aurait réalisé sans invalidité en participant à
l'exploitation du domaine agricole à celui qu'il pourrait réaliser,
malgré
son invalidité, dans une activité adaptée, ce qui constitue une
application
de la méthode ordinaire de comparaison des revenus (art. 28 al. 2
LAI).

3.2 S'agissant du revenu sans invalidité, les premiers juges ont
retenu le
montant annuel de 46'290 fr. évalué, selon les données réunies par

l'OCAI,
sur la base d'un horaire de travail hebdomadaire de cinquante-quatre
heures à
raison de 16 fr. 55 de l'heure, tarif horaire usuel dans le canton du
Valais
pour un chef d'équipe permanent selon le contrat-type de travail pour
l'agriculture. Dans la mesure où le recourant n'allègue pas qu'il
aurait pu
réaliser, en travaillant sans invalidité sur le domaine familial, un
revenu
plus élevé - partant susceptible de faire ressortir un degré
d'invalidité
plus élevé - et où les pièces figurant au dossier, les pièces
comptables en
particulier, ne permettent pas non plus de le penser, la cour de
céans n'a
pas de raison de s'écarter de cette évaluation.

En ce qui concerne le revenu d'invalide, arrêté à 48'814 fr. par les
premiers
juges, les considérations très générales du recourant sur
l'évaluation de
l'invalidité des personnes dont le revenu est inférieur à la moyenne
nationale ne justifient pas un nouvel examen de la jurisprudence
permettant
de se référer, à certaines conditions, aux données d'expérience
fournies par
les enquêtes statistiques (ATF 126 V 76 consid. 3 et les références).
Pour le
surplus, la réduction du revenu statistique à laquelle la juridiction
inférieure a procédé (10 % afin de tenir compte de la limitation à des
travaux légers) - qui ne dépend pas, contrairement à l'opinion du
recourant
d'une appréciation médicale mais ressortit au large pouvoir
d'appréciation
menant à la fixation globale, compte tenu de l'ensemble des
circonstances,
d'un abattement de 0 à 25 % (ATF 126 V 78 ss, consid. 5) - n'apparaît
pas
criticable.

Le quotient de la différence entre ces deux revenus par le revenu sans
invalidité ne faisant pas apparaître un taux d'invalidité suffisant
pour
ouvrir le droit à une mesure de reclassement professionnel, le
recours se
révèle infondé.

4.
Le recourant a requis le bénéfice de l'assistance judiciaire.

La présente procédure a pour objet le droit à une prestation
d'assurance,
elle est, partant, gratuite (art. 134 OJ), si bien que la requête n'a
trait
qu'aux frais de son conseil.

Le recours ne pouvant être considéré d'emblée comme dénué de toute
chance de
succès, l'importance du dossier et les difficultés liées à
l'appréciation des
preuves justifiant par ailleurs l'intervention d'un avocat, dont le
recourant, au vu des pièces produites, n'est manifestement pas en
mesure
d'assumer les honoraires (art. 152 al. 1 et 2 en corrélation avec
l'art. 135
OJ), l'assistance judiciaire doit être accordée.

Le recourant est rendu attentif à son obligation, si il devient
ultérieurement en mesure de le faire, de rembourser la caisse du
tribunal
(art. 152 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) de Me Carron sont fixés à 2'500 fr. pour la procédure
fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 mars 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.333/02
Date de la décision : 13/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-13;i.333.02 ?
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