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13/03/2003 | SUISSE | N°1P.41/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mars 2003, 1P.41/2003


{T 0/2}
1P.41/2003 /col

Arrêt du 13 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

C. ________ et W.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Jacques Barillon, avocat, rue du Rhône
29, 1204
Genève,

contre

Banque cantonale vaudoise, case postale 300,
1001 Lausanne,
intimée, représentée par Me Jacques Haldy, avocat, galerie
Saint-François A,
case post

ale 3473, 1002 Lausanne,
Juge d'instruction de l'arrondissement de la Côte, place Saint-Louis
4, case
postale 136, 1110 Mor...

{T 0/2}
1P.41/2003 /col

Arrêt du 13 mars 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

C. ________ et W.________,
recourants,
tous deux représentés par Me Jacques Barillon, avocat, rue du Rhône
29, 1204
Genève,

contre

Banque cantonale vaudoise, case postale 300,
1001 Lausanne,
intimée, représentée par Me Jacques Haldy, avocat, galerie
Saint-François A,
case postale 3473, 1002 Lausanne,
Juge d'instruction de l'arrondissement de la Côte, place Saint-Louis
4, case
postale 136, 1110 Morges 1,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route
du Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (séquestre pénal),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du
24 octobre 2002.

Faits:

A.
Le 17 juillet 2002, la Banque cantonale vaudoise (BCV) a déposé une
plainte
pénale contre inconnu, subsidiairement contre la société T.________
et ses
administrateurs C.________ et W.________. La banque expliquait que,
du 28
juin au 15 juillet 2002, des chèques de provenance étrangère avaient
été
crédités, sauf bonne fin, sur le compte xxx détenu par T.________,
pour un
total de 747'346,85 USD. Plusieurs chèques avaient été retournés
impayés, et
il pouvait en aller de même de l'ensemble des chèques présentés. Le 15
juillet 2002, 742'414,24 USD avaient été transférés du compte précité,
notamment sur un compte postal (CCP).
Le même jour, le Juge d'instruction de l'arrondissement de la Côte a
procédé
au blocage du CCP.

B.
Par ordonnance du 13 septembre 2002, le juge d'instruction a levé le
séquestre, en considérant que les chèques avaient été remis par des
tiers et
que la banque les avait crédités sans avoir procédé aux vérifications
d'usage, en dépit des doutes manifestés à plusieurs reprises par
C.________
et W.________ quant à leur acceptation.

Sur recours de la banque, cette décision a été annulée par arrêt du 24
octobre 2002 du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois.
Dans un
premier temps, T.________ avait été payée avec des cartes de crédit
falsifiées ou volées, de sorte que la société savait avoir affaire à
des
clients douteux. Alors que les sommes avaient été créditées sous
réserve de
bonne fin, la banque ayant fait savoir que le compte pouvait être
redébité en
cas de non recouvrement des chèques, la presque totalité des montants
crédités avaient été immédiatement transférée sur le CCP et avait
servi à
payer des fournisseurs et des dettes, ainsi qu'à augmenter le salaire
des
administrateurs. Une telle précipitation était douteuse de la part
d'anciens
traders qui devaient connaître les conséquences de l'encaissement de
chèques
non provisionnés.

C.
C.________ et W.________ forment un recours de droit public contre ce
dernier
arrêt. Ils en demandent l'annulation, ainsi que la confirmation de la
décision de levée du séquestre rendue par le juge d'instruction.
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. Le
Ministère
public s'en remet à dires de justice. Le juge d'instruction a renoncé
à se
déterminer. La BCV conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis, notamment en ce qui concerne le recours de droit
public
(ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93 et les arrêts cités).

1.1 Le recours est dirigé contre une mesure de saisie conservatoire,
restaurée en dernière instance cantonale. Le recours satisfait aux
exigences
de l'art. 87 OJ car, s'il est dirigé contre une décision incidente, la
jurisprudence considère que les décisions de saisie engendrent
généralement
un préjudice irréparable, en particulier lorsqu'elles portent sur des
valeurs
patrimoniales (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 100): l'atteinte au
patrimoine de
l'intéressé, temporairement privé de la libre disposition des objets
ou
avoirs séquestrés, n'est pas susceptible d'être réparée par une
décision
ultérieure favorable (cf. les arrêts cités dans l'ATF 126 I 97
précité, ATF
82 I 145 consid. 1 p. 148).

1.2 Titulaires du compte visé, les recourants ont qualité pour agir
au sens
de l'art. 88 OJ.

1.3 Les recourants concluent non seulement à l'annulation de l'arrêt
cantonal, mais également à ce que l'ordonnance de levée de la saisie,
rendue
par le juge d'instruction, soit confirmée et rendue exécutoire. Le
principe
de la nature cassatoire du recours de droit public connaît certaines
exceptions, lorsque la simple annulation de l'arrêt attaqué ne suffit
pas au
rétablissement de l'ordre constitutionnel. Ces exceptions sont
clairement
définies par la jurisprudence (libération d'un prévenu - ATF 124 I
327 -,
mainlevée d'opposition - ATF 126 III 536 -, octroi d'une autorisation
- ATF
115 Ia 134; cf. les autres exemples mentionnés dans l'ATF 124 I 327
consid.
4b p. 332-333), et il n'y a pas lieu de les étendre au recours dirigé
contre
la saisie d'un compte bancaire; en cas d'admission d'un tel recours,
l'autorité cantonale n'a pas à prendre de mesures d'exécution
particulières
et la levée de la saisie peut avoir lieu pratiquement sans délai. La
conclusion allant au-delà de l'annulation de l'arrêt attaqué est par
conséquent irrecevable.

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., les recourants se plaignent d'une
appréciation
arbitraire des preuves. La cour cantonale a considéré comme suspecte
leur
attitude consistant à maintenir des relations avec des clients
douteux, à
exiger des paiements par chèques - au lieu de virements bancaires -,
et à
transférer immédiatement les montants crédités alors que ceux-ci
l'étaient
sous réserve de bonne fin, réserve dont la portée ne pouvait pas
échapper aux
recourants. Ces derniers relèvent qu'ils étaient eux-mêmes sceptiques
quant à
la couverture des chèques, qu'ils avaient à plusieurs reprises demandé
confirmation de la banque quant à la disponibilité des fonds
crédités, que
celle-ci avait donné des assurances à ce sujet, qu'ils ignoraient que
la
réserve de "bonne fin" impliquait la possibilité de redébiter de leur
compte
en cas de défaut de couverture, et que le transfert sur le CCP était
justifié
par des raisons de sécurité et par l'absence d'intérêts sur le compte
bancaire. L'arrêt attaqué méconnaîtrait par ailleurs la négligence
commise
par la banque en créditant des montants provenant de chèques non
vérifiés.

2.1 Une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle viole
gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la
justice et
de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue
que si
celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation
effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation
d'un
droit certain. La décision doit apparaître arbitraire tant dans ses
motifs
que dans son résultat (ATF 128 I 273 consid. 2.2 p. 275, 126 I 168
consid. 3a
p. 170 et la jurisprudence citée).

2.2 Le séquestre pénal ordonné par le juge d'instruction est une
mesure
conservatoire fondée sur le droit cantonal - en l'espèce, l'art. 223
al. 1 du
code de procédure pénale vaudois -, destinée à permettre l'exécution
d'une
mesure de confiscation que le juge du fond pourrait être amené à
prononcer,
en vertu de l'art. 59 CP. Dans ce cadre, il est exclu pour l'autorité
compétente d'examiner si toutes les conditions nécessaires à une
confiscation
sont réunies. Un tel examen est souvent impossible tant que
l'instruction de
la cause n'est pas totalement achevée (ATF 116 Ib 96 consid. 3a p.
100) et
tant que subsiste une probabilité de confiscation, l'intérêt public
commande
le maintien du séquestre pénal (SJ 1994 p. 97, 102).

2.3 En dépit de l'argumentation à décharge présentée par les
recourants, et
appuyée par la décision du juge d'instruction et le rapport de
police, la
possibilité d'une confiscation ne peut être exclue à ce stade de la
procédure. En l'état, il est établi que les recourants connaissaient
le
caractère douteux de certains de leurs clients, et pouvaient redouter
que des
chèques ne seraient pas couverts. Il est également constant que le
compte
bancaire a été débité, presque immédiatement après réception des
crédits,
d'un montant équivalent placé sur le CCP. Quelles que soient les
explications
avancées à ce sujet par les recourants, il n'est pas arbitraire de
soupçonner
que ceux-ci ont ainsi voulu se prémunir contre une tentative de la
banque de
récupérer les fonds. Une incertitude subsiste également sur la portée
que les
recourants pouvaient de bonne foi attribuer à la réserve de bonne fin
formulée par la banque, et sur les assurances que cette dernière
aurait
données quant à la disponibilité des fonds. Les arguments des
recourants,
contredits par les affirmations de la banque, ne permettent pas
d'apporter
une réponse définitive à cette question. L'arrêt cantonal n'est, par
conséquent, pas arbitraire.

3.
Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté, aux frais
de
leurs auteurs. Une indemnité de dépens est allouée à la banque
intimée, à la
charge des recourants.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge des
recourants.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à la Banque cantonale
vaudoise, à la charge solidaire des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au Juge
d'instruction de l'arrondissement de la Côte, au Procureur général et
au
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 mars 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.41/2003
Date de la décision : 13/03/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-13;1p.41.2003 ?
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