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12/03/2003 | SUISSE | N°I.170/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mars 2003, I.170/02


{T 7}
I 170/02

Arrêt du 12 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi
et Ferrari. Greffier : M. Métral

D.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762
Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 7 février 2002)

Faits :

A.

D. ________, né en 1955, a exercé la profession de maçon jusqu'au 12
avril
1995. Depuis cette date, son médecin traitant, le docteur C._...

{T 7}
I 170/02

Arrêt du 12 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi
et Ferrari. Greffier : M. Métral

D.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762
Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 7 février 2002)

Faits :

A.
D. ________, né en 1955, a exercé la profession de maçon jusqu'au 12
avril
1995. Depuis cette date, son médecin traitant, le docteur C.________,
atteste
d'une incapacité de travail totale, en raison de cervico-brachialgies
bilatérales, dysbalances musculaires, dorso-lombo-sciatalgies
bilatérales,
PSH bilatérale, troubles sensitifs L5-S1 gauche et troubles statiques
et
dégénératifs du rachis. Du 16 janvier au 5 février 1996, D.________ a
séjourné à l'Etablissement thermal Z.________, dont les médecins
mirent en
évidence une tendance à la fibromyalgie ainsi qu'un état dépressif.
Soupçonnant une composante psychogène non négligeable dans les
douleurs de
l'assuré, ils proposèrent l'introduction d'un traitement
antidépresseur
tricyclique, de séances ambulatoires de relaxation, et la
consultation d'un
psychiatre. Le docteur V.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique, a
également été consulté, le 31 mai 1996, et a lui aussi ajouté au
diagnostic
posé par le docteur C.________ une tendance à la fibromyalgie, une
surcharge
psychogène et un état dépressif, avant de recommander une prise en
charge
psychiatrique.

Entre-temps, D.________ a adressé, le 1er mars 1996, une demande de
prestations à l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg
(ci-après : l'office AI), auquel son nouveau médecin traitant, le
docteur
G.________, a décrit une incapacité de travail totale dans la
profession de
maçon. Ce praticien indiquait avoir choisi d'assurer un soutien
psychologique
à son patient et lui avoir prescrit un antidépresseur, et suggérait
la mise
en oeuvre d'un stage d'observation professionnelle en vue d'un
reclassement à
entreprendre, à moyen terme, dans une profession pouvant être exercée
à
mi-temps, sans port de lourdes charges, et permettant l'alternance des
positions de travail (rapport du 12 octobre 1996). Un stage dans un
centre
d'évaluation professionnelle de l'assurance-invalidité (ci-après :
CEPAI) fut
donc mis en oeuvre, au terme duquel les maîtres de stage décrivirent
l'assuré
comme incapable d'envisager un reclassement dans une nouvelle
profession; le
peu d'intérêt manifesté pour les travaux qu'ils lui avaient confiés
leur
donnait à penser qu'il était capable d'un rendement bien supérieur à
celui
dont il avait fait preuve en atelier (de 18 à 37 %, selon les tâches;
rapport
du 16 mai 1997 du CEPAI).

L'office AI mit alors en oeuvre une expertise psychiatrique, dont il
confia
la réalisation au docteur H.________. Celui-ci examina l'assuré le 21
novembre 1997 et indiqua qu'il ne présentait plus, au moment de
l'expertise,
qu'une dépression réactionnelle modérée, sans influence sur sa
capacité de
travail (rapport du 5 décembre 1997). Quelques mois plus tard, le
docteur
R.________, du service de rhumatologie, médecine physique et
réhabilitation
du Centre hospitalier Y.________, faisait état d'une capacité de
travail de
50 % dans la profession de maçon, et de 80 % dans une activité
n'imposant pas
de travaux en position penchée en avant ou d'effort lourd, ni de lever
régulièrement les bras en-dessus du niveau des épaules (rapport du 24
avril
1998).
Par décision du 23 septembre 1999, l'office AI reconnut l'assuré
invalide à
raison de 42 % et lui alloua un quart de rente, avec effet dès le 1er
avril
1996.

B.
B.aD.________ déféra la cause au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité,
sous
suite de dépens. En cours de procédure, il produisit une expertise
privée
réalisée par le docteur B.________, psychiatre, qui attestait d'une
incapacité de travail de 60 % dans une activité adaptée sur le plan
physique
(rapport du 1er septembre 2000). L'assuré produisit également un
rapport
établi le 7 février 2000 par le docteur L.________, du service
d'anesthésiologie et antalgie de l'Hôpital de X.________, dans lequel
ce
praticien posait le diagnostic de fibromyalgie et de dépression
grave, et
indiquait que ces atteintes avaient "un retentissement de 30 à 50 %
sur
l'incapacité de travail".

B.b Ayant pris connaissance de ces nouvelles pièces, l'office AI
ouvrit une
procédure de révision du droit à la rente et demanda un rapport
complémentaire au docteur H.________. Celui-ci examina l'assuré les
11 et 22
décembre 2000 et conclut à une incapacité de travail de 50 % dès le
mois de
septembre 2000, en raison d'une aggravation de son état dépressif
(rapport du
22 décembre 2000).

Par décision du 30 avril 2001, l'office AI remplaça le quart de rente
alloué
initialement à l'assuré par une rente entière, fondée sur un taux
d'invalidité de 71 %, avec effet dès le 1er décembre 2000.

B.c Par jugement du 7 février 2002, le Tribunal administratif du
canton de
Fribourg rejeta le recours formé contre la décision du 23 septembre
1999 de
l'office AI.

C.
D.________ interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut, sous suite de dépens, à ce
qu'une
rente entière d'invalidité lui soit allouée, avec effet dès le 1er
avril
1996. L'office intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales
apprécie
la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après
l'état de
fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF
121 V 366
consid. 1b et les arrêts cités). Les faits survenus postérieurement,
et qui
ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une
nouvelle
décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et la référence). En
l'espèce, le litige porte donc sur le droit du recourant à une rente
d'invalidité, eu égard à l'ensemble des circonstances survenues
jusqu'au
moment de la décision administrative litigieuse du 23 septembre 1999.

2.
2.1Le jugement entrepris expose le contenu des art. 4 et 28 LAI, dans
leur
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, applicable en l'espèce
(cf. ATF
127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Sur ces points, il
convient donc
d'y renvoyer.

2.2 On ajoutera que selon l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente
prend
naissance au plus tôt à la date dès laquelle l'assuré présente une
incapacité
de gain durable de 40 pour cent au moins, ou dès qu'il a présenté, en
moyenne, une incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant
une année
sans interruption notable. La rente est allouée dès le début du mois
au cours
duquel le droit à la rente a pris naissance, mais au plus tôt dès le
mois qui
suit le dix-huitième anniversaire de l'assuré (art. 29 al. 2 LAI).

Par ailleurs, si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a
lieu de
considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie
de son
droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que
l'amélioration
constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de
même
lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans
interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à
craindre
(art. 88a RAI, en relation avec l'art. 41 LAI, applicable en l'espèce
tel
qu'avant son abrogation le 1er janvier 2003 par suite de l'entrée en
vigueur
de la LPGA; cf. arrêts cités au consid. 2.1 ci-dessus). Cette
réglementation
vaut également pour l'octroi, avec effet rétro-actif, d'une rente
dégressive
et/ou temporaire (ATF 109 V 125; VSI 2001 p. 275 consid. 1a).

3.
Les premiers juges ont admis que le recourant disposait, eu égard à
ses
seules atteintes à la santé physique, d'une capacité de travail de 80
% dans
une activité telle que décrite par le professeur R.________ dans son
rapport
du 24 avril 1998. Sur la base de cette capacité de travail
résiduelle, la
juridiction cantonale a reconnu à l'assuré un taux d'invalidité de 42
%, tout
en niant une atteinte supplémentaire à sa capacité de gain par des
troubles
d'ordre psychique. En particulier, une incapacité de travail en
raison de
tels troubles ne pouvait être admise antérieurement au mois de
septembre
2000, sur la base des rapports des 7 février, 1er septembre et 22
décembre
2000 des docteurs L.________, B.________ et H.________; demeurait
réservée
une brève période d'incapacité de travail au printemps 1996, de durée
toutefois insuffisante pour ouvrir droit à une rente entière
d'invalidité.

4.
4.1Il ressort des rapports des 5 décembre 1997 et 22 septembre 2000 du
docteur H.________ que le recourant a souffert d'atteintes
réactionnelles à
sa santé psychique dès le printemps 1995. L'expert a expressément
indiqué
qu'elles avaient eu des répercussions négatives sur la capacité de
travail de
D.________ en 1995 et 1996. D'intensité variable, ces atteintes à la
santé
psychiques ont notamment été atténuées grâce au soutien psychologique
assuré
par le docteur G.________ dès le mois de juillet 1996, au point de
n'avoir
plus d'influence sur la capacité de travail de l'assuré au moment de
son
entretien du 21 novembre 1997 avec l'expert; elles se sont par la
suite
aggravées et ont à nouveau entraîné une limitation de la capacité de
travail
de l'assuré, dans le courant de l'année 2000.

4.2 Ces constatations sont corroborées par les rapports médicaux
établis par
les différents médecins auxquels l'assuré s'est adressé entre 1995 et
1996.
En particulier, les médecins de l'Etablissement thermal Z.________ ont
proposé une reprise du travail à temps partiel, moyennant
l'introduction d'un
traitement spécifique sur le plan psychiatrique. Pour sa part, le
docteur
V.________ a suggéré une reprise du travail par l'assuré, comme
surveillant
de parking ou de chantier, essentiellement pour éviter une péjoration
de sa
santé psychique ("pour l'occuper", "quitte à ce que son travail soit
peu
productif"). Enfin, le docteur G.________ a estimé la situation figée
depuis
le mois d'avril 1995 et indiqué que seule une profession exercée à
mi-temps
serait praticable, moyennant certaines limitations sur le plan
physique.

Ces rapports médicaux ne permettent certes pas de tenir pour établie,
au
degré de la vraisemblance prépondérante, une incapacité de travail
totale de
l'assuré en 1995 et 1996; mais à tout le moins démontrent-ils, dans
la mesure
requise, l'existence d'une incapacité de travail de 50 % dans une
activité
telle que décrite par le docteur G.________. Par ailleurs, les
rapports
médicaux figurant au dossier ne permettent pas de retenir une
amélioration
durable de la situation de l'assuré avant son examen par le docteur
H.________, en novembre 1997. Ce médecin ne s'est pas prononcé
expressément
sur l'influence des troubles psychiques de l'assuré sur sa capacité de
travail pendant l'année 1997, avant la réalisation de son expertise,
le
docteur G.________ ayant pour sa part décrit une situation médicale
stationnaire depuis son rapport du 12 octobre 1996, après avoir
examiné
l'assuré en juillet 1997 (rapport du 19 août 1997).

4.3 Contrairement à ce que soutient le recourant, les rapports des
docteurs
L.________ et B.________ ne permettent pas de tirer de conclusions
relatives
à l'évolution de sa capacité de travail jusqu'au moment de la décision
litigieuse. Le docteur L.________ ne l'a pas examiné avant le 7
février 2000
et ne s'est pas prononcé sur sa capacité de travail avant cette date.
Quant
au docteur B.________, il a précisé s'être fondé sur ses observations
lors
d'entretiens effectués les 11 avril, 10 mai, 31 mai et 5 juillet 2000;
d'après lui, l'incapacité de travail de l'assuré était logiquement
survenue
avant le 1er septembre 2000, voire antérieurement à l'année 2000,
mais il lui
était difficile de se prononcer sur une période précédant le début de
son
mandat d'expert. Son rapport ne suffit donc pas à établir une
incapacité de
travail supérieure à 50 %, jusqu'au 21 novembre 1997, dans une
activité
physiquement adaptée; il ne permet pas davantage, postérieurement à
cette
date et jusqu'à la décision administrative litigieuse, de s'écarter
de la
capacité de travail de 80 % attestée par le docteur R.________ (cf.
également
le certificat médical établi le 23 juin 1998 par le docteur
G.________) et
retenue par les premiers juges.

5.
Pour la détermination du taux d'invalidité de l'assuré, l'office AI a
admis
un revenu sans invalidité de 62'660 fr. par année. Cette
appréciation, fondée
sur les renseignements recueillis auprès de l'ancien employeur de
D.________,
doit être approuvée.

Il n'y a pas davantage d'objection à soulever contre l'évaluation, par
l'office intimé, du revenu que pourrait réaliser l'assuré dans une
activité
exercée avec un rendement de 80 %, dans une activité physiquement
adaptée
(36'400 fr. par an), correspondant à sa capacité de travail
résiduelle dès le
mois de novembre 1997 et jusqu'au moment de la décision administrative

litigieuse. En revanche, pour la période courant du 13 avril 1995 au
21
novembre 1997, le recourant présentait une capacité de travail de 50
% - au
lieu de 80 % - dans une activité physiquement adaptée. Par
conséquent, le
revenu qu'il pouvait réaliser sans invalidité était de 22'750 fr. -
au lieu
de 36'400 fr. - par an, ce qui portait son taux d'invalidité à 63 %.

Il s'ensuit que D.________ pouvait prétendre une demi-rente de
l'assurance-invalidité dès le 1er avril 1996, ayant présenté dès le
13 avril
1996, en moyenne, une incapacité de travail de 40 % au moins pendant
une
année sans interruption notable. Il convient toutefois de réduire
cette
prestation à un quart de rente, fondé sur un taux d'invalidité de 42
%, dès
le 1er mars 1998, date à laquelle l'amélioration de la capacité de
gain de
l'assuré avait duré trois mois déjà, sans interruption notable et
sans qu'une
complication prochaine fût à craindre. Demeure évidemment réservée la
révision de ce droit par l'office AI, eu égard à une modification des
circonstances postérieure à la décision administrative litigieuse du
23
septembre 1999 (cf. consid. 1 supra). Par ailleurs, l'intimé tiendra
compte,
dans le calcul des prestations dues au recourant, des indemnités
journalières
dont celui-ci a bénéficié pendant son stage au CEPAI, conformément à
l'art.
20ter RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002;
arrêts cités
au consid. 2.1 supra).

6.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, de
sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, vu l'issue du
procès,
le recourant peut prétendre une indemnité de dépens, à charge de
l'office
intimé (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du 7 février 2002 du
Tribunal administratif du canton de Fribourg ainsi que la décision du
23
septembre 1999 de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Fribourg
sont annulés en ce sens que le recourant a droit à une demi-rente
d'invalidité pour la période du 1er avril 1996 au 28 février 1998. La
cause
est retournée à l'office intimé afin qu'il détermine le montant dû, à
ce
titre, au recourant, conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg versera au
recourant
la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre
de
dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg statuera à nouveau
sur les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue du procès.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, à la Caisse de
compensation
du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.170/02
Date de la décision : 12/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-12;i.170.02 ?
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