La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2003 | SUISSE | N°4C.29/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mars 2003, 4C.29/2003


{T 0/2}
4C.29/2003 /ech

Arrêt du 12 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Caroline Ferrero Menut,
avocate,
case postale 59, 1211 Genève 29,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel, avocat, la
Tour
Saugey, rue du 31-Décembre 47, 1207 Genève.

conclusion d'un contrat de bail,

recours en réforme contre l'arrêt d

e la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 décembre 2002.

Faits:

A.
A.a A.______...

{T 0/2}
4C.29/2003 /ech

Arrêt du 12 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Caroline Ferrero Menut,
avocate,
case postale 59, 1211 Genève 29,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel, avocat, la
Tour
Saugey, rue du 31-Décembre 47, 1207 Genève.

conclusion d'un contrat de bail,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 12 décembre 2002.

Faits:

A.
A.a A.________, architecte, était propriétaire d'immeubles. Ces
immeubles ont
fait l'objet d'une exécution forcée et ont été adjugés à X.________
SA au
printemps 2000.

L'immeuble est occupé partiellement par l'atelier d'architecture de
A.________ et par la société Y.________ SA. En exécution d'un contrat
de bail
conclu oralement avec X.________ SA, Y.________ SA verse à celle-ci
deux
loyers mensuels, l'un de 500 fr., l'autre de 1'000 fr.

Les immeubles, soit deux villas, sont occupés par A.________ et sa
famille
depuis 18 ans. Ils ont été adjugés à X.________ SA le 12 mai 2000.

A.b Le 18 juillet 2000, A.________ et B.________, administrateur de
X.________ SA, se sont rencontrés et ont eu une discussion à propos
du sort
des deux villas.

En date du 21 juillet 2000, A.________ a écrit la lettre suivante à
la Régie
Z.________ SA:
"Suite à l'entretien du 18 courant avec Monsieur B.________, je vous
transmets ci-dessous ma proposition pour louer le bâtiment cité en
référence
[i.e. les villas], soit:
Bail de 5 ans débutant au 1er septembre 2000.
Montant de la location CHF 2'500.-/mois ramené à CHF 2'000.-/mois
bloqué,
avec la clause selon laquelle je m'abstiendrai de toute demande de
travaux
d'entretien et de réfection du bâtiment durant toute la durée du bail.
En effet, le bâtiment comporte de nombreux problèmes qu'il va falloir
régler
très rapidement: ...
Cession du chalet à bien plaire en compensation de la période qui
nous amène
à la signature du bail.
..."
Cette lettre n'a pas reçu de réponse.

Le 3 octobre 2000, A.________ a écrit à la Régie Z.________ SA une
nouvelle
lettre dont la teneur est la suivante:
"Messieurs,

Lors d'un entretien téléphonique le 26 septembre 2000, Monsieur
B.________
m'a informé avoir consulté pour X.________ SA, Monsieur C.________
collaborateur de la Banque W.________, au sujet de ma proposition de
bail à
loyer selon mon courrier du 21 juillet 2000 pour mon logement cité en
référence.
Monsieur B.________ m'a indiqué que Monsieur C.________ n'accepte
rien et que
malheureusement ses efforts n'ont pas abouti.

Dans l'immédiat, je ne vois pas d'autre solution que de payer en
votre faveur
mon loyer de CHF 2'000.- par mois dès le 1er septembre et c'est ce à
quoi je
procède aujourd'hui même ..."

B.
Par demande déposée le 16 novembre 2000 devant la Commission de
conciliation
en matière de baux et loyers, A.________ a requis la constatation du
fait
qu'un contrat de bail avait été conclu entre lui-même et X.________
SA au
sujet des immeubles, moyennant paiement d'un loyer de 2'000 fr. par
mois.

De son côté, X.________ SA a ouvert une action en revendication à
l'encontre
de A.________. Cette procédure a été suspendue jusqu'à droit connu sur
l'action introduite par le demandeur.

La cause n'ayant pas été conciliée, le demandeur a saisi le Tribunal
des baux
et loyers du canton de Genève en date du 28 février 2001.

La défenderesse X.________ SA a conclu au déboutement du demandeur de
toutes
ses conclusions.

Le Tribunal des baux et loyers a procédé à une double audience de
comparution
personnelle des parties. Il en est ressorti que la défenderesse
n'avait
jamais été d'accord de conclure un bail avec le demandeur,
spécifiquement
quant à l'objet de la location et au montant du loyer, désireuse
qu'elle
était de fixer le loyer à 3'500 fr. par mois et par villa, la
solvabilité du
défendeur n'étant de surcroît pas admise.

Statuant le 3 juin 2002, le Tribunal des baux et loyers a rejeté
l'action en
constatation de droit.

Saisie par le demandeur, la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers a
confirmé le jugement de première instance. A l'instar du Tribunal des
baux et
loyers, elle a constaté d'entrée de cause, sur la base des
déclarations des
parties et des pièces produites, qu'il n'existait pas d'accord entre
elles au
sujet de l'objet du bail (une villa ou deux) et du montant du loyer
(2'000
fr. pour les deux villas ou 3'500 fr. par villa). Selon la cour
cantonale, il
n'y avait donc pas lieu de pousser plus avant l'examen en tentant de
déterminer la valeur locative sur la base des expertises faites dans
le cadre
de l'exécution forcée. Quant à l'existence d'un accord tacite, les
juges
d'appel ont écarté cette hypothèse, faute d'indices concluants. A
leur avis,
rien, dans le comportement de la défenderesse, postérieurement au 21
juillet
2000, ne permettait d'inférer qu'elle était favorable à la signature
d'un
bail à loyer selon les propositions faites par le demandeur. En
particulier,
le fait qu'elle n'avait pas réagi entre mai 2000 (moment de
l'adjudication)
et octobre 2000 ne saurait être interprété en sa défaveur, les égards
dus à
la famille occupant les lieux de longue date nécessitant pour le
moins une
retenue humainement explicable. Au demeurant, la durée écoulée était
insuffisante pour admettre l'existence d'un bail tacite. Par
conséquent, dès
lors que le demandeur avait échoué dans l'administration de la preuve,
directe ou indirecte, de l'existence d'un accord exprès ou tacite, les
mesures probatoires complémentaires requises par lui avaient été
refusées à
juste titre.

C.
Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur requiert
l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, il conclut,
principalement, au
renvoi de la cause à la cour cantonale, afin qu'elle statue dans le
sens des
considérants, tout en reprenant, à titre subsidiaire, la conclusion
constatatoire qu'il a soumise aux juridictions cantonales.

La défenderesse n'a pas été invitée à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à
faire
constater l'existence d'un contrat de bail et dirigé contre un
jugement final
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
48 al. 1
OJ), le recours en réforme du demandeur est en principe recevable,
puisqu'il
a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes
requises
(art. 55 OJ). Certes, contrairement à l'opinion du demandeur, la
présente
contestation revêt assurément un caractère pécuniaire, eu égard à son
objet
(cf. Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen, n.
57). Toutefois, compte tenu du loyer mensuel (2'000 fr.) que le
prétendu
locataire devrait verser si l'existence du bail était reconnue et de
la durée
indéterminée de
celui-ci, il n'est pas douteux que la valeur litigieuse minimale dont
dépend
la recevabilité du recours en réforme (art. 46 OJ) est atteinte en
l'espèce
(cf. art. 36 al. 5 OJ).

2.
2.1Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais non
pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43
al. 1 OJ)
ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c; 126
III 189
consid. 2a, 370 consid. 5).
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations
reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci a considéré
à tort
des faits régulièrement allégués comme sans pertinence (art. 64 OJ;
ATF 127
III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Si la partie recourante
présente
un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée sans
se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent
d'être
rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248
consid.
2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de
fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
L'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent ne
peuvent donner lieu à un recours en réforme (ATF 127 III 543 consid.
2c p.
547; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

2.2 Le présent recours ne respecte guère ces règles et principes. Pour
l'essentiel, son auteur se borne, en effet, à présenter sa propre
version des
faits et à compléter à sa manière les constatations de la cour
cantonale.

Ainsi, toutes les considérations émises par le demandeur au sujet des
crédits
accordés par la Banque W.________ "à de petits promoteurs avant la
crise
immobilière" tombent à faux, car elles ne trouvent aucun écho dans
les faits
retenus par la Chambre d'appel.

Il en va de même des allégations relatives aux rapports que ladite
banque
entretenait avec la défenderesse et à l'influence qu'ils ont pu avoir
sur
celle-ci dans ses relations avec le demandeur.

Ne sont pas non plus admissibles les affirmations du demandeur
touchant le
déroulement de l'entretien qu'il a eu le 18 juillet 2000 avec
B.________, en
tant qu'elles s'écartent des constatations faites à ce sujet par les
juges
d'appel.

Il s'ensuit que le présent recours est en grande partie irrecevable,
dès lors
qu'il prend appui sur des éléments de fait dont la juridiction
fédérale de
réforme ne peut pas tenir compte.

3.
Dans un premier moyen, le demandeur reproche à la cour cantonale
d'avoir
violé l'art. 8 CC en refusant d'administrer des preuves propres à
établir des
faits pertinents et contestés.
De la disposition citée a été déduit, notamment, un droit à la preuve
et à la
contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). Pour
que
cette règle soit violée par le refus d'administrer une preuve, il
faut que la
partie ait offert régulièrement, dans les formes et les délais prévus
par la
loi de procédure applicable (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219
consid.
3c), de prouver un fait pertinent (ATF 126 III 315 consid. 4a; 123
III 35
consid. 2b p. 40; 122 III 219 consid. 3c) par une mesure probatoire
propre à
l'établir (cf. ATF 90 II 219 consid. 4b; Corboz, Le recours en
réforme au
Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 40). Une mesure probatoire peut
cependant
être refusée par une appréciation anticipée des preuves, qui ne peut
être
réexaminée dans un recours en réforme(ATF 127 III 519 consid. 2a; 126
III 315
consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c). En effet, si le juge estime que
sa
conviction est déjà faite et que la mesure probatoire sollicitée est
inutile,
il procède à une appréciation des preuves, qui ne peut être revue
dans un
recours en réforme, puisque l'art. 8 CC ne prescrit pas quelles sont
les
mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127 III 519
consid. 2a)
ni comment le juge peut forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid.
2d p.
25; 127 III 248 consid. 3a, 519 consid. 2a).

En l'espèce, la Chambre d'appel, à l'instar des premiers juges, a
constaté
d'emblée, sur la base des déclarations faites par les parties et des
pièces
produites, qu'il n'y avait pas eu d'accord entre le demandeur et la
défenderesse au sujet des éléments essentiels du contrat de bail que
constituent la chose louée et le montant du loyer. Pour cette raison,
elle a
jugé superflu d'administrer d'autres preuves sur ce point. La cour
cantonale
a ainsi procédé à une appréciation anticipée des preuves, estimant
que sa
conviction était déjà faite et que les mesures sollicitées ne
pouvaient pas
la modifier. Cette question relève de l'appréciation des preuves, qui
ne peut
être revue dans un recours en réforme, et non pas de l'art. 8 CC,
lequel n'a
donc pas été violé.

4.
Le demandeur, citant les art. 2 al. 1 CC et 6 CO, invoque, par
ailleurs, la
violation des principes relatifs à "la portée du silence du
destinataire d'un
accord". Selon lui, la défenderesse aurait dû réagir, à réception de
son
courrier du 21 juillet 2000, si, comme elle le soutient, aucun accord
n'avait
été trouvé lors de l'entretien qu'ils avaient eu trois jours plus tôt.

En principe, le silence ne vaut pas acceptation. Cependant, suivant
les
circonstances et conformément au principe de la confiance, le
destinataire
qui ne réagit pas à une lettre de confirmation est censé avoir
accepté une
offre nouvelle si l'auteur, de bonne foi, s'écarte de l'accord oral
ou se
réfère de bonne foi à un accord qu'il croit parfait (arrêt
4C.303/2001 du 4
mars 2002, publié in SJ 2002 I 363, consid. 2b et les références).

En l'occurrence, le demandeur lui-même a utilisé le terme de
"proposition"
dans la lettre en question. Quoi qu'il en dise, on pouvait attendre
de lui,
en sa qualité d'architecte, qu'il fasse la différence entre une
proposition,
c'est-à-dire une offre, et la confirmation d'un accord oral conclu
antérieurement. On peut d'autant moins voir dans cet écrit une lettre
de
confirmation,
stricto sensu, qu'à la fin de ladite lettre, le
demandeur
réservait "la signature du bail" en proposant à la défenderesse un
type
particulier d'indemnisation - la cession du chalet - pour la période
transitoire.

D'ailleurs, comme la cour cantonale a constaté souverainement que les
parties
n'étaient tombées d'accord ni sur l'objet du bail ni sur le montant
du loyer
lors de leur entrevue du 18 juillet 2000, la défenderesse ne pouvait
pas se
rendre compte, dans ces circonstances, que le demandeur
interpréterait son
silence comme une preuve de sa volonté d'accepter la "proposition"
qu'il lui
avait soumise. Quant au demandeur, il pouvait d'autant moins
attribuer une
telle signification à ce silence que, ayant dû se séparer récemment
des
immeubles en cause à la suite d'une vente aux enchères forcées, il
devait
bien envisager la possibilité que la défenderesse exigeât de sa part
des
garanties financières avant de se lier à lui par contrat.

Pour le surplus, il faut admettre, avec la cour cantonale, que la
seule
absence de réaction de la défenderesse entre mai et octobre 2000 était
insuffisante pour conclure à l'existence d'un bail tacite. A cet
égard, les
motifs de caractère humanitaire avancés par les juges d'appel pour
expliquer
l'absence de réaction immédiate de la défenderesse paraissent tout à
fait
plausibles, et le demandeur allègue derechef un fait non constaté
lorsqu'il
soutient que la défenderesse et la Banque W.________n'ont jamais fait
preuve
de la plus petite once de respect ou de considération à son égard.

La violation du droit fédéral invoquée n'existe donc pas dans la
présente
espèce.

5.
Dans une argumentation confuse et émaillée d'assertions de fait
nouvelles, le
demandeur se plaint encore de la violation du principe de la
confiance. On ne
discerne pas, à la lecture de cette partie du recours, en quoi ce
dernier
grief se distinguerait du précédent. Il convient, par conséquent, de
lui
réserver le même sort.

6.
Le demandeur, qui succombe, devra supporter les frais de la procédure
fédérale (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, il n'aura pas à indemniser
la
défenderesse puisque celle-ci n'a pas été invitée à déposer une
réponse au
recours.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 12 mars 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.29/2003
Date de la décision : 12/03/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-12;4c.29.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award