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11/03/2003 | SUISSE | N°U.13/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mars 2003, U.13/02


{T 7}
U 13/02

Arrêt du 11 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente,
Rüedi et Ferrari. Greffier : M. Wagner

Q.________, recourant,

contre

GENERALI Assurances Générales, 1, rue de la Fontaine, 1211 Genève 3,
intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
Q. ________, né le 24 mai 1972, a été engagé dès le 17 janvier 1996 en
qualité de chauffeur-livreur par l'entreprise B.________

SA. A ce
titre, il
était assuré contre le risque d'accident par la Compagnie Générale
d'Assurances UNION SUISSE.
Le 23 juin...

{T 7}
U 13/02

Arrêt du 11 mars 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente,
Rüedi et Ferrari. Greffier : M. Wagner

Q.________, recourant,

contre

GENERALI Assurances Générales, 1, rue de la Fontaine, 1211 Genève 3,
intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 8 novembre 2001)

Faits :

A.
Q. ________, né le 24 mai 1972, a été engagé dès le 17 janvier 1996 en
qualité de chauffeur-livreur par l'entreprise B.________ SA. A ce
titre, il
était assuré contre le risque d'accident par la Compagnie Générale
d'Assurances UNION SUISSE.
Le 23 juin 1998, Q.________ a été victime d'un accident lors de la
livraison
d'un photocopieur, au cours duquel il a subi une lésion de l'index de
la main
droite. Il a été opéré le même jour à l'Hôpital X.________, où le
chirurgien
a procédé à une fixation de la fracture par un embrochage et à une
suture du
lit de l'ongle. UNION SUISSE a pris en charge le cas et versé les
prestations
dues (frais médicaux et indemnités journalières).
Dans un rapport médical intermédiaire du 27 août 1998, le docteur
S.________,
médecin à l'Hôpital Y.________, a indiqué que le traitement était
terminé et
qu'une reprise du travail à 100 % était prévue depuis le 3 août 1998.
UNION SUISSE a demandé des renseignements à la Permanence de
L.________, où
le patient était venu pour un deuxième avis médical. Dans une
communication
du 20 août 1998, la doctoresse R.________, médecin-assistante, a
indiqué que
le status était calme et que l'ongle était en place. Elle constatait
une
hyposensibilité de l'extrémité pulpaire, une bonne vascularisation et
une
diminution de la mobilité de l'articulation interphalangienne
distale. Au vu
du status, il n'y avait pas d'indication chirurgicale à prolonger
l'arrêt de
travail. Le patient se montrant très angoissé à l'idée de reprendre le
travail prochainement, il lui avait été proposé de consulter à
nouveau son
médecin traitant, le docteur J.________.
À partir du 29 juillet 1998, Q.________ a consulté les médecins de la
Policlinique psychiatrique de Z.________. Dans plusieurs certificats
médicaux, le docteur C.________, chef de clinique adjoint, a attesté
dès
cette date une incapacité de travail à 100 %, pour raisons maladie,
d'une
durée indéterminée. Dans un avis du 24 septembre 1998, il a constaté
que le
discours du patient était centré sur la problématique de la lésion du
doigt.
Celui-ci avait de graves difficultés du sommeil avec des cauchemars
(reviviscence de l'accident). Dans un avis complémentaire du 3
décembre 1998,
il a indiqué que l'ensemble des critères nécessaires au diagnostic
d'un
stress post-traumatique n'étaient pas entièrement établis dans la
mesure où
rapidement après la prise en charge, l'assuré avait présenté une
symptomatologie dépressive modérée avec des symptômes somatiques, qui
s'étaient progressivement améliorés.
Le médecin-conseil d'UNION SUISSE a confié une expertise au docteur
O.________, spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie et médecin
répondant du Centre D.________. Dans un rapport du 31 mai 1999,
l'expert a
conclu que la reprise du travail, telle que définie par les
chirurgiens de la
Permanence de Longeraie était cohérente, les suites de l'incapacité de
travail dès le 29 juillet 1998 devant être mises sur le compte de la
maladie.
Un diagnostic de trouble de l'adaptation pouvait être évoqué. Il n'y
avait
plus aucune relation de causalité naturelle avec l'accident du 23
juin 1998
pour la symptomatologie psychique.
GENERALI Assurances, qui a succédé à UNION SUISSE, a informé
Q.________ que
la prise en charge du cas prenait fin le 28 juillet 1998 pour le
problème
psychique, la causalité entre l'accident du 23 juin 1998 et les
troubles
actuels n'étant plus donnée. Le 26 août 1999, l'assureur a confirmé
sa prise
de position, que Q.________ a contestée par la voie de l'opposition.
Par décision du 2 mars 2000, GENERALI Assurances a rejeté
l'opposition.

B.
Par jugement du 8 novembre 2001, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
a admis très partiellement le recours formé par Q.________ contre
cette
décision, celle-ci étant réformée d'office en ce sens qu'il avait
droit aux
prestations légales jusqu'au 2 août 1998 au soir, pour ce qui est
exclusivement des suites physiques de l'accident. Pour le surplus, il
a
rejeté le recours.

C.
Q.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en
concluant à la réforme de celui-ci en ce sens qu'il a droit à la
prise en
charge par GENERALI Assurances de l'ensemble des frais de traitements
psychiatriques découlant de l'accident du 23 juin 1998. Il demande
que soit
constaté de manière complète que cet accident est en relation de
causalité
avec ses troubles d'ordre psychique.

GENERALI Assurances conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet
du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé
d'observations.

Considérant en droit :

1.
1.1 Le litige porte sur le droit du recourant à la prise en charge par
l'assurance-accidents de ses troubles d'ordre psychique comme suites
de
l'accident du 23 juin 1998.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-accidents. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi
par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
La contestation a trait à la causalité.

2.1 Examinant la question de la causalité naturelle (à ce sujet, voir
ATF 126
V 322 consid. 5a, 122 V 417 consid. 2c, 119 V 337 consid. 1), les
premiers
juges, se fondant sur une prise de position du docteur C.________ du
14 avril
2000, ont considéré que ce praticien apportait des éléments
permettant de
douter des conclusions du docteur O.________. En effet, le recourant
n'avait
jamais présenté de pathologie psychiatrique avant la survenance de
l'accident, ayant mené à satisfaction une double activité d'artiste
et de
travailleur manuel, ce qui nécessitait un solide équilibre psychique.
En
outre, l'expert s'était appuyé sur des observations faites au mois de
mai
1999, époque postérieure de presque un an à l'accident incriminé. La
juridiction cantonale a retenu que la décompensation psychique
passagère
après l'accident n'aurait très vraisemblablement pas eu lieu sans cet
événement traumatique et que les troubles psychiques étaient ainsi en
relation de causalité naturelle avec celui-ci.
Il en résulte que la juridiction cantonale a admis la causalité
naturelle sur
la base de l'appréciation du docteur C.________ (avis complémentaire
du 4
février 1999 et prise de position du 14 avril 2000). Dès lors le
reproche du
recourant, selon lequel l'expertise du docteur O.________ du 31 mai
1999
semble avoir eu plus de poids que l'opinion de son médecin traitant,
est mal
fondé.

2.2 Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en
outre un
rapport de causalité adéquate (sur cette notion, cf. ATF 125 V 461
consid. 5a
et les références; RAMA 2002 n° U 470 p. 531 consid. 4a) entre
l'accident du
23 juin 1998 et l'incapacité de travail d'origine psychique survenue
dès le
29 juillet 1998.

2.2.1 Les premiers juges ont nié toute relation de causalité
adéquate, ce que
conteste le recourant, qui affirme avoir vécu l'accident incriminé
comme un
profond drame, puisque son rêve de devenir pianiste professionnel
s'effondrait.

2.2.2 De manière implicite, les premiers juges ont admis que
l'événement du
23 juin 1998 peut être qualifié d'accident de gravité moyenne au sens
de la
jurisprudence (RAMA 2002 n° U 449 p. 54 consid. 4a).

2.2.3 La question de savoir si le critère de la gravité ou de la
nature
particulière des lésions physiques - compte tenu notamment du fait
qu'elles
sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques
-, est
à prendre en considération en matière d'accidents de la main ou des
mains a
reçu des réponses diverses dans la jurisprudence du Tribunal fédéral
des
assurances. Ainsi dans un arrêt non publié M. du 13 juin 1996 (U
233/95), un
serrurier avait eu la main droite coincée dans une machine avec comme
résultat une amputation totale du pouce, de l'index, du majeur et de
l'auriculaire et partielle de l'annulaire. Le tribunal avait admis la
causalité adéquate avec les suites psychiques survenues quinze mois
plus
tard; il avait considéré que cet accident se situait à la limite
supérieure
des accidents de moyenne gravité et que, notamment, le critère de la
nature
particulière de la blessure était donné dès lors que la main
dominante,
déterminante pour cette profession, avait été lésée, que l'accident
obligeait
à un changement de profession et que les blessures portaient atteinte
au
fondement de l'existence.

L'arrêt non publié K. du 14 novembre 1996 (U 5/94) concernait un
scieur dont
la main gauche avait été prise dans la chaîne de la machine;
l'auriculaire
avait été amputé, alors que l'annulaire douloureux ne pouvait plus
être
utilisé et qu'une atrophie des autres doigts persistait. La causalité
adéquate entre cet accident de moyenne gravité et les suites
psychiques avait
été niée, l'application du critère de la nature particulière de la
blessure
étant écartée. Les mêmes conclusions ont été retenues dans l'arrêt
non publié
K. du 17 décembre 1996 (U 185/96). Un aide-serrurier avait subi un
accident
avec une scie entraînant l'amputation des extrémités de deux doigts à
la main
droite et de trois doigts à la main gauche.
Enfin l'arrêt I. du 23 mars 1999 (RAMA 1999 n° U 346 p. 428)
concernait un
aide-scieur dont la main gauche avait été atteinte par la machine, lui
occasionnant une amputation du petit doigt, de la moitié de
l'annulaire et
des deux-tiers de l'index. L'accident étant considéré comme de gravité
moyenne à la limite supérieure, la causalité adéquate avec les suites
psychiques avait été admise. Le critère de la nature particulière de
la
blessure avait été retenu dès lors que l'atteinte touchait la main
d'ouvrier
manuel, organe qui lui permettait l'exercice de sa profession et que
la perte
pratiquement de cet organe signifiait la perte de l'indépendance
économique.
Ainsi que cela ressort de ces arrêts, l'application de ce critère
dépend pour
une bonne part aussi des circonstances du cas, si bien que l'on ne
saurait,
de manière générale et définitive, en admettre ou au contraire en
exclure
l'application dans le cas des accidents de la main.
Il n'en demeure pas moins que pour être retenu, ce critère postule
d'abord
l'existence de lésions physiques graves ou, s'agissant de la nature
particulière des lésions physiques, d'atteintes à des organes auxquels
l'homme attache normalement une importance subjective particulière
(cf. dans
ce sens Murer/Kind/Binder : Kriterien zur Beurteilung des adäquaten
Kausalzusammenhanges bei erlebnisreaktiven (psychogenen) Störungen
nach
Unfällen, in SZS 1993, p. 142). En outre, l'appel à l'expérience a
pour but
de distinguer la simple relation de causalité naturelle entre ces
lésions
physiques et les suites psychiques éventuelles de la relation de
causalité
adéquate, seules les conséquences qualifiées pouvant être retenues à
ce titre
(RAMA 2002 n° U 449 précité, p. 54 s. consid. 4b).

2.2.4En l'occurrence, le recourant a subi une subamputation pulpaire
au
niveau de la troisième phalange de l'index de la main droite. Il
présente une
hyposensibilité de l'extrémité pulpaire et une diminution de la
mobilité de
l'articulation interphalangienne distale.
Considéré comme de gravité moyenne, l'accident a entraîné des
blessures à la
main droite de gravité relative. Certes l'atteinte touche un organe
important
pour un chauffeur-livreur dont la deuxième activité est d'être
musicien
(pianiste et compositeur), mais la nature de la blessure, au vu de ses
conséquences purement physiques, n'est cependant pas telle que, selon
l'expérience, ce critère puisse être in casu retenu. Les précédents
évoqués
ci-dessus ne permettent au demeurant pas d'aboutir à d'autres
conclusions.
Par ailleurs, le traitement médical n'a pas été particulièrement
long. Aucune
erreur médicale ne ressort du dossier. L'existence de difficultés
apparues au
cours de la guérison et d'une longue période d'incapacité de travail
due aux
lésions physiques doit être niée, dès lors que les troubles
psychiques ont eu
assez tôt une influence déterminante sur les plaintes de l'assuré. A
cet
égard, on ne peut tout de même pas faire abstraction du fait, attesté
par le
docteur C.________ dans son avis du 3 décembre 1998, que rapidement
après la
prise en charge du cas par l'assureur-accidents, le patient a
présenté une
symptomatologie dépressive modérée avec symptômes somatiques.
Mal fondé, le recours doit dès lors être rejeté.

3.
L'intimée obtient gain de cause. Elle ne saurait, toutefois,
prétendre une
indemnité
de dépens pour l'instance fédérale. En effet, les autorités
et les
organisations chargées de tâches de droit public n'ont en principe
pas droit
à des dépens lorsqu'elles obtiennent gain de cause (art. 159 al. 2 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). Comptent au nombre des organisations
chargées de tâches de droit public notamment la CNA, les autres
assureurs-accidents, les caisses-maladie et les caisses de pension
(consid. 6
de l'ATF 120 V 352).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.13/02
Date de la décision : 11/03/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-11;u.13.02 ?
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