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11/03/2003 | SUISSE | N°4C.5/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 mars 2003, 4C.5/2003


{T 0/2}
4C.5/2003 /ech

Arrêt du 11 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann

A.A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me André-François Derivaz,
avocat,
avenue du Crochetan 2, case postale 1406, 1870 Monthey 2,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Loretan, avocat,
avenue
Ritz 33, case postale 2135, 1950 Sion 2

prohibition de concurrence; peine conventionnell

e

(recours en réforme contre le jugement du 19 novembre 2002 de la Cour
civile
II du Tribunal cantonal du canton...

{T 0/2}
4C.5/2003 /ech

Arrêt du 11 mars 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann

A.A.________,
demandeur et recourant, représenté par Me André-François Derivaz,
avocat,
avenue du Crochetan 2, case postale 1406, 1870 Monthey 2,

contre

X.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Loretan, avocat,
avenue
Ritz 33, case postale 2135, 1950 Sion 2

prohibition de concurrence; peine conventionnelle

(recours en réforme contre le jugement du 19 novembre 2002 de la Cour
civile
II du Tribunal cantonal du canton du Valais)

Faits:

A.
Depuis près de cinquante ans, la famille A.________ exploite à
H.________ une
entreprise de transport de choses, qui a revêtu la forme de diverses
sociétés
de personnes jusqu'au 31 décembre 1986. Le 13 janvier 1987,
B.A.________,
C.A.________ et D.A.________ ont constitué la société X.________ SA,
dont le
capital-actions de 100 000 fr. était divisé en cent actions. Le 1er
mai 1995,
B.A.________ et C.A.________, administrateurs, ont démissionné.
A.A.________,
fils de B.A.________, et E.________, beau-fils de C.A.________, ont
alors été
nommés président, respectivement secrétaire du conseil
d'administration, avec
signature collective à deux.

Au début 1998, A.A.________ et E.________ disposaient chacun de
cinquante
actions de X.________ SA. Le 14 janvier 1998, ils ont conclu une
convention
d'actionnaires, dont le chiffre IV est libellé ainsi:
«En cas de départ de la société, interdiction est faite à
l'actionnaire
sortant de faire concurrence à l'entreprise dans un rayon de 50 km et
pendant
un délai de 5 ans. Si cette clause devait être violée, une indemnité
de 50
000 fr. serait à verser à la société. De plus, la partie lésée pourra
faire
valoir ses droits en dommages et intérêts en plus de l'indemnité
précitée.»
Le chiffre III de la convention d'actionnaires précise que
«l'actionnaire qui
quitte la société (...) a l'obligation de remettre les actions (...)
pour
autant que les autres actionnaires le désirent.»

Le 16 octobre 1998, A.A.________ a vendu vingt actions de X.________
SA à
E.________. Dès le 1er novembre 1998, il a travaillé au service de
l'entreprise en qualité d'employé polyvalent. Lors de l'assemblée
générale du
3 mars 1999, A.A.________ a démissionné du conseil d'administration et
E.________ a été nommé administrateur unique de la société. Le 29
juin 1999,
X.________ SA a résilié le contrat de travail de A.A.________ pour le
30
septembre 1999. Le 5 juillet 1999, les parties ont convenu de mettre
fin aux
rapports de travail, avec effet au 31 juillet 1999.

Le 19 août 1999, A.A.________ et son épouse ont fondé Y.________
Sàrl, dont
le siège social est à H.________. La société, gérée par A.A.________,
a pour
but l'exploitation d'une entreprise de transport et de déménagement de
marchandises.

Z. ________ SA (ci-après: Z.________) est une entreprise de transport
dont le
siège est à I.________. Les 8/9 août 1999, elle a conclu avec
Y.________
Sàrl en formation une convention intitulée «contrat de travail pour
chauffeur
affrété», selon laquelle la Sàrl (dite «mandataire») s'engageait à
tenir à la
disposition de Z.________ (dite «mandante»), sur appel, le véhicule
Volvo FH
12 et son chauffeur durant onze mois par an. La «mandataire» devait
s'abstenir d'entrer en concurrence avec Z.________ et demander
l'autorisation
de la «mandante» pour effectuer des transports pour son propre
compte. En ce
qui concerne la couleur, les inscriptions, la numérotation et
l'équipement,
le camion devait correspondre aux normes de Z.________ le chauffeur
était
tenu de porter les vêtements au nom de Z.________ mis à sa
disposition.

En décembre 1996, X.________ SA avait conclu un contrat analogue avec
Z.________ . Le 25 mai 1999, elle a résilié ce contrat pour le 31
août 1999.
Le 18 juin 1999, Z.________ a mis fin au contrat avec effet immédiat,
reprochant à sa cocontractante des actes de concurrence.

Avec le poids lourd de la Sàrl, aux couleurs et au nom de
«Z.________»,
A.A.________ a effectué des livraisons notamment à des entreprises qui
avaient travaillé précédemment avec X.________ SA et qui étaient
situées dans
le rayon d'application de la clause d'interdiction de concurrence.

Sur réquisition de X.________ SA, l'office des poursuites et
faillites de
H.________ a notifié à A.A.________ un commandement de payer la somme
de 50
000 fr., plus intérêts à 5% dès le 29 novembre 1999. Par décision
notifiée le
22 février 2000, le Juge du district de H.________ a prononcé la
mainlevée
provisoire de l'opposition formée par le poursuivi.

B.
Par demande déposée le 22 mars 2000, suivant un exploit du 11 mars
2000,
A.A.________ a ouvert action en libération de dette.

La Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté la
demande dans un jugement du 19 novembre 2002.

C.
A.A.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. A
titre
principal, il conclut à l'admission de la demande en libération de
dette et à
ce qu'il soit constaté qu'il n'est pas débiteur envers la
défenderesse du
montant de 50 000 fr. avec intérêts à 5% dès le 20 novembre 1999 et
accessoires, l'opposition au commandement de payer étant
définitivement
maintenue. Subsidiairement, le demandeur entend obtenir la réduction
de la
peine conventionnelle au montant que le Tribunal fédéral dira. Encore
plus
subsidiairement, il demande l'annulation du jugement attaqué et le
renvoi de
la cause au Tribunal cantonal valaisan pour nouvelle décision.

X. ________ SA propose le rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le
recours en
réforme, déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ), est en principe
recevable.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c;
126 III
189 consid. 2a, 370 consid. 5).

Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement
sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance
manifeste
(art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,
régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III
248
consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où la partie
recourante
présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la
décision
attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte
(ATF 127
III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour
remettre en
cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en
découlent (ATF 127 III 547 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125
III 78
consid. 3a).

Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des
conclusions
des parties, mais elle n'est pas liée par les motifs invoqués dans les
écritures (art. 63 al.1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue
par la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc; 127
III 248
consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

Il n'en demeure pas moins que les motifs à l'appui des conclusions
d'un
recours en réforme doivent indiquer succinctement quelles sont les
règles de
droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste la
violation (art. 55 al. 1 let. c OJ). Il appartient au recourant de
discuter
réellement les motifs de la décision attaquée, afin qu'apparaissent
les
raisons qui le portent à croire qu'elle contrevient au droit fédéral.
Cette
hypothèse n'est pas réalisée lorsque le recours ne contient que des
développements juridiques abstraits, sans lien manifeste ni même
perceptible
avec des motifs déterminés de la décision déférée, voire des
critiques toutes
générales quant à la procédure suivie par la cour cantonale ou la
manière
dont celle-ci a constaté les faits retenus dans son jugement (ATF 116
II 745
consid. 3; cf. également ATF 121 III 397 consid. 2a p. 400; 120 II 280
consid. 6c p. 284).

1.3 En l'espèce, la motivation du recours apparaît largement
irrecevable. Le
demandeur invoque pêle-mêle des dispositions légales sans que l'on
parvienne
à distinguer leur lien avec les développements figurant dans le
recours. Par
ailleurs, sur plusieurs points, il complète ou modifie les faits
constatés
dans le jugement attaqué. Enfin, à maints endroits, la lecture du
recours ne
permet pas de discerner où le demandeur veut en venir, l'abondance de
griefs
alignés sans suite logique empêchant toute vision claire des arguments
soulevés.

Cela étant, la cour de céans s'efforcera, dans la mesure du possible,
d'examiner les moyens juridiques qu'elle pense reconnaître comme tels
dans le
recours.

2.
La cour cantonale a admis la validité de la clause de prohibition de
concurrence contenue dans la convention d'actionnaires du 14 janvier
1998.
Elle a jugé ensuite que le demandeur avait enfreint cette
interdiction en
fondant, avec son épouse, une société active dans le même domaine que
la
défenderesse et en concluant, au nom de ladite Sàrl, un contrat
d'affrètement
avec Z.________, l'un des concurrents les plus importants de la
défenderesse
dans le rayon d'application de la clause de prohibition de
concurrence. Les
juges précédents ont refusé enfin de réduire la peine conventionnelle
prévue,
car ils estimaient que le montant de 50 000 fr. n'était pas
disproportionné
par rapport au dommage auquel la défenderesse était exposée.

2.1 Il convient en premier lieu d'examiner la validité de la clause de
prohibition de concurrence litigieuse.

2.1.1 A titre liminaire, il est à remarquer que la clause en question
se
trouve dans une convention d'actionnaires liant le demandeur et
E.________;
la défenderesse n'est pas partie à ce contrat, même si les deux
signataires
pouvaient engager la société anonyme par leurs deux paraphes
conjoints.
Cependant, la clause tendait bien à interdire à l'actionnaire dit
«sortant»
de faire concurrence à l'«entreprise», l'indemnité prévue en cas de
violation
devant au surplus être versée à la «société». Cette construction
s'analyse
juridiquement comme une stipulation pour autrui parfaite au sens de
l'art.
112 al. 2 CO. En effet, que l'on se réfère à l'intention des parties
ou au
but et à la nature du contrat, force est de reconnaître à la société
anonyme
le droit de réclamer, le cas échéant, la peine conventionnelle
promise, au
besoin par une action en justice (cf. Engel, Traité des obligations
en droit
suisse, 2e éd., p. 420 et 425).

2.1.2 La convention d'actionnaires est admise en droit suisse; elle
peut
contenir en particulier une interdiction de concurrence (Daniel
Würsch, Der
Aktionär als Konkurrent der Gesellschaft, thèse Zurich 1989, p. 132
et p.
148). Celle-ci est soumise à la limite générale de l'art. 27 al. 2
CC, à
l'instar de toute prohibition de concurrence conclue hors contrat de
travail
(cf. ATF 124 III 495 consid. 2a p. 500; 51 II 220 p. 222/223; Lukas
Cotti,
Das vertragliche Konkurrenzverbot, thèse Fribourg 2001, p. 48 ss, sp.
p. 50;
Würsch, op. cit., p. 151). Selon une jurisprudence constante, une
restriction
contractuelle de la liberté économique est n'excessive au regard de
l'art. 27
al. 2 CC que si elle livre celui qui s'est obligé à l'arbitraire de
son
cocontractant, supprime sa liberté économique ou la limite dans une
mesure
telle que les bases de son existence économique sont mises en danger
(ATF 123
III 337 consid. 5 p. 345/346 et les arrêts cités). Dans cette
perspective, il
conviendra de rechercher si la clause de prohibition de concurrence
dépasse
la mesure de ce qui est tolérable par sa durée, son rayon
d'application ou
son contenu matériel ou encore par la combinaison de ces différents
éléments
(ATF 102 II 211 consid. 6 p. 218; 51 II 162 consid. 3 p. 168; Cotti,
op.
cit., p. 51 ss).

La cour cantonale a constaté que les parties au contrat du 14 janvier
1998 ne
divergeaient pas sur le sens à donner à la clause litigieuse. Selon la
volonté commune et réelle des parties, l'activité prohibée consistait
ainsi à
exploiter une entreprise similaire à la défenderesse. Le résultat de
cette
interprétation dite subjective est un fait qui lie la juridiction de
réforme
(entre autres, ATF 128 III 419 consid. 2.2 p. 422). Cela signifie en
particulier que l'actionnaire sortant n'était nullement empêché de
travailler
comme salarié dans une entreprise de transport qu'il ne gérait pas
comme
patron d'une raison individuelle, comme associé
d'une société en nom
collectif, en commandite ou à responsabilité limitée ou encore comme
administrateur d'une société anonyme. C'est dire que l'activité
économique du
demandeur n'était en aucun cas bridée dans une mesure inadmissible
par la
clause litigieuse.

Etant donné que la défenderesse exerce son activité dans la région de
H.________, le rayon d'application de 50 km de la clause s'avérait
nécessaire
pour que l'interdiction de concurrence fût efficace; cette restriction
n'apparaît nullement déraisonnable.

Quant à la durée de validité de l'interdiction de cinq ans, elle est
certes
élevée, mais ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une
entrave excessive à la liberté économique du demandeur. En effet, ce
dernier
a été à la tête de la société défenderesse pendant près de quatre
ans; en cas
d'exploitation d'une entreprise concurrente, sa connaissance de la
clientèle
lui permettrait d'affecter sérieusement la marche des affaires de la
défenderesse, sans que son propre intérêt à créer son entreprise
n'apparaisse
prédominant. A cet égard, il sied d'ajouter que la limitation à trois
ans,
sauf exception, prévue à l'art. 340a al. 1 CO n'est valable que pour
les
prohibitions de concurrence conclues dans le cadre d'un contrat de
travail;
en ce qui concerne une convention liant les deux actionnaires à parts
égales
d'une société anonyme, il n'y a pas lieu de se référer par analogie à
la
disposition précitée, car aucune partie n'apparaît comme plus faible
que
l'autre (cf. ATF 51 II 220 p. 222/223; Alfred Kuttler, Vertragliche
Konkurrenzverbote, thèse Bâle 1949, p. 47).

Enfin, la combinaison du contenu de la prohibition de concurrence, de
sa
portée territoriale et de sa durée n'est pas non plus contraire à
l'art. 27
al. 2 CC. Le demandeur reste en effet libre d'exploiter une
entreprise de
transport hors du rayon de 50 km ou de travailler comme chauffeur
salarié
dans une entreprise active dans ledit rayon.

2.1.3 Dans son recours, le demandeur attache une importance très
grande au
contrat d'affrètement signé en décembre 1996 entre Z.________ et
E.________
agissant au nom de la défenderesse, dont il affirme avoir ignoré
l'existence
au moment de la conclusion de la convention d'actionnaires.

D'une part, le demandeur soutient que la clause de prohibition de
concurrence
est contraire aux moeurs et, partant, nulle au sens de l'art. 20 CO,
car elle
confère à une partie, aux dépens de l'autre, des avantages
manifestement
excessifs; il prétend à ce propos qu'il n'aurait jamais signé la
convention
d'actionnaires s'il avait eu connaissance du contrat d'affrètement
avec
Z.________, qui contenait également une interdiction de concurrence.
On
cherche en vain en quoi l'existence d'une prohibition de concurrence
à charge
de la défenderesse et en faveur de Z.________ pouvait avoir une
quelconque
influence sur la volonté du demandeur de s'abstenir ou non de faire
concurrence à la défenderesse au cas où il quitterait l'entreprise. Au
demeurant, le fait d'être à la fois débiteur et créancier d'une
obligation de
non-concurrence à l'égard de deux partenaires différents n'est pas un
avantage manifestement excessif. Le moyen est à l'évidence mal fondé.

D'autre part, le demandeur estime que l'absence d'information de la
part de
E.________ sur l'existence du contrat avec Z.________ conduit à la
conclusion que la clause de prohibition de concurrence est simulée au
sens de
l'art. 18 al. 1 CO. A ce sujet, le demandeur semble oublier que la
simulation
suppose une divergence consciente, chez les deux parties, entre la
volonté et
la déclaration (cf. ATF 112 II 337 consid. 4a p. 343; 97 II 201
consid. 5 p.
207; Engel, op. cit., p. 224). Rien de tel n'est démontré en l'espèce
de
sorte que, là aussi, le grief se révèle manifestement dénué de toute
pertinence.

2.1.4 Au surplus, le demandeur n'hésite pas à invoquer la théorie de
l'imprévision (ou clausula rebus sic stantibus) pour chercher à
obtenir
l'annulation de la clause litigieuse. Outre le fait que le divorce
allégué ne
ressort pas des constatations cantonales, on ne voit guère comment cet
événement de la vie privée du demandeur pourrait justifier de fouler
aux
pieds le principe de la fidélité contractuelle. Même recevable, le
moyen est
dépourvu de tout fondement.

2.2 Une fois la validité de la clause litigieuse reconnue, il y a
lieu de
rechercher si les conditions d'une violation de l'interdiction de
concurrence
sont réunies.

2.2.1 Selon ses propres termes, la clause s'applique à l'«actionnaire
sortant», en cas de «départ de la société». S'agit-il de
l'actionnaire qui a
vendu ses actions ou simplement de l'actionnaire qui n'est plus actif
au sein
de la société? La question est d'importance car, apparemment, le
demandeur
est toujours actionnaire de la défenderesse, aucune constatation sur
l'application du chiffre III de la convention d'actionnaires ne
figurant dans
le jugement attaqué.

Selon les constatations de la cour cantonale, il était clair, pour le
demandeur, «qu'un administrateur-actionnaire qui quittait la société
n'avait
pas le droit de faire concurrence à l'entreprise» défenderesse. Pour
sa part,
E.________ a confirmé que «la clause avait pour but de prévenir une
concurrence en cas de départ d'un administrateur ou d'un dirigeant de
l'entreprise». Telle que retranscrite dans le jugement attaqué, la
volonté
réelle et concordante des parties consistait dès lors bien à
appliquer la
clause litigieuse dès le moment où l'actionnaire n'exerçait plus
d'activité
professionnelle au sein de la défenderesse, sans qu'il soit
nécessaire qu'il
ait vendu ses actions conformément au chiffre III de la convention
d'actionnaires. A supposer qu'il soit encore en possession d'actions
de la
défenderesse, le demandeur peut donc se voir opposer la clause de
prohibition
de concurrence.

2.2.2 Comme déjà relevé, l'activité prohibée par la clause litigieuse
consistait à exploiter une entreprise similaire.

Quelques mois après avoir démissionné du conseil d'administration de
la
défenderesse, le demandeur et son épouse ont créé, à H.________, une
entreprise de transport sous forme d'une Sàrl, gérée par le premier
nommé;
cette fondation suivait la conclusion d'un contrat entre la Sàrl en
formation
et Z.________, au terme duquel l'entreprise du demandeur mettait son
camion
et son chauffeur à disposition de la cocontractante durant onze mois
pas an.
Ce faisant, le demandeur a manifestement contrevenu à l'interdiction
de
concurrence. Il ne saurait se retrancher derrière l'intitulé de la
convention
passée avec Z.________ - «contrat de travail pour chauffeur affrété»
- et
prétendre ainsi n'exercer que la faculté reconnue de travailler comme
chauffeur salarié d'une autre entreprise. En effet, en vertu de
l'art. 18 al.
1 CO, la dénomination adoptée par les parties ne permet pas à coup
sûr de
qualifier un contrat. Or, comme la cour cantonale l'a observé
pertinemment,
le contrat en cause ne présente pas les éléments caractéristiques du
contrat
de travail au sens de l'art. 319 CO, mais bien ceux d'un contrat
d'affrètement.

Selon le demandeur, tous les témoignages démontrent qu'aucun acte de
concurrence n'a été commis par sa société. On rappellera à cet égard
qu'il
n'appartient pas au Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
d'apprécier les témoignages. De toute manière, l'allégation du
demandeur se
heurte aux constatations souveraines des juges précédents, selon
lesquelles
le camion de la Sàrl a effectué des livraisons à des entreprises ayant
travaillé précédemment avec la défenderesse et situées dans le rayon
d'application de la clause de prohibition de concurrence.

De même, c'est en vain que le demandeur soutient que le siège de
Z.________
est situé à 50,5 km de celui de la défenderesse. Indépendamment du
point de
savoir si cette question est déterminante juridiquement, force est de
relever
que, selon les constatations cantonales, le siège de Z.________, à
I.________, se trouve à une distance légèrement inférieure à 50 km de
H.________.

Il s'ensuit que, comme la cour cantonale l'a admis à juste titre, les
conditions d'application de la clause de non-concurrence sont
réalisées en
l'espèce.

2.3 Il reste à examiner si une réduction de la peine conventionnelle
de 50
000 fr. se justifie.

2.3.1 Aux termes de l'art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire les
peines
qu'il estime excessives. Il observera toutefois une certaine réserve,
puisque
les parties sont libres de fixer le montant de la peine (art. 163 al.
1 CO)
et que les contrats doivent en principe être respectés (ATF 116 II 302
consid. 4; 114 II 264 consid. 1a). Une intervention du juge ne se
justifie
que si le montant fixé est si élevé qu'il dépasse toute mesure
raisonnable,
compatible avec le droit et l'équité (ATF 114 II 264 consid. 1a; 103
II 135).
Tel est le cas notamment lorsqu'il existe une disproportion évidente
entre le
montant convenu et l'intérêt du créancier à maintenir la totalité de
sa
prétention. Les circonstances de l'espèce sont déterminantes. Il
convient en
particulier de tenir compte de la nature et de la durée du contrat,
de la
gravité de la faute, de la situation économique des parties,
singulièrement
du débiteur, ainsi que des éventuels liens de dépendance résultant du
contrat
ou de l'expérience en affaires des parties (ATF 114 II 264 consid. 1a
et les
arrêts cités).

2.3.2 Selon l'état de fait du jugement attaqué, le prix d'un
transport et
d'une livraison s'élevait à 1000 fr. dans les années 1998/1999. C'est
dire
que le montant de 50 000 fr. n'apparaît pas comme disproportionné par
rapport
au dommage que la défenderesse est susceptible de subir pendant près
de cinq
ans. L'intérêt de la créancière à obtenir la totalité de la peine
conventionnelle est donc loin d'être négligeable. En outre, la faute
du
demandeur est indéniablement grave, puisque, très rapidement après
son départ
de l'entreprise X.________, il n'a pas hésité à fonder une société de
transport dans la même ville et à conclure au nom de sa société un
contrat
d'affrètement avec l'un des concurrents principaux de la
défenderesse. Selon
les constatations cantonales, le demandeur n'a par ailleurs pas
démontré que
le paiement de la peine obérerait sa situation financière. Enfin, le
montant
de 50 000 fr. a été convenu entre deux actionnaires disposant alors
chacun de
la moitié des actions de la société anonyme. Il s'agissait donc de
partenaires économiquement égaux; il n'est pas établi non plus que
l'expérience en affaires du demandeur était moins grande que celle de
son
cocontractant. En conclusion, rien ne justifie en l'espèce de
recourir à la
mesure exceptionnelle que constitue la réduction de la peine convenue.

Sur le vu de ce qui précède, le jugement de la cour cantonale rejetant
l'action en libération de dette du demandeur ne viole pas le droit
fédéral.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
L'issue de la procédure commande de mettre les frais judiciaires à la
charge
du demandeur (art. 156 al. 1 OJ). Par ailleurs, ce dernier versera à
la
défenderesse une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2500 fr. est mis à la charge du demandeur.

3.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 3000 fr. à
titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 11 mars 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.5/2003
Date de la décision : 11/03/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-11;4c.5.2003 ?
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