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10/03/2003 | SUISSE | N°5C.238/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 mars 2003, 5C.238/2002


{T 0/2}
5C.238/2002 /frs

Arrêt du 10 mars 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

Dame B.________,
défenderesse et recourante,

contre

D.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, case
postale 65, 2900 Porrentruy 2.

modification d'un jugement de divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal
cantonal de
la République et Canton du Jura du 19 septemb

re 2002.

Faits:

A.
D. ________ a été condamné, par jugement de divorce du 27 février
1997, à
verser à son ex-...

{T 0/2}
5C.238/2002 /frs

Arrêt du 10 mars 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

Dame B.________,
défenderesse et recourante,

contre

D.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, case
postale 65, 2900 Porrentruy 2.

modification d'un jugement de divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal
cantonal de
la République et Canton du Jura du 19 septembre 2002.

Faits:

A.
D. ________ a été condamné, par jugement de divorce du 27 février
1997, à
verser à son ex-épouse dame B.________ pour l'entretien de leurs
enfants
C.________, née le 25 février 1990, et T.________, né le 12 mai 1992,
une
contribution mensuelle de 400 fr. par enfant jusqu'à l'âge de 6 ans,
450 fr.
de 6 à 12 ans et 500 fr. dès l'âge de 12 ans. Le 30 octobre 2000, il a
introduit une action en modification du jugement de divorce tendant à
la
réduction du montant de cette contribution, qui s'élevait alors à
928 fr. Il
alléguait qu'il s'était remarié le 1er avril 2000, que sa nouvelle
épouse,
une veuve avec deux enfants à charge, attendait un enfant et que sa
situation
financière était de ce fait précaire. Il faisait par ailleurs l'objet
de
poursuites.

Le 24 avril 2001, l'épouse du demandeur a accouché d'une fille,
A.________.

Par jugement du 21 mai 2002, le Juge civil du Tribunal de première
instance
du canton du Jura a réduit le montant de la contribution mensuelle
d'entretien à 886 fr., soit 443 fr. par enfant, avec effet au 30
octobre
2000. Le demandeur a fait appel de ce jugement.

B.
Statuant sur cet appel le 19 septembre 2002, la Cour civile du
Tribunal
cantonal jurassien a encore réduit à 678 fr., soit 339 fr. par
enfant, dès le
30 octobre 2000, le montant de la contribution d'entretien
litigieuse. Elle a
tenu compte notamment du fait que l'épouse du demandeur avait
accouché d'un
nouvel enfant, P.________, le 10 août 2002. En principe, selon la cour
cantonale, la naissance de cet enfant et de A.________ justifiait en
soi la
modification de la contribution d'entretien.

C.
Par la voie d'un recours en réforme interjeté le 22 octobre 2002, la
défenderesse conteste que les charges concernant les deux enfants
précités,
nés bien après le dépôt de la demande de modification du jugement de
divorce,
puissent être prises en compte avec effet rétroactif au 30 octobre
2000. Elle
conclut donc à la suppression de cet effet rétroactif. Selon elle, la
nouvelle contribution d'entretien devrait entrer en vigueur à la date
de
l'arrêt attaqué, soit le 19 septembre 2002.

Le demandeur conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du
recours dans
la mesure de sa recevabilité. Il sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par
l'autorité
suprême du canton dans une contestation civile de nature pécuniaire
(ATF 116
II 493), dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr., le
recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.
Aux termes de l'art. 286 al. 2 CC, applicable ici, en vertu de l'art.
7a al.
3 tit. fin. CC, par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, la contribution
d'entretien due à un enfant peut être modifiée ou supprimée, à la
demande du
père, de la mère ou de l'enfant, si la situation change notablement.
La
réduction ou la suppression peut intervenir en cas d'amélioration de
la
situation économique du bénéficiaire comme en cas de péjoration de
celle du
débiteur; elle présuppose toutefois une modification importante, à
vues
humaines durable et non prévisible au moment du divorce (ATF 117 II
211
consid. 5a, 359 consid. 3 in fine; 118 II 229 consid. 3a). La
dégradation des
facultés du débiteur peut résulter de la diminution de ses ressources
ou de
l'augmentation de ses charges du fait, par exemple, de son remariage
et/ou de
la naissance d'autres enfants (cf. Hegnauer, Commentaire bernois, n.
73 ad
art. 286 CC; Bühler/Spühler, Commentaire bernois, n. 103 ss ad art.
157 aCC).

La recourante ne critique pas l'application en soi de ces principes
dans le
cas particulier. Comme on l'a déjà relevé, son recours porte
uniquement sur
la date d'entrée en vigueur de la modification du jugement de divorce.

3.
3.1La modification du jugement de divorce prend en principe effet à
la date
du dépôt de la demande de modification. Selon les circonstances, il
est
toutefois possible de retenir une date ultérieure, par exemple le
jour du
jugement, notamment lorsque la restitution des contributions allouées
par le
jugement de divorce et utilisées pendant la durée du nouveau procès
ne peut
équitablement être exigée (ATF 117 II 368 et les références citées).
Toutefois, lorsque le motif pour lequel la modification est demandée
se
trouve déjà réalisé au moment du dépôt de la demande, il ne se
justifie
normalement pas, du point de vue de l'équité, de faire remonter
l'effet de la
modification à une date ultérieure. Le crédirentier doit tenir compte
du
risque de réduction ou de suppression de la rente dès l'ouverture
d'action.
Il faut aussi éviter que le bénéficiaire de la rente ne se procure un
avantage en retardant la procédure par des manoeuvres dilatoires
(même arrêt,
consid. 4c/aa p. 370).

3.2 Comme allégué dans la réponse au recours, la cour cantonale a
décidé de
modifier le jugement de divorce en fonction non seulement de la
naissance de
deux nouveaux enfants, mais également du nouveau mariage du
demandeur, ce qui
ressort de l'arrêt attaqué.

Au moment du dépôt de la requête de modification, seul était réalisé
le motif
fondé sur le nouveau mariage et la situation financière du
débirentier qui
prévalait alors. La naissance d'un nouvel enfant était simplement
annoncée,
celle d'un enfant supplémentaire pas encore d'actualité. L'équité
commandait,
dans ces circonstances, de modifier le jugement de divorce en
fonction de la
survenance de chacun des événements déterminants et d'échelonner ainsi
l'entrée en vigueur de la modification dans le temps,
proportionnellement à
l'importance de chacun d'eux. Cette entrée en vigueur, s'agissant de
la
situation engendrée par le nouveau mariage, pouvait être fixée au 30
octobre
2000 conformément au principe général, comme l'a retenu avec raison
la cour
cantonale. S'agissant de la naissance des deux nouveaux enfants, en
avril
2001 et en août 2002, il était certainement incorrect et injuste d'en
faire
remonter les effets sur le montant de la contribution d'entretien au
30
octobre 2000. L'entrée en vigueur de la modification pouvait, par
exemple,
être fixée au 1er du mois suivant la naissance respective desdits
enfants. La
recourante réclame incontestablement à tort, d'ailleurs sans autre
justification que des "désagréments", une entrée en vigueur à la date
de
l'arrêt attaqué (19 septembre 2002).

3.3 Le recours doit par conséquent être partiellement admis, l'arrêt
attaqué
annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle
décision dans
le sens des considérants qui précèdent.

4.
Les frais doivent être répartis proportionnellement entre les parties
(art.
156 al. 3 OJ), étant observé que la recourante obtient tout de même
gain de
cause sur l'essentiel.

L'intimé peut être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, comme
il l'a
été en instance cantonale, en raison de sa situation financière
déficitaire
(art. 152 OJ).

La recourante, qui a procédé sans le concours d'un avocat, n'a pas
droit à
des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé, la
cause
étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des
considérants.

2.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me Hubert
Theurillat, avocat à Porrentruy, est désigné comme avocat de cette
partie
pour la procédure fédérale.

3.
L'émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante à
raison de 500 fr. et à charge de l'intimé à raison de 1'500 fr., ce
dernier
montant étant toutefois supporté provisoirement par la Caisse du
Tribunal
fédéral.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Hubert Theurillat une
indemnité de
1'500 fr. à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
civile du
Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura.

Lausanne, le 10 mars 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.238/2002
Date de la décision : 10/03/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-10;5c.238.2002 ?
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