La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2003 | SUISSE | N°H.176/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 mars 2003, H.176/01


{T 7}
H 176/01

Arrêt du 7 mars 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Meyer, Ursprung et Kernen.
Greffier
: M. Berthoud

Y.________, recourant, représenté par Me Michel Ducrot, avocat, rue
de la
Moya 1, 1920 Martigny,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue Pratifori 22,
1950 Sion,
intimée,

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 3 avril 2001)

Faits :

A.
X. ________ était une association au sens d

es art. 60 ss CC ayant
pour but la
pratique du sport; elle était affiliée en tant qu'employeur à la
Caisse
cantonale valaisanne...

{T 7}
H 176/01

Arrêt du 7 mars 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Meyer, Ursprung et Kernen.
Greffier
: M. Berthoud

Y.________, recourant, représenté par Me Michel Ducrot, avocat, rue
de la
Moya 1, 1920 Martigny,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue Pratifori 22,
1950 Sion,
intimée,

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 3 avril 2001)

Faits :

A.
X. ________ était une association au sens des art. 60 ss CC ayant
pour but la
pratique du sport; elle était affiliée en tant qu'employeur à la
Caisse
cantonale valaisanne de compensation (la caisse). Y.________ fut le
président
du comité directeur de cette association de 1984 à 1999.

A plusieurs reprises, la caisse s'est vu délivrer des actes de défaut
de
biens au terme de vaines tentatives de recouvrement de cotisations
paritaires, ce qui l'a finalement conduite à saisir le Tribunal des
assurances du canton du Valais de demandes en réparation du dommage,
au sens
de l'art. 52 LAVS, dirigées contre Y.________ C'est ainsi que par
jugement du
23 août 1993, le Tribunal des assurances a admis une demande de la
caisse du
10 mars 1993 portant sur la somme de 80'166 fr. et correspondant aux
cotisations dues sur les salaires payés par le club aux joueurs en
1990 et
1991. Par la suite, le 24 juin 1994, la caisse a demandé à Y.________
de
réparer un dommage s'élevant à 114'181 fr. 45, consécutif aux
poursuites
infructueuses portant sur les cotisations impayées des salaires de
juillet
1992 à avril 1993; le Tribunal des assurances a fait entièrement
droit à
cette demande dans un jugement du 5 août 1994. Ultérieurement, le 30
juillet
1998, la caisse s'est derechef adressée à cette autorité judiciaire
afin
d'obtenir la réparation d'un dommage de 29'645 fr. 50, correspondant
cette
fois aux cotisations des salaires d'août 1994 à mars 1996, non payées
et
impossibles à recouvrer; le tribunal a admis la demande, par jugement
du 28
décembre 1999, en informant à cette occasion Y.________ qu'il se
verrait
infliger des frais de justice s'il devait persister à procéder de
façon
dilatoire.

Le 16 juillet, le 28 octobre et le 20 décembre 1999, l'Office des
poursuites
de Z.________ a délivré à la caisse, dans le cadre de procédures de
recouvrement des cotisations de la période de septembre 1997 à
janvier 1999,
des actes de défaut de biens après saisie pour un montant total de
200'512
fr. 45. Par décision du 14 juillet 2000, la caisse a informé
Y.________
qu'elle le rendait à nouveau responsable du dommage subi et qu'elle
lui en
demandait réparation jusqu'à concurrence de ce montant. L'intéressé a
formé
opposition à cette décision.

B.
Le 8 septembre 2000, la caisse a porté le cas devant le Tribunal des
assurances du canton du Valais, en concluant à ce que le défendeur fût
condamné à lui payer le montant de 200'512 fr. 45 fr.

Y. ________ a contesté l'existence d'une base légale suffisante
permettant au
Tribunal des assurances de se saisir de la demande et rejeté toute
responsabilité dans le dommage subi par la caisse.

Après avoir reconnu sa compétence, le Tribunal a admis la demande, par
jugement du 3 avril 2001. Il a par ailleurs mis un émolument de
justice de
1'000 fr. à la charge du défendeur.

C.
Y.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de frais et dépens.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales renonce à se déterminer.

Par ordonnance du 15 janvier 2002, le Tribunal a rejeté une demande de
suspension de la procédure formée par le recourant.

En cours de procédure, l'intimée a réduit à deux reprises ses
prétentions à
l'encontre du recourant, à l'issue de la procédure concordataire et à
la
suite de versements de X.________, les ramenant finalement à 56'832
fr. 90.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003
et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-vieillesse et survivants. Ce nonobstant, le cas d'espèce
reste
régi par la LAVS en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 en égard au
principe
selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les
faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1,
126 V 166 consid. 4b). Aussi, les dispositions légales applicables
dans le
cas d'espèce sont-elles mentionnées dans les considérants qui suivent
dans
leur teneur jusqu'à cette date.

2.
Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice
subi par
l'intimée, au sens de l'art. 52 LAVS et de la jurisprudence y
relative (ATF
126 V 237 consid. 2a, 123 V 170 consid. 2a, 122 V 66 consid. 4a et les
références).
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

3.
Le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit
d'être
entendu, en faisant valoir que les moyens qu'il a invoqués en
procédure
cantonale n'ont pas été pris en considération ni même été discutés
par les
premiers juges. D'ordre formel, ce grief doit être examiné en premier
lieu,
car son admission pourrait amener le tribunal à renvoyer la cause
sans en
examiner le fond (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b,
124 V 92
consid. 2 et les arrêts cités).

3.1 En vertu des art. 35 al. 1 et 61 al. 2 PA (applicables par le
renvoi de
l'art. 1er al. 3 PA), les juridictions cantonales compétentes en
matière
d'assurances sociales sont tenues de motiver les décisions qu'elles
rendent.
Dans le domaine de l'AVS, cette obligation découle de l'art. 85 al. 2
let. g
LAVS. Selon la jurisprudence (consid. 4 de l'arrêt A. du 27 mars
2001, H
249/00 et H 256/00), les dispositions précitées ont la même portée
que le
droit d'obtenir une décision motivée, déduit du droit d'être entendu
garanti
à l'art. 29 al. 2 Cst.

En d'autres termes, le juge des assurances sociales doit motiver ses
décisions, mais il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de
discuter
tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties;
il peut
au contraire se limiter à ceux qui peuvent être tenus pour
pertinents. Il
suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte
de la
portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir
contre
celle-ci en connaissance de cause (ATF 124 V 181 consid. 1a; 124 II
149
consid. 2a et les arrêts cités).

3.2 En procédure cantonale, le recourant a invoqué l'absence de base
légale
au plan fédéral et cantonal permettant à la caisse de porter son
action
devant le tribunal des assurances et contesté que les conditions d'une
responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS fussent remplies en ce qui le
concernait. Les premiers juges se sont déclarés compétents et ont
écarté l'un
après l'autre les moyens tirés de la péremption, de la qualité
d'employeur et
de l'absence de faute. Il ne peut être reproché aux premiers juges
d'avoir
concentré leur discussion sur les éléments constitutifs de la
responsabilité
du recourant dans le dommage subi par la caisse et d'avoir confirmé
leur
compétence de manière succinte. S'il est vrai qu'ils ont été moins
diserts
sur ce point, le recourant pouvait sans difficulté se rendre compte
de la
position du tribunal face à ses griefs et il était renvoyé, pour une
motivation développée, à une jurisprudence qu'il avait citée lui-même
dans
ses écritures cantonales. Au demeurant, devant l'instance fédérale, le
recourant n'apparaît pas avoir été empêché de recourir en
connaissance de
cause. La motivation de la décision cantonale ne peut être qualifiée
d'insuffisante au regard des moyens soulevés; le grief doit être
écarté.

4.
Devant l'Autorité de céans, le recourant conteste à nouveau la
possibilité
pour la caisse de porter son litige devant l'instance inférieure
valaisanne :
d'une part, l'existence du Tribunal cantonal des assurances en tant
que
tribunal établi par la loi ne serait pas garantie; d'autre part, cette
juridiction ne traiterait selon le droit cantonal que du contentieux
sur
recours et non du contentieux par voie d'action. Ces griefs doivent
être
écartés :
4.1Conformément à l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, à
la même
portée que l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 127 I 198 consid. 2b) -, toute
personne
dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à
ce que
sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent,
indépendant et impartial. Le droit à un procès équitable exige que
l'organisation judiciaire soit fondée sur la loi et que la compétence
des
tribunaux, ainsi que leur composition soient déterminées par des
normes
générales et abstraites. Chaque justiciable a donc droit d'être jugé
par le
tribunal compétent ratione personae, loci, temporis et materiae.
L'organisation judiciaire doit en principe reposer sur une loi au sens
formel. Mais celle-ci peut ne contenir que les principes fondamentaux
relatifs à l'organisation et à la compétence des tribunaux et confier
à
l'exécutif le soin de régler les modalités de détail.

Le recourant veut voir dans l'entrée en vigueur partielle de la loi
valaisanne d'organisation judiciaire du 27 juin 2000 (LOJ; RS VS
173.1) une
absence de base légale à l'existence du Tribunal cantonal des
assurances.
Conformément à l'art. 36 al. 2 de la loi, le Conseil d'Etat du canton
du
Valais a fixé l'entrée en vigueur de la LOJ au 1er janvier 2001 par
arrêté du
13 décembre 2000. S'il est vrai qu'il a différé dans le temps
l'entrée en
vigueur de l'art. 13 al. 5 § 2 de la loi, selon lequel une cour du
Tribunal
cantonal constitue le Tribunal des assurances, il en fait de même
pour l'art.
33 let. e et f de la loi, qui abroge le décret d'exécution du 28 mai
1980 de
la loi d'organisation judiciaire du 13 mai 1960 et le décret
organisant le
tribunal des assurances et déterminant les autorités judiciaires
compétentes
prévues par la loi fédérale sur les assurances en cas de maladie et
d'accident du 19 mai 1915. Aux termes de l'art. 1 du décret de 1915
et de
l'art. 16 al. 1 let. c du décret de 1980, en vigueur lorsque le
jugement
attaqué a été rendu conformément au report à une date ultérieure des
dispositions abrogatoires de la LOJ, le Tribunal cantonal des
assurances est
constitué par une section du Tribunal cantonal. Ces deux décrets
émanant du
Grand Conseil du canton du Valais, l'existence du Tribunal cantonal
des
assurances reposait bien sur une loi au sens formel.

4.2 Conformément à l'art. 12 de la loi d'application valaisanne de la
loi
fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 12 novembre 1998
(LALAVS; RS VS 831.1), le Tribunal cantonal des assurances est
l'autorité
cantonale de recours au sens de l'art. 85 al. 1 LAVS. Selon l'art. 81
al. 3
RAVS, la caisse de compensation qui maintient sa décision en
réparation du
dommage, à la suite de l'opposition formée par l'employeur, doit sous
peine
de déchéance de ses droits porter le cas par écrit devant l'autorité
de
recours du canton dans lequel l'employeur a son domicile. Ainsi, la
compétence du Tribunal cantonal des assurances, autorité cantonale de
recours
au sens de l'art. 85 al. 1 LAVS, pour connaître des actions en
réparation du
dommage au sens des art. 52 LAVS et 81 al. 3 RAVS, découle
directement du
droit fédéral et ne nécessite aucune disposition légale cantonale
spécifique
lui attribuant ce contentieux.

5.
Le recourant s'en prend aussi au jugement attaqué dans la mesure où
celui-ci
met à sa charge des frais de justice par 1'000 fr.

Selon l'art. 85 al. 2 let. a LAVS, la procédure est en principe
gratuite pour
les parties; des émoluments de justice et les frais de procédure
peuvent
toutefois être mis à la charge du recourant en cas de recours
téméraire ou
interjeté à la légère. D'après la jurisprudence, agit par témérité ou
légèreté la partie qui sait ou devrait savoir en faisant preuve de
l'attention normalement exigible que les faits invoqués à l'appui de
ses
conclusions ne sont pas conformes à la vérité. La témérité doit en
outre être
admise lorsqu'une partie viole une obligation qui lui incombe ou
lorsqu'elle
soutient jusque devant l'autorité de recours un point de vue
manifestement
contraire à la loi (ATF 124 V 287 consid. 3b, 112 V 334 consid. 5a et
les
références).

Le Tribunal cantonal des assurances a été amené au cours des
dernières années
à se saisir de plusieurs actions en réparation du dommage, au sens de
l'art.
52 LAVS, ouvertes par la caisse contre Y.________ en raison du non
versement
des cotisations dues sur les salaires payés par X.________. A
l'examen du
dossier, il ne peut être fait grief à l'autorité inférieure d'avoir
reproché
au recourant d'avoir agi avec légèreté et usé
de comportements
dilatoires,
tant envers la caisse que le tribunal, de manière répétée. Ayant été
dûment
informé que des frais de justice pourraient être mis à sa charge s'il
devait
persévérer dans cette voie, on ne saurait reprocher aux premiers juges
d'avoir violé le droit fédéral dans la présente instance en
infligeant au
recourant un émolument de justice, quand bien même il a invoqué, parmi
d'autres déjà soulevés dans les instances précédentes, un nouveau
moyen.

6.
En instance fédérale, le recourant n'aborde plus la question de sa
responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS et de la jurisprudence.
Celle-ci
n'est donc plus litigieuse (arrêt S. et F. du 2 juillet 2001, H 9/01
et H
11/01, consid. 5a).

Il est donné acte au recourant que la caisse a ramené ses prétentions
à la
somme de 56'832 fr. 90 (cf. lettre du 14 août 2002), à la suite de
versements
d'acomptes mensuels de 5'000 fr. et du montant obtenu dans la
procédure
concordataire.

7.
La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte
pas sur
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a
contrario). Le
recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 7'000 fr., sont mis à la charge
du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais, d'un même
montant, qu'il
a effectuée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton du Valais et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 7 mars 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.176/01
Date de la décision : 07/03/2003
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 6 par. 1 CEDH; art. 30 al. 1 Cst.; art. 13 al. 5 § 2 de la Loi d'organisation judiciaire du canton du Valais. L'existence du Tribunal des assurances du canton du Valais repose sur une loi formelle. Art. 52 LAVS et art. 81 al. 3 RAVS (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). La compétence de l'autorité cantonale de recours, au sens de l'art. 85 al. 1 LAVS, pour connaître des actions en réparation du dommage, au sens de l'art. 52 LAVS, découle directement du droit fédéral (art. 81 al. 3 RAVS) et ne nécessite aucune disposition cantonale attributive de ce contentieux.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-07;h.176.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award