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04/03/2003 | SUISSE | N°4C.382/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mars 2003, 4C.382/2002


{T 0/2}
4C.382/2002 /ech

Arrêt du 4 mars 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Denis Sulliger, avocat, rue
du
Simplon 13, case postale 1085, 1800 Vevey 1,

contre

B.________,
C.________,
demanderesses et intimées,
toutes les deux représentées par Me Jacques Micheli, avocat, place
Pépinet 4,
case postale 3309, 1002 Lausanne.

art. 257h et 260 CO; travaux

d'entretien et de rénovation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudo...

{T 0/2}
4C.382/2002 /ech

Arrêt du 4 mars 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Denis Sulliger, avocat, rue
du
Simplon 13, case postale 1085, 1800 Vevey 1,

contre

B.________,
C.________,
demanderesses et intimées,
toutes les deux représentées par Me Jacques Micheli, avocat, place
Pépinet 4,
case postale 3309, 1002 Lausanne.

art. 257h et 260 CO; travaux d'entretien et de rénovation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 14 août 2002.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire de l'immeuble, construit en 1960, à
Lausanne,
qui comporte 42 appartements, 2 chambres indépendantes et des places
de parc
intérieures et extérieures. C.________, depuis 1961, et B.________,
depuis
1972, louent chacune un appartement de cinq pièces comprenant une
chambre de
bonne, au cinquième étage du bâtiment, dans sa partie sud. Elles
disposent
toutes deux de trois salles d'eau, soit une salle de bain complète,
une
douche avec lavabo et un w.-c avec lavabo.

En 1985, le propriétaire a réalisé d'importants travaux dans son
immeuble,
dont la désoxydation des conduites d'eau chaude et de circulation,
qui ont
entraîné des hausses de loyers.

En 1994, deux entreprises d'installateurs sanitaires ont établi un
rapport
sur l'état des conduites. S'agissant de la tuyauterie d'eau froide,
l'étude a
révélé une corrosion faible; certains tronçons d'alimentation des
appareils
étaient obstrués, les diamètres des tuyaux ne répondant plus aux
normes
actuelles. L'état des colonnes d'eau chaude devait être qualifié de
très
mauvais, car elles étaient fortement corrodées et obstruées. Les
colonnes de
chute des eaux usées présentaient des traces d'oxydation et de
nombreuses
amorces de déboîtement, entraînant des risques de dégâts d'eau et
d'émanations d'odeurs. Dans les salles de bains, la robinetterie
d'origine
présentait des dysfonctionnements et les pièces de rechange
devenaient rares.
Les cuisines étaient trop petites, l'équipement électroménager
vétuste.
Faisaient en particulier défaut des lave-vaisselle et une ventilation
sur les
cuisinières; les dépannages de réfrigérateurs et les réparations du
mobilier
étaient devenus fréquents.

En 1995, le propriétaire a mandaté l'architecte D.________, qui a
constaté
que l'immeuble était bien entretenu et dans un état de dégradation
moyen, qui
ne justifiait pas une intervention urgente, sauf en ce qui concernait
la
distribution d'eau chaude. Il a proposé des travaux en deux phases, la
première concernant les installations techniques (chauffage,
sanitaires,
électricité, ventilations, cuisines) et la seconde l'enveloppe
extérieure de
l'immeuble (balcons, vitrages, parties de façades), dont le coût
total était
évalué à 3'245'950 fr. ou à 4'192'000 fr. suivant les méthodes
d'estimation
utilisées.
En 1998, un curage mécanique des colonnes de chute a été opéré, dont
les
effets durent en principe au moins cinq ans.

Le 8 juillet 1999, la Municipalité de Lausanne a donné l'autorisation
de
rénover, le coût global des travaux étant évalué à 4'483'000 fr.

B.
Les demanderesses se sont opposées à ces travaux, tout d'abord en
sollicitant
des mesures provisionnelles les 22 septembre et 8 octobre 1999, puis à
nouveau sur le fond, le 27 octobre 1999.

Le Tribunal des baux du canton de Vaud a ordonné deux expertises.
Dans son
rapport du 31 janvier 2000, l'expert E.________ a relevé ce qui suit:

- Les travaux portant sur les installations sanitaires au sens large
(tuyauterie, eau chaude et froide, écoulement des eaux usées,
appareils
sanitaires et robinetterie, aménagement des salles d'eau et des
cuisines) ne
peuvent être dissociés les uns des autres.

- Le remplacement de la tuyauterie d'eau chaude doit être réalisé à
court
terme si ce n'est de manière urgente. L'écoulement des eaux usées
doit l'être
à court terme, mais sans le même degré d'urgence. Les autres travaux
peuvent
être repoussés au-delà du moyen terme.

- La durée des travaux de réfection des installations sanitaires
devrait
durer environ six mois, la rénovation des cuisines trois mois. Les
travaux
litigieux sont nécessaires et se justifient pour des raisons d'ordre
technique. Les interventions relatives aux appareils sanitaires, à la
robinetterie et à l'agencement des cuisines apportent en outre une
amélioration du confort.

- Il n'existe pas d'autres solutions plus adéquates et moins
onéreuses pour
remédier aux défauts constatés. Le fraisage et le curage de la
tuyauterie et
des écoulements, déjà réalisés à plusieurs reprises, n'est pas une
alternative aux travaux projetés, mais une solution de maintenance ne
permettant que de retarder le remplacement inéluctable de la
tuyauterie et
des écoulements.

Quant au second expert, l'architecte F.________, il a considéré, dans
son
rapport du 5 octobre 2000, que les travaux relatifs aux canalisations
intérieures relèvent de l'entretien et qu'ils doivent être exécutés à
court
ou à moyen terme. L'assainissement des conduites d'eaux chaude,
froide et
usées est la solution la plus radicale, la plus lourde et la plus
onéreuse à
court terme, mais aussi la plus rationnelle et la plus sûre à long
terme,
tant pour le propriétaire que pour les locataires. Il était logique,
cohérent
et opportun d'achever l'assainissement des diverses conduites par la
rénovation des locaux sanitaires, même si certains d'entre eux
présentaient
un aspect et un fonctionnement tout à fait acceptables. Une solution
alternative, moins lourde et coûteuse, résidait dans le traitement des
conduites par sablage et gainage à la résine époxy (curage
hydraulique).
Cette intervention, de pur entretien, permettait de garantir la
fiabilité des
installations pour une durée de deux à cinq ans.

Le Tribunal des baux a procédé à une inspection locale. Il n'a noté
aucune
anomalie apparente. Le débit d'eau dans les cuisines et les salles de
bains
des demanderesses était normal.

Par jugement du 26 octobre 2001, le Tribunal des baux a considéré que
les
travaux de l'étape 1 (tuyauterie) ne pouvaient être raisonnablement
imposés
aux demanderesses et a autorisé le traitement des conduites
sanitaires dans
la mesure où celui-ci permettait de maintenir les installations
existantes
sans les remplacer. Il a par contre autorisé les travaux de l'étape 2,
concernant en particulier les façades. Il a enfin accordé à la
demanderesse
B.________ une réduction moyenne de loyer de 20% pour la période du 10
juillet 2000 au 30 avril 2001, en raison des nuisances occasionnées
par
l'exécution de l'ensemble des travaux dans la partie nord de
l'immeuble et
dans les appartements des deux premiers niveaux de la partie sud.

Le défendeur a recouru auprès de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal
vaudois, en concluant à l'autorisation des travaux de l'étape 1,
impliquant
le remplacement des conduites sanitaires et des équipements qui leur
sont
liés. Par un recours joint, les demanderesses ont conclu à la réserve
de
leurs prétentions en réduction de loyer pendant l'exécution des
travaux
autorisés.

Par arrêt du 14 août 2002, la Chambre des recours a rejeté le recours
principal et déclaré sans objet le recours joint, confirmant ainsi le
jugement entrepris. Elle a retenu qu'on ne saurait imposer aux
demanderesses
les travaux litigieux, d'une importance certaine, entraînant de lourds
désagréments sur une longue période et aboutissant à une augmentation
de 25 à
30% du loyer, alors qu'elles ne subissaient aucun inconvénient dans la
situation actuelle, qu'il existait une autre méthode pour entretenir
les
conduites et que les risques s'étaient réduits par le remplacement du
réseau
d'eau dans la plus grande partie de l'immeuble.

C.
Le défendeur exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il
conclut à
ce qu'il soit autorisé "à procéder au remplacement des conduites
d'alimentation en eau froide et en eau chaude, des écoulements des
eaux
usées, ainsi qu'à l'équipement des salles de bains et au remplacement
des
agencements de cuisines de (l'immeuble) à Lausanne (étape 1)". Il
invoque la
violation des art. 256, 257h et 260 CO.

Les demanderesses concluent principalement à l'irrecevabilité du
recours,
subsidiairement à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions et dirigé
contre
un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la
valeur
litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en
réforme
est en principe recevable; en outre, il a été formé en temps utile
(art. 54
al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe
d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement
juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées,
qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ).

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc in
fine). Il
peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués
par la
partie recourante et peut également rejeter un recours en adoptant
une autre
argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF
127 III
248 consid. 2c et les références citées).

2.
2.1La cognition du Tribunal fédéral statuant sur un recours en
réforme est
libre et entière. Toutefois, le Tribunal fédéral examine avec une
particulière retenue les décisions des autorités inférieures lorsque
le droit
de fond ou de procédure leur reconnaissent un large pouvoir
d'appréciation ou
une grande latitude de juger, s'agissant notamment de
l'interprétation de
normes juridiques indéterminées, ou de règles conférant à l'autorité
une
grande liberté de choisir entre diverses solutions, toutes admissibles
légalement (ATF 120 II 280 consid. 6a p. 283; 119 II 197 consid. 2 p.
199;
118 II 50 consid. 4 p. 55/56; Poudret, COJ II, n. 1.3.3 ad art. 43 OJ
et n.
3.7 ad art. 63 OJ).

Tel est le cas, à l'art. 260 al. 1 CO, de la notion de "travaux (qui)
peuvent
raisonnablement être imposés au locataire", pour la définition
desquels le
juge dispose d'une grande latitude de décision, dès lors que l'art.
260 CO ne
précise pas quels sont les éléments qui doivent être pris en
considération
(Bernard Corboz, Les travaux de transformation et de rénovation de la
chose
louée entrepris par le bailleur et leur répercussion sur les loyers
in: 12ème
Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2002, p. 8 et 9).

A cet égard, le Tribunal fédéral doit s'imposer également une certaine
restriction dans son pouvoir d'examen lorsque les décisions soumises
à son
contrôle portent sur l'appréciation de circonstances locales que
l'autorité
cantonale est plus apte à connaître que lui, en raison de sa
proximité et de
son appréhension des données sociales et économiques de l'endroit. Il
en va
de même lorsqu'il statue sur des prononcés rendus dans des matières
où les
notions techniques sont prépondérantes pour asseoir la solution
juridique
retenue.

2.2 Dans le cas présent, toutes ces circonstances sont réalisées.
Comme on
l'a vu, l'art. 260 al. 1 CO est une norme juridique indéterminée
conférant
une grande latitude de jugement aux autorités judiciaires chargées de
l'appliquer et de l'interpréter. La matière traitée dans cette
disposition
fait appel à la connaissance du marché immobilier et locatif local,
des
usages en la matière, des données statistiques cantonales et
communales et
des tendances, traditions et habitudes en ce qui concerne le logement
et le
niveau de confort. Pour tous ces motifs, le législateur vaudois, à
l'instar
de celui d'autres cantons, a prévu que la juridiction de première
instance en
matière de bail comporte en son sein des membres désignés par les
milieux de
propriétaires (bailleurs) et de locataires (cf. art. 3 de la loi
vaudoise sur
le Tribunal des baux, du 13 décembre 1981). La présence de
spécialistes dans
cette autorité garantit théoriquement la qualité de l'instruction des
causes
et s'avère d'une très grande utilité lorsque des inspections locales
sont
conduites, ce qui a été le cas en l'occurrence.

Enfin, la présente procédure a donné lieu à deux expertises
judiciaires, la
première dans le cadre de mesures provisionnelles et la seconde à
l'occasion
de
l'examen du fond, sur la base desquelles le Tribunal des baux,
puis la
Chambre des recours ont statué. Dans la mesure où les juridictions
cantonales
ont suivi en grande partie les conclusions des experts, il faudrait
des
motifs très importants pour s'en écarter (ATF 125 V 351 consid.
3b/aa; 122 V
157 consid. 1c; 118 Ia 144 consid. 1c). La notion de "travaux (...)
raisonnablement (...) imposés au locataire" implique la définition
concrète
de ces derniers, pour contrôler une éventuelle violation de l'art.
260 al. 1
CO. Or, une telle définition ne peut être donnée, dans un cas
complexe tel
que celui qui est maintenant analysé, que par référence à l'avis des
experts
commis par la juridiction cantonale.

3.
3.1L'art. 257h al. 1 CO contraint le locataire de tolérer les travaux
destinés à remédier aux défauts de la chose ainsi qu'à réparer ou à
prévenir
des dommages. Il s'agit là des travaux d'entretien ou de réparation,
visant à
maintenir la substance de la chose louée, et de ceux tendant à la
prévention
d'un dommage (Higi, Commentaire zurichois, n. 11 à 15 ad art. 257h
CO). A
l'opposé, l'art. 260 al. 1 CO subordonne le droit du bailleur de
rénover ou
de modifier la chose au fait que les travaux peuvent raisonnablement
être
imposés au locataire et que le bail n'a pas été résilié. Cependant,
lorsque
l'entretien et la rénovation de la chose louée vont de pair, le
locataire est
tenu de souffrir de tels travaux "mixtes", lorsque les conditions de
l'art.
257h al. 1 CO et celles de l'art. 260 al. 1 CO sont réunies
simultanément
(Higi, op. cit., n. 16 à 19 ad art. 260 CO; particulièrement clair:
Lachat,
Le bail à loyer, p. 190 n. 1.5).

Aussi, en l'espèce, en raison du caractère indissociable des travaux
d'entretien et des travaux de rénovation, convient-il d'examiner si
les deux
conditions cumulatives de l'art. 260 al. 1 CO sont remplies, pour
vérifier si
le bailleur a le droit de procéder aux travaux requis. Comme la
condition de
non-résiliation des baux litigieux est réalisée, seule celle du
caractère
raisonnable de la rénovation ou de la modification imposée aux
locataires
doit être traitée ici.

3.2 L'art. 260 al. 1 CO repose sur la prémisse qu'il serait peu
réaliste de
vouloir interdire absolument au bailleur, qui remédie aux défauts de
la chose
ou effectue des travaux d'entretien, d'entreprendre aussi des travaux
qui
dépassent la simple suppression des défauts ou l'entretien normal et
qui
entraînent une rénovation ou une modification de la chose (Message du
Conseil
fédéral concernant la révision du droit du bail à loyer et du bail à
ferme,
du 27 mars 1985, FF 1985 I 1420). Les améliorations de la chose
louée, qui
dépassent la simple réparation des défauts ou l'entretien courant,
sont
admissibles sous l'angle de l'art. 260 CO à condition qu'elles
puissent être
raisonnablement supportées par le locataire (Higi, op. cit., n. 27 ad
art.
260 CO; SVIT-Kommentar Mietrecht II, n. 26 ad art. 260-260a CO;
Weber/Zihlmann, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 2 ad art. 260 CO). Le
caractère raisonnable de ces travaux (Zumutbarkeit) s'apprécie
objectivement
en fonction de toutes les circonstances, en mettant en balance les
intérêts
du bailleur au maintien et à l'amélioration de la substance de la
chose louée
par rapport à l'intérêt du locataire d'en jouir sans entrave, tout en
veillant au respect de l'équivalence des prestations dans la relation
d'échange (Higi, op. cit., n. 28 ad art. 260 CO; Lachat, op. cit., p.
192 n.
3.2; SVIT-Kommentar, n. 26 ss ad art. 260-260a CO). Parmi les
circonstances
qui doivent être prises en considération dans la pesée des intérêts
contradictoires, on peut citer: le genre, le but et la durée du
contrat de
bail, l'ampleur des travaux et leur effet sur les locataires,
l'urgence de
l'assainissement et son utilité pour les locataires, les répercussions
prévisibles sur l'équivalence des prestations dans la relation
contractuelle,
ainsi que l'époque d'exécution des travaux (Lachat, op. cit., p. 192
n. 3.2;
SVIT-Kommentar, n. 29 ad art. 260-260a CO; Higi, op. cit., n. 31-34
ad art.
260 CO; arrêt 4C.46/1998 du 20 mai 1998, consid. 3c). Comme la loi ne
précise
pas quels sont les éléments à prendre en compte, le juge est libre de
retenir
toute circonstance qui lui paraît utile, pour autant que son opinion
soit
défendable, toutes les circonstances évoquées par la doctrine ne
devant pas
nécessairement être discutées une à une (Bernard Corboz, op. cit., p.
9).

3.3 En l'espèce, la cour cantonale a retenu que les travaux de
l'étape 1 ne
pouvaient être imposés aux demanderesses, alors qu'ils apporteraient
de
lourds désagréments sur une longue période aux deux locataires et
entraîneraient une augmentation de 25 à 30% du loyer. De plus, les
risques
avaient été diminués par le remplacement du réseau d'eau dans la plus
grande
partie de l'immeuble; il existait une autre méthode, moins onéreuse,
pour
entretenir les conduites; enfin les locataires concernés ne
subissaient aucun
inconvénient dans la situation actuelle.

Le défendeur critique tout d'abord l'importance que les précédents
juges ont
attaché aux nuisances qu'entraîneraient les travaux pour les
demanderesses.
Dans la pesée des intérêts contradictoires, sous l'angle du maintien
de la
substance de la chose louée, la cour cantonale a confirmé la décision
du
Tribunal des baux, lequel avait admis la nécessité du changement des
conduites ou de leur traitement notamment en ce qui concernait l'eau
chaude
et l'évacuation des eaux usées. Le Tribunal cantonal a toutefois
relevé que
le traitement alternatif par un curage hydraulique répondait aux
besoins
d'entretien de la chose louée, sans entraîner les nuisances
excessives que
les travaux prévus étaient susceptibles d'engendrer, et qui ont du
reste été
observées, au moins pendant neuf semaines, lors de la rénovation de la
majeure partie du bâtiment (secteur nord et niveaux inférieurs de la
partie
sud).

En conférant de l'importance aux nuisances provenant des travaux de
réfection, l'autorité cantonale a mis à juste titre l'accent sur
l'élément
décisif, qui est la détermination de l'importance du trouble apporté
à la
jouissance du bien loué, pour apprécier s'il peut être raisonnablement
imposé. Sur ce point, lors de son inspection locale, le Tribunal des
baux
avait remarqué, à la lecture du planning des travaux fournis par
l'architecte
du bailleur, que les bruits avaient été intolérables durant neuf
semaines,
voire, d'après les observations des demanderesses, pendant toute la
durée des
travaux sauf à Noël et à Nouvel an (consid. 11, p. 17, de l'arrêt
attaqué).
Cette circonstance est d'autant plus grave en l'espèce que les
demanderesses
passent la plupart de leurs journées dans leur appartement et
qu'elles ne
peuvent, de ce fait, se soustraire aux bruits et aux autres nuisances
liés à
l'existence du chantier. A ce sujet, la réduction de loyer accordée à
une
demanderesse par le Tribunal des baux, pour la période du 10 juillet
2000 au
30 avril 2001, s'est élevée à 20%, mesure compensatoire que l'on peut
qualifier avec le recourant de "ni particulièrement basse, ni
particulièrement élevée".

Ainsi, en interdisant les travaux de rénovation dans les étages
supérieurs de
la partie sud de l'immeuble, où se trouvent les deux appartements
litigieux,
et en n'autorisant que des interventions d'entretien, les juridictions
cantonales ont tenu compte aussi bien des intérêts du bailleur au
maintien de
la substance de son bien-fonds que de ceux des deux locataires
demanderesses,
auxquelles une perturbation supplémentaire et excessive,
compromettant la
jouissance du bien loué, ne pouvait être raisonnablement imposée.
Comme la
cour cantonale s'est appuyée sur les faits établis par expertises et à
l'occasion d'une inspection locale, la décision attaquée ne souffre
aucune
critique sur ce point.

3.4 Le recourant reproche ensuite aux juges cantonaux d'avoir accordé
un
poids excessif à l'augmentation de loyer, de 25 à 30%, que les travaux
étaient susceptibles d'entraîner.

La doctrine majoritaire retient l'examen de l'incidence des travaux
en cause
sur les loyers comme un critère important pour savoir s'ils peuvent
raisonnablement être imposés au locataire (Higi, op. cit., n. 34 ad
art. 260
CO; Lachat, op. cit., p. 192 n.3.2; SVIT-Kommentar, n. 29 ad. art.
260-260a
CO, p. 382; Weber/Zihlmann, op. cit., n. 2 ad art. 260 CO; Engel,
Contrats de
droit suisse, 2e éd., p. 160; Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd.,
n.
1956, p. 282). Même si la pertinence de ce critère a été récemment
relativisée (Bernard Corboz, op. cit., p. 10), il joue in casu le
rôle non
négligeable que lui a reconnu la cour cantonale, dans la mesure où
l'augmentation du loyer de 25 à 30% est très forte et où le confort
ne serait
pratiquement pas augmenté, pour les deux locataires, d'après les
constatations opérées par le Tribunal des baux lors de son inspection
locale,
ce qui porte atteinte au principe de l'équivalence des prestations
dans la
relation contractuelle. Pour ce motif également, le Tribunal cantonal
pouvait
préférer la solution alternative du curage hydraulique, préservant à
moyen
terme les canalisations d'eau des étages supérieurs de la partie sud
du
bâtiment, et entraînant des incidences plus limitées sur le loyer. A
ce
sujet, la Chambre des recours aurait aussi pu considérer, en se
référant à
l'assainissement du réseau d'eau réalisé dans la plus grande partie de
l'immeuble, que les risques résiduels avaient diminué. Il s'ensuit
que la
solution adoptée tient compte aussi bien de l'intérêt du propriétaire
au
maintien de la substance de son immeuble, que de celui des deux
locataires en
cause à ne pas subir les nuisances très importantes qui ont été
constatées et
à ne pas voir leur loyer subir une hausse conséquente.

3.5 Enfin, le demandeur se plaint à tort d'une contradiction entre la
décision de l'autorité administrative (Service cantonal du logement)
- qui a
permis les travaux en vertu de la loi vaudoise du 4 mars 1985
concernant la
démolition, la transformation et la rénovation de maisons
d'habitation, ainsi
que l'utilisation de logements à d'autres fins que l'habitation
(LDTR) - et
celle du juge civil.

En principe, les autorités administratives et les tribunaux résolvent
librement les questions de leur compétence, dans une totale
indépendance des
unes par rapport aux autres (Häfelin/Müller, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4e
éd., p. 14 n. 50 et 51). En l'espèce, il n'y a pas réellement
contradiction
entre l'application de l'art. 260 al. 1 CO et la législation de droit
public,
dès lors que le bâtiment a pu être assaini dans sa plus grande
partie, et que
l'objet des deux normes juridiques est distinct, même si leurs
finalités
ultimes sont semblables. Le droit privé tend à assurer au locataire
un état
et un entretien conformes à l'affectation de la chose louée, en
fonction de
la convention qui le lie au bailleur. De son côté, la législation de
droit
public vise à la sauvegarde d'un intérêt plus général, soit la
protection de
l'immeuble et de ses usagers, sous l'angle de la sécurité et de la
salubrité
(arrêt 1P.664/1999 du 1er septembre 2000, consid. 10b, publié in RDAF
2002 p.
25 ss, spéc. p. 45).

4.
Les considérations qui précèdent amènent le rejet du recours en
réforme.

Vu l'issue du litige, les frais de la procédure seront mis à la
charge du
recourant qui succombe. Celui-ci devra en outre verser aux intimées,
créancières solidaires, une indemnité à titre de dépens (art. 156 al.
1 et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 6000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera aux intimées, créancières solidaires, une
indemnité de
7000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 4 mars 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.382/2002
Date de la décision : 04/03/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-03-04;4c.382.2002 ?
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