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27/02/2003 | SUISSE | N°5P.387/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 février 2003, 5P.387/2002


{T 0/2}
5P.387/2002 /frs

Arrêt du 27 février 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. ________, (époux)
recourant, représenté par Me Pierre Sidler, avocat, case postale 310,
1211
Genève 25,

contre

Dame A.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Elisabeth Ziegler-Muller, avocate, rue
Henri-Mussard 22, 1208 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.<

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art. 9 et 29 Cst. (modification de mesures protectrices),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civ...

{T 0/2}
5P.387/2002 /frs

Arrêt du 27 février 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. ________, (époux)
recourant, représenté par Me Pierre Sidler, avocat, case postale 310,
1211
Genève 25,

contre

Dame A.________ (épouse),
intimée, représentée par Me Elisabeth Ziegler-Muller, avocate, rue
Henri-Mussard 22, 1208 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst. (modification de mesures protectrices),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 13 septembre 2002.

Faits:

A.
A. ________ et dame A.________, nés respectivement en 1952 et en
1954, se
sont mariés en novembre 1978. Deux enfants sont issus de leur union:
B.________, actuellement majeur, et C.________, né le 5 décembre 1985.

Par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 25
janvier 2001,
le Tribunal de première instance de Genève a notamment autorisé les
époux à
vivre séparés et attribué la garde de l'enfant mineur à sa mère. Il a
renoncé
à condamner le père à contribuer à l'entretien de son fils, après
avoir
constaté qu'il ne parvenait déjà pas à couvrir son minimum vital avec
le
revenu mensuel net de 1'900 fr. qu'il tirait de son entreprise de
gypserie-peinture.

Sur appel de l'épouse, la Cour de justice du canton de Genève a, par
arrêt du
15 juin 2001, mis à la charge du père, dès le 1er mars 2001, une
contribution
d'entretien en faveur de son fils de 700 fr. par mois, allocations
familiales
ou d'études non comprises. Elle a retenu, sur la base des pièces
comptables
fournies, que le mari avait réalisé dans son entreprise des revenus
nets de
13'129 fr. en 1996, 19'902 fr. en 1997, 16'247 fr. en 1998 et 22'646
fr. en
1999. Estimant toutefois que les heures de travail facturées
correspondaient
à une occupation professionnelle à plein temps d'environ quatre mois
par an,
la cour cantonale a considéré que le revenu mensuel net (1900 fr. en
1999)
pouvait être augmenté à 5'500 fr., soit 66'000 fr. par an. Elle a
fixé le
montant de la contribution d'entretien à 700 fr. en se fondant sur ce
revenu
hypothétique et sur un montant de charges de 2'454 fr. 05, ce qui
laissait un
disponible de 3'045 fr. Quant à l'épouse, l'arrêt cantonal constatait
qu'elle
avait 5'148 fr. 70 de revenu comme aide-infirmière et 4'215 fr. 70 de
charges
par mois.

B.
Le 3 janvier 2002, le mari a requis une modification des mesures
protectrices
de l'union conjugale susmentionnées en ce sens que la contribution
d'entretien en faveur de son fils soit ramenée à 200 fr. par mois dès
le 1er
janvier 2002. Selon lui, le montant de 700 fr. mis précédemment à sa
charge
était disproportionné à ses revenus et le revenu hypothétique pris en
considération l'avait été au mépris des conditions posées en la
matière par
la jurisprudence; il n'était en effet pas en mesure de réaliser un tel
revenu; en outre, ses charges avaient augmenté. Les bilans de son
entreprise
produits à l'appui de sa requête faisaient état d'un revenu net de
21'432 fr.
65 en 2000 et de 29'793 fr. 05 en 2001.

Par jugement du 23 mai 2002, le tribunal de première instance a
rejeté la
requête au motif que les augmentations de charges ne suffisaient pas à
justifier une modification de la contribution d'entretien, d'autant
que les
bilans des années 2000 et 2001 attestaient une amélioration de la
situation.
Il a précisé que si le requérant s'attachait à remettre en cause le
raisonnement juridique tenu par la cour cantonale dans son arrêt du
15 juin
2001, il n'avait pas sollicité d'enquêtes permettant de faire la
preuve des
prétendues constatations inexactes sur lesquelles reposait cet arrêt.

Sur appel du requérant, la cour cantonale a confirmé intégralement le
jugement de première instance par arrêt du 13 septembre 2002.

C.
Contre cet arrêt, qu'il a reçu le 21 septembre 2002, le mari a formé,
le 21
octobre suivant, un recours de droit public dans lequel il conclut,
avec
suite de frais et dépens, à son annulation.

L'épouse conclut, avec suite de dépens, à l'irrecevabilité du recours
et à la
confirmation de l'arrêt entrepris. La cour cantonale s'est référée aux
considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Les décisions de mesures protectrices de l'union conjugale ne
constituent
pas des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ et ne peuvent
par
conséquent être entreprises par la voie du recours en réforme (ATF
127 III
474 consid. 2a et b et les références citées). Le présent recours est
donc
recevable sous l'angle de l'art. 84 al. 2 OJ. Il l'est aussi au
regard des
art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, dès lors qu'il a été formé en temps
utile
contre une décision prise en dernière instance cantonale.

1.2 Dans la procédure de recours de droit public, la partie adverse
n'a aucun
droit de disposition sur l'objet du litige (Hans Marti, Die
staatsrechtliche
Beschwerde, 4e éd., p. 53 n. 70 et p. 144 n. 259); elle ne peut que
conclure
à l'irrecevabilité ou au rejet du recours et critiquer les points de
l'arrêt
attaqué qui lui sont défavorables (ATF 123 I 56 consid. 2a p. 57; 115
Ia 27
consid. 4a p. 30; 101 Ia 521 consid. 3 p. 325), sans pouvoir prendre
de
conclusions propres sur le fond (cf. arrêt X. contre Compagnie
d'assurance Y.
du 26 novembre 1992, consid. 1c non publié in ATF 118 III 37). Le
chef de
conclusions de l'intimée visant à la confirmation de l'arrêt attaqué
est donc
irrecevable.

2.
Les époux peuvent solliciter la modification des mesures protectrices
de
l'union conjugale si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les
circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable,
notamment en matière de revenus, ou si le juge s'est fondé sur des
circonstances de fait erronées (art. 179 al. 1 CC;
Hausheer/Reusser/Geiser,
Commentaire bernois, n. 8 et 8a ad art. 179 CC; Bräm/Hasenböhler,
Commentaire
zurichois, n. 7 s. ad art. 179 CC; Hasenböhler, Commentaire bâlois,
n. 4 ad
art. 179 CC).

Lorsque, dans une procédure de mesures protectrices de l'union
conjugale, la
contribution d'entretien a été calculée à partir d'un revenu
hypothétique,
c'est ce dernier qui est déterminant pour examiner ultérieurement,
dans une
procédure de modification des mesures prononcées, si les revenus ont
changé
de manière essentielle et durable. Les revenus réels inférieurs de
l'époque
ne jouent pas de rôle sous cet angle.

3.
Le recourant fait valoir que la cour cantonale est tombée dans
l'arbitraire
en retenant que sa situation s'était globalement améliorée et qu'il ne
pouvait de ce fait obtenir une réduction de la contribution
d'entretien mise
à sa charge.

3.1 La cour cantonale a considéré que pour obtenir cette réduction, le
recourant devait soit établir des faits nouveaux, soit démontrer que
la
décision de mesures protectrices reposait sur des constatations
inexactes.
Or, selon elle, il n'y avait pas eu de faits nouveaux justifiant une
réduction de la contribution d'entretien, puisque le revenu du
recourant
avait augmenté; en outre, l'arrêt du 15 juin 2001 ne contenant aucune
constatation de fait sur le point de savoir si le recourant était en
mesure
de se procurer un gain mensuel de 5'500 fr., les griefs soulevés dans
la
requête de modification ne reposaient pas sur une appréciation
erronée des
faits, mais relevaient du raisonnement juridique, lequel ne pouvait
être
réexaminé dans le cadre de l'art. 179 CC.
Cette argumentation est arbitraire sur les deux points. S'agissant du
premier, on ne peut pas dire que le revenu du recourant a augmenté:
en effet,
la contribution d'entretien litigieuse a été fixée à 700 fr. par mois
dans
l'arrêt du 15 juin 2001 sur la base d'un revenu hypothétique annuel
de 66'000
fr.; or, selon les constatations de la cour cantonale, le revenu réel
net
réalisé en 2000 et 2001 a été respectivement de 21'432 fr. 65 et
29'793 fr.
05; c'est dire que, manifestement, la situation financière du
recourant est
bien moins favorable que celle retenue dans l'arrêt du 15 juin 2001.
Quant au
second point, si l'on admet qu'il n'y a pas de constatations de fait
dans cet
arrêt concernant la capacité de gain du recourant, cela signifie que
ce
dernier ne pourra plus jamais obtenir de modification sur ce point,
ce qui
est évidemment insoutenable.

3.2 De plus, le jugement de première instance avait relevé que le
recourant
n'avait pas sollicité d'enquêtes permettant de faire la preuve de
prétendues
constatations inexactes. Il appartient certes en premier lieu au
recourant de
prouver qu'il ne lui est pas possible ou qu'on ne peut exiger de lui
qu'il
gagne davantage, en établissant par exemple qu'il a vainement tenté de
trouver une place comme travailleur dépendant ou qu'il n'aurait de
toute
façon pas gagné plus en cette qualité. Il ne peut se contenter de
renvoyer
simplement à son revenu effectif, d'autant plus lorsqu'il déclare
lui-même au
tribunal ne pas trouver toujours du travail. Cependant, en vertu de
la maxime
inquisitoire (art. 176 al. 3 CC), qui doit également profiter au
débiteur de
la contribution (ATF 128 III 411), la cour cantonale aurait dû
ordonner
d'office l'administration de tous les moyens de preuve propres à
établir les
faits pertinents pour fixer la contribution d'entretien, et exiger en
particulier du recourant qu'il collabore activement à cet effet (même
arrêt,
consid. 3.2.1, p. 413).

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué
annulé.

L'intimée, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al. 1
OJ) et verser des dépens au recourant (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 27 février 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.387/2002
Date de la décision : 27/02/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-27;5p.387.2002 ?
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