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27/02/2003 | SUISSE | N°2P.235/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 février 2003, 2P.235/2002


{T 0/2}
2P.235/2002 /svc

Arrêt du 27 février 2003
IIe Cour de droit public

MM. les juges Wurzburger, président,
Betschart et Hungerbühler.
Greffière: Mme Revey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Bruno Megevand, avocat,
place Claparède 3, 1205 Genève et
Me Jean-Yves Schmidhauser, avocat, place des Philosophes 8, 1205
Genève,

contre

Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève,
p.a. Chancellerie d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 2,
1204 Genève.

art. 9 Cst

. (arbitraire; nomination des nouveaux préposés),

recours de droit public contre le Conseil d'Etat de la République et
C...

{T 0/2}
2P.235/2002 /svc

Arrêt du 27 février 2003
IIe Cour de droit public

MM. les juges Wurzburger, président,
Betschart et Hungerbühler.
Greffière: Mme Revey.

X. ________,
recourant, représenté par Me Bruno Megevand, avocat,
place Claparède 3, 1205 Genève et
Me Jean-Yves Schmidhauser, avocat, place des Philosophes 8, 1205
Genève,

contre

Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève,
p.a. Chancellerie d'Etat, rue de l'Hôtel-de-Ville 2,
1204 Genève.

art. 9 Cst. (arbitraire; nomination des nouveaux préposés),

recours de droit public contre le Conseil d'Etat de la République et
Canton
de Genève.
Faits:

A.
X. ________ a été promu à la fonction de préposé de l'Office des
poursuites
et des faillites de O.________, à Genève, dès le 1er mai 1993.

En septembre 2001, soupçonnant les trois Offices des poursuites et des
faillites de Genève de divers dysfonctionnements et manquements, le
Conseil
d'Etat a ordonné l'ouverture de multiples enquêtes administratives à
l'encontre des collaborateurs de ces services, dont X.________. Le 20
mars
2002, la Commission d'enquête administrative a rendu son rapport sur
l'intéressé, en proposant de ne pas prononcer de sanction à son
encontre. Par
arrêté du 29 mai 2002, le Conseil d'Etat a suivi ce préavis,
considérant
"qu'aucun manquement ne peut être reproché" à X.________, et clos
l'enquête
administrative.

Parallèlement à ces enquêtes, le législateur cantonal a entrepris de
modifier
la loi d'application du 16 mars 1912 de la loi fédérale sur la
poursuite pour
dettes et la faillite (LaLP; RS/GE E 3 60). Cette démarche a abouti à
l'adoption d'une novelle du 21 février 2002, entrée en vigueur le 1er
novembre suivant. La nouvelle loi prévoit notamment le regroupement
des
offices, soit la création d'un seul arrondissement, doté d'un office
des
poursuites pour dettes et d'un office des faillites (art. 1 LaLP).
Elle
dispose également que chaque office est dirigé par un préposé, à
engager à la
suite d'une mise au concours publique (art. 2 LaLP).

X. ________ a posé sa candidature aux deux places de préposé ainsi
mises au
concours. Le Conseil d'Etat lui a toutefois préféré des postulants
externes à
l'administration cantonale genevoise. Le 13 septembre 2002, la
Conseillère
d'Etat chargée du Département des finances a communiqué ces
nominations lors
d'une séance d'information destinée au personnel des offices des
poursuites
et des faillites, en présence de X.________.

B.
Agissant le 10 octobre 2002 par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral, préalablement, d'octroyer
l'effet
suspensif au recours et d'ordonner au Conseil d'Etat de produire
plusieurs
pièces, à savoir les décisions de clôture d'enquête administrative
concernant
deux de ses subordonnés, les décisions de suspension provisoire
prises à
l'encontre d'employés des offices - assorties d'un organigramme
indiquant les
cadres suspendus et ceux qui ne l'ont pas été -, ainsi que les
dossiers
concernant les nouveaux préposés, y compris leurs décisions de
nomination.

Principalement, le recourant conclut à l'annulation desdites
décisions de
nomination, prises par le Conseil d'Etat. A l'appui, il invoque la
protection
contre l'arbitraire et la protection de la bonne foi (art. 5 al. 3 et
9
Cst.), le principe de l'interdiction du déni de justice formel (cf.
art. 29
al. 1 Cst.), l'art. 28 al. 4 de la loi genevoise générale du 4
décembre 1997
relative au personnel de l'administration cantonale et des
établissements
publics médicaux (LPAC; RS/GE B 5 05), ainsi que l'art. 52 du
règlement
d'application du 24 février 1999 de la loi cantonale précitée (RPAC;
RS/GE B
5 05 01).

C.
Par ordonnance présidentielle du 6 novembre 2002, la requête d'effet
suspensif a été rejetée.

D.
Au terme de ses observations du 18 novembre 2002, la Conseillère
d'Etat
chargée du Département des finances conclut à l'irrecevabilité du
recours,
subsidiairement à son rejet en tant que recevable. Il n'a pas été
ordonné de
second échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 66 consid. 1 et
les
arrêts cités).

1.1 Sauf exceptions non réalisées en l'espèce (art. 86 al. 2 OJ), le
recours
de droit public n'est recevable qu'à l'encontre d'une décision de
dernière
instance cantonale. En l'espèce, le recourant ne conteste pas la
validité de
la loi cantonale de modification du 21 février 2002, entrée en
vigueur le 1er
novembre suivant, ni les mesures de réorganisation en résultant. Il ne
critique pas davantage un éventuel licenciement découlant d'une
suppression
de poste (cf. art. 23 al. 3 LPAC), mais remet en cause les décisions
de
nomination prises par le Conseil d' Etat. Or, de tels prononcés ne
sont pas
susceptibles de recours devant l'autorité cantonale (art. 56B al. 4
lettre a
de la loi genevoise du 22 novembre 1941 sur l'organisation judiciaire
[RS/GE
E 2 05] et art. 30 ss LPAC a contrario). Le présent recours est dès
lors
recevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

1.2 En vertu de l'art. 89 al. 1 OJ, l'acte de recours doit être
déposé devant
le Tribunal fédéral dans les trente jours dès la communication, selon
le
droit cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaqués.

En l'occurrence, le recourant affirme avoir agi en temps utile en
déposant
son recours le 10 octobre 2002. Il soutient à cet égard n'avoir eu
connaissance du rejet de sa candidature que le 11 septembre 2002, par
une
voie officieuse, puis n'avoir appris les noms des candidats retenus
que le
surlendemain, lors de la séance officielle d'information organisée
par la
Conseillère d'Etat. Pour sa part, celle-ci allègue en revanche
l'avoir déjà
avisé les 17 juin et 4 juillet 2002 de l'exclusion d'emblée des
candidatures
internes. La question de l'observation de l'art. 89 al. 1 OJ peut
cependant
rester indécise, dès lors que le recours doit de toute façon être
rejeté.

1.3 Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le recours de
droit
public est ouvert à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses
intérêts personnels et juridiquement protégés; le recours formé pour
sauvegarder l'intérêt général, ou préserver de simples intérêts de
fait, est
en revanche irrecevable (ATF 126 I 43 consid. 1a). Un intérêt est
juridiquement protégé s'il fait l'objet d'une garantie
constitutionnelle
spécifique ou si une règle de droit fédéral ou cantonal a été édictée
pour le
protéger, au moins accessoirement. A elle seule, l'interdiction
générale de
l'arbitraire ne constitue pas une protection suffisante en ce sens.
Ainsi, la
qualité pour former un recours fondé sur l'art. 9 Cst. exige que la
législation dont l'application arbitraire est dénoncée accorde un
droit au
recourant ou qu'elle ait pour but de le protéger d'une atteinte à ses
intérêts (ATF 126 II 377 consid. 4; 126 I 81 consid. 4 à 6; 123 I 279
consid.
1b/aa).

S'agissant de la création ou du maintien de rapports de service, la
jurisprudence considère que le fonctionnaire n'a aucun droit à être
élu ou
réélu, sauf dispositions contraires du droit cantonal; l'agent est
ainsi
normalement dépourvu de la qualité pour déposer un recours de droit
public
contre la décision refusant de le nommer ou de renouveler son contrat
(ATF
120 Ia 110 consid. 1a; 107 Ia 182 consid. 2; 105 Ia 271 consid. 2a).

1.3.1 En l'occurrence, il sied de relever préliminairement que le
poste du
recourant n'a pas été simplement modifié, comme il l'affirme, mais
supprimé.
Sa disparition résulte en effet de la transformation des trois
offices des
poursuites et des faillites en un office des poursuites et un office
des
faillites couvrant l'ensemble du territoire genevois. Même si les deux
nouveaux préposés remplissent toujours les fonctions prévues par
l'art. 2 LP,
ils ne dirigent plus les mêmes arrondissements, ni n'accomplissent
les mêmes
tâches ¿ dès lors qu'ils se limitent à gérer respectivement soit les
poursuites, soit les faillites. De plus, la réorganisation a
finalement
réduit les trois postes à deux. Dans ces conditions, le recourant ne
peut
prétendre à être maintenu à son poste, qui n'existe plus.

Ainsi, seul un intérêt juridiquement protégé à être élu aux deux
postes
nouvellement créés peut habiliter le recourant à remettre en cause les
décisions de nomination d'autres candidats par la voie du recours de
droit
public.

1.3.2 Le recourant affirme en premier lieu qu'un candidat évincé
dispose
nécessairement d'un intérêt à recourir contre l'élection d'un
concurrent,
puisque l'annulation de celle-ci augmente ses propres chances
d'obtenir le
poste convoité. Toutefois, il ne s'agit là que d'un intérêt de fait,
qui ne
suffit pas à ouvrir la voie du recours de droit public.

Puis, le recourant tire argument de la situation prévalant en matière
de
marchés publics, où le soumissionnaire écarté dispose de la qualité
pour
former un recours de droit public contre la décision d'adjudication.
Dans un
tel cas cependant, les entreprises exclues bénéficient précisément
d'un
intérêt juridiquement protégé, résultant de dispositions légales
spécifiques
au domaine des marchés publics (cf. ATF 125 II 86 consid. 5b; 125 I
406
consid. 1).

Troisièmement, le recourant prend appui sur l'art. 28 al. 4 LPAC, aux
termes
duquel "à l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que
l'intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui
découle de la
décision finale. [...]." Cette disposition n'ouvre toutefois pas la
voie du
recours de droit public en l'espèce. Certes, elle permet à un
fonctionnaire
blanchi de s'opposer à un éventuel licenciement ou déplacement, mais
n'institue pas un droit à être nommé à un poste nouvellement créé, ni
ne
restreint la liberté d'appréciation dont bénéficie l'autorité dans le
choix
d'un candidat à une telle fonction.

Ensuite, le recourant se prévaut de l'art. 52 al. 1 RPAC, à teneur
duquel "à
compétences et qualités égales, la préférence est donnée aux
candidats qui
sont déjà fonctionnaires ou employés." Il est délicat de mesurer la
portée de
cette disposition. D'un côté, une réglementation qui réduit à ce
point le
pouvoir d'appréciation de l'autorité devrait résulter d'une loi, et
non d'une
ordonnance. D'un autre côté toutefois, il paraît difficile d'affirmer
que
cette disposition ne s'adresse qu'aux autorités de nomination, partant
qu'elle n'habilite pas les candidats déjà agents de l'Etat de se
prévaloir de
cet avantage. La question peut cependant rester indécise, car le
recourant
n'établit de toute façon pas que l'autorité attaquée aurait
arbitrairement
violé cette disposition (cf. consid. 2 ci-dessous).

Enfin, le principe de la bonne foi consacré aux art. 5 al. 3 et 9
Cst. ne
confère pas davantage au recourant la qualité pour agir, dès lors que
celui-ci n'allègue pas que l'autorité lui aurait fourni des promesses
ou
assurances précises quant à sa nomination aux postes convoités (cf.,
sur le
principe de la bonne foi, ATF 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 et 127
I 31
consid. 3a; voir aussi, quant à sa portée au regard de l'art. 88 OJ,
Walter
Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd., Berne
1994, p.
245 et les références citées).

1.4 Le Tribunal fédéral est suffisamment renseigné par le dossier
relatif au
recourant, déposé par l'autorité intimée en vertu de l'art. 93 al. 1
OJ. Il
n'y a dès lors pas lieu de donner suite à la requête d'édition des
dossiers
afférents aux candidats nommés ou à d'autres collaborateurs des
anciens
offices, peu important à cet égard que la demande soit traitée sous
l'angle
de l'art. 93 al. 1 ou 95 OJ.

2.
Il ressort des observations de l'autorité intimée que le Conseil
d'Etat a
délibérément voulu réserver les nouveaux postes à des personnes non
impliquées dans les enquêtes dirigées contre les anciens offices. Ce
choix
visait en effet à restaurer, tant auprès des autorités que de la
population,
la confiance perdue en ces services. Or, l'adoption d'un tel critère
d'extériorité n'apparaît pas insoutenable. En particulier, il n'est
pas
arbitraire de tenter de rétablir la crédibilité de l'administration
non
seulement en prenant des mesures objectives propres à améliorer son
fonctionnement, mais également en soignant les apparences de cette
évolution,
soit notamment en renonçant à placer à la tête des nouvelles
structures les
cadres impliqués dans la crise, fussent-ils blanchis. En ce sens,
l'intérêt
public peut justifier, sans arbitraire, de renoncer à élire un
collaborateur
compétent, innocenté et digne de confiance. Pour les mêmes motifs, un
tel
choix ne constitue pas nécessairement une sanction déguisée, qui
serait
effectivement inadmissible à l'encontre d'un agent entièrement
disculpé.

Le recourant, soumis à une enquête, ne réalise précisément pas la
condition
d'extériorité en cause. Par conséquent, force est d'admettre qu'il ne
bénéficiait pas, en ce sens, de qualités égales à celles des autres
candidats, le fait qu'aucun manquement n'ait été retenu à son
encontre n'y
changeant rien. L'autorité intimée n'a dès lors pas violé
arbitrairement
l'art. 52 al. 1 RPAC.

Par ailleurs, si le recourant déclare qu'"on ne saurait également

exclure"
que sa non-élection résulte d'une défiance subsistant en dépit de
l'arrêté du
29 mai 2002 le disculpant, cette allégation ne suffit pas à infirmer
les
motifs du refus incriminé retenus ci-dessus, ressortant des
observations de
l'autorité intimée.

Pour le surplus, le recourant n'affirme pas ici que l'autorité aurait
omis de
lui proposer d'autres postes correspondant à ses capacités, ou
qu'elle aurait
manqué de toute autre manière à ses obligations résultant de la
suppression
d'un poste (cf. art. 23 LPAC).

3.
Le recourant prétend que le rejet de sa candidature ne lui a pas été
communiqué valablement, dès lors qu'il ne l'a appris que de manière
orale et
implicite lors de la séance d'information du 13 septembre 2002
annonçant la
nomination de tiers. Il invoque à cet égard l'art. 52 al. 2 du
règlement
d'application précité, selon lequel "les candidats sont informés de la
décision du Conseil d'Etat ou du chef du département intéressé." Sous
cet
angle, il se plaint d'un déni de justice formel, en soutenant au
surplus que
les décisions attaquées souffrent de nullité absolue, subsidiairement
qu'elles doivent être annulées.

La date de nomination des deux candidats ne résulte pas du dossier.
Toutefois, à supposer même que le recourant n'ait pas été informé
immédiatement et par écrit du rejet de sa propre candidature, une
telle
omission n'entache pas les désignations de nullité, ni ne constitue
un refus
de statuer entraînant un déni de justice formel, du moment que le
recourant a
été avisé de sa non-élection au plus tard par l'annonce du 13
septembre 2002,
fût-elle orale et publique.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté en tant que recevable.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu d'accorder de dépens à l'autorité (art. 159
al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté en tant que recevable.

2.
Il est mis à la charge du recourant un émolument judiciaire de 2'000
fr.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant
et au
Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève.

Lausanne, le 27 février 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.235/2002
Date de la décision : 27/02/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-27;2p.235.2002 ?
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