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25/02/2003 | SUISSE | N°4P.235/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 février 2003, 4P.235/2002


{T 0/2}
4P.235/2002 /ech

Arrêt du 25 février 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alexandre Schwab, avocat, Bd. de
Pérolles 14,
1700 Fribourg,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Michel Tinguely, avocat, route de Riaz 28,
1630
Bulle,
Ire Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, place de
l'Hôtel-de-Ville 2a, 1700 Fribourg.

art. 9 Cst. (procédur

e civile; appréciation des preuves),

recours de droit public contre l'arrêt de la Ire Cour d'appel du
Tribunal
cantona...

{T 0/2}
4P.235/2002 /ech

Arrêt du 25 février 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alexandre Schwab, avocat, Bd. de
Pérolles 14,
1700 Fribourg,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Michel Tinguely, avocat, route de Riaz 28,
1630
Bulle,
Ire Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, place de
l'Hôtel-de-Ville 2a, 1700 Fribourg.

art. 9 Cst. (procédure civile; appréciation des preuves),

recours de droit public contre l'arrêt de la Ire Cour d'appel du
Tribunal
cantonal de l'Etat de Fribourg du 18 septembre 2002.

Faits:

A.
Le 3 février 1998, B.________ a vendu à A.________ une voiture
d'occasion de
marque Porsche 930 Turbo 3,3 pour le prix de 36'000 fr. Le contrat
contenait
notamment la clause suivante:
"Garantie de 3 mois sous conditions d'un emploie (sic) correct. Cette
voiture
était la propriété de M. D.________ directeur du Garage X.________
agence
PORSCHE. C'était sa voiture privé (sic) et les services ont été
spécialement
soignées (sic)."
Le véhicule a été livré le 11 février 1998. Le 27 avril 1998,
A.________ a
ramené la voiture au garage du vendeur et a signalé divers défauts:
difficulté de fermeture de la portière gauche, fuite d'huile du
moteur,
embrayage ne répondant pas normalement, l'avis de ce dernier défaut
étant
contesté par B.________. Celui-ci a gardé la voiture trois jours, a
fait
réparer la portière et n'a constaté aucune perte d'huile.

Par lettre du 15 mai 1998, A.________ a avisé B.________ que la
portière ne
fermait plus du tout, que le moteur devenait poussif et que la fuite
d'huile
était de plus en plus forte, celle-ci provenant du mauvais état du
tuyau
d'alimentation du turbo.

Le 18 mai 1998, C.________, garagiste, a examiné le véhicule et a
établi un
devis de 4'475 fr. pour les travaux de réparation, notamment
l'échange du
turbo. Ce devis a été communiqué au vendeur qui n'y a donné aucune
suite.

Le 9 juin 1998, E.________, membre de l'association suisse des experts
automobiles indépendants, a procédé à une expertise. Constatant
notamment une
fuite d'huile extérieure au tuyau d'alimentation du turbo-compresseur
et une
importante fumée à l'échappement due vraisemblablement au défaut
d'étanchéité
des organes internes du turbo, l'expert a préconisé le contrôle et le
remplacement des tuyaux du système de lubrification du turbo, voire le
remplacement du turbo, pour un montant de 4'000 fr. à 5'000 fr. Le
vendeur
n'a pas réagi à la lecture de ce rapport d'expertise.

Dans un rapport complémentaire du 17 juillet 1998, E.________ a relevé
qu'après le remplacement du turbo-compresseur, il s'avérait que le
moteur
lui-même était défectueux. Cela était révélé, a poursuivi l'expert,
par "une
importante remontée d'huile qui se situe vraisemblablement au niveau
des
cylindres et pistons", dont un ou plusieurs pourraient être
défectueux; un
diagnostic plus précis exigeait le démontage complet du moteur. Cet
expert a
estimé le coût des réparations entre 8'000 fr. et 10'000 fr.

Le 11 septembre 1998, E.________ a remis un troisième rapport, dans
lequel il
a constaté "un jeu énorme aux guides des soupapes d'échappement et aux
cylindres", nécessitant une révision partielle du moteur et sa
réparation,
pour le prix de 10'000 fr. à 11'000 fr. Il a ajouté qu'au vu de
l'importante
usure du moteur, le kilométrage indiqué au compteur de la voiture,
par 65'673
km, devait être largement inférieur à la réalité.

B.
Le 23 novembre 1998, A.________ a actionné en paiement B.________
devant le
Tribunal civil de l'arrondissement de La Gruyère, en concluant en
dernier
lieu au paiement des sommes de 4'041 fr. et 10'945 fr., correspondant
aux
factures des réparations effectuées.

Par jugement du 28 septembre 2001, le Tribunal d'arrondissement a
fait droit
à cette demande, intégralement, en retenant que l'acheteur avait
rempli ses
obligations d'avis et que le vendeur devait assumer la garantie du
défaut de
la chose vendue.

Saisie d'un appel du défendeur, la Ire Cour d'appel du Tribunal
cantonal de
l'État de Fribourg, par arrêt du 18 septembre 2002, a admis le
recours et
rejeté l'action du demandeur. En substance, la cour cantonale, faisant
application de la théorie de la confiance, a considéré que les parties
étaient convenues dans le contrat de vente d'une limitation à une
durée de
trois mois de la garantie, sans limitation kilométrique. Elle a jugé
que
cette clause de garantie restreignait la garantie légale et ne saurait
aucunement s'y ajouter, comme l'avait retenu à tort le premier juge.
En ce
qui concerne les trois défauts annoncés pendant le délai de garantie,
l'un
n'avait jamais existé (embrayage), l'autre avait été réparé
(portière) et le
troisième n'avait pas été établi (fuite d'huile) par l'expertise
privée; dans
ce cadre, la Cour d'appel a ajouté que, dès l'instant où le demandeur
avait
formellement renoncé à requérir une expertise judiciaire, ce mode de
preuve
n'avait pas à être ordonné d'office.

C.
Parallèlement à un recours en réforme, A.________ forme un recours de
droit
public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal, dont il requiert
l'annulation, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour
nouvelle
décision. Invoquant l'art. 9 Cst., il se plaint d'une appréciation
arbitraire
quant à l'allégation des faits, au sens de l'art. 4 du Code de
procédure
civile du canton de Fribourg, du 28 avril 1953 (CPC/FR), et d'une
appréciation arbitraire des preuves en violation des art. 5 al. 3 et
203
CPC/FR.

L'intimé conclut "préjudiciellement" à l'irrecevabilité du recours, et
"principalement" à son rejet.

Le Tribunal cantonal n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a
statué sur
une demande pécuniaire, au fond, par une décision qui n'est
susceptible
d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal,
s'agissant du
grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
84 al. 2
et 86 al. 1 OJ).

Le recourant est personnellement touché par la décision entreprise,
qui le
déboute entièrement, de sorte qu'il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été adoptée en
violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, la qualité
pour
recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue.

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par
la loi
(art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est à cet égard recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c et les
arrêts
cités, p. 53/54).

1.3 En raison de la nature cassatoire du recours de droit public (ATF
127 II
1 consid. 2c in fine p. 5; ATF 127 III 279 consid. 1b, p. 282 et les
références), la conclusion au renvoi de la procédure devant la cour
cantonale
pour nouvelle décision est superflue.

2.
2.1Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 128 I 81
consid. 2 p.
86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; ATF 128 II 259
consid. 5
p. 280).

2.2 En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque
l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément
de preuve
propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement
sur le
sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des
constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38
consid. 2a
p. 41; 124 I 208 consid. 4a).

2.3
2.3.1Dans le cas présent, le recourant se plaint tout d'abord de ce
que la
cour cantonale se serait arbitrairement fondée sur une circonstance
"totalement extrinsèque à toute analyse de fait devant permettre de
déterminer selon le principe de la confiance la volonté supposée" des
parties, concernant la limitation "à trois mois (du) délai de
garantie de
l'art. 197 CO".

Dans la mesure où le recourant critique l'interprétation d'une clause
du
contrat de vente régi par les art. 184 ss CO et se réfère à
l'application du
principe de la confiance, qui est également une question de droit
fédéral
(art. 18 CO; ATF 127 III 248 consid. 3a et les arrêts cités), le
moyen peut
être pris en considération en instance de réforme. Le recourant l'a
d'ailleurs bien compris puisque les développements consacrés à cette
question
en p. 6 et 7 du recours de droit public, sous lettre A, sont la copie
littérale des arguments avancés de la p. 9 in fine à la p. 11 in
initio, sous
lettre B, de son recours en réforme. Il ne suffit en effet pas de
dire que le
droit fédéral a été violé arbitrairement pour transformer une question
relevant de celui-ci en un objet de rang constitutionnel (Bernard
Corboz, Le
recours en réforme, in: Publication FSA, Les recours au Tribunal
fédéral,
volume 16 p. 38 et les références). Le grief ainsi articulé est
irrecevable
dans le cadre du présent recours de droit public, vu la subsidiarité
de cette
voie de droit (art. 84 al. 2 OJ).

2.3.2 Citant les art. 5 al. 3 et 203 CPC/FR, qui consacrent en
procédure
civile fribourgeoise le principe de la libre appréciation des
preuves, le
recourant reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié de manière
insoutenable les preuves afférentes aux trois défauts dont il s'est
prévalu,
qui concernent respectivement l'embrayage, la portière gauche et la
perte
d'huile.

2.3.2.1 Pour ce qui est de l'embrayage, l'autorité cantonale a
remarqué que
les parties divergeaient sur l'annonce de ce défaut le 27 avril 1998,
tout en
considérant qu'il était vraisemblable que la lettre du 15 mai 1998,
mentionnant ce vice, reflétait bien la réalité de ce qui avait été
dit le 27
avril 1998. Toutefois, le Tribunal cantonal note ensuite qu'il n'a
plus été
question, ni dans le devis du 18 mai 1998 de C.________, ni dans les
rapports
d'expertise privée de E.________, d'un quelconque problème
d'embrayage, ce
qui a conduit la Cour d'appel à admettre que ce dispositif mécanique
n'avait
jamais été affecté d'un défaut.

A ce sujet, les trois lignes consacrées par le recourant pour
alléguer, en p.
8 ch. 1 du présent recours, que l'expertise a démontré que le défaut
d'embrayage a existé et a été réparé, ne constituent pas une
motivation
suffisante au sens de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 128 III 50
consid. 1c;
127 III 279 consid. 1c p. 282; 127 I 38 consid. 3c p. 43), raison pour
laquelle l'irrecevabilité de cette branche du moyen sera prononcée.

2.3.2.2 Concernant le défaut de la portière, la cour cantonale a
retenu que
celle-ci avait été réparée entre le 27 et le 30 avril 1998, sur la
base du
témoignage de l'employé W.________. Le recourant tient pour
arbitraire le
fait d'avoir pris en considération cette déposition, alors qu'aucune
facture
ne lui avait été adressée pour cette intervention.

A cet égard, la Cour d'appel pouvait de manière soutenable préférer la
déposition de l'employé, qui avait travaillé sur le véhicule, à
l'absence
d'une facture, laquelle pouvait s'expliquer notamment par le fait que
les
travaux de garantie étaient à la charge du vendeur.

Par la suite, le 15 mai 1998, le recourant s'est plaint de
l'impossibilité de
fermer sa portière, ce qui a donné lieu à une réparation selon la
fiche de
travail du garagiste C.________ établie en mai 1998 et la facture du
prénommé
datée du 8 octobre 1998. Toutefois, le défaut n'avait pas été
mentionné dans
le devis établi le 18 mai 1998 par C.________, qui avait essayé le
véhicule
et qui n'avait pas signalé un problème de cette nature. En
considérant que la
première réparation, d'avril 1998, avait été correctement effectuée,
du
moment que le garagiste C.________ n'avait pas observé ce défaut au
moment de
la prise en charge du véhicule le 18 mai 1998, le Tribunal cantonal
n'a
nullement versé dans l'arbitraire, d'où le rejet du deuxième pan de la
critique.

2.3.2.3 S'agissant de la perte d'huile, le recourant fait grief à la
cour
cantonale d'avoir retenu que la remontée d'huile, au niveau des
cylindres et
des pistons, établie par expertise privée, n'avait rien à voir avec
la fuite
d'huile invoquée par l'acheteur le 27 avril 1998. Faute d'avoir
établi un
lien entre ces deux phénomènes, la Cour d'appel aurait fait montre
d'arbitraire.

L'autorité
cantonale a constaté que l'expert privé E.________, qui
avait fait
état d'une fuite d'huile extérieure sur le tuyau du turbo-compresseur
en juin
1998, avait par la suite modifié son diagnostic pour ne plus parler
que d'une
"remontée d'huile" dans son dernier rapport du 11 septembre 1998.
Elle en a
déduit que la preuve qu'existât un défaut relatif à l'huile, lors du
passage
de l'acheteur au garage le 27 avril 1998, n'avait pas été apportée.

Ces considérations résistent au grief d'arbitraire. En effet, le
recourant ne
démontre pas que la "remontée d'huile" au niveau du moteur du
véhicule,
signalée par l'expert privé E.________, impliquait une perte d'huile,
car il
n'est pas insoutenable d'admettre que l'huile - minérale - qui
remonte puisse
s'évaporer dans le moteur lors de la combustion.
On peut ajouter, avec l'autorité cantonale, que le recourant, s'il
estimait
que les conclusions finales de l'expert privé E.________ étaient
erronées,
aurait pu requérir une expertise judiciaire pour établir l'existence
et
l'origine de la fuite d'huile invoquée le 27 avril 1998. Pourtant, il
est
établi qu'il y a formellement renoncé. Sa passivité peut donc
constituer un
indice probant que la voiture ne perdait pas d'huile lorsqu'il l'a
ramenée au
garage le jour en question.

La troisième branche du moyen est sans fondement.

3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure
de sa
recevabilité. Les frais de la procédure seront mis à la charge du
recourant
qui succombe. Celui-ci devra en outre verser à l'intimé une indemnité
pour
ses dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 2500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Ire Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 25 février 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.235/2002
Date de la décision : 25/02/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-25;4p.235.2002 ?
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