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20/02/2003 | SUISSE | N°I.791/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2003, I.791/02


{T 7}
I 791/02

Arrêt du 20 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente,
Rüedi et Ferrari. Greffier : M. Vallat

K.________, recourante, représentée par Me
Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place du
Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton
de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 27 juin 2002)

Faits :

A.
K. _

_______, née en 1941, a travaillé jusqu'au mois de septembre 1998
en
qualité d'aide de cuisine dans une clinique, dont elle a ét...

{T 7}
I 791/02

Arrêt du 20 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente,
Rüedi et Ferrari. Greffier : M. Vallat

K.________, recourante, représentée par Me
Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place du
Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton
de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 27 juin 2002)

Faits :

A.
K. ________, née en 1941, a travaillé jusqu'au mois de septembre 1998
en
qualité d'aide de cuisine dans une clinique, dont elle a été
licenciée.

Dans un rapport daté du mois de septembre de l'année suivante, son
médecin
traitant, le docteur G.________, spécialiste en médecine interne, a
fait état
de diabète sucré de type II, de cirrhose hépatique probablement
d'origine
éthylique, de spondylarthrose ainsi que d'une dépression, cette
dernière
affection apparaissant comme la cause essentielle d'une incapacité de
travail, estimée à 100 % par ce médecin (rapport du 14 septembre
1999).

Le 25 septembre 1999, l'assurée, se référant à l'avis de son médecin
traitant, a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Afin
de compléter l'instruction sur le plan médical, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a
demandé au
docteur S.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie
de se
prononcer sur l'existence d'éventuelles atteintes à la santé
psychique de
l'assurée et leurs conséquences sur sa capacité de travail. A l'issue
de
divers examens réalisés au mois de février 2001, ce psychiatre a posé
le
diagnostic d'épisode dépressif majeur d'intensité moyenne.
L'incapacité de
travail était totale de 1998 à fin 1999, puis, après une évolution
lentement
favorable sur le plan thymique depuis l'an 2000, de 50 % au moment de
l'expertise, dont le rapport est daté du 25 avril 2001. Ce spécialiste
relevait encore que l'intelligence-limite de l'assurée ne l'avait pas
empêchée de travailler jusqu'en 1998, mais que ce facteur, allié à
son âge et
à la persistance d'un état dépressif moyen, augurait d'un mauvais
pronostic
et représentait un handicap significatif dans le monde du travail,
pouvant
justifier une diminution supplémentaire de la capacité de travail de
l'assurée jusqu'à 70 %.

Par décision du 18 septembre 2001, l'OAI a alloué à K.________ une
rente
d'invalidité entière depuis le mois de septembre 1999, puis une
demi-rente
dès le 1er février 2000, considérant qu'elle avait recouvré une
capacité de
travail, respectivement de gain, de 50 % au mois de janvier 2000 déjà.

B.
Statuant comme juge unique le 27 juin 2002, le Président du Tribunal
des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par l'assurée
contre
cette décision, le considérant comme d'emblée mal fondé.

C.
K. ________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement.
Elle conclut à son annulation, principalement au renvoi de la cause au
Tribunal des assurances afin qu'il statue dans sa composition
habituelle de
trois juges et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause au juge
unique
afin qu'il complète l'instruction par la mise en oeuvre d'une
expertise
psychiatrique et rende un nouveau jugement.

L'OAI conclut au rejet du recours. Le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.
La recourante reproche tout d'abord au Tribunal des assurances
d'avoir statué
dans une composition incorrecte soit par son juge unique en lieu et
place de
trois juges. Ce grief, susceptible d'amener la cour de céans à
annuler le
jugement cantonal (RDAT 2002 I p. 190; arrêts C. du 3 novembre 1998 [K
163/97] et F. du 6 juillet 1994 [I 56/94]) et à renvoyer la cause à
l'autorité cantonale sans examen du litige sur le fond doit être
examiné en
premier lieu (ATF 124 V 92 consid. 2, 119 V 210 consid. 2).

2.
L'art. 104 let. a OJ dispose que le recours de droit administratif
peut être
formé pour violation du droit fédéral, notion qui comprend aussi le
droit
constitutionnel fédéral et les principes généraux du droit tels que
les
principes d'égalité de traitement et de proportionnalité (ATF 121 V
288
consid. 3 et les arrêts cités).

Il en résulte que ce recours assume le rôle de recours de droit
public à
l'égard de violations des droits constitutionnels commises par une
autorité
cantonale dans les matières soumises au contrôle du Tribunal fédéral
des
assurances en tant que juge administratif (ATF 121 V 288 consid. 3 et
les
références). En raison de la subsidiarité absolue du recours de droit
public,
le recours de droit administratif remplace donc ce dernier dans sa
fonction
de protection des droits constitutionnels des citoyens (ATF 118 Ib 62
consid.1b, 132 consid. 1a, 112 Ia 358 consid. 4a, 110 Ib 257, 110 V
363
consid. 1c, 108 Ib 73 consid. 1a, 104 Ib 120-121; Auer, La juridiction
constitutionnelle en Suisse, p. 122 no 212; Grisel, Traité de droit
administratif, tome II, p. 908-909; Gygi,
Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e
éd., p. 92 ss et 235).

3.
3.1 Conformément à l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue, a
la même
portée que l'art. 6 § 1 CEDH (ATF 127 I 198 consid. 2b, 125 V 501
consid. 2b)
-, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure
judiciaire
a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi,
compétent, indépendant et impartial. Le droit des parties à une
composition
régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure
cantonale
(ATF 128 V 84 consid. 2a, 123 I 51 consid. 2b). Il interdit les
tribunaux
d'exception et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam et
exige dès
lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir
l'indépendance
nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées
par un
texte légal (ATF 123 I 51 consid. 2b; 114 Ia 53 consid. 3b).

3.2 C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales topiques
d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une
autorité
judiciaire ou administrative a statué dans une composition conforme à
la loi.
Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
est
limité à l'arbitraire. (ATF 127 I 130 consid. 3c, 108 Ia 50 consid. 2
et les
réf.). Indépendamment de cela, il examine librement - et sans être
lié par
les griefs soulevés (consid. 2b non publié de l'ATF 117 V 50; SVR
2001 IV
1749) -, si l'interprétation et l'application du droit cantonal,
reconnues
non arbitraires, sont compatibles avec la garantie d'un tribunal
établi par
la loi, compétent, indépendant et impartial (ATF 126 I 73 consid. 3b,
123 I
51 consid. 2b, 112 Ia 292 consid. 2a, 105 Ia 174 consid. 2b). En
revanche,
lorsque cette garantie constitutionnelle est invoquée uniquement pour
contester l'interprétation ou l'application de prescriptions
cantonales sur
l'organisation et la composition des tribunaux, sans que soient
invoquées les
exigences minimales de procédure instituées par cette disposition, ce
grief
se confond avec celui déduit de l'interdiction de l'arbitraire (ATF
110 Ia
107 consid. 1; 105 Ia 174 consid. 3a; 98 Ia 359 consid. 2; 91 I 400
consid.
b; SJ 1981 573 consid. 2a).

Ces principes développés en application de l'art. 58a Cst. demeurent
valables
en application de l'art. 30 Cst. (consid. 1a non publié de l'ATF 126
V 303).

4.
4.1La procédure applicable devant le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud est régie, pour l'essentiel, par la Loi vaudoise du 2 décembre
1959 sur
le Tribunal des assurances (RSV 2.02 A; ci-après: LTAss), dont les
art. 3, 10
et 11 ont la teneur suivante:
Art. 3

Les décisions dans la compétence du juge unique sont prises par le
président,
par l'un des deux vice-présidents ou par l'un des juges des
assurances ou,
exceptionnellement, par un assesseur désigné par le président.

Les décisions dans la compétence du tribunal sont prises par une cour
composée de trois magistrats.

Art. 10

Si le recours est tardif ou irrecevable à la forme ou s'il apparaît
d'emblée
comme manifestement mal fondé ou bien fondé, le juge instructeur
statue comme
juge unique sur le vu du dossier et après avoir provoqué, le cas
échéant, des
explications complémentaires des parties.

Art. 11

Les procès dont le capital litigieux est inférieur à 8000 francs sont
de la
compétence du juge instructeur. Si la solution qui doit être donnée au
recours pose des questions de principe ou présente des difficultés
particulières, le juge instructeur peut soumettre la cause au
tribunal.
Le tribunal est compétent si le capital litigieux est de 8000 francs
ou plus
ou si la valeur litigieuse ne peut être déterminée ou encore si la
contestation ne porte pas sur un droit de nature pécuniaire.

4.2 En l'espèce, le litige ayant trait au droit de la recourante à
une rente
d'invalidité, la valeur litigieuse n'était, en tous les cas, pas
inférieure à
8'000 fr. aussi convient-il d'examiner, en premier lieu, si le juge
unique a
interprété ou appliqué arbitrairement l'art. 10 LTAss sur lequel il a
fondé
sa compétence. Il s'agit, en particulier - le juge unique ayant
rejeté le
recours sur le fond - d'examiner s'il pouvait considérer sans tomber
dans
l'arbitraire, sur la base d'un examen préalable sommaire du dossier
de la
cause - mais portant néanmoins sur l'ensemble des questions de fait
et de
droit déterminantes, indépendamment des griefs soulevés et des
conclusions
prises par les parties (art. 85 al. 2 let. c et d LAVS en corrélation
avec
l'art. 69 LAI) - que le recours apparaissait d'emblée manifestement
mal
fondé.

4.3 Dans son recours cantonal, l'assurée demandait à pouvoir
continuer à
bénéficier d'une pleine rente d'invalidité au-delà du 31 janvier 2000,
contestant de la sorte avoir connu une amélioration de sa capacité de
travail, respectivement de gain, de l'ordre de 50 % avant cette date.
Or,
force est de constater que, en l'état du dossier, aucune pièce
médicale ne
permet de mettre en évidence une telle amélioration de sa capacité de
travail
en relation avec son état psychique à ce moment-là. Seul à se
prononcer sur
ce point, le docteur S.________ se borne, en effet, à constater,
depuis l'an
2000, mais sans plus de précision, une évolution lentement favorable
d'un
point de vue thymique, lui permettant de retenir, au moment de
l'expertise,
soit au mois de février 2001, une capacité de travail de 50 % ou,
tout au
moins 30 % compte tenu de l'intelligence limite, de l'âge et de la
persistance d'un état dépressif moyen (rapport du 25 avril 2001).

Il s'ensuit qu'un examen préalable même sommaire de la cause devait,
au prime
abord déjà, mener au constat que la décision de l'OAI, sur un point
essentiel
au moins, ne pouvait être justifiée par la seule pièce topique du
dossier. Le
juge unique, qui ne pouvait, de la sorte, sans tomber dans
l'arbitraire,
considérer le recours d'emblée comme manifestement mal fondé, n'était
ainsi
pas compétent pour connaître du litige, qui devait être tranché par le
Tribunal des assurances dans sa composition ordinaire de trois juges
(art. 3
al. 2 LTAss). Le droit constitutionnel de la recourante à voir sa
cause jugée
par un tribunal établi par la loi, compétent indépendant et impartial
au sens
de l'art. 30 al. 1 Cst. a, dans cette mesure, été violé.

5.
La recourante, qui s'est fait assister d'un représentant de la
Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés obtient gain de cause et
peut, en
conséquence, prétendre une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 en
corrélation
avec l'art. 135 OJ).

Les motifs du présent arrêt constituent, par ailleurs, des
circonstances
justifiant que ces dépens soient mis à la charge de l'Etat de Vaud et
non de
l'office intimé (arrêt non publié F. du 6 juillet 1994 [I 56/94]).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud, du 27 juin 2002 est annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité
judiciaire de première instance pour qu'elle statue à nouveau en
procédant
conformément aux considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Etat de Vaud versera à la recourante la somme de 2'000 fr. (y
compris la
taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud, à l'Etat de Vaud et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 20 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.791/02
Date de la décision : 20/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-20;i.791.02 ?
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