La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2003 | SUISSE | N°I.707/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2003, I.707/01


{T 7}
I 707/01

Arrêt du 20 février 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier :
M.
Wagner

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Pierre Vallat, avocat, ch. de
la Gare
27, 2900 Porrentruy 1

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 10 octobre 2001)

Faits :

A.<

br> D. ________ a travaillé dès le 7 décembre 1987 en qualité d'ouvrière
au
montage au service de la manufacture de boîtes de montres ...

{T 7}
I 707/01

Arrêt du 20 février 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffier :
M.
Wagner

Office de l'AI du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Pierre Vallat, avocat, ch. de
la Gare
27, 2900 Porrentruy 1

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 10 octobre 2001)

Faits :

A.
D. ________ a travaillé dès le 7 décembre 1987 en qualité d'ouvrière
au
montage au service de la manufacture de boîtes de montres X.________
SA, à
Z.________. Le 22 avril 1999, elle a présenté une demande de
prestations de
l'assurance-invalidité.
Dans deux rapports médicaux du 22 mai et du 4 octobre 1999, le docteur
A.________, généraliste à Z.________ et médecin traitant de
l'assurée, a posé
le diagnostic de syndrome de fibromyalgie en présence d'une épaule
douloureuse droite sur tendinose du sus-épineux et en présence d'un
status
après diverses opérations du poignet droit. Il indiquait des périodes
d'incapacité totale ou partielle de travail dans la profession
d'ouvrière à
partir du 20 janvier 1998, la patiente présentant une incapacité de
travail
de 50 % à titre définitif dès le 1er mai 1999.
Selon un questionnaire pour l'employeur du 19 mai 1999, l'horaire de
travail
normal de l'entreprise est de 41 heures par semaine. Depuis 1987,
l'horaire
de travail de D.________ était de 38,55 heures par semaine, l'horaire
réduit
s'expliquant pour des raisons familiales.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura a considéré
l'assurée
comme une personne exerçant une activité lucrative à temps partiel
(95 %) et
comme une ménagère pendant le reste du temps (5 %). Il retenait une
incapacité de travail de 50 % dans son activité professionnelle et une
invalidité de 15 % dans le ménage (enquête économique du 20 septembre
1999).
Il en résultait une incapacité de gain de 47.7 %, arrondie à 48 %.
Par décision du 6 décembre 2000, l'office AI a alloué à D.________ un
quart
de rente d'invalidité à partir du 1er janvier 1999, assorti d'un
quart de
rente complémentaire pour son époux.

B.
Sur recours de D.________ contre cette décision, la Chambre des
assurances du
Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, par jugement du
10
octobre 2001, a annulé la décision du 6 décembre 2000 dans la mesure
où elle
n'allouait à l'assurée qu'un quart de rente d'invalidité, dit que
D.________
présentait une invalidité de 50 % et qu'elle avait droit à une
demi-rente
d'invalidité dès le 1er janvier 1999, et renvoyé la cause à l'office
AI pour
qu'il procède au versement des rentes. En bref, la juridiction
cantonale a
considéré que celle-ci exerçait avant la survenance de l'atteinte à
sa santé
une activité lucrative à temps complet et qu'évaluée selon la méthode
générale de comparaison des revenus, son incapacité de gain était
donc de 50
%.

C.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura interjette
recours de
droit administratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation.

D. ________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours.
L'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit :

1.
1.1 Le recourant conteste que l'intimée ait droit à une demi-rente
d'invalidité pour une incapacité de gain de 50 %. Il fait valoir que
l'assurée a exercé une activité lucrative à temps partiel, dans la
mesure où
elle a oeuvré depuis décembre 1987 selon un horaire de travail
réduit, et que
son incapacité de gain doit donc être calculée sur la base de la
méthode
mixte d'évaluation de l'invalidité.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-invalidité. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi
par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
2.1Le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité (méthode
générale de
comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépend du
statut
du bénéficiaire potentiel de la rente d'invalidité.
Pour savoir si une assurée doit être considérée comme exerçant une
activité
lucrative à plein temps ou à temps partiel, il convient d'examiner ce
qu'elle
aurait fait dans les mêmes circonstances si elle n'était pas atteinte
dans sa
santé, en tenant compte d'éléments tels que la situation financière du
ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assurée, ses
qualifications
professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents
personnels
(ATF 125 V 150 consid. 2c et les références).
Le droit matrimonial en vigueur depuis le 1er janvier 1988 a
expressément
renoncé à répartir les tâches conjugales entre les époux, comme il le
faisait
autrefois (anciens art. 160 et 161 CC); désormais, étant égaux, les
conjoints
en conviennent eux-mêmes librement (art. 163 CC). Pour déterminer si
l'assurée mariée aurait voué l'essentiel de son temps à une activité
lucrative à plein temps ou à temps partiel, on tiendra compte des
circonstances personnelles, professionnelles, sociales et
économiques, sans
que l'une des composantes ait la préférence sur l'autre (ATF 117 V
196 s.
consid. 4b; VSI 1997 p. 302 s. consid. 2c).

2.2 Il est établi que depuis 1987, l'intimée quittait l'entreprise
pour la
pause de midi à 11 h. 30, soit une demi-heure plus tôt que la pause
fixée de
12 h. à 13 h. 15.

2.3 Les premiers juges ont retenu que l'intimée n'avait fait
qu'exercer un
droit reconnu par la loi sur le travail. Selon l'art. 36 aLTr, elle
était en
droit de demander à son employeur que la pause débute dès 11 h. 30,
pour se
consacrer à la préparation du repas de midi notamment. Le fait qu'elle
disposait ainsi d'une pause d'une heure et quarante-cinq minutes ne
saurait
dès lors avoir pour conséquence qu'elle doive être considérée comme
exerçant
une activité lucrative à temps partiel.

2.4 En 1999, moment où le droit à la rente se pose, rien n'indique que
l'intimée, si elle n'était pas atteinte dans sa santé, aurait dans
les mêmes
circonstances modifié ou dû modifier son horaire de travail.
Qu'elle ait agi par choix personnel ou en faisant usage de la faculté
offerte
par l'art. 36 LTr, l'intimée, en réalisant un horaire de 38,55 heures
sur les
41 heures de l'horaire hebdomadaire de l'entreprise, objectivement
n'exerçait
qu'une activité à temps partiel. Même si la différence avec l'horaire
normal
de l'entreprise est minime, la jurisprudence n'a jamais reconnu une
limite
quantitative à la part d'activité lucrative ou de travaux habituels
en deçà
ou au-delà de laquelle la méthode mixte ne viendrait pas à
s'appliquer (arrêt
non publié C.-L. du 15 décembre 1994 [I 129/94]; voir aussi ATF 125 V
146).
C'est dès lors la méthode mixte qui s'applique en l'espèce.

3.
3.1En vertu de l'art. 27bis al. 1 RAI, l'invalidité des assurés qui
n'exercent que partiellement une activité lucrative est, pour cette
part,
évaluée selon l'art. 28 al. 2 LAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002).
S'ils se consacrent en outre à leurs travaux habituels au sens de
l'art. 5
al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002),
l'invalidité
est fixée selon l'art. 27 RAI pour cette activité. Dans ce cas, il
faudra
déterminer la part respective de l'activité lucrative et celle de
l'accomplissement des autres travaux habituels et calculer le degré
d'invalidité d'après le handicap dont l'assuré est affecté dans les
deux
activités en question (méthode mixte d'évaluation de l'invalidité).
Ainsi, il
faut évaluer d'une part l'invalidité dans les travaux habituels par
comparaison des activités (art. 27 RAI) et d'autre part l'invalidité
dans une
activité lucrative par comparaison des revenus (art. 28 al. 2 LAI);
on pourra
alors déterminer l'invalidité globale d'après le temps consacré à ces
deux
champs d'activité. La part de l'activité professionnelle dans
l'ensemble des
travaux de l'assuré est déterminée en comparant l'horaire de travail
usuel
dans la profession en question et l'horaire accompli par l'assuré
valide; on
calcule donc le rapport en pour-cent entre ces deux valeurs. La part
des
travaux habituels constitue le reste du pourcentage (ATF 125 V 149
consid. 2a
et 2b, 104 V 136 consid. 2a; RCC 1992 p. 136 consid. 1b).

3.2 Si l'on compare l'horaire normal de travail de 41 heures par
semaine dans
la manufacture de boîtes de montres X.________ SA et l'horaire de
38,55
heures accompli par l'assurée valide, la part de l'activité
professionnelle
de l'intimée est de 95 %.
Il est constant que l'intimée présente une capacité résiduelle de
travail de
50 % dans son activité actuelle. Évaluée sur la base d'une
comparaison en
pour-cent (ATF 114 V 313 consid. 3a et les références), l'invalidité
dans une
activité lucrative est donc de 47,5 %.

3.3 Dans l'ensemble des travaux de l'intimée, l'accomplissement des
travaux
habituels représente une part de 5 %.
Selon l'enquête économique sur le ménage, du 20 septembre 1999, la
pondération du champ d'activité est de 5 % pour la conduite du
ménage, de 45
% pour l'alimentation, de 15 % pour l'entretien du logement, de 10 %
pour les
emplettes et courses diverses, de 18 % pour la lessive et l'entretien
des
vêtements et de 7 % en ce qui concerne le poste «divers».

C'est en vain que l'intimée a fait valoir que la pondération du champ
d'activité de 45 % pour l'alimentation était beaucoup trop élevée et
qu'il y
avait lieu de la réduire à 25 % et répartir le 20 % restant sur les
autres
activités. En effet, le rapport d'enquête économique sur le ménage
est daté
et signé par l'assurée, qui est censée l'avoir lu et approuvé et la
recourante n'a avancé aucun argument convaincant qui permette de
s'écarter de
la pondération des champs d'activité effectuée initialement avec
l'enquêtrice.

Celle-ci a retenu un empêchement de 15 % dans l'alimentation, de 20 %
dans
l'entretien du logement, de 10 % dans les emplettes et courses
diverses, de
20 % dans la lessive et l'entretien des vêtements et de 10 % dans le
poste
«divers».

Aucun des arguments invoqués par l'intimée en procédure cantonale ne
permettent de s'écarter de l'évaluation de l'enquêtrice, qui tient
compte des
empêchements décrits dans le rapport d'enquête économique. S'agissant
de
l'alimentation, le fait allégué que l'assurée ne peut plus peler de
pommes de
terre ne saurait à lui seul entraîner un empêchement de 30 %. En ce
qui
concerne l'entretien du logement, le fait allégué qu'elle ne peut
plus faire
que des travaux extrêmement légers n'entraîne pas non plus un
empêchement de
60 % au moins. Quant aux arguments de l'intimée relatifs aux autres
champs
d'activité, ils concernent des circonstances déjà prises en compte par
l'enquêtrice ou qui ne justifient pas les empêchements plus élevés
dont elle
fait état.

Vu la pondération des champs d'activité et les empêchements retenus,
l'invalidité de l'intimée dans les travaux habituels est donc de 15 %
(6,75 %
dans l'alimentation + 3 % dans l'entretien du logement + 1 % dans les
emplettes et courses diverses + 3,6 % dans la lessive et l'entretien
des
vêtements + 0,7 % dans «divers»).

Les travaux habituels représentant une part de 5 % dans l'ensemble des
activités de l'intimée, il en résulte une invalidité de 0,75 %.

3.4 Il s'ensuit que l'intimée présente une invalidité globale de
48,25 %
(47,5 % + 0,75 %). Le jugement attaqué, selon lequel elle présente un
degré
d'invalidité de 50 % et a droit à une demi-rente d'invalidité dès le
1er
janvier 1999, est erroné et doit dès lors être annulé.

4.
L'intimée, qui succombe, ne saurait prétendre une indemnité de dépens
pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement de la Chambre des assurances du
Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura, du 10 octobre 2001 est
annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à Caisse de
compensation de
l'industrie horlogère, La Chaux-de-Fonds, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office
fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 20 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.707/01
Date de la décision : 20/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-20;i.707.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award