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19/02/2003 | SUISSE | N°2A.526/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 février 2003, 2A.526/2002


{T 0/2}
2A.526/2002/svc

Arrêt du 19 février 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

A. ________ et B.________,
recourants, tous les deux représentés par Me Elie Elkaim, avocat,
avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299,
1001 Lausanne,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Refus d'approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour et renvoi
de
Suisse

(recours

de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 19 septembre 2002)

Faits:

A....

{T 0/2}
2A.526/2002/svc

Arrêt du 19 février 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

A. ________ et B.________,
recourants, tous les deux représentés par Me Elie Elkaim, avocat,
avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299,
1001 Lausanne,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

Refus d'approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour et renvoi
de
Suisse

(recours de droit administratif contre la décision du Département
fédéral de
justice et police du 19 septembre 2002)

Faits:

A.
A. ________, ressortissant turc né en 1963, a épousé B.________, une
compatriote, le 8 août 1982 en Turquie. Ils ont eu un fils,
C.________, en
1983.

A. ________ est arrivé en Suisse le 29 juillet 1985 et y a déposé le
lendemain une demande d'asile qui a été rejetée le 25 septembre 1986.
Le
recours contre cette décision a été rejeté le 11 février 1987 et
l'intéressé
a été refoulé le 30 avril 1987. Par la suite - lors d'une audition du
23
juillet 1991 -, A.________ a d'ailleurs avoué à la Police cantonale
vaudoise
qu'il avait fait de fausses déclarations quant aux motifs politiques
de sa
demande d'asile. Le 21 mai 1987, l'Office fédéral des étrangers
(ci-après:
l'Office fédéral) a prononcé à l'encontre de A.________ une
interdiction
d'entrer en Suisse (et au Liechtenstein), valable du 21 mai 1987 au
20 mai
1990, pour des motifs préventifs d'assistance publique.

A. ________ et B.________ ont divorcé le 8 octobre 1987; l'autorité
parentale
sur C.________et sa garde ont été attribuées à la mère qui, le 29
mars 1988,
a encore eu un fils, D.________, dont A.________ n'a pas contesté
être le
père. Entre-temps, ce dernier s'était remarié, le 11 janvier 1988, en
Turquie
avec E.________, une Suissesse avec qui il s'était mis en ménage en
Suisse, à
la fin de l'année 1986. Le 29 mars 1988, à la suite de ce mariage,
l'Office
fédéral a annulé l'interdiction d'entrée précitée du 21 mai 1987 et
délivré à
A.________ une autorisation d'entrée valable un an. Ce dernier est
arrivé en
Suisse le 16 avril 1988 et s'est vu accorder une autorisation de
séjour à
l'année qui a été régulièrement prolongée. Alors que les époux
A.________ -
E.________ étaient en instance de divorce, ils ont eu une fille,
F.________,
en 1991. Leur divorce a été prononcé le 16 août 1991; l'autorité
parentale
sur F.________ a été attribuée à la mère, le père ayant un droit de
visite.
En avril 1998, A.________ a été mis au bénéfice d'une autorisation
d'établissement. Par jugement du 16 septembre 1999, un tribunal turc
a annulé
la décision attribuant l'autorité parentale sur C.________ à sa mère
et il a
attribué l'autorité parentale sur C.________ et D.________ ainsi que
leur
garde à A.________.

B.
Le 5 octobre 1999, C.________ a déposé à l'Ambassade de Suisse en
Turquie une
demande de visa pour la Suisse, afin de pouvoir vivre auprès de son
père. Le
29 février 2000, le Service de la population du canton de Vaud
(ci-après: le
Service cantonal) a refusé de délivrer à C.________ une autorisation
d'entrée, respectivement une autorisation de séjour pour regroupement
familial. Il a retenu que le père de C.________ aurait pu solliciter
une
telle autorisation depuis des années déjà, que C.________ conservait
le
centre de ses intérêts en Turquie et qu'à l'approche de sa majorité,
l'intéressé avait l'intention de faire des études ou un apprentissage
afin
d'avoir un métier en Suisse. Le Service cantonal a donc estimé que la
démarche de C.________ visait à utiliser les dispositions sur le
regroupement
familial pour contourner l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le
nombre
des étrangers (OLE; RS 823.21).

C.
Par arrêt du 14 février 2001, le Tribunal administratif du canton de
Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a admis le recours interjeté par
A.________ pour son fils C.________ à l'encontre de la décision du
Service
cantonal du 29 février 2000 et annulé ladite décision. Il a notamment
retenu
que A.________ avait entretenu des relations régulières avec ses
enfants et
subvenu à leurs besoins alors qu'ils vivaient en Turquie. De plus, il
ne
pouvait pas les faire venir avant d'en avoir la garde. En outre, la
demande
de visa concernant C.________ était intervenue quand il avait un peu
plus de
seize ans, de sorte que l'on ne pouvait pas le soupçonner de vouloir
détourner le but de l'art. 17 al. 2 de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20). Enfin,
A.________
avait spontanément déclaré qu'il voulait faire venir son fils
C.________ en
Suisse pour qu'il apprenne le français et entreprenne des études ou, à
défaut, un apprentissage; on ne pouvait pas en déduire que C.________
voulait
rejoindre son père pour des motifs économiques. Au demeurant, une
demande
d'autorisation d'établissement allait vraisemblablement être déposée
par
D.________.

D.
Le 17 avril 2001, les autorités vaudoises compétentes ont autorisé les
représentations suisses à délivrer un visa à C.________ pour un
séjour d'un
an auprès de son père au titre du regroupement familial. L'intéressé
est
arrivé en Suisse le 8 juillet 2001. Le Service cantonal a alors
soumis son
cas à l'Office fédéral.

Le 7 décembre 2001, l'Office fédéral a refusé d'approuver l'octroi
d'une
autorisation de séjour à C.________ et prononcé son renvoi de Suisse,
en lui
fixant un délai de départ échéant le 15 janvier 2002. Il a relevé en
particulier que C.________, qui avait presque (en réalité, déjà)
dix-huit
ans, avait toujours vécu en Turquie, où il conservait de profondes
attaches
(mère, frère), qu'il n'avait passé que quelques mois en Suisse, qu'il
ne
parlait pas français et qu'il risquait donc de rencontrer des
difficultés
d'intégration insurmontables. Au demeurant, A.________, qui demeurait
en
Suisse depuis plus de dix ans, avait attendu jusqu'en 1998 pour
manifester
son intention de faire venir son fils C.________ en Suisse et il avait
invoqué des motifs purement économiques à l'appui de sa requête.
Enfin, si la
mère de l'intéressé ne pouvait plus subvenir à ses besoins, le père
pouvait
assumer la charge de sa famille à l'étranger.

E.
Le 19 septembre 2002, le Département fédéral de justice et police
(ci-après:
le Département fédéral) a rejeté le recours formé par A.________ et
C.________ à l'encontre de la décision de l'Office fédéral du 7
décembre 2001
et ordonné à C.________ de quitter la Suisse dans le délai que lui
communiquerait l'Office fédéral. Il a repris, en la développant,
l'argumentation de l'Office fédéral. Il a aussi estimé que le
regroupement
familial demandé aboutirait à une nouvelle division de la famille. Il
a
ajouté qu'un parent étranger n'a pas le droit absolu de faire venir
ses
enfants en Suisse lorsqu'il a lui-même pris la décision de vivre
séparé d'eux
dans un autre pays. Or, tel était le cas de A.________ qui avait
quitté sa
patrie en 1985, alors que son fils C.________ avait deux ans. Au
demeurant,
l'Office fédéral n'avait pas violé l'art. 8 CEDH.

Le 2 octobre 2002, l'Office fédéral a imparti à C.________ un délai
échéant
le 31 janvier 2003 pour quitter la Suisse.

F.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ et
C.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens,
d'annuler la décision du Département fédéral du 19 septembre 2002 et,
principalement, de renvoyer la cause à l'Office fédéral pour nouvelle
décision "dans le sens que l'octroi d'une autorisation de séjour en
faveur de
C.________ est approuvé", subsidiairement, de renvoyer la cause à
l'Office
fédéral pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens
des
considérants. Ils se plaignent de violation du droit fédéral en
particulier
d'abus du pouvoir d'appréciation, au sens de l'art. 104 OJ. Ils
reprochent
notamment à l'autorité intimée de n'avoir pas appliqué les art. 17
al. 2 LSEE
et 8 CEDH conformément à l'interprétation qu'en a donnée la
jurisprudence.
Ils expliquent que A.________ n'a pas pu entreprendre des démarches
pour
faire venir C.________ plus tôt en raison de l'opposition de la mère
ainsi
que de la volonté de A.________ d'offrir à son fils C.________ un
cadre de
vie stable et adéquat. Ils soulignent que le jugement turc précité,
du 16
septembre 1999, attribuant l'autorité parentale sur C.________ et sa
garde à
son père, a dû se fonder sur une relation familiale intacte. Ils
contestent
que l'octroi de l'autorisation sollicitée par C.________ conduirait à
une
nouvelle division de la famille. Ils font valoir la relation étroite
qui les
unit et qui existait même quand ils vivaient dans deux pays
différents. Ils
reprochent au Département fédéral de n'avoir pas procédé à une juste
pesée
des intérêts en présence et d'avoir enfreint le principe de la
proportionnalité. Ils requièrent l'assistance judiciaire.

Le Département fédéral conclut au rejet du recours.

G.
Par ordonnance du 18 novembre 2002, le Président de la IIe Cour de
droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par les
recourants.

H.
Le 22 janvier 2003, le Service cantonal a produit ses dossiers
concernant les
recourants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers
contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne
confère
pas un droit. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes
statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi
d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une
telle autorisation (ATF 127 II 60 consid. 1a p. 62/63). Par ailleurs,
la voie
du recours de droit administratif est ouverte contre la décision de
refus
d'approbation des autorités administratives fédérales lorsqu'elle
l'aurait
été contre une décision cantonale refusant l'autorisation de séjour.

1.2 D'après l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, si un étranger possède
l'autorisation d'établissement, ses enfants célibataires âgés de
moins de
dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation
d'établissement
aussi longtemps qu'ils vivent auprès de leurs parents. Lors de
l'examen de la
recevabilité du recours au regard de cette disposition, c'est l'âge de
l'enfant au moment du dépôt de la demande de regroupement familial
qui est
déterminant (ATF 120 Ib 257 consid. 1f p. 262).

A. ________ bénéficie d'une autorisation d'établissement depuis le
mois
d'avril 1998 et C.________ n'avait pas encore atteint l'âge de
dix-huit ans
lorsqu'est intervenue la demande de regroupement familial litigieuse.
Le
recours est donc recevable au regard de l'art. 17 al. 2 LSEE.

1.3 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites
par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art.
97 ss OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une décision
qui
n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral revoit, le
cas
échéant d'office, les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105
al. 1
OJ). Sur le plan juridique, il vérifie d'office l'application du droit
fédéral qui englobe en particulier les droits constitutionnels des
citoyens
(ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388) - en
examinant notamment s'il y a eu excès ou abus du

pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) -, sans être lié par
les motifs
invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, il
ne peut
pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, le droit fédéral ne
prévoyant pas un tel examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3
OJ).

En matière de police des étrangers, lorsque la décision entreprise
n'émane
pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe
ses
jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de
droit
existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a
p. 365;
122 II 1 consid. 1b p. 4).

3.
Les recourants ont demandé de pouvoir prendre position sur les
déterminations
des autorités fédérales, si le Tribunal fédéral ordonnait un échange
d'écritures. Toutefois, selon l'art. 110 al. 4 OJ, un second échange
d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement, en particulier lorsque
l'autorité
intimée fait valoir des faits nouveaux déterminants sur lesquels
l'intéressé
n'a pas pu s'exprimer (Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e
éd.,
Berne 1983, p. 194). Tel n'étant pas le cas en l'espèce, la requête
des
recourants doit être rejetée.

4.
4.1L'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE a pour but de permettre à
l'ensemble de
la famille, parents et enfants, de se rejoindre et de vivre en commun
(à la
condition évidemment que les deux parents soient encore en vie). Il

vise donc
avant tout le cas où la relation entre les parents est intacte. La
seule
condition prévue explicitement par l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE
est que
les enfants vivent auprès de leurs parents. Toutefois, d'autres
exigences
doivent être tirées de la loi, de sorte que cette disposition ne
confère pas
de droit inconditionnel à faire venir en Suisse des enfants vivant à
l'étranger.

L'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE protège aussi les relations entre les
parents vivant séparés et leurs enfants mineurs. Toutefois, celui des
parents
qui a librement décidé de partir à l'étranger ne peut en tirer un
droit de
faire venir son enfant lorsqu'il entretient avec celui-ci des
contacts moins
étroits que l'autre parent ou que les membres de la famille qui en
prennent
soin et qu'il peut maintenir les relations existantes. Dans un tel
cas, où le
regroupement familial ne peut être que partiel, il n'existe pas un
droit
inconditionnel de l'enfant vivant à l'étranger de rejoindre le parent
se
trouvant en Suisse. Un tel droit suppose que l'enfant entretienne
avec le
parent établi en Suisse une relation familiale prépondérante et que la
nécessité de sa venue soit établie. A cet égard, il ne faut pas tenir
compte
seulement des circonstances passées; les changements déjà intervenus,
voire
les conditions futures, peuvent également être déterminants. Le refus
d'une
autorisation de séjour n'est en tout cas pas contraire au droit
fédéral
lorsque la séparation résulte initialement de la libre volonté du
parent
lui-même, lorsqu'il n'existe pas d'intérêt familial prépondérant à une
modification des relations prévalant jusque-là ou qu'un tel
changement ne
s'avère pas impératif et que les autorités n'empêchent pas les
intéressés de
maintenir les liens familiaux existants (ATF 124 II 361 consid. 3a p.
366/367
et les références). Ainsi, le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu
avant
ses dix-huit ans, alors qu'il a longtemps vécu séparément de celui de
ses
parents établi en Suisse, constitue un indice d'abus du droit conféré
par
l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE. Toutefois, il faut tenir compte des
autres
circonstances du cas, notamment des raisons de l'attribution de
l'enfant au
parent résidant à l'étranger, de celles de son déplacement auprès de
l'autre
parent, de l'intensité de ses relations avec celui-ci et des
conséquences
qu'aurait l'octroi d'une autorisation d'établissement sur l'unité de
la
famille (ATF 119 Ib 81 consid. 3a p. 88/89; 115 Ib 97 consid. 3a p.
101).

4.2 A.________ a quitté volontairement la Turquie en 1985, tout en y
laissant
sa femme et leur fils C.________ qui avait un peu plus de deux ans.
Il a donc
admis de vivre séparé de ce dernier alors qu'il n'avait aucun problème
politique dans sa patrie, comme il l'a lui-même reconnu par la suite.
Il a
bénéficié d'une autorisation de séjour à l'année depuis le mois
d'avril 1988,
puis d'une autorisation d'établissement dix ans plus tard. Or, ce
n'est que
le 31 août 1999 qu'il a entrepris des démarches auprès des autorités
judiciaires compétentes pour obtenir l'autorité parentale sur
C.________ et
sa garde, afin de le faire venir en Suisse.

Les recourants justifient la tardiveté de la demande de regroupement
familial
en faveur de C.________ par l'opposition de sa mère, B.________, mais
ils
n'ont produit aucune pièce étayant leurs dires. Au contraire, il
ressort du
jugement turc précité du 16 septembre 1999 que B.________ a consenti à
l'annulation de son droit de garde sur C.________. Les recourants
font aussi
valoir que A.________ a attendu de pouvoir accueillir C.________ dans
de
bonnes conditions (cadre de vie stable et adéquat). Cet argument
n'est pas
pertinent. En effet, il ressort du présent recours que A.________
travaille
depuis plus de quatorze ans pour le même employeur. Cela suffit à
démontrer
qu'il a trouvé depuis longtemps des conditions de travail qui lui
conviennent
et lui assurent la stabilité professionnelle même si sa situation
financière
est précaire, comme le montre le document que les recourants ont
produit à
l'appui de leur demande d'assistance judiciaire.

Il apparaît dès lors que ce sont des raisons de convenances
personnelles et
matérielles qui ont déterminé la date du dépôt de la demande de
regroupement
familial en faveur de C.________. Or, de tels motifs ne sauraient
être pris
en considération dans l'application de l'art. 17 al. 2 3ème phrase
LSEE.

4.3 Les recourants invoquent l'intensité de leur relation.

En réalité, les recourants avaient passé moins de trois ans ensemble
avant
que C.________, déjà majeur, n'arrive en Suisse. Ils ont donc vécu
séparés
durant quinze à seize ans. Même s'ils prétendent avoir gardé des
contacts
étroits à cette époque, ils n'en ont apporté aucune preuve. En
revanche,
pendant quelque douze ans à partir de son divorce, B.________ a eu
l'autorité
parentale sur C.________ et sa garde, alors qu'ils vivaient tous les
deux en
Turquie, et ce seraient des problèmes financiers qui l'auraient
amenée à
renoncer à ses droits sur C.________. Une telle situation a
assurément créé
des liens prépondérants par rapport à ceux qui résultent des quelque
vingt et
un mois durant lesquels A.________ a eu les mêmes droits sur
C.________,
tandis qu'ils vivaient dans des pays différents. Au demeurant, les
liens que
les recourants ont entretenus tout en étant séparés ne sont pas
menacés. En
outre, rien n'empêche A.________ d'aider financièrement de Suisse sa
famille,
notamment son fils C.________, en Turquie. En revanche, C.________ a
ses
principales attaches culturelles, sociales et familiales en Turquie,

vivent notamment sa mère, son frère D.________ et la grand-mère qui
l'aurait
partiellement élevé. Rien ne permet dès lors de penser que
C.________, qui a
des racines profondes en Turquie, a des relations moins étroites avec
sa
famille qui vit dans ce pays qu'avec son père vivant en Suisse.

De plus, les parents de C.________ ayant divorcé, le regroupement
familial ne
pourrait être que partiel. Par conséquent, pour respecter au mieux le
but
poursuivi par l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, il convient d'éviter
toute
mesure qui n'aboutirait qu'à diviser encore plus la famille. Or,
l'octroi
d'une autorisation de séjour à C.________ ne ferait que l'éloigner de
la
parenté (mère, frère, grand-mère) auprès de laquelle il a toujours
vécu en
Turquie. Au demeurant, les recourants ne sauraient se prévaloir du
fait que
le Tribunal administratif a rendu, le 22 mars 2001, un arrêt
favorable à la
délivrance d'une autorisation de séjour à D.________, tant que
l'octroi d'une
telle autorisation n'a pas été approuvé par les autorités fédérales.

Au demeurant, C.________ a vécu dans sa patrie jusqu'à passé dix-huit
ans,
soit pendant toute sa jeunesse, ce qui est capital, car c'est à cette
époque
de la vie que se forge la personnalité en fonction notamment de
l'environnement culturel. C'est dire aussi les problèmes
d'intégration que
C.________ pourrait rencontrer en Suisse. Enfin, il n'y a pas de
raison
impérative justifiant sa venue dans ce pays.

4.4 La demande de regroupement familial en faveur de C.________ a été
déposée
alors que l'intéressé avait plus de seize ans, soit à une époque où,
la
scolarité obligatoire étant terminée, il faut se tourner vers la vie
professionnelle. Il apparaît dès lors que l'objectif poursuivi par les
recourants est d'assurer à C.________ de meilleures conditions de vie
et de
travail en Suisse. Ce but économique ressort d'ailleurs de l'ensemble
du
dossier. Ainsi, d'après le jugement turc précité du 16 septembre
1999, la
modification du jugement de divorce de A.________ et B.________
venait de ce
que le père voulait que ses fils fassent des études à l'étranger. De
plus,
dans une lettre qu'il a adressée, le 18 février 2000, au Bureau des
étrangers
de la commune de P.________, A.________ a expliqué que son fil
C.________
venait en Suisse pour apprendre le français et faire si possible des
études
ou du moins un apprentissage, afin de pouvoir exercer un métier qui
l'intéresse. En outre, le présent recours mentionne expressément le
souci de
A.________ de donner à son fils C.________ les meilleures perspectives
d'avenir. Or, de telles préoccupations, bien qu'elles ne soient pas
critiquables en soi, montrent que l'objectif poursuivi par la demande
de
regroupement familial litigieuse ne correspond pas au but de l'art.
17 al. 2
3ème phrase LSEE (permettre la vie en commun de l'ensemble de la
famille).

5.
Les recourants se réclament de l'art. 8 CEDH.

Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au
respect
de la vie privée et familiale garanti par cette disposition pour
s'opposer à
l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une
autorisation de
séjour. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer la protection de la vie
familiale découlant de l'art. 8 CEDH, que la relation entre
l'étranger et une
personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en
Suisse (en
principe nationalité suisse ou autorisation d'établissement) soit
étroite et
effective (ATF 124 II 361 consid. 1b p. 364). D'après la
jurisprudence, les
relations familiales qui peuvent fonder, en vertu de l'art. 8 CEDH,
un droit
à une autorisation de police des étrangers sont avant tout les
rapports entre
époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF
120 Ib
257 consid. 1d p. 261). Si celui qui requiert une autorisation de
séjour ne
fait pas partie de ce noyau, la relation familiale ne peut être
protégée que
s'il existe un lien de dépendance avec la personne ayant le droit de
présence
en Suisse (ATF 120 Ib 257 consid. 1d p. 261). On peut généralement
présumer
qu'à partir de dix-huit ans, un jeune est normalement en mesure de
vivre de
manière indépendante sauf circonstances particulières, par exemple en
cas de
handicap ou de maladie grave (ATF 120 Ib 257 consid. 1e p. 261/262).
Dans la
procédure d'autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH, le
Tribunal
fédéral se base en principe sur les faits existant au moment où il
statue.
C'est donc l'âge de l'enfant à ce moment qui est déterminant,
contrairement à
ce qui se passe dans le cadre de l'examen de la recevabilité du
recours sous
l'angle de l'art. 17 al. 2 LSEE (cf. arrêt 2A.90/1996 du 10 juin 1996,
consid. 1d). Le champ de protection de l'art. 8 CEDH serait étendu de
façon
excessive si les descendants majeurs capables de gagner leur vie
pouvaient
déduire de cette disposition conventionnelle le droit de vivre en
ménage
commun avec leurs parents et, partant, le droit d'obtenir une
autorisation de
séjour (ATF 115 Ib 1 consid. 2c p. 5).

A l'heure actuelle, C.________, qui est majeur, a environ dix-neuf
ans et
huit mois et les recourants ne font pas valoir qu'il se trouve dans
un état
de dépendance particulier à l'égard de son père en raison, par
exemple, d'un
handicap ou d'une maladie grave. Dès lors l'art. 8 CEDH n'est pas
applicable
en l'espèce.

6.
Le Département fédéral a donc rejeté à juste titre le recours de
A.________
et C.________ contre la décision de l'Office fédéral du 7 décembre
2001. Il
n'a pas violé le droit fédéral ni en particulier abusé de son pouvoir
d'appréciation en prenant la décision attaquée.

7.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

Les conclusions des recourants étaient dénuées de toutes chances de
succès,
de sorte qu'il convient de leur refuser l'assistance judiciaire (art.
152
OJ).

Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires,
qui
seront fixés compte tenu de leur situation (art. 156, 153 et 153a
OJ), et
n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Département fédéral de justice et police et au Service de la
population du
canton de Vaud.

Lausanne, le 19 février 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.526/2002
Date de la décision : 19/02/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-19;2a.526.2002 ?
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