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18/02/2003 | SUISSE | N°1P.640/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 février 2003, 1P.640/2002


{T 0/2}
1P.640/2002 /col

Arrêt du 18 février 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Président de la Cour et Président
du
Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

E. ________,
recourant, représenté par Me Patrick Stoudmann, avocat,
place de la Palud 13, case postale 2208, 1002 Lausanne,

contre

T.________,
intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat,
rue de la Paix 4, case postale 3632, 1002 Lausanne,

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton...

{T 0/2}
1P.640/2002 /col

Arrêt du 18 février 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Président de la Cour et Président
du
Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

E. ________,
recourant, représenté par Me Patrick Stoudmann, avocat,
place de la Palud 13, case postale 2208, 1002 Lausanne,

contre

T.________,
intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat,
rue de la Paix 4, case postale 3632, 1002 Lausanne,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014
Lausanne.

procédure pénale, appréciation des preuves

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 2 mai 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 16 janvier 2002, le Tribunal de police de
l'arrondissement de
La Côte a condamné E.________ à un mois d'emprisonnement sans sursis
pour
lésions corporelles simples et violation des règles de la
circulation, en
raison des faits suivants. Le 29 septembre 2000 en fin d'après-midi,
alors
qu'il circulait sur l'autoroute Genève-Lausanne entre Coppet et Nyon,
E.________ avait devancé T.________ par la droite avant de rejoindre
la voie
de dépassement; T.________ ayant réagi par des coups d'avertisseur,
appels de
phares et autres gestes plus ou moins déplacés, E.________ avait
riposté en
freinant sans raison, puis, à la hauteur de Nyon, après s'être arrêté
une
première fois sur la voie de droite, avait tenté d'empêcher
T.________ de
rejoindre la bande de décélération en empruntant lui-même la bande
d'arrêt
d'urgence. Descendu de son véhicule après un léger accrochage,
E.________
avait frappé T.________, encore au volant, à travers la fenêtre
ouverte, et
lui avait saisi et frappé le bras si violemment que la vitre avait été
enfoncée à l'intérieur de la portière. Se fondant sur les
déclarations faites
à l'audience, le Tribunal a retenu que E.________ avait encore suivi
T.________ après la sortie d'autoroute, l'avait dépassé et avait
recommencé à
freiner sans raison, faits qui ne figuraient pas dans l'ordonnance de
renvoi.
En définitive, le tribunal a sanctionné les premiers coups de frein
sur
l'autoroute, l'arrêt à proximité de la bretelle autoroutière et les
coups de
frein après cet épisode, ainsi que les lésions corporelles simples
sur la
personne de T.________. Il a écarté la version de E.________ qui
prétendait
avoir saisi le bras de T.________ alors que celui-ci tentait de le
frapper de
l'intérieur de son véhicule.

B.
Par arrêt du 2 mai 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal
vaudois a rejeté le recours en réforme et en nullité déposé par
E.________.
En substance, la condamnation à raison des coups de frein
intempestifs et des
lésions corporelles était suffisamment motivée. Il n'y avait pas de
violation
de la présomption d'innocence, et la référence aux procès-verbaux
d'auditions
antérieurs aux débats était sans pertinence. Les conditions d'octroi
du
sursis n'étaient pas réalisées.

C.
E.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt.
Il en
demande l'annulation, ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité
intimée
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

La Cour de cassation et le Ministère public du canton de Vaud se
réfèrent aux
considérants de l'arrêt attaqué. T.________ conclut au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt
final
rendu en dernière instance cantonale. Le recourant, dont la
condamnation se
trouve confirmée par l'arrêt attaqué, a qualité (art. 88 OJ) pour se
plaindre
d'une appréciation arbitraire des preuves. En dehors d'exceptions non
réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut conclure
qu'à
l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 124 I 327 consid. 4 p. 332). La
conclusion tendant au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans
le sens
des considérants est dès lors irrecevable.

2.
Le recourant invoque la présomption d'innocence. S'agissant des
lésions
subies par T.________, les instances successives auraient simplement
retenu
la thèse de ce dernier, sans indiquer les raisons de ce choix et sans
chercher à établir ce qui se serait véritablement passé. Le recourant
prétend
avoir saisi le bras de T.________, et l'avoir retenu alors que ce
dernier
tentait de démarrer. A propos des coups de frein, le recourant
soutient
s'être contenté d'appuyer légèrement sur la pédale de frein afin
d'actionner
les feux "stop", ce qui n'est pas punissable. Rien ne permettrait de
savoir
pourquoi cette version a été écartée. Il en irait de même pour
l'épisode "de
la bretelle de sortie d'autoroute". Le recourant évoque les
spécificités de
la procédure pénale vaudoise, qui permet de tenir compte des
déclarations
faites aux débats principaux, qui ne sont pas verbalisées. Il ne
critique
toutefois pas cette institution en tant que telle - du moins pas de
manière
suffisante au regard des exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ -,
mais se
plaint de l'absence de motivation de la décision de première
instance, et du
refus de la cour cantonale de sanctionner ce vice.

2.1 Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation
pénale,
le Tribunal fédéral ne revoit l'appréciation des preuves que sous
l'angle de
l'arbitraire; il ne lui appartient pas de substituer sa propre
appréciation à
celle du juge de la cause (ATF 128 I 177 consid. 2.2 p. 182/183). A
cet
égard, la présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1
Cst. et 6
par. 2 CEDH, ne va pas, s'agissant de l'appréciation des preuves,
au-delà de
l'interdiction de l'arbitraire. Le recourant doit ainsi démontrer qu'à
l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des
preuves, le
juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa
culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40/41, 124 IV 86 consid. 2a p.
87/88,
120 Ia 31 consid. 2e p. 38 et 4b p. 40).

L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle heurte d'une
manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal
fédéral
n'invalide la solution retenue que si elle apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective ou adoptée sans
motifs
objectifs. L'appréciation doit apparaître arbitraire tant dans ses
motifs que
dans son résultat. Il ne suffit pas qu'une solution différente puisse
être
tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF
128 I 177
consid. 2.1 p. 182).

2.2 Confronté à deux déclarations contradictoires, sans autre élément
de
preuve disponible - le recourant ne prétend pas qu'une preuve
déterminante
aurait été négligée -, le juge n'a d'autre possibilité que de choisir
la
version des faits qui lui paraît la plus plausible. Il doit expliquer
les
raisons de son choix, lequel doit être exempt d'arbitraire.

En l'occurrence, pour l'ensemble des faits reprochés au recourant, le
tribunal a estimé que la version de T.________ était la plus
vraisemblable.
S'agissant des blessures infligées au bras gauche de T.________, le
tribunal
a estimé qu'il est difficilement concevable que quelqu'un tente de
donner un
coup en étant assis à l'intérieur d'un véhicule, alors qu'il est
facile pour
celui qui est à l'extérieur de saisir le bras de quelqu'un qui tente
de se
protéger et de le blesser. Le tribunal a également tenu pour établi -
et le
recourant ne le conteste pas - le fait que la vitre du véhicule
s'était
trouvée enfoncée, ce qui accrédite la version des coups répétés sur
le bord
de la fenêtre, et témoigne de la violence des chocs. Le recourant
cite un
extrait d'un procès-verbal d'audition de T.________ du 23 janvier
2001, selon
lequel "comme il [le recourant] ne voulait pas me lâcher, j'ai pris la
décision d'engager une vitesse et de démarrer"; il estime que cette
déclaration serait compatible avec sa version des faits, omettant
toutefois
de préciser que le passage précédant cet extrait reprend précisément
la
version retenue par le tribunal. Il n'était dès lors pas insoutenable
d'écarter la version du recourant, et de considérer en outre que
celui-ci
s'était comporté avec une certaine violence.

Le tribunal a également retenu que le recourant ne s'était pas
contenté
d'actionner les feux "stop", mais avait donné de véritables coups de
frein,
dans un but purement chicanier. Sur ce point non plus, il n'y a pas
arbitraire: le recourant n'ayant pas hésité à s'arrêter sur
l'autoroute,
malgré un trafic chargé, pour s'expliquer avec T.________, et à
entraver
celui-ci dans sa sortie de l'autoroute puis à le frapper, il est peu
vraisemblable qu'il se soit limité à actionner ses feux "stop" (dans
le but
prétendu de modérer le comportement du conducteur qui le suivait,
hypothèse
visée par l'ATF 99 IV 100), et plus plausible qu'il ait réellement
freiné
dans le but de gêner T.________. Quant à l'ultime épisode, après la
sortie
d'autoroute, la cour cantonale admet que le tribunal s'est montré très
succinct dans sa motivation, en retenant la version de T.________ au
motif
que ce dernier n'avait jamais varié entre le dépôt de plainte et ses
déclarations aux débats. La constance dans les déclarations ne suffit
certes
pas à elle seule pour en admettre la véracité. En l'occurrence, il
s'y ajoute
le fait que, sur l'ensemble de l'altercation, la version la plus
vraisemblable était celle de T.________, et qu'il n'y avait pas de
raison
particulière pour que celui-ci ajoute faussement un nouvel épisode
aux faits
dénoncés. La cour cantonale relève également que, de manière
significative,
le recourant ne contestait pas ce dernier épisode dans son mémoire de
recours, puisqu'il expliquait qu'à cette occasion également, il
s'était
contenté d'allumer ses feux "stop". Cette motivation résiste elle
aussi au
grief d'arbitraire.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être
rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant doit supporter le
paiement de
l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ), ainsi que des dépens
alloués à
l'intimé qui obtient gain de cause (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée à l'intimé
T.________, à la
charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 18 février 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.640/2002
Date de la décision : 18/02/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-18;1p.640.2002 ?
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