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12/02/2003 | SUISSE | N°8G.114/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 février 2003, 8G.114/2002


{T 1/2}
8G.114/2002 /dxc

Séance du 12 février 2003
Chambre d'accusation

Les Juges fédéraux Karlen, Président,
Fonjallaz, Marazzi,
greffier Abrecht.

Commission fédérale des banques, 3001 Berne,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire (art. 357 CP),

demande de constatation.

Faits:

A.
Une procédure pénale a été ouverte dans le canton de Genève sur le
soupçon
d

'infractions au code pénal suisse par d'anciens organes et d'anciens
réviseurs de la Banque cantonale de Genève (ci-après: la BCGe).

...

{T 1/2}
8G.114/2002 /dxc

Séance du 12 février 2003
Chambre d'accusation

Les Juges fédéraux Karlen, Président,
Fonjallaz, Marazzi,
greffier Abrecht.

Commission fédérale des banques, 3001 Berne,

contre

Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale 3344, 1211 Genève 3.

entraide judiciaire (art. 357 CP),

demande de constatation.

Faits:

A.
Une procédure pénale a été ouverte dans le canton de Genève sur le
soupçon
d'infractions au code pénal suisse par d'anciens organes et d'anciens
réviseurs de la Banque cantonale de Genève (ci-après: la BCGe).

Le 18 février 2002, l'un des quatre juges d'instruction du canton de
Genève
en charge du dossier a sollicité de la Commission fédérale des banques
(ci-après: la CFB), au titre de l'entraide selon l'art. 352 CP, la
remise de
divers documents, dont les procès-verbaux des délibérations de la CFB
relatives à la BCGe et d'autres documents internes à la CFB.

Par courrier du 6 mars 2002, la CFB a transmis certains des documents
sollicités, mais a refusé de transmettre ses propres notes et autres
documents internes. Par courrier du 25 juin 2002, l'un des juges
d'instruction a réitéré la demande d'entraide en ce qui concerne les
procès-verbaux des délibérations de la CFB relatives à la BCGe ainsi
que les
notes par lesquelles le secrétariat de la CFB rendait compte ou
saisissait
celle-ci des questions relatives à la BCGe. Le 5 juillet 2002, la CFB
a
réitéré son refus de transmettre ses propres notes et autres documents
internes, en relevant que ceux-ci n'étaient de jurisprudence
constante pas
accessibles aux parties en procédure administrative.

Il s'en est suivi un vif échange de correspondances, et le 24 octobre
2002,
l'un des juges d'instruction a imparti à la CFB un délai au 8
novembre 2002 à
midi pour lui faire parvenir les pièces en cause, en déclarant n'avoir
d'autre ressource, passé cette date, que de recourir aux moyens de
contrainte
que le code de procédure pénale genevois mettait à sa disposition.

B.
Le 5 novembre 2002, la CFB a saisi la Chambre d'accusation du Tribunal
fédéral d'une demande de constatation, en concluant à ce qu'il soit
constaté
que la CFB n'est pas soumise à l'entraide s'agissant de ses documents
internes (procès-verbaux de ses séances et rapports du secrétariat à
la
Commission) et, partant, que les autorités pénales genevoises ne
sauraient
lui imposer la remise de ces documents de quelque manière que ce
soit. La CFB
demandait en outre, à titre de mesure "superprovisionnelle", qu'il
soit fait
interdiction aux juges d'instruction genevois de recourir à la
contrainte
jusqu'à droit jugé.
Par ordonnance du 6 novembre 2002, le Président de la Chambre de
céans a fait
défense aux deux parties de modifier la situation actuelle, en ce qui
concerne les documents litigieux, jusqu'à droit jugé sur la
contestation au
sujet de l'entraide.

Après avoir reçu les observations du Juge d'instruction du canton de
Genève
sur la demande de constatation, observations dans lesquelles ce
magistrat a
conclu "au rejet de la contestation dans la mesure où elle est
recevable", le
Président de la Chambre de céans a décidé un deuxième échange
d'écritures,
par lesquelles les parties ont persisté dans leurs conclusions
respectives.

La Chambre considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 357 CP, toute contestation entre la Confédération
et un
canton ou entre cantons concernant l'entraide judiciaire selon les
art. 352
ss CP sera jugée par le Tribunal fédéral. Ces contestations relèvent
de la
compétence de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral (ATF 123 IV
157
consid. 3b et 4; 121 IV 311 consid. 1b; 115 IV 67 consid. 1a; 123 II
371).

La contestation peut être portée devant la Chambre d'accusation par
l'autorité à qui l'entraide est demandée (ATF 115 IV 67); ainsi, la
CFB, en
tant qu'autorité fédérale requise, peut saisir la Chambre
d'accusation (ATF
123 IV 157 consid. 2 in fine). Une telle démarche n'est pas soumise à
un
délai et n'exige pas l'épuisement préalable des éventuels moyens de
droit
cantonal ou fédéral (ATF 123 IV 157 consid. 2; 121 IV 311 consid. 1c
et les
arrêts cités).

2.
En vertu de l'art. 352 al. 1 CP, la Confédération et les cantons, de
même que
les cantons entre eux, sont tenus de se prêter assistance dans toute
cause
entraînant l'application du code pénal suisse ou d'une autre loi
fédérale,
étant sous-entendu naturellement qu'il doit s'agir d'une cause pénale
(ATF
102 IV 217 consid. 2). Les art. 352 ss CP ont remplacé l'art. 252
PPF, conçu
d'emblée comme une norme à caractère transitoire jusqu'à l'entrée en
vigueur
du code pénal suisse, de sorte qu'il convient de se fonder uniquement
sur les
dispositions de ce dernier (ATF 123 IV 157 consid. 3a; 118 IV 371
consid. 2
et les références citées).

2.1 L'entraide judiciaire, au sens de l'art. 352 CP, porte sur toute
mesure
qu'une autorité est requise de prendre, dans les limites de sa
compétence, au
cours d'une poursuite pénale pendante, pour les fins de la poursuite
ou pour
l'exécution du jugement (ATF 118 IV 371 consid. 3a; 102 IV 217
consid. 2; 96
IV 181 consid. 1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence de la
Chambre
de céans (ATF 86 IV 136), réaffirmée récemment (ATF 123 IV 157
consid. 3b et
4; 123 II 371) après une période d'incertitude (ATF 96 IV 181 consid.
3; 102
IV 217 consid. 2), il convient de considérer aussi, comme entrant
dans le
cadre de l'entraide, la requête formée par l'autorité chargée de
l'instruction pénale en vue d'obtenir qu'un fonctionnaire soit
autorisé à
témoigner sur des faits relatifs à son service ou à produire des
documents
officiels; si, en effet, dans ces cas le litige ne porte pas sur un
acte de
la poursuite pénale, il porte sur des actes qui servent directement à
cette
poursuite (ATF 86 IV 136; 102 IV 217 consid. 2). Ainsi, l'entraide
englobe
notamment la remise de dossiers, de renseignements ou de pièces à
conviction
(Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, 2000, n. 1615).

2.2 Il y a dès lors lieu de considérer comme relevant de l'entraide
judiciaire, au sens de l'art. 352 CP, la demande adressée à la CFB,
dans le
cadre de l'enquête pénale en cours contre d'anciens organes et
d'anciens
réviseurs de la BCGe, de remettre au Juge d'instruction du canton de
Genève
des documents qui pourraient être utiles à l'établissement des faits
que ce
magistrat instruit. Il en découle non seulement que la Chambre
d'accusation
du Tribunal fédéral est compétente pour connaître de la contestation
relative
à la mesure d'entraide demandée, mais aussi que le Juge d'instruction
du
canton de Genève ne saurait user, en vue d'obtenir l'exécution de
cette
mesure d'entraide, des moyens de contrainte que la loi met à la
disposition
des autorités de poursuite pénale pour saisir des papiers en mains de
particuliers (cf. sur ces mesures de contrainte Robert Hauser/Erhard
Schweri,
Schweizerisches Strafprozessrecht, 5e éd., 2002, p. 321 s.). Le seul
moyen
pour une autorité d'obtenir l'exécution d'une mesure d'entraide, au
sens de
l'art. 352 CP, d'une autre autorité qui s'y refuse réside dans la
saisine,
sur la base de l'art. 357 CP, de la Chambre d'accusation du Tribunal
fédéral,
laquelle enjoindra le cas échéant l'autorité requise d'accomplir les
actes
d'entraide sollicités (ATF 123 IV 157 dispositif p. 166).

3.
La Chambre d'accusation peut examiner si l'autorité requise se
soustrait à
ses obligations en refusant sans motif raisonnable d'accomplir les
actes
d'entraide requis (ATF 123 IV 157 consid. 4b; 119 IV 86 consid. 2a;
71 IV 170
consid. 1 in fine). Il convient dès lors d'examiner si les motifs
avancés par
la CFB dans ses écritures pour refuser de remettre ses documents
internes
sont objectivement soutenables (ATF 123 IV 157 consid. 5e). Mais au
préalable, il sied de rappeler brièvement ci-après la nature et le
mode de
fonctionnement de la CFB, tels qu'ils résultent de la loi et des
explications
données par la Commission dans ses écritures.

3.1 La Commission fédérale des banques est instituée par l'art. 23 de
la loi
fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne
(LB; RS
952.0), comme autorité chargée notamment de surveiller les banques
(art. 23
al. 1 LB), de prendre les décisions nécessaires à l'application de la
loi et
de veiller au respect des prescriptions légales (art. 23bis al. 1
LB). Elle
est assistée d'un secrétariat permanent (art. 23 al. 1 LB), qui compte
actuellement environ 130 personnes. La Commission proprement dite est
composée de 7 à 11 membres (actuellement 9), experts en la matière
(art. 23
al. 1 et 5 LB). Elle se réunit environ une fois par mois (art. 13 al.
1 du
Règlement du 20 novembre 1997 de la Commission fédérale des banques
[R-CFB;
RS 952.721]) et prend toutes les décisions importantes (art. 9 al. 1
R-CFB).
Elle se base à cet effet sur des rapports que lui remet le
secrétariat (art.
14 al. 3 R-CFB). Celui-ci tient le procès-verbal des séances, qui
contient
les noms des participants à la séance, un résumé des délibérations et
mentionne les propositions qui ont été faites et les décisions prises
(art.
17 R-CFB).

3.2 La CFB soutient en premier lieu qu'en demandant la remise des
documents
litigieux, le Juge d'instruction procéderait en réalité par ample
"fishing
expedition", sans expliquer le but de sa requête et ce qu'il cherche à
savoir.

3.2.1 Contrairement aux règles régissant l'entraide pénale
internationale
(cf. art. 28 al. 2 let. b EIMP [RS 351.1], ainsi que Robert
Zimmermann, La
coopération judiciaire internationale en matière pénale, 1999, n.
162), les
art. 352 ss CP ne posent pas d'exigences quant à l'indication des
motifs de
l'entraide demandée. Celle-ci est en principe due sans réserve (ATF
123 IV
157 consid. 4a), et l'autorité requise n'est pas habilitée à examiner
si la
mesure demandée est matériellement bien fondée, notamment si elle
apparaît
opportune ou nécessaire du point de vue de l'enquête diligentée par
l'autorité requérante (ATF 119 IV 86 consid. 2c; 115 IV 67 consid.
3b; 79 IV
179 consid. 3). Il n'en découle toutefois pas que l'autorité
requérante
puisse se dispenser d'indiquer au moins brièvement en quoi les actes
d'entraide qu'elle requiert sont nécessaires aux fins de la poursuite
pénale,
de manière à ce que la Chambre d'accusation, dans le cas où l'autorité
requise refuse d'accomplir les actes requis, soit en mesure
d'examiner le
bien-fondé des motifs de ce refus à la lumière de la nécessité de
l'entraide
(cf. consid. 3.4.1 infra).

3.2.2 En l'occurrence, le Juge d'instruction motive sa demande
d'entraide en
exposant que la documentation interne requise de la CFB constitue un
moyen de
preuve utile à l'établissement des faits qu'il instruit, dans la
mesure où
les interventions de la CFB et leurs conséquences sur les décisions
prises
par les organes de la BCGe mis en cause font de la part des parties à
la
procédure pénale l'objet d'appréciations à charge ou à décharge dont
les
magistrats instructeurs se doivent d'établir la réalité. Au regard de
cette
motivation, certes sommaire et relativement indéterminée, il
n'apparaît en
tout cas pas exclu que les documents litigieux puissent constituer un
moyen
de preuve utile à l'établissement des faits instruits par l'autorité
requérante. Il n'apparaît pas non plus que l'entraide requise soit
sans
rapport avec les infractions poursuivies et qu'elle soit manifestement
impropre à faire progresser l'enquête. On ne saurait parler de
"fishing
expedition" (recherche indéterminée de moyens de preuve), puisque
l'autorité
requérante indique clairement à quels documents, se trouvant en
possession de
la CFB, elle entend avoir accès.

3.3 La CFB fait également valoir que les rapports du secrétariat à
l'intention de la Commission et les procès-verbaux des délibérations
de
celle-ci servent à la formation interne de la volonté de cette
autorité et ne
font dès lors pas partie des pièces du dossier qui, selon la
jurisprudence,
sont accessibles aux parties dans une procédure administrative. Selon
la CFB,
la mise à disposition des documents dans la procédure pénale genevoise
conduirait pratiquement à les rendre publics, dans la mesure où
toutes les
parties y ont librement accès. Or dans ces conditions, la
confidentialité des
débats et la libre formation de la volonté de la CFB ne pourraient
plus être
assurées; les rapports du secrétariat à la Commission risqueraient
d'être
tronqués et la liberté d'expression des membres de la Commission
muselée.

3.3.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral évoquée par la CFB,
l'administration peut s'opposer à la consultation par l'administré des
documents internes qui figurent dans un dossier le concernant. Par
documents
internes, il faut comprendre les pièces qui ne constituent pas des
moyens de
preuve pour le traitement du cas, mais qui servent au contraire
exclusivement
à la formation interne de l'opinion de l'administration et sont
destinées à
un usage interne, telles que notes, avis personnels donnés par un
fonctionnaire à un autre, projets, rapports, propositions, etc.
L'exclusion
de ces documents du droit à la consultation du dossier a pour but
d'éviter
qu'au-delà des pièces décisives du dossier et des décisions motivées
prises
par l'administration, la formation interne de l'opinion
de celle-ci
ne soit
entièrement portée à la connaissance du public (ATF 125 II 473
consid. 4a;
122 I 153 consid. 6a p. 161/162; 115 V 297 consid. 2g/aa p. 303; 113
Ia 1
consid. 4c/cc p. 9 et les références citées; 100 Ia 97 consid. 5b; 96
I 606
consid. 3b; la distinction entre documents internes et autres
documents est
toutefois critiquée en doctrine, comme relevé à l'ATF 125 II 473
consid. 4a).

3.3.2 Ces principes, qui ont trait au droit d'une partie de consulter
le
dossier d'une affaire administrative la concernant, ne peuvent pas
être
simplement transposés à la présente procédure d'entraide, où
l'autorité
requise refuse de transmettre ses documents internes pour le motif
qu'elle a
un intérêt digne de protection à ce que la formation interne de son
opinion
ne soit pas entièrement divulguée aux parties à la procédure pénale
et,
par-delà celles-ci, au public. En effet, s'agissant de la
consultation par
l'administré du dossier le concernant directement, les documents
internes
dont l'administration peut refuser l'accès se caractérisent
précisément par
le fait qu'ils ne constituent pas des moyens de preuve pour le
traitement du
cas par l'administration (cf. consid. 3.3.1 supra). Or il en va
différemment
lorsque les documents internes établis par une autorité dans le cadre
d'une
procédure administrative pourraient constituer des moyens de preuve
dans le
cadre d'une procédure pénale instruite par une autre autorité, comme
c'est le
cas en l'espèce aux dires du Juge d'instruction. En pareil cas,
l'intérêt de
la poursuite pénale doit en principe l'emporter sur l'intérêt de la
CFB au
maintien du secret (ATF 123 IV 157 consid. 5b); il en va évidemment
de même
s'agissant de l'intérêt d'un inculpé à se défendre contre les chefs
d'inculpation dont il fait l'objet.

3.4 Cela étant, il est incontestable que l'intérêt à garder secrets
les
documents servant à la formation interne de l'opinion de l'autorité
doit
également être pris en considération dans le cadre d'une demande
d'entraide.
C'est en effet ce qu'exprime l'art. 27 PPF ¿ de manière analogue à
l'art. 30
DPA (RS 313.0) dont il s'inspire largement (cf. FF 1990 III 1161 ss,
p. 1167)
¿ lorsqu'il mentionne avant tout la consultation de pièces
officielles et
prévoit que l'entraide judiciaire peut être refusée, restreinte ou
assortie
de charges si des intérêts publics importants ou les intérêts
manifestement
légitimes d'une personne concernée l'exigent.

3.4.1 Si, dans le principe, l'autorité requérante est fondée à
demander de
consulter toute pièce qui peut avoir de l'importance pour la poursuite
pénale, des exigences accrues doivent être posées pour les documents
internes, soit ceux qui ont été établis au sein de l'autorité requise
à seule
fin de permettre ou de refléter la formation interne de l'opinion de
cette
autorité, tels que notes internes, rapports, propositions,
procès-verbaux de
discussions ou de délibérations internes, voire notes personnelles.
Plus le
caractère confidentiel d'un document est marqué, plus il y a lieu de
se
montrer sévère en ce qui concerne d'une part la nécessité d'y avoir
accès aux
fins de la poursuite pénale, et d'autre part les modalités d'exécution
propres à en sauvegarder la confidentialité.

3.4.2 En l'espèce, s'il n'apparaît pas exclu que les documents
litigieux
puissent avoir de l'importance pour l'enquête diligentée par
l'autorité
requérante (cf. consid. 3.2.2 supra), leur pertinence demeure
néanmoins
hypothétique pour l'instant au regard des indications fournies par
cette
autorité. Or les rapports du secrétariat de la CFB, de même que les
procès-verbaux des séances de la Commission ¿ qui, selon l'art. 17
R-CFB,
contiennent les noms des participants à la séance, un résumé des
délibérations et mentionnent les propositions qui ont été faites et
les
décisions prises (cf. consid. 3.1 supra) ¿ constituent bien des
documents
internes que la CFB a un intérêt à garder secrets, afin que la
formation de
sa volonté interne, dans un domaine d'activité délicat, puisse
demeurer
libre, franche et sereine.

3.4.3 L'entraide telle que demandée par l'autorité requérante, sous
la forme
de la remise inconditionnelle de l'ensemble des procès-verbaux des
délibérations de la CFB relatives à la BCGe ainsi que des rapports
relatifs à
la BCGe remis par le secrétariat de la CFB à la Commission,
constituerait une
mesure trop incisive au regard de l'intérêt légitime de la CFB à la
confidentialité de ces documents. En effet, en procédure pénale
genevoise,
dès que le Juge d'instruction a procédé à l'inculpation, l'instruction
devient contradictoire (art. 138 CPP/GE [RSG E 4 20]) et l'inculpé,
la partie
civile et leurs conseils sont admis à prendre connaissance de la
procédure et
à en lever copie (art. 142 CPP/GE). On ne saurait en outre écarter le
risque
que, par-delà les parties et leurs conseils, les pièces versées au
dossier ne
parviennent à la connaissance d'un plus large public.

3.5 Afin de tenir compte des intérêts légitimes de la CFB et de
garantir que
ses documents internes ne soient accessibles aux parties à la
procédure
pénale que dans la mesure où l'intérêt de la poursuite pénale,
respectivement
le respect des droits de la défense, l'exige véritablement, il
convient, en
application par analogie de l'art. 27 al. 2 let. a PPF (cf. consid.
3.4
supra), d'accorder l'entraide selon les modalités suivantes: les
documents
requis devront être mis à la disposition de l'autorité requérante au
siège de
la CFB pour y être consultés; après avoir examiné ces documents sur
place,
l'autorité requérante indiquera à la CFB quelles pièces, désignées
avec
précision, elle entend verser au dossier de l'enquête; ces pièces ne
pourront
quitter les locaux de la CFB, que ce soit en original ou en copie,
qu'avec
l'autorisation de la CFB ou, en cas d'opposition de cette dernière,
de la
Chambre de céans qui statuera sur la contestation.

On peut relever que l'autorité requérante elle-même paraît
reconnaître dans
ses écritures la nécessité d'opérer un tri dans les documents dont
elle
requiert la transmission par la CFB, en fonction de la pertinence de
ceux-ci.
Elle expose en effet que "lorsqu'un Juge d'instruction entre en
possession de
documents provenant de tiers, il a l'obligation de s'assurer de leur
pertinence par rapport aux faits qu'il instruit. Le tiers en question
peut à
cet égard demander au magistrat instructeur d'effectuer un tri,
opération
dont le résultat est susceptible de recours devant l'autorité
compétente".
Quoique l'autorité requérante ne se réfère à aucune disposition
légale, il
semble que ses considérations procèdent d'une confusion entre la
saisie en
mains de particuliers de documents utiles à la manifestation de la
vérité
(art. 181 CPP/GE) et les mécanismes de l'entraide judiciaire entre
autorités
(cf. consid. 2.2 supra).

3.6 Il sied enfin de constater que la CFB ne saurait invoquer, pour
refuser
de transmettre les documents demandés, la crainte que ces documents
puissent
servir à mettre en cause pénalement ses collaborateurs ou ses
membres. En
effet, la CFB, en tant qu'autorité de la Confédération, n'est pas
susceptible
d'être poursuivie pénalement et n'est dès lors pas titulaire des
droits
auxquels elle paraît faire allusion, notamment celui de ne pas
s'incriminer
qui découle de l'art. 6 § 1 CEDH (cf. arrêt de la CourEDH du 3 mai
2001 dans
la cause B. contre Suisse [31827/96], par. 64 ss).

4.
En définitive, la CFB doit être invitée à mettre à la disposition du
Juge
d'instruction du canton de Genève, pour consultation au siège de la
CFB, les
procès-verbaux de ses délibérations relatives à la BCGe ainsi que les
rapports de son secrétariat relatifs à la BCGe; après avoir examiné
ces
documents sur place, l'autorité requérante indiquera à la CFB quelles
pièces,
désignées avec précision, elle entend verser au dossier de l'enquête
pénale
qu'elle instruit; ces pièces ne pourront quitter les locaux de la
CFB, que ce
soit en original ou en copie, qu'avec l'autorisation de la CFB ou, en
cas
d'opposition de cette dernière, de la Chambre de céans qui statuera
sur la
contestation.

Dans une contestation entre la Confédération et un canton ou entre
cantons
concernant l'entraide judiciaire selon les art. 352 ss CP, il n'y a
pas lieu,
selon la jurisprudence, sauf circonstances particulières, de
percevoir un
émolument judiciaire ni d'allouer des dépens. Aucune conclusion
tendant à
l'allocation de dépens n'a d'ailleurs été prise en l'espèce.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
La demande de constatation est rejetée au sens des considérants.

2.
La Commission fédérale des banques est invitée à accorder l'entraide
judiciaire, au sens des considérants, au Juge d'instruction du canton
de
Genève dans la procédure pénale pendante contre d'anciens organes et
d'anciens réviseurs de la Banque cantonale de Genève.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la Commission fédérale des
banques
et au Juge d'instruction du canton de Genève.

Lausanne, le 12 février 2003

Au nom de la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8G.114/2002
Date de la décision : 12/02/2003
Chambre d'accusation

Analyses

Art. 352 et 357 CP; demande d'entraide judiciaire portant sur la remise par l'autorité requise de documents internes à celle-ci. La demande par laquelle un juge d'instruction cantonal, dans le cadre d'une enquête pénale instruite contre des tiers, sollicite la Commission fédérale des banques de lui remettre des documents internes à celle-ci relève de l'entraide judiciaire au sens de l'art. 352 CP (consid. 2). Exigences quant à la motivation de la demande d'entraide (consid. 3.2). Prise en considération de l'intérêt de l'autorité requise à garder secrets ses documents internes; plus le caractère confidentiel d'un document est marqué, plus il y a lieu de se montrer sévère en ce qui concerne la nécessité d'y avoir accès aux fins de la poursuite pénale et les modalités d'exécution propres à en sauvegarder la confidentialité (consid. 3.3-3.4.1). Concrétisation de ces principes en l'espèce (consid. 3.4.2-3.5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-12;8g.114.2002 ?
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