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10/02/2003 | SUISSE | N°U.146/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 février 2003, U.146/02


{T 7}
U 146/02

Arrêt du 10 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari,
Greffière : Mme
von Zwehl

T.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat,
place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 4 av

ril 2002)

Faits :

A.
T. ________ a subi comme nourrisson de graves brûlures sur plusieurs
parties
du corps; il a...

{T 7}
U 146/02

Arrêt du 10 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari,
Greffière : Mme
von Zwehl

T.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat,
place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 4 avril 2002)

Faits :

A.
T. ________ a subi comme nourrisson de graves brûlures sur plusieurs
parties
du corps; il a perdu notamment les doigts de la main gauche ainsi que
deux
phalanges terminales des doigts 3 et 4 de la main droite. En dépit de
cet
handicap, il a suivi une formation professionnelle et obtenu un CFC
d'imprimeur offset.

Le 5 décembre 1995, alors qu'il était employé auprès de la société
S.________
SA, il a été victime d'un accident de travail : sa main droite a été
coincée
dans une machine dont il surveillait le fonctionnement, ce qui a
entraîné une
sub-amputation du pouce droit. Le cas a été pris en charge par la
Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) auprès de
laquelle il
était assuré contre le risque d'accidents professionnels et non
professionnels.

Après avoir subi plusieurs interventions chirurgicales correctrices
au niveau
de la main droite (réimplantation du pouce droit), T.________ a
séjourné du
21 avril au 30 mai 1997 à la Clinique de réadaptation X.________ pour
y
suivre une thérapie intensive, respectivement pour une évaluation de
sa
capacité de travail résiduelle. Dans leur rapport de sortie du 19
juin 1997,
les médecins de la clinique ont fait état d'une importante limitation
fonctionnelle du pouce droit de l'assuré (faible motilité, abolition
de la
sensibilité au niveau du pouce, limitation de la flexion des autres
doigts)
réduisant fortement l'usage de sa main droite et l'empêchant, en
l'état, de
reprendre une activité lucrative. A l'occasion d'un examen médical
final du
10 août 1999, le docteur G.________, médecin d'arrondissement de la
CNA, a
néanmoins pu constater une certaine amélioration de la mobilité des
doigts
longs, et la faculté pour l'assuré de faire une pince entre son pouce
et les
doigts 2, 3 et 4; il a dès lors suggéré une nouvelle évaluation de la
situation par la Clinique de réadaptation Y.________. Cette
instruction
complémentaire ne s'est toutefois pas concrétisée.

S'appuyant sur les pièces médicales contenues au dossier ainsi que
sur les
renseignements recueillis au domicile de T.________ par un enquêteur,
la CNA
a octroyé au prénommé une rente d'invalidité de 100 % à partir du 1er
décembre 1999, une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de
45 %,
et une allocation mensuelle pour impotent de degré faible (décision
du 17
novembre 1999). L'assuré a formé opposition, en contestant le degré
d'impotence retenu. Dans une nouvelle décision du 1er mars 2000, la
CNA a
confirmé sa prise de position initiale.

Entre-temps, également appelée à connaître du cas, l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a reconnu à l'assuré le
droit à
une rente AI entière dès le 1er décembre 1996, fondée sur une
invalidité de
100 % (décision du 7 novembre 1997).

B.
T.________ a recouru contre la décision sur opposition de la CNA
devant le
Tribunal des assurances du canton de Vaud. Le prénommé ayant
transféré son
domicile dans le canton de Fribourg durant la procédure
administrative déjà,
le Président dudit tribunal a décliné sa compétence à raison du lieu
et
transmis la cause au Tribunal administratif du canton de Fribourg
(jugement
du 6 juin 2001).

Saisi du litige, le Tribunal administratif du canton de Fribourg a
rejeté le
recours de l'assuré, par jugement du 4 avril 2002.

C.
T.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
à la
reconnaissance de son droit à une allocation pour impotent de degré
moyen.

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le recourant invoque tout d'abord une violation de son droit d'être
entendu,
parce que les premiers juges n'ont pas tenu d'audience et n'ont pas
procédé à
son audition comme il l'avait pourtant demandé par correspondance à
réitérées
reprises entre le 26 septembre 2001 et le 3 avril 2002. Il fonde son
argumentation aussi bien sur le droit fédéral (art. 6 § 1 CEDH et 29
al. 2
Cst.), que sur le droit cantonal (en particulier l'art. 59 al. 1 du
Code de
procédure et de juridiction administratives fribourgeois [CPJA]).

2.
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de
caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le
fond (ATF
126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités).

2.1 L'obligation d'organiser des débats publics dans le contentieux de
l'assurance sociale au sens de l'art. 6 § 1 CEDH suppose une demande
du
plaideur. Pour qu'une telle demande puisse être prise en
considération, elle
doit être formulée de manière claire et indiscutable. A cet égard, on
considère que lorsqu'une partie sollicite sa comparution personnelle,
cela
n'équivaut pas à une demande de débats publics (ATF 125 V 38 consid.
2;
Jean-Maurice Frésard, L'applicabilité de l'art. 6 § 1 CEDH au
contentieux de
l'assurance sociale et ses conséquences sous l'angle du principe de la
publicité des débats, RSA 1994, p. 194 ss).

Dans le cas particulier, le recourant n'a pas, contrairement à ce
qu'il
prétend, formellement demandé l'organisation de débats publics en
application du principe de la publicité des débats; il n'a fait que
requérir
la mise en oeuvre d'une mesure d'instruction sous la forme d'une
audition
personnelle.
A cet égard, on rappellera que l'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas
plus que
l'art. 4 al. 1 aCst. le droit de s'exprimer oralement devant
l'autorité
appelée à statuer (ATF 125 I 219 consid. 9b;
Auer/Malinverni/Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. II, n° 1300) et que le recourant a
largement eu
la possibilité d'exposer ses arguments par écrit. Sous l'angle du
droit
fédéral, le moyen soulevé se révèle donc infondé.

2.2 C'est également en vain que T.________ se réfère aux dispositions
de
procédure de droit cantonal, notamment l'art. 59 CPJA, pour étayer la
violation de son droit d'être entendu. Tout d'abord, au regard de la
formulation de cette disposition, on ne voit pas que celle-ci accorde
au
justiciable des garanties plus étendues en matière d'administration
des
preuves que celles minimales déduites de la Constitution (cf. la
jurisprudence rendue à propos de l'art. 29 al. 2 Cst.); elle
n'exprime en
définitive rien de plus que les principes développés par la
jurisprudence en
relation avec l'appréciation anticipée des preuves. Or, comme il sera
démontré dans le cadre de l'examen au fond, la juridiction cantonale
pouvait,
au vu des pièces contenues au dossier et par appréciation anticipée
des
preuves, s'estimer suffisamment renseignée pour trancher le litige
(infra
consid. 4.2).

3.
Demeure seul litigieux, le point de savoir si le recourant peut
prétendre une
allocation pour impotence moyenne.

Sur ce point, le jugement entrepris expose de manière exacte les
dispositions
légales et réglementaires applicables, si bien qu'on peut y renvoyer.
On
précisera toutefois que pour les actes ordinaires de la vie qui
comprennent
plusieurs fonctions partielles, on n'exige pas que l'assuré ait
besoin de
l'aide d'autrui dans la plupart de celles-ci; il suffit bien plutôt
qu'il
soit dépendant, pour l'une de ces fonctions partielles, de l'aide
directe ou
indirecte de tiers, donnée régulièrement et dans une mesure
importante (ATF
121 V 91 consid. 3c et les références). On ajoutera également que la
loi
fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 1er
mars
2000 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

4.
En l'espèce, l'intimée admet que T.________ a de façon permanente
besoin de
l'aide d'autrui pour plusieurs fonctions partielles de deux actes
ordinaires
de la vie au moins, à savoir manger et faire sa toilette; le prénommé
reconnaît de son côté qu'il peut se lever, s'asseoir et se coucher de
manière
autonome et qu'il n'a pas besoin d'une surveillance personnelle
permanente.
Leurs points de vue divergent en revanche pour les actes ordinaires
de la vie
suivants : se déplacer et établir des contacts avec l'entourage (1),
se vêtir
et se dévêtir (2) et aller aux toilettes (3), singulièrement la
fonction
partielle de remettre en ordre ses vêtements après être allé aux
toilettes.

4.1 En ce qui concerne le premier acte cité (1), force est de
constater que
le recourant n'est pas empêché de se déplacer à l'intérieur comme à
l'extérieur, bien qu'il ne soit plus apte, en raison de son handicap,
à
conduire une voiture; il peut en effet emprunter les transports
publics sans
entrave aucune. La même conclusion s'impose s'agissant de la faculté
d'établir des contacts avec l'entourage. A cet égard, on ne saurait
le suivre
lorsqu'il prétend le contraire arguant qu'il ne peut plus écrire, ni
faire
usage des moyens de communication modernes comme le téléphone
portable ou le
courrier électronique. Il ne fait pas de doute que le recourant reste
en
mesure d'entretenir des contacts sociaux sans l'aide importante et
régulière
d'autrui et ce, malgré la diminution de l'usage de ses mains; au
demeurant,
dès lors qu'il possède encore, d'après les avis médicaux au dossier,
une
certaine mobilité des doigts longs de sa main droite, il est tout à
fait
concevable que téléphone et ordinateur puissent être adaptés à son
handicap.

4.2 En relation avec l'acte de se vêtir et se dévêtir (2), le
recourant
allègue qu'il peut certes enfiler un pull et remonter ses pantalons,
mais
qu'il lui est impossible de fermer les boutons d'une chemise ou une
fermeture
éclair, de même que de lacer ses chaussures, car il n'est plus
capable de
former une pince avec sa main droite. Ces empêchements ne sont
toutefois pas
suffisants, à l'aune de la jurisprudence, pour admettre l'existence
d'une
impotence dans l'acte de se vêtir et se dévêtir (voir RCC 1986 p.
509). Dans
l'arrêt précité, le Tribunal fédéral des assurances a en effet estimé
que
l'on pouvait exiger d'un assuré, en vertu de son obligation de
diminuer le
dommage, qu'il porte dans la mesure du possible des vêtements adaptés
à son
handicap (chaussures sans lacets, chemises sans boutons). Cela étant,
on
relèvera tout de même que l'affirmation du recourant selon laquelle
il ne
peut accomplir aucun geste nécessitant de faire une pince avec sa
main droite
se trouve en contradiction avec les constatations médicales faites
par les
docteurs R.________ et G.________ depuis la fin de l'année 1998; de
leurs
rapports respectifs, il ressort bien plutôt que l'état de sa main
droite
s'est amélioré au fil du temps au point de lui permettre une extension
complète ainsi qu'une flexion importante des doigts longs, et de
réaliser une
pince pouce-index, pouce-médius et pouce-annulaire. Il devrait donc
être
possible pour le recourant encore jeune, compte tenu de ses facultés
d'adaptation, d'acquérir avec le temps une plus grande autonomie dans
l'accomplissement de gestes de prime abord difficilement exécutables
à cause
de son handicap.
Ces considérations sont également valables pour la fonction partielle
de
remettre ses vêtements en ordre après être allé aux toilettes (3).

Vu ce qui précède, les premiers juges par ailleurs étaient fondés, par
appréciation anticipée des preuves, à se passer de l'audition
personnelle du
recourant sans qu'on puisse y voir une violation de son droit d'être
entendu
(cf. ATF 124 V 94 consid. 4b).

4.3 Du moment que le recourant n'est pas empêché d'accomplir quatre
au moins
des six actes ordinaires de la vie, il n'a droit qu'à une allocation
pour
important de degré faible (art. 38 al. 4 let. a OLAA). Le jugement
entrepris
n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 10 février 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.146/02
Date de la décision : 10/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-10;u.146.02 ?
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