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07/02/2003 | SUISSE | N°1A.90/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 février 2003, 1A.90/2002


{T 0/2}
1A.90/2002 /col

Arrêt du 7 février 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal
fédéral,
Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Jomini.

C. ________ et 28 consorts,
recourants,
tous représentés par Me Jean-Claude Perroud, avocat, rue du
Grand-Chêne 4 et
8, case postale 3648, 1002 Lausanne,

contre

Commune de Lausanne, 1002 Lausanne, représentée par
Me Jean

Anex, avocat, rue du Petit-Chêne 18, 1003 Lausanne,
Fondation lausannoise pour la construction de logements, route de
Chava...

{T 0/2}
1A.90/2002 /col

Arrêt du 7 février 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal
fédéral,
Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Jomini.

C. ________ et 28 consorts,
recourants,
tous représentés par Me Jean-Claude Perroud, avocat, rue du
Grand-Chêne 4 et
8, case postale 3648, 1002 Lausanne,

contre

Commune de Lausanne, 1002 Lausanne, représentée par
Me Jean Anex, avocat, rue du Petit-Chêne 18, 1003 Lausanne,
Fondation lausannoise pour la construction de logements, route de
Chavannes
105, 1007 Lausanne,
Société en formation Parking du Rôtillon S.A., p.a. Zschokke
Développement
S.A., rue du 31-Décembre 42, 1211 Genève 6, intimées,
Département de la sécurité et de l'environnement du canton
de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15,
1014
Lausanne.

permis de construire, protection contre le bruit

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Vaud du 12 mars 2002.

Faits:

A.
La commune de Lausanne est propriétaire, au centre de la ville dans le
quartier du Rôtillon, d'une surface d'environ 2'500 m2 (constituée
par les
parcelles nos 10677, 10680 et 20045 du registre foncier et un espace
faisant
partie du domaine public communal), en bordure de la rue Centrale.
Cette
surface est comprise dans le périmètre du plan partiel d'affectation
au
lieu-dit "Le Rôtillon", adopté par le conseil communal le 21 juin
1994 et
entré en vigueur le 9 novembre 1994, qui prévoit des règles
détaillées pour
l'implantation et l'architecture des nouveaux bâtiments pouvant être
construits à cet endroit (bâtiments destinés, selon l'art. 19 du
règlement de
ce plan, au logement, aux activités tertiaires, aux commerces, à
l'artisanat
et aux équipements).

Sur ces terrains, la commune de Lausanne a prévu d'accorder des
droits de
superficie à la Fondation lausannoise pour la construction de
logements et à
la société anonyme en formation Parking du Rôtillon S.A., en vue de la
réalisation de trois bâtiments d'habitation, pour dix-neuf logements
au
total, de locaux commerciaux et d'un parking souterrain de cent
quatre-vingt
places avec une rampe d'accès débouchant sur la rue Centrale. Pour ce
projet,
mis à l'enquête publique du 16 janvier au 5 février 2001, la
municipalité de
cette commune a délivré le 23 mai 2001 un permis de construire
assorti de
diverses charges et conditions; à cette décision communale sont
joints des
préavis et autorisations spéciales d'autorités cantonales, notamment
un
préavis du service cantonal de l'environnement et de l'énergie (SEVEN,
subdivision du Département de la sécurité et de l'environnement). En
délivrant le permis de construire, la municipalité a rejeté plusieurs
oppositions, formées en particulier par des voisins.

B.
C.________ et consorts, lesquels, pour la plupart, sont domiciliés à
la rue
Centrale ou dans le quartier du Rôtillon et avaient formé opposition,
ont
recouru contre le permis de construire auprès du Tribunal
administratif du
canton de Vaud. Leurs griefs se rapportaient, pour l'essentiel, au
bruit du
trafic routier le long de la rue Centrale.

Le Tribunal administratif a rejeté le recours par un arrêt rendu le
12 mars
2002. Il a considéré notamment qu'il n'y avait pas lieu de contrôler,
à titre
incident, le contenu du plan partiel d'affectation au lieu-dit "Le
Rôtillon";
les effets sur l'environnement du projet de réhabilitation du quartier
pouvaient déjà être appréciés au stade de l'élaboration de ce plan,
une étude
des nuisances sonores ayant du reste été effectuée à ce moment-là
(rapport du
bureau Ecoscan). De ce point de vue, les circonstances ne s'étaient
pas
modifiées, le trafic journalier ayant même subi une diminution
sensible
(22'000 véhicules en 1993 et 18'400 en 2000). Aussi la juridiction
cantonale
a-t-elle limité son examen à la conformité des constructions
litigieuses aux
dispositions du plan partiel d'affectation. Dans ce cadre, elle s'est
également prononcée sur l'application des prescriptions de la
législation
fédérale sur la protection contre le bruit, à propos des nuisances du
trafic
routier: celles subies dans les nouveaux locaux d'habitation, celles
provenant de l'effet de réflexion entre façades, les nouvelles
constructions
provoquant un resserrement de la rue Centrale, et celles provoquées
par les
véhicules utilisant le parking souterrain projeté. Le Tribunal
administratif
a pris en considération à ce sujet un projet communal de
réaménagement de la
rue Centrale et de rues ou ruelles adjacentes, présenté dans un
document de
la municipalité du 22 novembre 2001 (préavis municipal n° 253 à
l'intention
du conseil communal).

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, C.________ et
consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif ainsi que la décision de la municipalité délivrant le
permis de
construire. Ils se plaignent de violations du droit fédéral de la
protection
de l'environnement, en faisant valoir en substance que le quartier du
Rôtillon ne dispose pas d'un équipement routier adapté. Il faudrait
préalablement, selon eux, assainir ou réaménager la rue Centrale; le
projet
municipal à ce sujet serait critiquable à certains égards et, de toute
manière, sa réalisation serait aléatoire. Les recourants estiment dès
lors
que le permis de construire litigieux est assorti de conditions
inadmissibles.

La commune de Lausanne conclut à l'irrecevabilité ou au rejet du
recours;
elle indique en particulier, dans sa réponse, que son conseil
communal a
adopté le 7 mai 2002 le préavis municipal n° 253 relatif au
réaménagement de
la rue Centrale, un vote populaire devant encore avoir lieu. Invité à
se
déterminer sur le recours, le service cantonal de l'environnement et
de
l'énergie prend les mêmes conclusions. La Fondation lausannoise pour
la
construction de logements et la société anonyme en formation Parking
du
Rôtillon S.A. n'ont pas déposé de réponse.

L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage a été
invité à
communiquer ses observations sur le recours de droit administratif
(cf. art.
110 al. 2, 2e phrase OJ). Il a exposé que les exigences de
l'ordonnance du 15
décembre 1986 sur la protection contre le bruit (OPB; RS 814.41)
paraissaient
respectées.

Les parties ont eu la possibilité de déposer une écriture finale. Les
recourants ont répliqué, en confirmant leurs conclusions.

D.
Par une ordonnance du 20 juin 2002, le Président de la Ire Cour de
droit
public a accordé l'effet suspensif au recours de droit administratif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La voie du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ) est ouverte
contre
une décision au sens de l'art. 5 PA, prise en dernière instance
cantonale
(cf. art. 98 let. g OJ), qui est fondée sur des dispositions de la loi
fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01 - cf.
art. 54
LPE; ATF 126 II 300 consid. 1a p. 301; 123 II 231 consid. 2 p. 233);
tel est
le cas de l'arrêt attaqué. D'après les griefs des recourants, seule
l'application du droit fédéral de la protection de l'environnement
est en
jeu; c'est pourquoi il importe peu, du point de vue de la
recevabilité du
recours de droit administratif, que la contestation porte sur une
autorisation de construire dans une zone à bâtir, régie en principe
par le
droit cantonal (cf. art. 22 et 34 al. 3 de la loi fédérale sur
l'aménagement
du territoire [LAT; RS 700] - ATF 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II
88
consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 233; 116 Ib 175 consid. 1a p. 178
et les
arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'examiner plus en détail les
questions de
recevabilité - en particulier celle de la qualité pour recourir de
chacun des
voisins concernés (cf. art. 103 let. a OJ) - car, vu le sort à
réserver aux
griefs des recourants sur le fond, elles peuvent demeurer indécises.

2.
Les recourants invoquent l'exigence de l'art. 22 al. 2 let. b LAT,
selon
laquelle une autorisation de construire ne peut être délivrée que si
le
terrain est équipé. Il faut donc, selon les principes du droit
fédéral, des
voies d'accès adaptées à l'utilisation prévue (art. 19 al. 1 LAT). Les
recourants se réfèrent à la jurisprudence du Tribunal fédéral à
propos du
lien entre le caractère "adapté" des voies d'accès et le respect des
prescriptions de la loi fédérale sur la protection de l'environnement.

Le Tribunal fédéral a en effet considéré, dans un arrêt cité par les
recourants (ATF 116 Ib 159, commune d'Eschlikon), que la collectivité
qui
réalise les ouvrages d'équipement d'une zone à bâtir doit veiller à
ce que
les nuisances provenant de ces ouvrages - avant tout le bruit du
trafic
routier - soient compatibles avec les exigences de la loi fédérale
précitée.
Plus précisément, dans cette affaire, il s'agissait d'appliquer
l'art. 25 LPE
en vérifiant que les immissions du trafic prévisible sur une nouvelle
route
communale, considérée comme une installation fixe produisant du bruit
(cf.
art. 7 al. 7 LPE) et dont la réalisation était contestée, ne
dépasseraient
pas les valeurs de planification dans le voisinage (ATF 116 Ib 159
consid. 6b
p. 166/167). Or, dans la présente espèce, la contestation ne porte
pas sur la
réalisation d'une route ni sur des mesures de planification des
installations
d'équipement. Seule est en cause une autorisation de construire, dans
une
zone à bâtir déjà desservie par des voies d'accès, pour un projet
immobilier
conforme à l'affectation de cette zone (définie de manière détaillée
par le
plan partiel d'affectation de 1994). Cela étant, le bruit du trafic
sur les
routes desservant la zone ou le quartier est un élément à prendre en
considération dans l'application des dispositions pertinentes du droit
fédéral en matière de protection contre le bruit, dans une procédure
d'autorisation de construire (art. 22 et 25 LPE, art. 9 et 31 OPB,
notamment). Dans ce sens, la notion d'équipement, définie à l'art. 19
al. 1
LAT et reprise à l'art. 22 al. 2 let. b LAT, est effectivement à
interpréter
en relation avec certaines exigences de la loi fédérale sur la
protection de
l'environnement. Si ces exigences sont satisfaites, l'équipement doit
être
considéré, de ce point de vue, comme adapté à l'utilisation prévue.
C'est
dans ce cadre qu'il y a lieu d'examiner les griefs des recourants.

3.
Les recourants, en invoquant notamment à l'art. 22 LPE et aux art. 29
à 31
OPB, reprochent à la municipalité d'avoir accordé le permis de
construire
litigieux avant d'avoir réalisé l'assainissement de la rue Centrale
ou, pour
le moins, d'avoir réuni toutes les garanties en vue de sa
réalisation. Les
recourants mentionnent à ce propos la pose d'un revêtement drainant ou
phono-absorbant sur la chaussée de cette rue. D'après eux, il s'agit
d'une
condition préalable du permis de construire et on ne pourra pas
exiger des
constructeurs (la Fondation lausannoise pour la construction de
logements et
la société anonyme en formation Parking du Rôtillon S.A.) qu'ils la
réalisent
plus tard, puisqu'ils ne sont pas en mesure d'exécuter des travaux
sur une
route communale.

3.1 Aux termes de l'art. 22 al. 1 LPE (titre: "Permis de construire
dans les
zones affectées par le bruit"), les permis de construire de nouveaux
immeubles destinés au séjour prolongé des personnes ne seront
délivrés, sous
réserve de l'alinéa 2 de cet article, que si les valeurs limites
d'immissions
ne sont pas dépassées. L'art. 22 al. 2 LPE prescrit que, si les
valeurs
limites d'immissions sont dépassées, les permis de construire ne
seront
délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les
mesures
complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être
nécessaires ont été prises. L'art. 22 LPE s'applique au projet
litigieux, dès
lors qu'il comporte plusieurs logements.

Dans la présente contestation, seul le bruit du trafic routier est en
cause.
Comme, d'après l'arrêt attaqué - non contesté sur ce point -, le
degré de
sensibilité III est applicable aussi bien dans le périmètre du plan
partiel
d'affectation du "Rôtillon" que dans le voisinage direct de ce
quartier, les
valeurs limites d'immissions sont, respectivement, de 65 dB(A) le
jour et de
55 dB(A) la nuit (ch. 2 de l'annexe 3 de l'OPB).

3.2 Le Tribunal administratif, se référant implicitement à l'art. 22
LPE,
considère qu'il ressort des études acoustiques que toutes les mesures
ont été
prises pour que les locaux à usage sensible au bruit bénéficient soit
d'une
isolation acoustique suffisante, soit de possibilités d'ouverture des
fenêtres sur le côté opposé à la rue Centrale, ou sur les façades
perpendiculaires protégées par un parapet, ou encore à une distance
suffisante de la route. Dans la partie "faits", l'arrêt attaqué
résume les
conclusions de l'étude acoustique effectuée, pour les constructeurs,
par le
bureau d'ingénieurs Gilbert Monay à Lausanne (ce rapport, du 28
novembre
2000, faisant partie du dossier de la demande de permis de
construire):
chaque local sensible au bruit disposera d'une fenêtre à laquelle le
niveau
d'évaluation sera inférieur à 65 dB(A) le jour et 55 dB(A) la nuit,
pour
autant que la commune réalise le réaménagement
de la rue Centrale
avec un
revêtement phono-absorbant pouvant réduire le niveau de bruit de 1 à
3 dB.

La pose du revêtement phono-absorbant et la réalisation d'autres
mesures de
réaménagement de la rue Centrale, telles qu'elles sont notamment
décrites
dans le préavis municipal n° 253 du 22 novembre 2001, n'ont pas été
prévues
comme des conditions ou des charges, stricto sensu, du permis de
construire
litigieux; il n'était du reste pas question d'imposer ces obligations
aux
constructeurs, puisqu'elles incombent à la collectivité publique
responsable
de l'aménagement et de l'entretien du réseau routier. Consulté avant
la
décision municipale, le service cantonal spécialisé en matière de
protection
de l'environnement (SEVEN) a certes estimé que toutes les mesures de
protection contre le bruit mentionnées dans le rapport acoustique
Monay -
mesures de construction ou d'aménagement - devraient représenter des
"conditions impératives" du permis de construire; toutefois,
s'agissant de la
pose du revêtement phono-absorbant et des autres travaux de réfection
de la
rue Centrale, ce service a relevé, en conclusion d'un préavis
favorable, que
ces mesures devraient être réalisées "en parallèle" avec le projet
litigieux,
en d'autres termes qu'elles devraient faire l'objet d'une procédure
distincte.

Il n'est pas contesté que l'on ne se trouve pas dans l'hypothèse de
l'art. 22
al. 1 LPE et que, par conséquent, il était nécessaire de prévoir des
mesures
architecturales dans les bâtiments litigieux conformément à l'art. 22
al. 2
LPE (disposition judicieuse des pièces, emplacement des fenêtres,
etc.).
D'après le rapport acoustique Monay, ces seules mesures ne suffisent
pas à
garantir le respect des valeurs limites d'immissions si l'on retient
l'hypothèse d'une source de bruit - le trafic routier à la rue
Centrale -
dont le niveau demeurerait constant. Or les autorités compétentes
n'ont pas
retenu cette hypothèse, puisqu'elles ont admis qu'interviendrait
parallèlement un assainissement de la rue Centrale, au sens des art.
16 ss
LPE, comportant les mesures préconisées dans le rapport Monay. Il
faut donc
déterminer si ces mesures d'assainissement, objectivement aléatoires
dès lors
que les travaux n'ont pas encore été réalisés, pouvaient être prises
en
considération dans l'application de l'art. 22 LPE.

3.3 L'art. 22 al. 2 LPE peut être interprété en ce sens que, là où les
valeurs limites d'immissions sont actuellement dépassées, le permis de
construire ne peut en principe être délivré que si l'on prévoit un
respect de
ces valeurs dans les nouveaux locaux, moyennant des mesures
architecturales
(disposition judicieuse des pièces, etc.) et des mesures
complémentaires de
lutte contre le bruit. Le texte légal est équivoque - il prescrit des
mesures
sans fixer une valeur limite -, mais il résulte de l'art. 31 al. 1
OPB,
lequel précise la portée de l'art. 22 al. 2 LPE, que le respect des
valeurs
limites d'immissions est en principe une condition à l'octroi d'un
permis de
construire dans des secteurs exposés au bruit (cf. Robert Wolf,
Kommentar zum
Umweltschutzgesetz [KUSG], Zurich 2000, n. 25 ad art. 22 LPE). L'art.
31 al.
2 OPB prévoit certes une exception à cette règle, en ce sens que si
les
différentes mesures mentionnées à l'alinéa 1 ne permettent pas de
respecter
les valeurs limites d'immissions, le permis de construire pourra
néanmoins
être délivré, avec l'assentiment de l'autorité cantonale et pour
autant que
l'édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant. Il n'y a
cependant pas lieu d'appliquer ici cette exception - dont la légalité
n'est
du reste pas mise en doute dans la doctrine (cf. Wolf, op. cit., n.
33 ss ad
art. 22 LPE; Anne-Christine Favre, La protection contre le bruit dans
la loi
sur la protection de l'environnement, thèse Lausanne 2002, p. 270) -,
ni
d'interpréter la notion d'"intérêt prépondérant" (cf. arrêt
1A.59/1998 du 26
août 1998, publié in DEP 1999 p. 419, consid. 3b).

Dans la présente affaire en effet, les autorités compétentes
estiment, sur la
base du rapport acoustique, que les valeurs limites d'immissions
pourront
être respectées, grâce aux effets du réaménagement prévu de la rue
Centrale.
Lorsqu'il faut déterminer les immissions de bruit extérieur des
installations
fixes - en l'occurrence d'une route -, l'art. 36 al. 2 OPB prescrit
de tenir
compte de l'évolution future de ces immissions; aux termes de cette
disposition, on prendra en considération, notamment, l'évolution
prévisible
des immissions due à la construction de nouvelles installations ou à
la
modification ou à l'assainissement d'installations existantes, si les
projets
concernés sont déjà mis à l'enquête publique au moment de la
détermination.
Il faut en principe appliquer de manière restrictive l'art. 36 al. 2
OPB (cf.
arrêt 1A.59/1998 du 26 août 1998, publié in DEP 1999 p. 419, consid.
4a).
Néanmoins, s'agissant de l'assainissement d'une installation
bruyante, censé
réduire les immissions de bruit dans le voisinage, la condition de la
mise à
l'enquête publique du projet ne saurait être comprise comme une
exigence
stricte si d'autres éléments démontrent, avant même une décision
définitive,
une volonté des autorités compétentes de réaliser elles-mêmes
l'assainissement (pour une route publique, par exemple), ou de
l'exiger du
détenteur de l'installation. En d'autres termes, il faut pouvoir
compter avec
une certitude suffisante sur cette évolution du niveau des immissions
de
bruit (cf. Wolf, op. cit., n. 20 ad art. 22 LPE).

Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a tenu compte de la
décision de principe de la municipalité d'effectuer certains travaux
de
réaménagement ou d'assainissement de la rue Centrale, notamment par
la pose
d'un revêtement phono-absorbant, décision prise en vue de soumettre le
préavis n° 253 au conseil communal, pour que cette autorité octroie
un crédit
d'investissement. L'organe délibérant de la commune avait du reste
déjà
décidé, en adoptant le plan partiel d'affectation du "Rôtillon" le 21
juin
1994, que lors de la réfection de la rue Centrale, le choix du
revêtement
serait fait en tenant compte de sa capacité à réduire les nuisances
sonores
(ch. 31 du règlement de ce plan partiel, lequel comprend dans son
périmètre
un tronçon de la rue Centrale). Ce projet de réaménagement, selon le
préavis
municipal précité, n'est pas destiné à être mis en tant que tel à
l'enquête
publique; les recourants critiquent à cet égard la procédure
d'adoption
retenue, comme ils critiquent aussi certaines mesures d'organisation
de la
circulation routière mentionnées dans ce préavis, mais tel n'est pas
l'objet
de la présente contestation, limitée à l'examen de la légalité du
permis de
construire litigieux. La question décisive est en revanche de savoir
si,
nonobstant le défaut d'enquête publique, ce projet de réaménagement
routier,
comportant des mesures d'assainissement au sens de l'art. 16 LPE, est
suffisamment précis et concret pour pouvoir être pris en considération
conformément à l'art. 36 al. 2 OPB. Les recourants, qui le qualifient
d'aléatoire, ne fournissent cependant aucun élément propre à mettre
en doute
la volonté de la commune de réaliser cet assainissement à bref délai,
même si
dans leur réplique, postérieure à la votation populaire (il est
notoire que
le crédit d'investissement a été accepté), ils maintiennent que le
changement
de revêtement n'est pas garanti. Or le Tribunal administratif a
considéré que
l'on pouvait s'attendre à une réalisation coordonnée des deux
projets, avec à
court terme une première étape du réaménagement de la rue Centrale
sur le
tronçon directement voisin des bâtiments que les sociétés intimées
entendent
construire. En l'état, on peut donc compter avec une certitude
suffisante sur
la mesure d'assainissement que représente la pose d'un nouveau
revêtement
phono-absorbant; aussi la détermination des immissions de bruit,
faite sur
cette base, est-elle conforme au droit fédéral. Il s'ensuit que
l'octroi du
permis de construire ne viole pas l'art. 22 al. 2 LPE.

4.
Les recourants se plaignent également de l'augmentation des
immissions de
bruit qui résultera, dans le voisinage - notamment dans les
appartements
qu'ils habitent -, de la construction des bâtiments litigieux. Ils
mettent en
cause le bruit des véhicules accédant et sortant du parking souterrain
projeté ainsi que l'effet de réflexion des façades des nouveaux
bâtiments.

4.1 S'agissant du parking, le Tribunal administratif s'est prononcé
d'une
part sur le bruit provenant de l'installation elle-même (voie d'accès
au
parking sur la parcelle, couloir d'entrée), et d'autre part sur le
bruit
provoqué le long de la rue Centrale par le trafic automobile
directement lié
à ce parking. Dans le premier cas, la cour cantonale a appliqué
l'art. 7 OPB
(qui reprend les exigences de l'art. 25 LPE) et considéré que le bruit
produit à la sortie du parking, correctement déterminé dans le rapport
acoustique Monay, ne dépassait pas les valeurs prescrites (valeurs de
planification). Cette appréciation n'est pas sérieusement contestée
par les
recourants.

Dans le second cas, le Tribunal administratif a appliqué l'art. 9
let. b OPB,
qui dispose que l'exploitation d'installations fixes nouvelles ne
doit pas
entraîner la perception d'immissions de bruit plus élevées en raison
de
l'utilisation accrue d'une voie de communication nécessitant un
assainissement (en l'occurrence la rue Centrale). L'augmentation du
niveau de
bruit provoquée par les utilisateurs du parking a été estimée à 0.3
dB, et
qualifiée d'imperceptible par rapport au bruit du trafic existant.
Cette
appréciation du Tribunal administratif, fondée sur le rapport
acoustique,
n'est pas non plus critiquée de manière concluante par les
recourants. Il est
du reste généralement admis qu'en pareil cas, les exigences de l'art.
9 let.
b OPB sont satisfaites (cf. ATF 126 II 522 consid. 44 p. 582; 110 Ib
340
consid. 6 p. 353; arrêt 1A.262/2000 du 6 juillet 2001, partiellement
reproduit in DEP 2001 p. 1095, consid. 5b). A cet égard, les griefs de
violation du droit fédéral de la protection de l'environnement sont
mal
fondés.

4.2 Les recourants font enfin valoir que, dans certaines habitations
de la
rue Centrale, la construction des bâtiments d'habitation aura pour
effet
d'augmenter le niveau des immissions de bruit du trafic routier, à
cause de
la réflexion de ce bruit sur les nouvelles façades.

Le Tribunal administratif a retenu, à ce propos, que les auteurs du
projet
litigieux avaient prévu, à titre préventif et conformément au
principe de
l'art. 11 al. 2 LPE, de réaliser la façade nord du socle de leurs
bâtiments
en matériaux non réfléchissants et de couvrir les plafonds des parties
constructibles en retrait de matériaux phono-absorbants, de manière à
réduire
les réflexions du bruit routier vers les logements situés de l'autre
côté de
la rue Centrale. Les recourants ne prétendent pas que d'autres
mesures de ce
type auraient dû être imposées aux constructeurs. En dépit de ces
mesures
préventives, l'arrêt attaqué admet pourtant la possibilité d'un
accroissement
du bruit de l'ordre de 2 dB(A) sur la face sud des bâtiments nos 23,
25 et 27
de la rue Centrale, à cause de l'effet de réflexion; il renvoie à ce
propos
aux données du rapport acoustique Monay.

Cette augmentation des immissions n'est pas due à l'"utilisation
accrue d'une
voie de communication" entraînée exclusivement par l'exploitation du
parking
ou des bâtiments litigieux; c'est en effet le trafic existant sur la
rue
Centrale qui produit ce bruit. Aussi l'art. 9 OPB n'entre-t-il pas en
considération à ce propos (cf. supra, consid. 4.1). Pour le reste, on
ne voit
pas comment on pourrait en pareille hypothèse imposer au constructeur
de
prendre d'autres mesures, lorsqu'il a choisi des matériaux appropriés
et des
options architecturales propres à limiter l'effet de réflexion sur son
bâtiment. En l'espèce, l'augmentation des immissions, de l'autre côté
de la
rue Centrale, devra en revanche être prise en compte dans la procédure
d'assainissement de cette voie de circulation, car telle est bien
dans ce cas
l'unique source des émissions de bruit (cf. arrêt 1A.118/1995 du 19
mars
1996, consid. 3b, mentionné in tDEP 1996 p. 680 ainsi que par Wolf,
op. cit.,
n. 37 ad art. 25 LPE, et Favre, op. cit., p. 292). Or cette procédure
d'assainissement se déroule indépendamment de la présente procédure.
En
conséquence, cet effet de réflexion ne fait pas obstacle à l'octroi
du permis
de construire litigieux, aux conditions prévues. Les griefs des
recourants
sur ce point sont également mal fondés.

5.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif, entièrement mal
fondé,
doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les recourants,
qui
succombent, doivent supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a
et 156
al. 1 OJ). La ville de Lausanne n'a pas droit à des dépens (art. 159
al. 2
OJ). Il en va de même de la Fondation lausannoise pour la
construction de
logements et de la société anonyme en formation Parking du Rôtillon
S.A., qui
n'ont pas pris de conclusions devant le Tribunal fédéral (cf. art.
159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Un émolument
judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants et de
la commune de Lausanne, à la Fondation lausannoise pour la
construction de
logements, à la société anonyme en formation Parking du Rôtillon
S.A., au
Département de la sécurité et de l'environnement (service de
l'environnement
et de l'énergie) et au Tribunal administratif du canton de Vaud,
ainsi qu'à
l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 7 février 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.90/2002
Date de la décision : 07/02/2003
1re cour de droit public

Analyses

Protection contre le bruit, permis de construire dans un secteur urbain exposé au bruit routier (art. 22 et 25 LPE, art. 9 OPB, art. 19 al. 1 LAT). Prise en considération des exigences de la loi fédérale sur la protection de l'environnement pour déterminer si un terrain jouit d'un équipement en voies d'accès adapté, au sens du droit de l'aménagement du territoire (consid. 2). Portée de l'art. 22 LPE et prise en compte, lors de l'octroi d'un permis de construire pour un bâtiment comprenant des habitations, d'une évolution du niveau des immissions de bruit grâce à l'assainissement prévu d'une route (consid. 3). Limitation de l'effet de réflexion du bruit routier entraîné par la construction d'un nouveau bâtiment (consid. 4.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-07;1a.90.2002 ?
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