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04/02/2003 | SUISSE | N°U.311/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2003, U.311/02


{T 7}
U 311/02

Arrêt du 4 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
von Zwehl

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Christian Fischer, avocat,
avenue
Juste-Olivier 9, 1006 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 mars 2002)

Faits :
> A.
S. ________ travaillait comme maçon au service de l'entreprise
X.________. A
ce titre, il était assuré contre le risque d...

{T 7}
U 311/02

Arrêt du 4 février 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
von Zwehl

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Christian Fischer, avocat,
avenue
Juste-Olivier 9, 1006 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 mars 2002)

Faits :

A.
S. ________ travaillait comme maçon au service de l'entreprise
X.________. A
ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la
Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 11 juillet 1997, alors qu'il se trouvait sur un échafaudage, il
perdit
l'équilibre et tomba d'une hauteur d'environ 2 mètres. Il fut
transporté à
l'Hôpital Y.________, où les médecins diagnostiquèrent une fracture
multi-fragmentaire à deux étages du tibia droit, ainsi qu'une
tendinopathie
de la coiffe des rotateurs. La CNA prit en charge le cas.

L'évolution, bien que lente, fut considérée comme favorable (voir les
rapports des docteurs A.________, chef de clinique adjoint du service
d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur du Centre
hospitalier
Z.________, B.________, médecin-conseil de la CNA et C.________,
spécialiste
FMH en chirurgie orthopédique), si bien qu'à partir du 15 juillet
1998, la
CNA reconnut l'existence d'une capacité de travail de 50 %.
L'ablation du
matériel d'ostéosynthèse eut lieu le 22 avril 1999. Dans son examen
final du
21 juin 1999, le docteur B.________ conclut à une capacité de travail
entière
dans une activité légère et adaptée; il évalua l'atteinte à
l'intégrité à 5
%.

Sur cette base et après avoir procédé à une enquête économique, la
CNA a
accordé à S.________, d'une part, une rente d'invalidité LAA fondée
sur une
incapacité de gain de 20 % à partir du 1er mai 1999, estimant qu'il
pouvait
encore réaliser un salaire mensuel de 46'500 fr., et, d'autre part,
une
indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 5 % (décision du
21 juin
2000). Saisie d'une opposition, la CNA l'a écartée dans une nouvelle
décision
du 13 septembre 2000.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton
de
Vaud, en concluant à l'octroi, par la CNA, d'une rente basée sur une
incapacité de gain de 50 %, ainsi qu'à une indemnité pour atteinte à
l'intégrité d'un taux de 35 %.

Le tribunal a partiellement admis le recours, et reconnu à S.________
le
droit à une rente d'invalidité LAA d'un taux de 30 %; il l'a rejeté
pour le
surplus (jugement du 19 mars 2002).

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont
elle requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision sur
opposition.

S. ________ propose le rejet du recours, tandis que l'Office fédéral
des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le jugement entrepris expose de manière exacte les dispositions
légales et la
jurisprudence relatives à l'évaluation de l'invalidité, de sorte
qu'on peut y
renvoyer.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le
juge
des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les
modifications
du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de
la
décision sur opposition de la CNA (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid.
1b).

2.
En l'occurrence, le tribunal cantonal a confirmé l'appréciation de la
CNA sur
la capacité de travail résiduelle de S.________. Il s'est en revanche
écarté
de son évaluation de l'invalidité, en ce sens que pour déterminer le
revenu
d'invalide, il s'est référé non pas aux descriptions de poste de
travail
(DPT) sur lesquelles l'assureur-accidents s'était appuyé, mais aux
données
statistiques économiques, en procédant en outre à une déduction du
salaire
statistique à hauteur de 25 %, ce qui l'a conduit à reconnaître à
l'assuré un
degré d'invalidité de 30 % [58'100 (revenu sans invalidité) - 40'260
(revenu
d'invalide) x 100 : 58'1000].

Pour la CNA, ce procédé est critiquable dans la mesure où elle a
produit des
données économiques concrètes pour fixer le revenu d'invalide. En
tout état
de cause, elle considère la déduction de 25 % opérée par les premiers
juges
comme injustifiée et contraire aux circonstances du cas d'espèce.
Enfin, elle
remet également en cause le revenu sans invalidité, estimant que
celui-ci
doit être déterminé en fonction du salaire que S.________ aurait
perçu en
1999 (56'810 fr.), de sorte qu'il ne fallait pas tenir compte de
l'augmentation de salaire qui aurait été concédée au prénommé dès le
1er
janvier 2000 (58'100 fr.).

L'intimé de son côté discute le caractère exigible des activités
décrites
dans les DPT produites par la recourante et partage le point de vue
des
premiers juges quant à la manière de calculer son invalidité. Il fait
néanmoins remarquer que les atteintes dont il souffre encore ont été
sous-estimées tant par la CNA que la juridiction cantonale.

3.
En l'occurrence, il n'y a pas lieu de revenir sur l'estimation de la
capacité
de travail de l'intimé. Sur ce point, les avis médicaux contenus au
dossier
sont probants et il n'existe aucun motif sérieux qui pourrait
justifier que
l'on s'en détache. On doit dès lors admettre que S.________ conserve,
nonobstant l'accident dont il a été victime, une capacité de travail
résiduelle entière dans une activité légère et adaptée, permettant
l'alternance des positions assis/debout.

4.
Il reste à examiner si l'évaluation de l'invalidité de l'intimé à
laquelle
ont procédé les premiers juges est contraire aux règles légales
applicables
ainsi qu'aux principes dégagés par la jurisprudence en la matière.

4.1 Dans un arrêt publié aux ATF 128 V 174 consid. 4a, le Tribunal
fédéral
des assurances a précisé que, sous réserve de modifications
significatives
des données hypothétiques déterminantes durant la période
postérieure, la
comparaison des revenus prend date au moment de l'ouverture du droit
à une
éventuelle rente et non à celui de la décision sur opposition.

En l'espèce, sur la base des extraits de compte et des renseignements
fournis
par l'employeur, le revenu sans invalidité à prendre en considération
est
celui de l'année 1999 lequel s'élève à 56'810 fr. Il n'y a en effet
pas lieu
de s'en tenir au revenu de 58'100 fr retenu d'abord par la recourante
dans sa
décision sur opposition dès lors qu'il s'agit du revenu pour l'année
2000,
non déterminant dans le cas particulier.

4.2 Quant au recours à des données statistiques pour déterminer le
revenu
d'invalide, il est conforme à la jurisprudence qui admet de s'y
référer en
l'absence d'un revenu effectivement réalisé comme c'est le cas en
l'espèce
(ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb, 124 V 322 consid. 3b/aa). On peut,
il est
vrai, se demander dans quelle mesure il n'y a pas plutôt lieu de
s'appuyer
sur les données économiques concrètes issues des DPT lorsque celles-ci
servent de référence dans la décision initiale. Cette question peut
toutefois
demeurer ouverte dans le cas qui nous occupe du moment que le recours
doit
être admis pour d'autres motifs.

4.3 On doit en effet convenir avec la recourante que la déduction
globale
maximale effectuée par la juridiction cantonale prête le flanc à la
critique.

Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires
statistiques
doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances
personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap,
âge,
années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et
taux
d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir
d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent
influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 sv.
consid.
5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 sv. consid. 4b). La déduction, qui doit être
effectuée globalement, résulte d'une évaluation et doit être
brièvement
motivée par l'administration. Le juge des assurances sociales ne
peut, sans
motifs pertinents, substituer son appréciation à celle de
l'administration
(ATF 126 V 81 consid. 6).

Tout d'abord, les juges cantonaux n'ont guère motivé les raisons pour
lesquelles ils ont admis, dans le cas de S.________, la déduction
maximale de
25 %. On peut penser que c'est essentiellement en considération de
son âge
(l'assuré était âgé de 61 ans au moment du début du droit à la rente),
puisque dernier est en mesure de travailler à plein temps sans
diminution de
rendement, qu'il est titulaire d'un permis d'établissement et
bénéficie de
surcroît d'une longue expérience sur le marché du travail suisse.
L'âge ne
représente toutefois qu'un facteur parmi d'autres qui légitiment une
déduction du salaire statistique; une déduction maximale ne peut dès
lors se
justifier que lorsque plusieurs des éléments retenus par la
jurisprudence se
trouvent réunis chez un assuré. Tel n'est pas le cas en l'espèce.
S.________
est certes âgé de plus de 60 ans et présente des séquelles à sa jambe
droite,
mais ne réunit pas, en sa personne, d'autres éléments aggravants. Ces
circonstances justifient au plus un abattement de 15 %. Cela conduit
à un
taux d'invalidité correspondant à celui retenu par la recourante dans
sa
décision sur opposition.

On ajoutera que ce résultat ne s'en trouverait pas sensiblement
modifié si
l'on procédait à l'évaluation de l'invalidité de l'intimé
conformément à la
règle spéciale prévue à l'art. 28 al. 4 OLAA, aux termes duquel si,
en raison
de son âge, l'assuré ne reprend pas d'activité lucrative après
l'accident ou
si la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son
âge
avancé, les revenus de l'activité lucrative déterminants pour
l'évaluation du
degré d'invalidité sont ceux qu'un assuré d'âge moyen dont la santé a
subi
une atteinte de même gravité pourrait réaliser. Car selon la
jurisprudence
rendue à propos de cette disposition réglementaire, il y a justement
lieu de
faire abstraction du facteur âge tant dans la détermination des
revenus avec
que sans invalidité (cf. ATF 122 V 426 consid. 7b/aa non publié), de
sorte
que même s'il fallait considérer qu'elle était applicable au cas de
l'intimé,
ce dernier ne pourrait prétendre une réduction du salaire statistique
de
l'ampleur de celle qui lui a été accordée par la juridiction
cantonale en
raison précisément de son âge.

Le recours se révèle ainsi bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 19 mars 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: p. la Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.311/02
Date de la décision : 04/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-04;u.311.02 ?
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