La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2003 | SUISSE | N°I.726/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2003, I.726/02


{T 7}
I 726/02

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

R.________, recourante, représentée par Me Eric Maugué, avocat, rue
Marignac
14, 1206 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28,
1205 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 17 juillet 2002)

Faits :

A.
R. ________, née en 1967, a X.________ une f

ormation de coiffeuse.
Depuis le
mois de décembre 1988, elle a travaillé en Suisse en qualité de femme
de
chambre. A la suite d'un...

{T 7}
I 726/02

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

R.________, recourante, représentée par Me Eric Maugué, avocat, rue
Marignac
14, 1206 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28,
1205 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 17 juillet 2002)

Faits :

A.
R. ________, née en 1967, a X.________ une formation de coiffeuse.
Depuis le
mois de décembre 1988, elle a travaillé en Suisse en qualité de femme
de
chambre. A la suite d'une chute survenue le 27 novembre 1992, elle a
souffert
d'un syndrome lombo-vertébral chronique et n'a plus été en mesure
d'exercer
sa profession. Elle a été licenciée avec effet au 30 juin 1993.

R. ________ a perçu des prestations de l'assurance-accidents jusqu'au
28
février 1994. Son assureur-accidents a alors mis un terme au
versement de ses
prestations, motif pris qu'il n'existait plus de lien de causalité
entre la
chute du 27 novembre 1992 et les troubles dont l'assurée souffrait
encore.

Inscrite à l'Office cantonal de l'emploi depuis le 1er septembre
1993, elle a
alors perçu des indemnités de l'assurance-chômage au cours d'un
premier
délai-cadre à compter du 1er mars 1994, d'un deuxième à partir du 1er
mars
1996, puis d'un troisième dès le 1er mars 2000. Du 19 juillet 1995
jusqu'au
18 janvier 1996, elle a exercé une occupation temporaire au service de
l'association Réalise-Atelier Femmes. Souffrant de lombalgies
diffuses, elle
a déposé, le 21 mars 1996, une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une mesure d'orientation
professionnelle ou d'un reclassement dans une nouvelle profession.
L'Office
cantonal AI de Genève (ci-après : l'Office AI) a rejeté la demande,
motif
pris que le degré d'invalidité était insuffisant (décision du 20 août
1997).

En février 1998, R.________ a donné naissance à des jumeaux. Du 12
janvier au
28 février 1998 et du 1er avril au 25 mai 1998, elle a été mise au
bénéfice
des prestations cantonales de l'assurance-maladie et de
l'assurance-maternité. Souffrant de troubles psychiques à la suite de
l'accouchement, elle a déposé, le 8 février 2000, une nouvelle
demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une mesure
d'orientation professionnelle ou d'un reclassement dans une nouvelle
profession.

Par décision du 4 octobre 2001, l'Office AI a alloué à R.________,
dès le 1er
mars 1999, une demi-rente, assortie de rentes complémentaires pour sa
famille, fondée sur un degré d'invalidité de 60%.

B.
Par jugement du 17 juillet 2002, la Commission cantonale de recours
AVS/AI du
canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision par
R.________.

C.
Cette dernière interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement dont elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de
dépens,
à l'octroi d'une rente entière.

L'Office AI conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral
des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le cas d'espèce reste néanmoins régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il
est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50
% au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans
les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.
Selon l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le
revenu du
travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on
peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du
travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide.
En vertu de l'art. 27bis al. 1 RAI, l'invalidité des assurés qui
n'exercent
que partiellement une activité lucrative est, pour cette part,
évaluée selon
l'art. 28 al. 2 LAI. S'ils se consacrent en outre à leurs travaux
habituels
au sens de l'art. 5 al. 1 LAI, l'invalidité est fixée selon l'art. 27
RAI
pour cette activité. Dans ce cas, il faudra déterminer la part
respective de
l'activité lucrative et celle de l'accomplissement des autres travaux
habituels et calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont
l'assuré
est affecté dans les deux activités en question (méthode mixte
d'évaluation
de l'invalidité). Ainsi, il faut évaluer d'une part l'invalidité dans
les
travaux habituels par comparaison des activités (art. 27 RAI) et
d'autre part
l'invalidité dans une activité lucrative par comparaison des revenus
(art. 28
al. 2 LAI); on pourra alors déterminer l'invalidité globale d'après
le temps
consacré à ces deux champs d'activité. La part de l'activité
professionnelle
dans l'ensemble des travaux de l'assuré est déterminée en comparant
l'horaire
de travail usuel dans la profession en question et l'horaire accompli
par
l'assuré valide; on calcule donc le rapport en pour-cent entre ces
deux
valeurs. La part des travaux habituels constitue le reste du
pourcentage (ATF
104 V 136 consid. 2a; RCC 1992 p. 136 consid. 1b).
Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion
d'une
révision de celle-ci (art. 41 LAI), il faut examiner sous l'angle des
art. 4
et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient
d'appliquer
(art. 28 al. 2 et 3 LAI, en corrélation avec les art. 27 s. RAI). Le
choix de
l'une des trois méthodes (méthode générale de comparaison des revenus,
méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire
potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps
complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel,
assuré non
actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces
trois
catégories en fonction de ce qu'il aurait fait - les circonstances
étant par
ailleurs restées les mêmes - si l'atteinte à la santé n'était pas
survenue.
En pratique, on tiendra compte de l'évolution de la situation jusqu'au
prononcé de la décision administrative litigieuse, en admettant la
reprise
hypothétique d'une activité lucrative partielle ou complète, si cette
éventualité présente un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 125
V 150
consid. 2c, 117 V 194 consid. 3b et les références).
Selon la jurisprudence, le statut d'une assurée (personne exerçant une
activité lucrative à temps complet, à temps partiel ou sans activité
lucrative) ne dépend pas de l'activité qu'elle déployait avant son
mariage;
ce fait ne constitue qu'un indice. Est en revanche décisive la nature
de
l'activité que l'assurée exercerait depuis son mariage sans la
survenance de
l'atteinte à la santé (activité lucrative ou tâches ménagères). Il
faut donc
examiner si l'assurée, étant valide, aurait consacré l'essentiel de
son
activité à son ménage ou à une occupation lucrative après son
mariage, cela à
la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et
professionnelle. Ainsi, pour déterminer voire circonscrire le champ
d'activité probable de l'assurée, si elle était demeurée valide, on
tiendra
compte d'éléments tels que la situation financière du ménage,
l'éducation des
enfants, l'âge de l'assurée, ses qualifications professionnelles, sa
formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 117 V 195
consid. 3b; VSI 1996 p. 209 consid. 1c).

3.
3.1En l'espèce, le litige porte sur le degré d'invalidité de la
recourante
et, en premier lieu, sur la méthode d'évaluation de celui-ci. En
l'occurrence, l'administration et la juridiction cantonale ont
considéré que,
sans atteinte à la santé, la recourante aurait exercé une activité
lucrative
à mi-temps, et calculé le taux d'invalidité de cette dernière en
application
de la méthode d'évaluation mixte. Ce faisant, elles ont arrêté ce
taux en
estimant l'invalidité de la recourante à 100 % dans une activité
lucrative et
à 20 % dans les autres travaux; chacun de ces taux devant s'appliquer
à une
activité exercée à mi-temps, ils ont été réduits de moitié, soit de
50 % et
10 %.

La recourante conteste l'application au cas d'espèce de la méthode
d'évaluation mixte. Elle estime que si elle était en bonne santé, elle
exercerait une activité lucrative à temps complet et qu'il y a par
conséquent
lieu de calculer le degré d'invalidité déterminant conformément à la
méthode
générale de comparaison des revenus. Son point de vue ne saurait être
partagé.

3.2 En effet, la situation de la recourante s'est considérablement
modifiée à
la suite de la naissance de ses enfants. Elle a alors dû consacrer
aux soins
et à l'éducation de ces derniers ainsi qu'à la tenue du ménage une
part de
son temps, d'autant plus importante dans le cas de jumeaux. Même en
qualité
de concierge à domicile, il n'est pas vraisemblable que son mari eût
été en
mesure d'assumer la garde des enfants dans une mesure permettant à la
recourante d'exercer une activité lucrative à temps complet. La part
de cette
dernière a été fixée à 50 %, ce qui est non seulement raisonnable et
équitable au vu des charges ménagères et familiales en question, mais
qui
ressort en outre des déclarations faites par l'assurée à l'Office AI
(cf.
questionnaire servant à déterminer le statut d'assuré). Contrairement
à ce
qu'elle prétend, la validité de ces déclarations ne saurait être
remise en
cause en raison des troubles psychiques que la recourante a
développés à
partir du mois de mars 1998 puisqu'au mois d'août 1997, cette dernière
manifestait déjà son intention d'exercer une activité lucrative à
temps
partiel afin de se consacrer à ses enfants (cf. procès-verbal
d'audition du
14 août 1997 de l'Office AI).

En outre, il ressort des pièces versées au dossier que l'époux de
l'assurée a
réalisé un revenu de 64'040 francs au cours de l'année 2000 ce qui ne
contraignait pas l'intéressée à reprendre une activité lucrative à
temps
complet.

Sur le vu de ce qui précède, il est vraisemblable que, sans
invalidité, la
recourante se serait essentiellement consacrée à ses tâches ménagères
et
éducatives et qu'elle aurait tout au plus exercé une activité
lucrative à
mi-temps. C'est par conséquent à juste titre que l'administration et
la
juridiction cantonale ont calculé le degré d'invalidité de la
recourante en
application de la méthode d'évaluation mixte. Sur ce point , le
recours se
révèle dès lors infondé.

4.
Dans un second grief, la recourante conteste les conclusions de
l'enquête
économique sur le ménage effectuée le 15 mai 2001 par l'Office AI et
selon
lesquelles, elle présente un degré d'invalidité de 20% dans
l'exercice de ses
activités ménagères.

4.1Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage,
l'administration procède à une enquête sur les activités ménagères et
fixe
l'empêchement dans chacune des activités habituelles conformément au
supplément 1 aux directives concernant l'invalidité et l'impotence de
l'Office fédéral des assurances sociales (DII; spécialement ch.
2122), en
vigueur du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2000 (dès le 1er janvier
2001, ch.
3095 de la circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de
l'assurance-invalidité [CIIAI]). La Cour de céans a déjà eu l'occasion
d'admettre la conformité aux art. 5 al. 1 LAI et 27 al. 1 et 2 RAI de
cette
pratique administrative (arrêt du 9 avril 2001 dans la cause G., I
654/00, et
arrêts non publiés du 22 août 2000 dans la cause C., I 102/00 et du 15
novembre 1999 dans la cause H., I 331/99). Aux conditions posées par
la
jurisprudence (ATF 128 V 93) une telle enquête a valeur probante.
L'enquête
sur les activités ménagères n'est toutefois pas un moyen de preuve
adéquat
lorsque l'empêchement résulte de troubles d'ordre psychique (VSI 2001
p. 159
consid. 3d). En effet, le questionnaire servant à fixer l'invalidité
des
assurés travaillant dans le ménage est conçu de manière à évaluer le
handicap
découlant d'atteintes à la santé physique. Il n'est donc pas propre à
l'évaluation des limitations liées à des troubles psychiques. Les
constatations médicales relatives à la capacité de travail
raisonnablement
exigible sont dès lors plus aptes qu'une enquête économique à fixer
l'empêchement dans l'accomplissement des travaux habituels (cf.
arrêts non
publiés du 6 mai 2002 dans la cause F., I 526/01, et du 9 novembre
1987 en
l'affaire C., I 277/87).

4.2 En l'occurrence, il ressort des constatations médicales versées au
dossier que l'assurée souffre de troubles de l'humeur, épisode
dépressif
moyen avec syndrome somatique et
d'un état de stress post-traumatique.
Conformément à la jurisprudence précitée, l'enquête économique sur le
ménage
effectuée par l'Office AI n'est pas propre à établir l'empêchement
subi par
la recourante dans l'exercice de ses activités ménagères. Il y a dès
lors
lieu de se référer aux constatations médicales. Selon les pièces
versées au
dossier, l'assurée est entièrement incapable d'exercer une activité
lucrative
en raison des troubles psychiques dont elle souffre. En revanche,
aucun
médecin n'a examiné l'invalidité de l'intéressée dans
l'accomplissement de
ses travaux habituels. Dès lors que cet empêchement n'a pas été
évalué, il
n'est pas possible d'appliquer la méthode d'évaluation mixte et de
calculer
le degré d'invalidité de la recourante. Dans ces circonstances, il
convient
de renvoyer l'affaire à l'administration pour instruction
complémentaire et
nouvelle décision sur le droit éventuel de l'assurée à une rente
entière
d'invalidité.

5.
La recourante qui obtient partiellement gain de cause, est
représentée par un
avocat. Elle a donc droit à une indemnité de dépens à charge de
l'Office AI
(art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 17 juillet 2002 de
la
Commission cantonale de recours AVS/AI du canton de Genève et la
décision du
4 octobre 2001 de l'Office cantonal AI de Genève sont annulés, la
cause étant
renvoyée audit office pour instruction complémentaire au sens des
considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office cantonal AI du canton de Genève versera à la recourante la
somme de
2500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la valeur ajoutée)
pour
l'instance fédérale.

4.
La Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de
Genève
statuera sur les dépens pour la procédure de première instance, au
regard de
l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'AVS/AI et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 4 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.726/02
Date de la décision : 04/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-04;i.726.02 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award