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04/02/2003 | SUISSE | N°C.302/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2003, C.302/01


{T 7}
C 302/01

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Wagner

Service de l'emploi du canton de Vaud, première instance cantonale de
recours
en matière d'assurance-chômage, rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

T.________, intimé,

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 27 septembre 2001)

Faits :

A.
T. ________, né le 17 février 1960, est maçon-coffreur d

e formation.
Le 22
mai 2000, il a été engagé en qualité de manoeuvre par la société
X.________,
entreprise générale de maçonne...

{T 7}
C 302/01

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Wagner

Service de l'emploi du canton de Vaud, première instance cantonale de
recours
en matière d'assurance-chômage, rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
recourant,

contre

T.________, intimé,

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 27 septembre 2001)

Faits :

A.
T. ________, né le 17 février 1960, est maçon-coffreur de formation.
Le 22
mai 2000, il a été engagé en qualité de manoeuvre par la société
X.________,
entreprise générale de maçonnerie et béton armé sise à Z.________. Le
19
octobre 2000, il a résilié oralement son contrat de travail pour le 20
octobre 2000 (attestation de l'employeur du 27 novembre 2000), avec
l'accord
de l'entreprise X.________ (lettre du 23 octobre 2000).
Le 25 octobre 2000, T.________ a conclu un contrat de mission avec la
société
de conseils en personnel Y.________SA, à B.________. Le 22 novembre
2000,
cette société a résilié les rapports de travail pour le 30 novembre
2000.
Le 4 décembre 2000, T.________ a présenté une demande d'indemnité de
chômage,
en requérant l'allocation d'indemnités journalières à partir du 1er
décembre
2000.
Interpellé par la Caisse de chômage SIB sur les motifs de la
résiliation des
rapports de travail avec l'entreprise X.________, T.________, dans
une lettre
du 8 décembre 2000, a déclaré que le 23 octobre lorsqu'on lui avait
proposé
un travail qu'il estimait dangereux, vu le manque de sécurité, il
avait
décidé de quitter son emploi.
Par décision du 21 décembre 2000, la caisse a prononcé la suspension
du droit
de T.________ à l'indemnité de chômage pendant 31 jours dès le 21
octobre
2000. Elle a retenu qu'il était sans travail par sa propre faute, vu
qu'il
avait résilié le contrat avec l'entreprise X.________ sans invoquer de
motifs, que ses arguments invoqués ultérieurement ne justifiaient pas
pleinement son comportement, que l'on pouvait exiger de lui qu'il
conserve
son emploi auprès de cette société, qu'il avait la possibilité de
travailler
au service de son employeur au-delà du 20 octobre 2000 et qu'il avait
ainsi
pris le risque de prolonger son chômage.

B.
T.________ a attaqué cette décision devant la première instance
cantonale
vaudoise de recours en matière d'assurance-chômage, en concluant à
l'annulation de celle-ci, motif pris que son emploi auprès de
l'entreprise
X.________ n'était pas réputé convenable et qu'il avait donné son
congé à
cause des problèmes de sécurité sur les voies de chemin de fer.
Lorsqu'il
avait averti son employeur qu'il y avait de graves problèmes de
sécurité sur
les voies, celui-ci lui avait simplement dit de prendre contact avec
les CFF,
qui n'avaient pas tenu compte de ses craintes.
Dans ses observations du 17 mai 2001, l'entreprise X.________ a
indiqué que,
renseignements pris auprès des CFF, T.________ n'avait jamais
travaillé seul
aux abords et sur les voies. Par contre, il était possible qu'il ait
été
occasionnellement seul durant le nettoyage de locaux.
Par décision du 26 juin 2001, le Service de l'emploi de l'État de
Vaud,
statuant en qualité de juridiction cantonale de première instance, a
rejeté
le recours.

C.
Par jugement du 27 septembre 2001, le Tribunal administratif a
partiellement
admis le recours formé par T.________ contre cette décision, annulé
celle-ci
et renvoyé le dossier de la cause à la première instance cantonale de
recours
en matière d'assurance-chômage pour nouvelle instruction et nouvelle
décision
dans le sens des considérants. Il a considéré, en bref, que la
question de la
sécurité dans l'accomplissement du travail était un élément essentiel,
susceptible de rendre intolérable la poursuite des rapports de
travail, et
que cela nécessitait une instruction complémentaire, les responsables
des
chantiers sur lesquels T.________ avait travaillé lorsqu'il se
trouvait aux
abords des voies ferrées devant être interpellés à ce sujet.

D.
Le Service de l'emploi de l'État de Vaud interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de
celui-ci, la
décision du 26 juin 2001 étant confirmée.
S'en remettant à justice sur la question de la recevabilité du
recours, le
Tribunal administratif conclut au rejet de celui-ci. T.________ n'a
pas
répondu au recours. La Caisse de chômage SIB s'en remet au jugement du
Tribunal fédéral des assurances. Le Secrétariat d'État à l'économie
n'a pas
déposé d'observations.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ATF
120 V 237
consid. 1a, 117 V 241 consid. 1; VSI 2001 p. 121 consid. 1; voir
aussi ATFA
p. 189 consid. 1), le jugement attaqué, qui est une décision de
renvoi, doit
être considéré comme une décision finale. Le délai de recours
applicable est
donc de trente jours (art. 106 al. 1 en corrélation avec l'art. 132
OJ),
l'indication des voies de droit - inexacte sur ce point, vu que le
délai de
dix jours contre une décision incidente n'entre pas en considération
-, ne
pouvant entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 107 al. 3 en
liaison
avec l'art. 132 OJ).

1.2 Le recours de droit administratif a été interjeté devant la Cour
de céans
en octobre 2001, soit bien avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2003, de
la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA). Selon l'art. 102 al. 2 LACI (dans sa teneur en
vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002, cf. let. b de cette disposition légale), le
Service de l'emploi de l'État de Vaud, qui a statué en première
instance
cantonale, a qualité pour recourir contre le jugement attaqué (art.
103 let.
c OJ; arrêt non publié S. du 26 janvier 2000 [C 157/99]).

2.
L'entrée en vigueur de la LPGA a entraîné la modification de
nombreuses
dispositions légales dans le domaine de l'assurance-chômage. Ce
nonobstant,
le cas d'espèce reste régi par les dispositions de la LACI en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les
règles
applicables sont celles en vigueur au moment où les faits
juridiquement
déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). En outre, le
Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité des décisions
attaquées,
en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la
décision
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à
l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans
travail
par sa propre faute.
Selon l'art. 44 al. 1 OACI, est notamment réputé sans travail par sa
propre
faute l'assuré qui:
b.a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été
préalablement
assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de
lui
qu'il conservât son ancien emploi;
c.a résilié lui-même un contrat de travail vraisemblablement de
longue durée
et en a conclu un autre dont il savait ou aurait dû savoir qu'il ne
serait
que de courte durée, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il
conservât
son ancien emploi.

2.2 Pour qu'on puisse admettre qu'avant la résiliation de son contrat
de
travail un assuré s'est, au sens de l'art. 44 al. 1 let. b OACI,
«assuré
d'obtenir un autre emploi», il faut que lui-même et le nouvel
employeur
aient, de façon expresse ou par actes concluants, manifesté
réciproquement et
d'une manière concordante leur volonté de conclure un contrat de
travail au
sens des art. 319 s. CO (DTA 1992 n° 17 p. 153 consid. 2a; Thomas
Nussbaumer,
Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR],
Soziale Sicherheit, ch. 696). Un contrat de travail - voire un
précontrat -
en la forme orale suffit donc (Gerhards, Kommentar zum
Arbeitslosenversicherungsgesetz, n° 15 ad art. 30 LACI; Jacqueline
Chopard,
Die Einstellung in der Anspruchsberechtigung, thèse Zurich 1997, p.
115 s.).
Selon l'intimé, lorsqu'il a donné son congé à l'entreprise
X.________, il
avait effectivement trouvé une autre place de travail (mémoire de
recours du
19 juillet 2001 déposé devant le Tribunal administratif). Ainsi que
cela
ressort du dossier, il a du reste signé un contrat de mission avec la
société
Y.________SA, daté du 25 octobre 2000.
Dès lors on doit admettre que l'intimé s'était assuré d'obtenir un
autre
emploi. Aussi, est-ce à tort que la décision administrative
litigieuse du 21
décembre 2000 se fonde sur l'art. 44 al. 1 let. b OACI, disposition
légale
qui n'entre pas en considération dans le cas particulier. Il faut
examiner si
la suspension du droit de l'intimé à l'indemnité de chômage se
justifie au
regard de l'art. 44 al. 1 let. c OACI.

3.
L'intimé a résilié lui-même le contrat de travail de durée
indéterminée qui
le liait à l'entreprise X.________ (attestation de l'employeur du 27
novembre
2000). Il a conclu un contrat de mission avec la société
Y.________SA, daté
du 25 octobre 2000, dont il savait qu'il ne serait que de courte
durée,
puisque la durée de la mission était au maximum de 11 semaines.

3.1 D'après la jurisprudence, les circonstances permettant d'admettre
que
l'on n'eût pu exiger de l'assuré qu'il conservât son ancien emploi
doivent
être appréciées de manière restrictive (DTA 1989 no 7 p. 89 consid.
1a; voir
également Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, n.
14 ad
art. 30).
La notion d'inexigibilité au sens de l'art. 44 al. 1 let. c OACI
coïncide
avec la notion d'inexigibilité au sens de l'art. 44 al. 1 let. b
OACI. Selon
la jurisprudence (ATF 124 V 236 s. consid. 3 et 4), la notion
d'inexigibilité
au sens de l'art. 44 al. 1 let. b OACI doit être interprétée
conformément à
la Convention n° 168 de l'OIT concernant la promotion de l'emploi et
la
protection contre le chômage, du 21 juin 1988, qui permet de
sanctionner
celui qui a quitté volontairement son emploi sans motif légitime
(art. 20
let. c de la convention).

3.2 Les premiers juges ont relevé que par courrier du 14 mai 2001, la
première instance cantonale de recours avait interpellé l'ancien
employeur en
lui soumettant, dans leur intégralité, les griefs soulevés par
l'assuré.
S'agissant des problèmes liés au respect des prescriptions de
sécurité, le
responsable de l'entreprise X.________ avait répondu, après avoir
recueilli
des informations auprès des CFF, que l'intéressé avait pu être seul
lorsqu'il
procédait au nettoyage des locaux, mais qu'il n'avait jamais
travaillé seul
aux abords des voies ferrées.
Selon le Tribunal administratif, au regard des circonstances du cas
d'espèce,
la première instance cantonale de recours ne pouvait faire supporter à
l'assuré l'absence de preuve sur la base de ces seuls éléments. Il lui
incombait d'abord de faire toute ce que l'on pouvait raisonnablement
exiger
d'elle pour que les faits pertinents fussent établis. Certes,
l'assuré ne
s'est pas déterminé sur les remarques formulées par l'ancien
employeur. On ne
saurait cependant déduire de ce silence qu'il aurait renoncé à l'un ou
l'autre des moyens qu'il avait soulevés à l'appui de son recours. A la
lecture des observations du responsable de l'entreprise X.________,
on peut
émettre quelques doutes sur la mise en oeuvre du devoir de
surveillance de
l'employeur. Il est en effet surprenant que ce dernier ait été
contraint de
prendre contact avec les CFF pour connaître les conditions dans
lesquelles
son employé travaillait. A plus forte raison, si l'on songe que
l'assuré,
vraisemblablement peu expérimenté, exerçait une activité à risque
lorsqu'il
se trouvait aux abords des voies ferrées. Ces considérations font
également
craindre que celui-ci n'ait pas été instruit de manière adéquate sur
les
prescriptions de sécurité propres à une telle activité. Quand bien
même il
serait établi qu'il n'a pas travaillé seul aux abords des voies, ce
qui n'est
pas le cas, il y aurait encore lieu de se demander si l'ensemble des
règles
de sécurité instituées pour protéger les personnes employées aux
abords des
voies ferrées étaient effectivement respectées; rien ne permet de
penser que
les règles de sécurité soient respectées si l'équipe ne comprend que
deux
personnes. Les déterminations de l'employeur ne répondent pas à cette
question, qui résulte pourtant des moyens soulevés par l'assuré.

3.3 Interpellé par la caisse sur les motifs de la résiliation des
rapports de
travail avec l'entreprise X.________, l'intimé , dans sa réponse du 8
décembre 2000, a déclaré que le 23 octobre (2000) lorsqu'on lui avait
proposé
un travail qu'il estimait dangereux, vu le manque de sécurité, il
avait
décidé de quitter son emploi.

Cette déclaration est en contradiction avec les pièces du dossier.
Selon
l'attestation de l'employeur du 27 novembre 2000, l'intimé, le 19
octobre
2000, a résilié oralement son contrat de travail pour le 20 octobre
2000.
L'entreprise X.________ a donné son accord par lettre du 23 octobre
2000.
Le manque de sécurité invoqué par l'intimé ne constitue pas quoi
qu'il en
soit un motif légitime de résiliation immédiate des rapports de
travail.
Ainsi que le relève avec raison le recourant, il lui était loisible de
suspendre toute activité «dangereuse», sans pour autant résilier le
contrat
qui le liait à l'entreprise X.________. Lorsque l'employeur doit

prendre des
mesures pour empêcher que le travailleur ne subisse une atteinte, ce
dernier
peut en exiger l'exécution et mettre à cet effet l'employeur en
demeure. Si
l'employeur ne s'exécute pas, le travailleur peut refuser la
prestation de
travail sans que l'employeur soit libéré pour autant de l'obligation
de
verser le salaire (voir p.ex. Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du
contrat
de travail, 2e éd. note 9 ad art. 328 CO).
Selon l'art. 44 al. 1 let. c OACI, l'intimé est donc réputé sans
travail par
sa propre faute.

4.
Dans les circonstances du cas d'espèce, où l'intimé a résilié avec
effet
immédiat un contrat de travail du durée indéterminée, alors qu'il lui
était
loisible de continuer de travailler auprès de l'entreprise
X.________, quitte
à suspendre toute activité dangereuse, et où il a conclu un contrat de
mission dont la durée était limitée, la faute doit être qualifiée de
grave.
La suspension de son droit à l'indemnité de chômage pendant 31 jours
est
proportionnelle à la gravité de la faute (art. 45 al. 2 let. c OACI).
Elle
prend effet à partir du 1er décembre 2000 (art. 45 al. 1 let. a OACI).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal
administratif du
canton de Vaud, du 27 septembre 2001, la décision du 26 juin 2001 du
Service
de l'emploi de l'État de Vaud, première instance cantonale de recours
en
matière d'assurance-chômage, et la décision du 21 décembre 2000 de la
Caisse
de chômage SIB sont réformés en ce sens que le droit de T.________ à
l'indemnité de chômage est suspendu pendant trente et un (31) jours
dès le
1er décembre 2000.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse de chômage
SIB,
Lausanne, au Tribunal administratif du canton de Vaud, à l'Office
régional de
placement et au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 4 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.302/01
Date de la décision : 04/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-04;c.302.01 ?
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