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04/02/2003 | SUISSE | N°C.136/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 février 2003, C.136/02


{T 7}
C 136/02

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

P.________, recourant, représenté par Me Alain Droz, avocat, avenue
Krieg 7,
1208 Genève,

contre

Office cantonal de l'emploi, section assurance-chômage,
rue des Glacis-de-Rive 4-6, 1207 Genève, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 7 mars 2002)

Faits :

A.
P. ____

____, titulaire d'un diplôme en médecine, a travaillé du 1er
octobre
1994 au 30 septembre 1999 en qualité de médecin assistant auprès...

{T 7}
C 136/02

Arrêt du 4 février 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

P.________, recourant, représenté par Me Alain Droz, avocat, avenue
Krieg 7,
1208 Genève,

contre

Office cantonal de l'emploi, section assurance-chômage,
rue des Glacis-de-Rive 4-6, 1207 Genève, intimé,

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 7 mars 2002)

Faits :

A.
P. ________, titulaire d'un diplôme en médecine, a travaillé du 1er
octobre
1994 au 30 septembre 1999 en qualité de médecin assistant auprès des
Hôpitaux
X.________, afin de préparer une spécialisation en chirurgie
cardiaque. Au
terme de son contrat de travail de durée limitée, il a présenté une
demande
d'indemnité de chômage auprès de la Caisse cantonale genevoise de
chômage (la
caisse) et bénéficié d'indemnités de chômage du 4 octobre 1999 au 30
avril
2001.

L'assuré a effectué des recherches d'emploi et été assigné à plusieurs
reprises pour des postes vacants de médecin assistant. Aucune de ses
démarches n'a abouti à un engagement. Le 8 octobre 2000, P.________ a
indiqué
à sa conseillère en placement qu'un poste de chirurgien dans le
service de
chirurgie cardio-vasculaire du Centre hospitalier Y.________ lui était
réservé à partir du 1er octobre 2001. A cette date, il a commencé à
travailler aux X.________.

Le 14 mai 2001, l'assuré a été entendu par la section des enquêtes de
l'office cantonal de l'emploi (OCE) au sujet de son activité auprès du
service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire des Hôpitaux
L.________,
où il effectuait, depuis le 1er novembre 1999, un stage de formation
en
chirurgie cardiaque (confirmation du docteur N.________ à l'enquêteur
du 19
avril 2001 de l'OCE), à raison de deux à trois jours par semaine,
sans être
rémunéré en dehors d'indemnités de déplacement et de logement d'un
montant de
7000 FF, ni être lié par un contrat de travail, selon ses
déclarations.

A réception du rapport d'enquête, la caisse a soumis le dossier de
l'assuré à
la section assurance-chômage de l'OCE pour examen de son aptitude au
placement. A la demande de celle-ci, P.________ a confirmé qu'il
effectuait
un stage de formation à L.________ sans jour ni horaire fixes, en
fonction de
l'intérêt des opérations chirurgicales qui y étaient réalisées. Il
indiquait
par ailleurs que cette formation était essentielle pour l'équilibre
de son
parcours professionnel et entretenir la haute technicité de sa
profession.
Par décision du 7 août 2001, l'OCE, section assurance-chômage, lui a
nié le
droit aux prestations de l'assurance-chômage dès le 1er novembre
1999. Il a
retenu, d'une part, que le stage en chirurgie cardiaque entrepris par
l'assuré à Lyon devait être considéré comme faisant partie intégrante
de sa
formation, ce qui ne donnait aucun droit à des prestations de
l'assurance-chômage et, d'autre part, que ce dernier avait démontré,
en
optant pour ce stage, que sa formation et l'acquisition de
connaissances dans
sa spécialité de chirurgien cardiaque prédominaient sur l'obtention
d'un
revenu en qualité de médecin dans un autre domaine.

Par un mémoire du 6 septembre 2001, P.________ a saisi le groupe
réclamations
de l'OCE, lequel a rejeté la réclamation formée contre la décision du
7 août
2001, au motif qu'étant absent environ 8 à 12 jours par période de
contrôle,
l'assuré ne laissait pas aux organes de l'assurance-chômage la
possibilité de
contrôler son chômage, de sorte que la condition du domicile en
Suisse devait
être niée (décision du 23 octobre 2001).

Le 29 octobre 2001, la caisse a demandé à P.________ la restitution
de 93'712
fr. 10 à titre d'indemnités indûment touchées du 1er novembre 1999 au
30
avril 2001.

B.
Saisie d'un recours contre cette décision, ainsi que contre celle du
groupe
réclamations du 23 octobre 2001, la Commission cantonale de recours en
matière d'assurance-chômage du canton de Genève a, d'une part, déclaré
irrecevable le recours contre la décision de la caisse, qu'il a
transmis à
l'OCE pour raison de compétence et, d'autre part, rejeté le second
recours
(jugement du 7 mars 2002).

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation en tant qu'il confirme la décision
entreprise de
l'OCE, groupe réclamations, du 23 octobre 2001. Il conclut, avec
suite de
dépens, à ce que lui soit reconnu le droit aux prestations de
l'assurance-chômage du 4 octobre 1999 au 30 septembre 2001.

L'OCE, groupe réclamations, conclut implicitement au rejet du
recours, tandis
que l'OCE, section assurance-chômage, a expressément renoncé à se
prononcer.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
1.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003
et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-chômage. La législation en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002
demeure cependant déterminante en l'espèce. En effet, d'après la
jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de
règles de
droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de
fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits
sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se
prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant
par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

1.2 L'assuré n'a droit à l'indemnité de chômage que s'il est apte au
placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le
chômeur
qui est disposé à accepter un travail convenable et est en mesure et
en droit
de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L'aptitude au placement comprend
ainsi deux
éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté
de
fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative
salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes
inhérentes à sa
personne, et d'autre part la disposition à accepter un travail
convenable au
sens de l'art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de
prendre
un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité
suffisante
quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au
nombre des
employeurs potentiels. L'aptitude au placement peut dès lors être niée
notamment en raison de recherches d'emploi continuellement
insuffisantes, en
cas de refus réitéré d'accepter un travail convenable, ou encore
lorsque
l'assuré limite ses démarches à un domaine d'activité dans lequel il
n'a,
concrètement, qu'une très faible chance de trouver un emploi (ATF 125
V 58
consid. 6a, 123 V 216 consid. 3 et la référence).

1.3 Selon la jurisprudence, lorsqu'un assuré fréquente un cours
durant la
période de chômage (sans que les conditions des art. 59ss LACI soient
réalisées), pour être reconnu apte au placement, il doit être disposé
- et
être en mesure de le faire - à arrêter le cours pour reprendre un
emploi,
tout en remplissant pleinement son obligation de recherches d'emploi.
Les
exigences en matière de disponibilité et de flexibilité sont plus
élevées
lorsqu'il s'agit d'un assuré suivant un cours de par sa propre
volonté et à
ses frais. Il est alors tenu de poursuivre ses recherches d'emploi de
manière
qualitativement et quantitativement satisfaisantes et être disposé à
interrompre le cours en tout temps. A cet égard, de simples
allégations de
l'assuré ne suffisent pas (ATF 122 V 266 consid. 4).

2.
La juridiction cantonale a considéré que le recourant n'était pas
apte au
placement au sens de l'art. 8 al. 1 let. f LACI. En effet, il avait,
dès le
1er novembre 1999, suivi un stage de formation continue à l'étranger
sans en
informer les instances compétentes de l'assurance-chômage, -
formation qu'il
considérait essentielle pour sa progression dans le domaine de la
chirurgie
cardiaque -; il n'était dès lors pas disposé à accepter tout travail
convenable se présentant à lui, mais uniquement un emploi dans sa
spécialité
ne compromettant pas ses chances d'obtenir le poste de chef de
clinique qui
lui avait été promis aux Y.________ à partir du 1er octobre 2001.

De son côté, le recourant fait valoir qu'il s'est toujours montré
disposé à
accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 al. 2 LACI. Par
ailleurs,
il avait toujours été en mesure d'accepter un travail convenable
pendant la
période litigieuse, dès lors qu'il pouvait en tout temps abandonner
son
activité au sein du service de chirurgie thoracique et
cardio-vasculaire des
Hôpitaux de L.________ pour reprendre un emploi dans un hôpital
suisse en
rapport avec ses qualifications et sa spécialisation.

3.
En l'espèce, il est constant que le recourant a effectué un stage
auprès de
la Clinique de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire de
L.________, dès
le 1er novembre 1999 et pendant plus d'une année et demie, afin de
compléter
sa formation. Il y a donc lieu d'appliquer la jurisprudence concernant
l'aptitude au placement d'un assuré qui fréquente un cours durant la
période
de chômage rappelée ci-avant (consid. 1.3), puisque le recourant,
sans suivre
à proprement parler un cours, a cherché à parfaire ses connaissances
professionnelles par une formation continue dans le domaine de la
chirurgie
cardiaque. En conséquence, l'aptitude au placement pourrait être
admise s'il
résultait sans ambiguïté du dossier que P.________ était prêt - comme
il l'a
toujours prétendu - à interrompre sa formation en tout temps pour
reprendre
un emploi et s'il était en mesure de le faire. La réalisation de cette
condition doit toutefois découler de données objectives, la seule
allégation
du recourant ne suffisant pas.

3.1 D'un point de vue objectif, le fait de consacrer deux à trois
jours par
semaine pour un stage de perfectionnement, de surcroît sans horaire
fixe ni
jour déterminé, excluait toute disponibilité du recourant sur le
marché du
travail. En effet, cette formation rendait très difficile, voire
impossible,
l'exercice d'une activité lucrative en parallèle; on ne conçoit guère
en
effet qu'il eût été possible à l'assuré de trouver un poste approprié
de
médecin assistant pour les jours restants, alors qu'il ne pouvait
prévoir
dans quelle mesure sa présence était requise aux Hôpitaux de
L.________.

3.2 Sous l'angle de la disponibilité au placement, on retiendra que
dès le
mois de novembre 1999, P.________ a travaillé auprès des Hôpitaux de
L.________ pour poursuivre sa formation, sans en informer
spontanément les
organes de l'assurance-chômage (déclarations à la section des
enquêtes de
l'OCE du 14 mai 2001), quand bien même le stage s'est prolongé sur
plus d'une
année et demie. Il a ainsi faussement donné l'apparence d'être prêt
en tout
temps à reprendre une activité lucrative, alors qu'il était en
réalité occupé
à se perfectionner dans sa spécialisation en chirurgie cardiaque.

Par ailleurs, il ressort du dossier que le recourant n'a pas répondu
à deux
assignations d'emploi, l'une (du 18 décembre 2000) dans un
établissement
médical en Suisse alémanique, l'autre (du 13 mars 2001) dans un
hôpital au
Tessin, ni même pris des renseignements auprès des employeurs
potentiels. Il
a par la suite expliqué son refus par la méconnaissance des langues
allemande
et italienne qui l'empêcherait de pratiquer son métier dans ces
régions. Ce
motif paraît d'autant moins convaincant que P.________ a de lui-même,
malgré
son manque de connaissances de ces langues, indiqué avoir cherché, à
plusieurs reprises pendant la période en question, un emploi tant en
Suisse
alémanique qu'au Tessin (cf. p. ex. formulaires «preuves de recherches
personnelles effectuées en vue de trouver un emploi» des mois de
novembre
1999, janvier, mars et décembre 2000). De même, le recourant a-t-il
refusé un
poste de médecin à Versoix, en invoquant le fait qu'il n'avait pas le
droit
de pratiquer à Genève parce qu'il devait encore passer un examen
d'italien
comme «complément de maturité suisse». Dès lors qu'il est citoyen
suisse et
titulaire d'un diplôme fédéral de médecine, le recourant remplit en
principe,
comme l'a confirmé le médecin cantonal genevois à l'OCE, les
conditions du
droit de pratiquer dans le canton de Genève. Il s'avère donc que le
recourant
a usé, tout au long de sa période de chômage, de motifs peu
convaincants pour
refuser des postes qui lui étaient assignés.

Enfin, P.________ a, dès son inscription au chômage et jusqu'en
procédure
fédérale, clairement exprimé qu'il n'était pas disposé à travailler
comme
médecin salarié dans un autre domaine que celui de sa spécialisation
en
chirurgie cardiaque, ce qui limitait d'emblée, d'un point de vue
subjectif,
le choix des postes de travail et, partant, son aptitude au placement
(cf.
ATF 123 V 216 consid. 3, 120 V 388 consid. 3a et les références).

Au vu de tous ces éléments, il apparaît que le recourant n'était ni en
mesure, ni disposé à exercer une activité lucrative à partir du 1er
novembre
1999, de sorte qu'il n'était pas apte au placement. Le recours est
dès lors

infondé.

Quant à la question de la restitution des prestations versées, qui
fait
l'objet d'une procédure séparée, il n'y a pas lieu de l'examiner ici.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-chômage, à l'Office
cantonal de
l'emploi, groupe réclamations, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat à
l'économie.

Lucerne, le 4 février 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.136/02
Date de la décision : 04/02/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-04;c.136.02 ?
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