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03/02/2003 | SUISSE | N°6S.17/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 février 2003, 6S.17/2003


{T 0/2}
6S.17/2003 /rod

Arrêt du 3 février 2003
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schneider, président,
Kolly, Karlen,
greffier Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat, rue du
Conseil-Général
18, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton
de Genèv

e
du 20 décembre 2002.

Faits:

A.
Par arrêt du 30 août 2002, la Cour correctionnelle du canton de
Genève, sans
jury, a c...

{T 0/2}
6S.17/2003 /rod

Arrêt du 3 février 2003
Cour de cassation pénale

Les juges fédéraux Schneider, président,
Kolly, Karlen,
greffier Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat, rue du
Conseil-Général
18, 1205 Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3.

fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton
de Genève
du 20 décembre 2002.

Faits:

A.
Par arrêt du 30 août 2002, la Cour correctionnelle du canton de
Genève, sans
jury, a condamné X.________, né en 1957, pour escroquerie par métier
et faux
dans les titres, à trois ans et demi de réclusion, sous déduction
d'un an et
vingt-cinq jours de détention préventive. En bref, il en ressort ce
qui suit:

Employé de l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac depuis 1987,
X.________ a détourné de 1989 à 2001 le montant de 3'475'525 francs.
Pour ce
faire, il a procédé à 295 versements, de 1'200 francs au minimum à
53'572 fr.
70 au maximum. Cet argent provenait des comptes de masses en faillite.
X.________ a également falsifié un bulletin de versement afin de
couvrir ses
agissements lorsque l'inspection cantonale des finances a découvert
les
premières malversations.

B.
Par arrêt du 20 décembre 2002, la Cour de cassation genevoise a
rejeté le
recours de X.________, qui portait en particulier sur la fixation de
la
peine.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il
conclut à son annulation et sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait
définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis
al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des
faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
Invoquant une violation de l'art. 64 al. 7 CP, le recourant se plaint
d'une
application trop restrictive de cette disposition (à ce sujet, cf.
Hans
Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, 2002, art. 64 n.
27).

2.1 L'art. 64 al. 7 CP prévoit que le juge pourra atténuer la peine
lorsque
le coupable "aura manifesté par des actes un repentir sincère,
notamment
lorsqu'il aura réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de
lui". Les
conditions permettant de retenir un repentir sincère ont été
analysées en
détail dans l'arrêt publié aux ATF 107 IV 98. Il convient de s'y
référer. En
substance, cette circonstance atténuante n'est réalisée que si
l'auteur
adopte un comportement particulier, désintéressé et méritoire, qui
constitue
la preuve concrète d'un repentir sincère; l'auteur doit agir de son
propre
mouvement dans un esprit de repentir, et non pas en fonction de
considérations tactiques liées à la procédure pénale; le délinquant
doit
faire la preuve de son repentir en tentant, au prix de sacrifices, de
réparer
le tort qu'il a causé (ATF 107 IV 98 consid. 1 et les références
citées).
L'admission d'une circonstance atténuante prévue par l'art. 64 CP a
pour
effet d'élargir vers le bas le cadre légal de la peine, sans obliger
le juge
à faire usage des facultés ouvertes par l'art. 65 CP; à la condition
de ne
pas abuser de son pouvoir d'appréciation, le juge peut tenir compte
de la
circonstance atténuante dans le cadre ordinaire de la peine (ATF 116
IV 11
consid. 2e p. 12 ss, 300 consid. 2a p. 302 et les références citées).

2.2 En l'espèce, le recourant se réfère à différents procès-verbaux
établis
lors de l'instruction et introduit à l'appui de sa motivation des
faits non
constatés dans l'arrêt attaqué. Dans cette mesure, son argumentation
est
irrecevable (cf. supra, consid. 1). Selon les constatations
cantonales, le
recourant a d'abord cherché à cacher ses malversations aux enquêteurs
de
l'inspection cantonale des finances, par la production d'un document
falsifié. Il a ensuite rapidement reconnu les faits et leur gravité
et a
collaboré à l'instruction pénale subséquente. Il a dédommagé l'Etat
de Genève
en lui remettant quelque 9'000 francs, soit le solde disponible sur
son
compte bancaire. Il a exprimé ses regrets à l'audience.

La Cour correctionnelle, suivie par la Cour de cassation genevoise, a
considéré qu'il ne pouvait être fait application de l'art. 64 al. 7
CP. Elle
a en revanche relevé qu'il avait été tenu compte des circonstances
précitées
pour fixer la peine.

2.3 On peut certes concevoir que la dénonciation d'infractions
inconnues
constitue, suivant les circonstances, un acte de repentir sincère. En
l'espèce, il n'est cependant pas établi que le recourant serait allé
de
lui-même se dénoncer aux autorités. Il ressort uniquement des faits
constatés
que, confronté à certaines de ses malversations révélées par une
inspection,
il a rapidement collaboré à l'enquête, après avoir toutefois tenté d'y
échapper à l'aide d'un document falsifié. Les aveux d'une personne
soupçonnée
ne sauraient suffire, en soi, à constituer un sacrifice personnel au
regard
de l'art. 64 al. 7 CP. Pour ce motif déjà, cette disposition ne peut
entrer
en ligne de compte. Son application est a fortiori exclue dans le cas
du
recourant dès lors qu'il a d'abord cherché non pas à collaborer, mais
à
cacher ses malversations en se servant d'un faux. Néanmoins, le bon
comportement ultérieur du recourant au cours de la procédure est un
élément à
prendre en considération dans le cadre de l'art. 63 CP (ATF 117 IV 112
consid. 1 p. 114; 116 IV 288 consid. 2a p. 290).

Le recourant a en outre remis à l'Etat de Genève le solde de quelque
9'000
francs de son compte bancaire. Il n'a pas été retenu que sa façon
d'agir
aurait été dictée par des considérations tactiques touchant à la
procédure.
Quoique favorable, son attitude ne saurait dénoter un sacrifice
personnel
particulièrement remarquable, de nature à ouvrir l'application de
l'art. 64
al. 7 CP.

La question soulevée ici est un peu théorique. Lorsque l'accusé a
sincèrement
pris conscience de sa faute et exprimé par des actes sa volonté de
s'amender,
cette circonstance doit toujours être prise en considération dans un
sens
atténuant (ATF 118 IV 342 consid. 2d p. 349). Cependant, comme on l'a
vu,
seuls des actes de repentir spontanés et particulièrement méritoires
justifient l'application de l'art. 64 CP. Même parmi ces derniers
cas, le
juge doit apprécier l'importance du repentir sincère et il n'est pas
obligé
de faire usage des possibilités offertes par l'art. 65 CP. Ainsi, un
repentir
sincère peu caractérisé n'entraînera qu'une diminution de la peine à
l'intérieur du cadre légal ordinaire, ce qui conduit en pratique au
même
résultat que si le juge avait retenu, en appliquant exclusivement
l'art. 63
CP, un redressement significatif; il est ainsi possible de tenir
compte, avec
toutes les nuances souhaitables, de la gradation constante qui peut
exister
quant à l'intensité d'un repentir.

La Cour correctionnelle, à l'appréciation de laquelle la Cour de
cassation
genevoise s'est référée, a retenu en faveur du recourant les
circonstances
dont il se prévaut pour requérir l'application de l'art. 64 al. 7 CP.
En
prenant en compte les circonstances invoquées dans le cadre de l'art.
63 CP,
elle n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Il ne saurait donc
être
question d'une violation du droit fédéral (ATF 116 IV 11 consid. 2f
p. 14).
Dans la mesure où il est recevable, le grief est infondé.

3.
Le recourant se plaint de la peine infligée.

3.1 Aux termes de l'article 63 CP, le juge fixera la peine d'après la
culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des
antécédents et
de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est
celui de
la gravité de la faute; le juge doit prendre en considération, en
premier
lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le
résultat
de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution et, du point de vue
subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les
mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de
décision dont
disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la
norme qu'il
a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée
et
partant sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103).

L'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée et exhaustive les
éléments qui
doivent être pris en considération, ni les conséquences exactes qu'il
faut en
tirer quant à la fixation de la peine; il confère donc au juge un
large
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral, qui n'interroge pas
lui-même les
accusés ou les témoins et qui n'établit pas les faits, est mal placé
pour
apprécier l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser la
peine;
son rôle est au contraire d'interpréter le droit fédéral et de
dégager des
critères et des notions qui ont une valeur générale. Il n'a donc pas à
substituer sa propre appréciation à celle du juge de répression ni à
ramener
à une sorte de moyenne toute peine qui s'en écarterait. Il ne peut
intervenir, en considérant le droit fédéral comme violé, que si ce
dernier a
fait un usage vraiment insoutenable de la marge de manoeuvre que lui
accorde
le droit fédéral (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104).

Dans sa décision, le juge doit exposer les éléments essentiels
relatifs à
l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on
puisse
constater que tous les aspects pertinents ont été pris en
considération et
comment ils ont été appréciés; il peut passer sous silence les
éléments qui,
sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou
d'une
importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée,
en
permettant de suivre le raisonnement adopté; mais le juge n'est
nullement
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il
accorde à
chacun des éléments qu'il cite. Plus la peine est élevée, plus la
motivation
doit être complète; cela vaut surtout lorsque la peine, dans le cadre
légal,
apparaît comparativement très élevée. Un pourvoi ne saurait toutefois
être
admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la
décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 127 IV 101 consid. 2c
p.
104/105).

3.2 Le recourant prétend que des motifs de prévention générale ont
prévalu
pour fixer sa peine, en particulier la remarque de la Cour
correctionnelle
selon laquelle son activité a nui à la réputation de la fonction
publique.

La critique est infondée. La remarque incriminée stigmatise plutôt la
gravité
de la faute du recourant dans la mesure où elle met en avant l'un des
effets
qu'a pu engendrer son comportement. Elle est donc conforme à l'art.
63 CP.
Au demeurant, elle ne serait pas prohibée s'il fallait l'interpréter,
à
l'instar du recourant, comme une considération de prévention générale
(ATF
118 IV 21 consid. 2b p. 25).

3.3 Le recourant se réfère à un arrêt non publié du 8 avril 2002
(6S.22/2002), où l'auteur, qui avait provoqué la déconfiture de
sociétés pour
plus de cent cinquante millions de francs et avait prélevé à son
profit
dix-neuf millions de francs, a été condamné à une peine de cinq ans de
réclusion. En comparaison, le recourant observe que sa peine de trois
ans et
demi représente un peu moins du trois quart de celle précitée, alors
qu'il a
fait subir un préjudice quarante- quatre fois moindre et a obtenu un
enrichissement personnel cinq fois et demi plus petit.

Dans l'arrêt invoqué, le Tribunal fédéral, saisi d'un pourvoi du
condamné, a
jugé que la peine n'apparaissait "manifestement pas excessive au
point de
constituer un abus du pouvoir d'appréciation" (consid. 4b in fine).
Il n'a
pas dit, ce qu'il n'avait du reste pas à faire, où se situait la
limite
supérieure de la peine admissible. Le recourant ne peut donc pas
tirer de
conclusions précises de cet arrêt pour son propre cas. Par ailleurs,
la
proportion qu'il invoque pour fixer la peine en fonction du dommage,
respectivement de l'enrichissement, est incompatible avec le système
de
l'art. 63 CP, fondé sur la faute. Quoi qu'il en soit, il ne suffirait
pas que
le recourant puisse citer l'un ou l'autre cas où une peine
particulièrement
clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l'égalité de
traitement (ATF
120 IV 136 consid. 3a in fine p. 144). La jurisprudence a toujours
souligné
la primauté du principe de la légalité sur celui de l'égalité (ATF
124 IV 44
consid. 2c p. 47). Le grief est infondé.

3.4 Le recourant observe que la peine infligée est plus élevée que les
réquisitions du Procureur général, qui a réclamé une peine de deux et
demi de
réclusion.

Le droit fédéral n'exige pas du juge qu'il fixe la peine dans le
cadre défini
par les réquisitions de l'accusation. La Cour correctionnelle a
expliqué
pourquoi elle ne tenait pas compte des réquisitions, incompatibles
avec
l'importance de la faute du recourant et la gravité des faits. Il n'y
a là
aucune violation du droit fédéral.

3.5 Le recourant ne peut citer aucun élément important, propre à
modifier
la
peine, qui aurait été omis ou pris en considération à tort. Il ne
reste plus
qu'à examiner si, au vu des faits retenus, la peine infligée apparaît
exagérément sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation.

Le recourant répondait d'escroquerie par métier et de faux dans les
titres.
En raison du concours d'infractions (art. 68 ch. 1 al. 1 CP), la peine
encourue pouvait aller jusqu'à quinze ans de réclusion. Le recourant
est
pleinement responsable pénalement. Alors qu'il disposait d'un travail
et de
revenus réguliers qui suffisaient largement à son entretien, il a agi
dans le
mobile égoïste de se procurer d'importants montants pour satisfaire
des
désirs personnels futiles, mener un grand train de vie et se faire
valoir
auprès de tiers. Il a mené son activité délictueuse durant près de
douze ans
et a détourné plus de 3,4 millions de francs. Ces éléments attestent
d'une
lourde culpabilité. En fixant la peine à trois ans et demi de
réclusion, les
juges cantonaux ont dûment tenu compte, ainsi qu'ils l'ont indiqué,
des
circonstances favorables plaidées par le recourant. La peine infligée
n'apparaît pas sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation. Elle ne viole pas le droit fédéral.

4.
Le pourvoi paraissant d'emblée voué à l'échec, la requête d'assistance
judiciaire est rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Les frais de la cause
sont mis à
la charge du recourant, qui succombe (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du
recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation
genevoise.

Lausanne, le 3 février 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.17/2003
Date de la décision : 03/02/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-02-03;6s.17.2003 ?
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