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31/01/2003 | SUISSE | N°2P.234/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 janvier 2003, 2P.234/2001


{T 0/2}
2P.234/2001 /mks

Arrêt du 31 janvier 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Müller, Yersin et Merkli,
greffier Addy.

Commune de X.________, recourante, agissant par son Conseil communal,
représentée par Me Marc Butty, avocat, boulevard de Pérolles 3, case
Postale
946, 1701 Fribourg,

contre

époux. Y.________,
intimés, représentés par Me Paolo Ghidoni, avocat, rue de Lausanne
91, case
postale 525, 1701 Fribourg,
Préfet du d

istrict de La Sarine, Grand-Rue 51, case postale 96, 1702
Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour ...

{T 0/2}
2P.234/2001 /mks

Arrêt du 31 janvier 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart, Müller, Yersin et Merkli,
greffier Addy.

Commune de X.________, recourante, agissant par son Conseil communal,
représentée par Me Marc Butty, avocat, boulevard de Pérolles 3, case
Postale
946, 1701 Fribourg,

contre

époux. Y.________,
intimés, représentés par Me Paolo Ghidoni, avocat, rue de Lausanne
91, case
postale 525, 1701 Fribourg,
Préfet du district de La Sarine, Grand-Rue 51, case postale 96, 1702
Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, rue André
Piller
21, 1762 Givisiez.

Taxe d'épuration des eaux; intérêts moratoires (art. 8 Cst.)

(recours de droit public contre la décision du Tribunal administratif
du
canton de Fribourg, Cour fiscale, du 28 juin 2001).

Faits:

A.
Les époux Y.________ sont copropriétaires d'une parcelle d'une
surface de
4'105 m2 sise sur le territoire de la Commune de X.________ (ci-après
citée:
la Commune).

Le 23 mars 1992, la Commune a réclamé aux prénommés le paiement d'une
somme
de 21'346 fr. à titre de taxe de raccordement de leur parcelle au
système
d'épuration des eaux; fondée sur le Règlement communal relatif à
l'évacuation
et à l'épuration des eaux approuvé par la Direction des travaux
publics le 22
avril 1988 (ci-après cité: le Règlement communal), cette somme
correspond à
une taxe de 10 fr. 20 par mètre carré de surface de la parcelle
raccordée
(art. 20 du Règlement communal), sous déduction d'un montant
forfaitaire de 5
fr. le mètre carré afin de tenir compte de la participation
antérieure des
intéressés aux frais de construction des canalisations internes du
village
(art. 24 lettre a du Règlement communal). Saisie d'une réclamation
des époux
Y.________, qui faisaient notamment valoir que la taxe réclamée était
contraire aux principes de l'équivalence, de la couverture des frais
et de
l'égalité de traitement, la Commune l'a écartée par décision du 28
mars 1994.
Le 6 octobre 1995, le Préfet du district de la Broye a rejeté le
recours
formé par les époux Y.________ contre cette décision. La contestation
a
ensuite été portée devant la Cour fiscale du Tribunal administratif
du canton
de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif).

Par arrêt du 5 décembre 1997, le Tribunal administratif a
partiellement admis
le recours des époux Y.________ et renvoyé la cause à la Commune pour
qu'elle
fixe à nouveau la taxe de raccordement litigieuse conformément aux
considérants de son jugement. En bref, les juges ont estimé que cette
taxe
était conforme aux principes de l'équivalence et de la couverture des
frais
mais que, toutefois, le critère retenu pour son calcul consacrait une
inégalité de traitement inadmissible entre les différents
propriétaires
concernés, l'émolument de 10 fr. 20 le mètre carré de parcelle
raccordée ne
tenant compte que de la surface des différentes parcelles soumises à
la taxe,
à l'exclusion de leur indice d'utilisation qui était pourtant
variable d'une
zone d'affectation à l'autre. L'arrêt précisait en outre ceci (p. 13):
"(l'admission du grief de la violation du principe de l'égalité de
traitement) n'emporte toutefois pas l'annulation de la taxe
litigieuse, mais
seulement la constatation du caractère contraire à l'art. 4 Cst. féd.
du
critère de la surface pour calculer le montant de la taxe à percevoir
pour la
commune intimée. Par conséquent, sur ce point, le recours est admis
partiellement et le dossier est renvoyé à la Commune de X.________
pour
nouvelle fixation de la taxe."

B.
Le 23 février 1998, la Commune a fait parvenir aux époux Y.________ un
nouveau décompte fixant la taxe de raccordement de la manière
suivante:

Surface constructible : 4'105 m2
Indices d'utilisation 0,25 pour 2'400 m2
0,4 pour 1'705 m2
Taxe : fr. 34 x 0,25 x 2'400 m2 = fr. 20'400.-
: fr. 34 x 0,4 x 1'705 m2 = fr. 23'188.-
: Total intermédiaire: fr. 43'558.-
: Déduction selon art. 24 lit. a du règlement
(fr. 5 x 4'105 m2) = fr. 20'525.-
Total fr. 23'063.-
Les coefficients d'utilisation mentionnés dans ce décompte
(respectivement
0,25 et 0,4) se rapportent à ceux figurant dans le plan d'affectation
des
zones dans sa teneur en vigueur en 1992 (ci-après cité: le plan
d'affectation
1992); quant au chiffre de 34 fr. par mètre carré, il correspond au
coût
global des installations projetées, à répartir entre les propriétaires
concernés, après la prise en compte de l'indice d'utilisation des
différentes
zones et de leur surface (critère dit de la "surface indicée"). Au
bas du
décompte figure l'indication que le montant réclamé "porte intérêts
au taux
annuel de 5 % dès l'échéance du bordereau du 23 mars 1992, soit le 31
mai
1992".
Les époux Y.________ ont déposé une réclamation contre ce décompte, en
concluant à ce que le montant de la taxe soit réduit à 21'346 fr.
afin de
prendre en considération le nouvel indice d'utilisation de leur
parcelle
s'élevant à 0,3 sur toute la surface de celle-ci depuis une
modification du
plan d'affectation des zones intervenue en 1997; ils soutenaient par
ailleurs
que les intérêts moratoires dus sur la taxe ne devaient commencer à
courir
que trente jours après la notification du nouveau décompte le 23
février
1998. La Commune a rejeté la réclamation dont elle était saisie par
décision
du 7 septembre 1998.

C.
Le recours déposé par les époux Y.________ contre la décision sur
réclamation
de la Commune a été rejeté par le Préfet du district de la Sarine le
17 mars
1999. En bref, ce magistrat a considéré que l'indice d'utilisation
applicable
était celui valable au moment de l'assujettissement, soit celui
ressortant du
plan d'affectation de 1992, car la décision du 23 mars 1992 n'avait
pas été
"annulée dans son principe, mais uniquement dans son montant"; pour
le même
motif, il a estimé que les intérêts moratoires étaient exigibles et
couraient
depuis le prononcé de la décision précitée en 1992.

D.
Les époux Y.________ ont recouru contre la décision du Préfet devant
le
Tribunal administratif, en concluant à ce que le "montant de la taxe
d'épuration (soit) fixé à 21'346 fr., ce qui correspond à un indice
d'utilisation de 0,3 et (à ce que) les intérêts figurant sur la
facture ne
courent qu'à l'échéance de cette facture, étant précisé que dite
échéance ne
pourra être calculée qu'à partir de l'entrée en force de la facture".

Par arrêt du 28 juin 2001, le Tribunal administratif a partiellement
admis le
recours, annulé la décision préfectorale et fixé la taxe de
raccordement à
1'296 fr. avec intérêts moratoires à 5 % l'an à partir du 5 mai 1992.
Pour
l'essentiel, les juges ont considéré que leur arrêt de renvoi du 5
décembre
1997 n'avait pas annulé la disposition du Règlement de 1988 fixant la
taxe à
10 fr. 20 le mètre carré, si bien qu'en l'absence de modification de
cette
disposition réglementaire, le principe de la légalité exigeait que la
taxe
continuât à se calculer en fonction de ce montant, et non sur la base
du
montant de 34 fr. le mètre carré décidé par la Commune dans sa
décision sur
réclamation du 7 septembre 1998; en outre, la prise en compte du
critère dit
de la "surface indicée" conduisait, selon les premiers juges, à
"réduire la
facture établie en 1992 dans la proportion existant entre l'indice
0,6 (100
%) correspondant à un prix au mètre carré de fr. 10,20 et les indices
prévalant en 1992 pour la parcelle des recourants", ce qui donnait
une taxe
de raccordement d'un montant brut de 21'794 fr. ([0,25/0,6 x 2'400 m2
x 10
fr. 20] + [0,4/0,6 x 1'705 m2 x 10 fr. 20]) soit, après déduction du
montant
forfaitaire de 5 fr. le mètre carré (4'105 m2 x 5 fr. = 20'525 fr.),
une taxe
nette à payer de 1'296 fr. (recte: 1'269 fr.; 21'794 fr. - 20'525
fr.).

E.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Commune demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 28 juin 2001 par le
Tribunal
administratif. Elle invoque la violation de son autonomie communale,
l'arbitraire dans l'application du droit ainsi que la violation des
principes
de la couverture des frais, de l'équivalence et de l'égalité de
traitement.
Ses moyens seront, autant que de besoin, développés ci-après.

Invités à se déterminer, les époux Y.________ n'ont pas fait usage de
cette
possibilité. Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 128 II 13 consid.
1a p.
16, 46 consid. 2a p. 47; 56 consid. 1 p. 58; 66 consid. 1 p. 67 et la
jurisprudence citée).

1.1 Formé pour violation des droits constitutionnels contre une
décision
prise en dernière instance cantonale (cf. art. 84 al. 1 et art. 86
al. 1 OJ),
le présent recours n'est recevable, comme recours de droit public,
que si la
prétendue violation ne peut pas être soumise par une action ou par un
autre
moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité
fédérale (cf. art. 84 al. 2 OJ).

En l'occurrence, l'objet de la contestation porte sur le prélèvement
par la
Commune de X.________ d'une taxe communale destinée à couvrir les
frais de
raccordement à la canalisation publique, y compris le raccordement à
la STEP;
cette taxe a été mise à la charge des époux Y.________ en leur
qualité de
copropriétaires d'un fonds déjà raccordé (par opposition aux fonds non
raccordés mais raccordables ainsi qu'aux autres fonds; cf. art. 20 à
22 du
Règlement communal). Outre les dispositions précitées du Règlement
communal,
la taxe litigieuse se fonde sur les art. 101 ss de la loi
fribourgeoise du 9
mai 1983 sur l'aménagement du territoire et les constructions
(ci-après
citée: la loi cantonale sur l'aménagement du territoire ou LATC)
ainsi que
sur l'art. 33 al. 2 de la loi fribourgeoise du 22 mai 1974
d'application de
la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la
pollution (ci-après citée: la loi cantonale d'application de la loi
fédérale
sur la protection des eaux ou LALeaux).

Que l'on se place avant ou après l'entrée en vigueur, le 1er novembre
1997,
de la novelle du 20 juin 1997 (RO 1997 2243) modifiant la loi
fédérale du 24
janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux; RS 814.20), les
dispositions
cantonales précitées constituent, en tant qu'elles fixent la taxe de
raccordement litigieuse, du droit cantonal indépendant; en effet,
même si
l'art. 60a LEaux, introduit par la novelle précitée, pose désormais
des
conditions-cadres qui augmentent les exigences quant aux critères de
répartition des coûts de construction, d'entretien, d'assainissement
et de
remplacement des installations d'évacuation et d'épuration des eaux,
la
jurisprudence considère qu'il incombe aujourd'hui encore aux droits
cantonal
et communal de concrétiser ces critères (cf. ATF 128 I 46 consid. 1b
p. 49
ss).

Par conséquent, faute de reposer sur le droit public fédéral (art. 97
al. 1
OJ), la décision entreprise ne peut pas faire l'objet d'un recours de
droit
administratif; la condition de subsidiarité absolue du recours de
droit
public posée à l'art. 84 al. 2 OJ est donc réalisée.

1.2 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert aux
particuliers et aux collectivités lésés par des arrêtés ou des
décisions qui
les concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale.

Le recours de droit public est conçu pour la protection des droits
constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ). Il doit
permettre
à ceux qui en sont titulaires de se défendre contre toute atteinte à
leurs
droits de la part de la puissance publique. De tels droits ne sont en
principe reconnus qu'aux citoyens, à l'exclusion des collectivités
publiques
qui, en tant que détentrices de la puissance publique, n'en sont pas
titulaires.

Cependant, une commune peut agir par la voie du recours de droit
public afin
de se plaindre de la violation de son autonomie garantie par le droit
cantonal (cf. art. 50 al. 1 Cst.; ATF 128 I 3 consid. 1c p. 7) et afin
d'exiger que l'autorité cantonale respecte les limites de sa
compétence et
applique correctement les dispositions du droit fédéral, cantonal ou
communal
qui règlent la matière. Dans la mesure où son autonomie est en cause,
la
commune bénéfice également, à titre accessoire, des garanties
matérielles ou
procédurales autrefois déduites de l'art. 4 aCst. qui sont
aujourd'hui pour
la plupart codifiées dans la nouvelle Constitution fédérale, telles
que,
notamment, la protection contre l'arbitraire ou le droit d'être
entendu (art.
9 et 29 al. 2 Cst.; cf. ATF 121 I 155 consid. 4 p. 159; 116 Ia 52
consid. 2
p. 54, 252 consid. 3b p. 255); encore faut-il toutefois que ces
moyens soient
en étroite relation avec la violation alléguée de l'autonomie
communale (cf.
ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 123 III 454 consid. 2 p. 456; 121 I
218
consid. 2a p. 219-220; 116 Ia 252 consid. 3b p. 255 et les arrêts
cités).

En l'espèce, dans la mesure où la Commune invoque la violation de son
autonomie, la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ doit lui
être
reconnue, sans plus ample examen. En effet, la question de savoir si
elle
jouit effectivement de l'autonomie alléguée dans le domaine juridique

considéré n'est pas une question de recevabilité, mais constitue
l'objet
d'une appréciation au fond (cf. ATF 128 I 3 consid. 1c p. 7; 120 Ia
203
consid. 2a p. 204 et la jurisprudence citée).

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes
prescrites, le
présent recours est recevable (cf. art. 89 et 90 OJ).

2.
2.1La Commune fait valoir que, dans les limites des principes
constitutionnels applicables (en particulier ceux de l'équivalence et
de la
couverture des frais et de l'égalité de traitement), elle jouit, en
vertu du
droit cantonal, d'une large autonomie pour fixer les critères
d'imposition de
la taxe litigieuse, comme le Tribunal administratif l'a lui-même
rappelé dans
son arrêt de renvoi du 5 décembre 1997. Elle soutient par ailleurs
qu'à la
suite de cet arrêt de renvoi, elle a procédé conformément aux
considérants de
celui-ci en tenant compte, dans le nouveau calcul de la taxe, non
seulement
de la surface de la parcelle des intimés, mais encore de son indice
d'utilisation (cf. le décompte énoncé sous lettre B de l'état de
fait).
Certes concède-t-elle n'avoir pas modifié son règlement avant
d'établir ce
nouveau décompte; elle estime toutefois qu'elle n'avait pas à le
faire, car
elle agissait dans le cadre d'un contrôle concret des dispositions
réglementaires mises en cause, ce qui, considère-t-elle, la
dispensait de
transposer formellement les nouvelles bases de calcul dans son
règlement;
elle relève qu'une telle injonction ne ressort d'ailleurs pas de
l'arrêt de
renvoi rendu par le Tribunal administratif. Dans ces circonstances,
les
premiers juges auraient empiété d'une manière inadmissible sur son
autonomie
en recalculant la taxe litigieuse sur d'autres bases de calcul que les
siennes; de surcroît, elle estime que l'application de ces bases de
calcul
aboutit à un résultat arbitraire et contraire aux principes de
l'égalité de
traitement et d'équivalence, la participation des intimés étant
réduite au
montant "risible" de 1'269 fr., soit 0,30 fr. le mètre carré.

Dans sa détermination, le Tribunal administratif estime que le
raisonnement
de la Commune, s'il fallait le suivre, conduirait à une inégalité de
traitement "encore plus flagrante" que celle dénoncée dans l'arrêt de
renvoi,
car les intimés seraient alors les seuls citoyens à payer une taxe de
raccordement qui serait fondée sur un prix de 34 fr. le mètre carré
dépourvu
de toute base légale; en conséquence, les premiers juges sont d'avis
"qu'à
défaut d'une autre base légale, la Commune ne peut qu'appliquer
(partiellement) l'ancienne disposition en procédant à un correctif
permettant
d'arriver à une solution conforme à la Constitution fédérale telle
qu'exigée
dans l'arrêt de renvoi du Tribunal administratif."
2.2Il est certain qu'aussi bien les parties que le Tribunal
administratif
sont liés par le dispositif et les considérants de l'arrêt de renvoi
qui,
faute de recours, a acquis force de chose jugée (sur la force
obligatoire des
considérants auxquels renvoie expressément un dispositif, cf. ATF 120
V 233
consid. 1a p. 237, 113 V 159 et les références).

D'après l'arrêt de renvoi en cause, l'admission du recours "n'emporte
toutefois pas l'annulation de la taxe litigieuse, mais seulement la
constatation du caractère contraire à l'art. 4 Cst. du critère de la
surface
pour calculer le montant de la taxe à percevoir par la commune". Cette
injonction est formulée de manière relativement confuse, car elle
laisse
entendre que la décision communale entreprise, bien
qu'inconstitutionnelle,
serait restée intacte. Or, il n'en est rien. En réalité, dans la
mesure où il
était saisi d'un recours portant sur un contrôle concret, le Tribunal
administratif ne pouvait faire autrement, s'il constatait une
inconstitutionnalité, que d'annuler la décision attaquée, quitte à
enjoindre
la Commune, comme il l'a fait, de calculer à nouveau la taxe
litigieuse d'une
manière qui soit conforme à la Constitution et aux indications
figurant dans
l'arrêt de renvoi (cf. art. 98 du code fribourgeois du 23 mai 1991 de
procédure et de juridiction administrative [CPJA]); le Tribunal
administratif
n'était en revanche pas en mesure d'annuler les dispositions du
Règlement
communal mises en cause, car cela aurait nécessité de procéder à un
contrôle
abstrait des normes, ce qui n'est pas dans ses compétences qui sont
limitées
au contrôle des décisions prises dans un cas d'espèce (cf. art. 76 ss
en
relation avec l'art. 4 CPJA).

3.
3.1Selon les considérants de l'arrêt de renvoi, le critère retenu par
la
Commune pour déterminer la taxe de raccordement, soit un prix de 10
fr. 20 le
mètre carré de surface raccordée (dit "critère de la surface"),
respecte les
principes de l'équivalence et de la couverture des frais, les recettes
générées par cette taxe ne dépassant pas le coût des installations
prévues;
le prix de 10 fr. 20 le mètre carré s'obtient en effet en divisant le
coût
global des installations projetées (4'300'000 fr.) par la surface
totale du
périmètre desservi par lesdites installations (414'948 m2).
Néanmoins, les
juges ont considéré que la prise en compte de ce seul critère avait
pour
résultat de créer une inégalité de traitement inadmissible entre les
différents propriétaires concernés, puisque la taxe était, à surface
égale,
la même pour toutes les parcelles imposables, indépendamment de leur
coefficient d'utilisation; or, celui-ci était pourtant variable d'une
zone
d'affectation à l'autre (de 0.25 pour la zone résidentielle à faible
densité
à 0.6 pour la zone résidentielle de moyenne densité en habitat
collectif), ce
qui qui ne pouvait rester sans conséquences sur le montant des taxes
réclamées, car les parcelles au bénéfice d'un coefficient
d'utilisation élevé
mettent davantage à contribution - et donc tirent davantage profit -
des
installations et des équipement d'épuration que les parcelles à faible
densité d'utilisation. Ainsi les premiers juges ont constaté le
caractère
contraire à l'art. 4 aCst. de la taxe litigieuse et ont renvoyé la
cause à la
Commune pour qu'elle fixe à nouveau celle-ci en tenant compte, dans
son
nouveau calcul, non seulement de la surface des parcelles
considérées, mais
aussi de leur coefficient d'utilisation (calcul selon le critère dit
"de la
surface indicée").

3.2 A la suite de cet arrêt de renvoi, la Commune a procédé à un
nouveau
calcul de la taxe de raccordement des intimés. D'après la feuille de
calcul
établie à l'appui de ce nouveau décompte (act. 3; pièce 6), le coût
total des
installations et des équipements demeure fixé à 4'300'000 fr. à
répartir
entre les différents propriétaires concernés compte tenu d'une
surface totale
de 414'498 m2; il apparaît en outre, toujours d'après la feuille de
calcul
précitée, que si l'on multiplie la surface de chacune des zones
concernées
par son indice d'utilisation, l'addition des surfaces des zones ainsi
pondérées se monte à 126'788 m2, ce qui nécessite, en chiffres ronds,
de
fixer la taxe de raccordement à une moyenne de 34 fr. le mètre carré
"indicé"
pour amortir le total des coûts précités (4'300'000 fr. : 126'788
m2). Pour
calculer la taxe de raccordement due par les intimés, la Commune a
donc
multiplié ce montant forfaitaire par la surface et les coefficients
d'utilisation (valables en 1992) de leur parcelle, obtenant ainsi une
taxe de
raccordement d'un montant brut (arrondi) de 43'558 fr. correspondant
à une
taxe de 8 fr. 50 le mètre carré pour un coefficient de 0,25 (34 fr. x
0,25)
et à 13 fr. 60 pour un coefficient de 0,4 (34 fr. x 0,4); elle a
ensuite
soustrait de ce montant brut la déduction forfaitaire de 5 fr. le
mètre carré
prévue à l'art. 24 lettre a du Règlement communal pour arriver,
finalement, à
une taxe de raccordement d'un montant net à payer de 23'063 fr. (pour
le
détail du calcul, se référer au décompte précité).

Il résulte de la méthode de calcul utilisée par la Commune que le
montant de
34 fr. le mètre carré de "surface indicée" qu'elle a pris en compte
n'est
rien d'autre qu'une valeur d'imputation lui permettant de répartir le
coût
des installations et des équipements entre l'ensemble des
propriétaires
concernés selon une clé de répartition qui tienne effectivement
compte, non
seulement de la surface des parcelles à taxer, comme cela était le
cas dans
le premier calcul avec un prix de 10 fr. 20 le mètre carré, mais
aussi,
conformément aux considérants de l'arrêt de renvoi, de leur
coefficient
d'utilisation qui oscille, selon les zones d'affectation, entre 0,2
et 0,6.
Comme les zones soumises à la taxe présentent des coefficients
d'utilisation
relativement bas (de 0,6 au maximum), la pondération a pour effet de
réduire
les surfaces "indicées" imposables par rapport à ce que serait leur
grandeur
réelle si elles étaient calculées uniquement en mètres carrés; ainsi,
le
"prix" (moyen) du mètre carré "indicé" est nécessairement supérieur à
10 fr.
20 et s'établit, comme on l'a vu, à 34 fr. (arrondi). A cet égard,
pour que
la taxe demeure, après pondération, de 10 fr. 20 le mètre carré, le
coefficient d'utilisation doit être de 0,3 (10 fr. 20 : 34 fr.).
Autrement
dit, les parcelles au bénéfice d'un coefficient d'utilisation
supérieur à 0,3
seront imposables à raison d'une taxe de 10 fr. 20 le mètre carré
majorée en
proportion de l'écart entre ce coefficient et leur propre coefficient
d'utilisation, tandis que, à l'inverse, les parcelles dont le
coefficient
d'utilisation est inférieur à 0,3 verront leur taxe réduite dans la
même
proportion.

3.3 Dans le cas particulier, si l'on se réfère, comme l'ont fait les
premiers
juges et la recourante, à la situation qui prévalait en fait et en
droit en
1992, la parcelle des intimés présente un coefficient d'utilisation
de 0,25
sur 2'400 mètres carrés et de 0,4 sur 1'705 mètres carrés, ce qui
équivaut,
en moyenne arithmétique, à un coefficient d'utilisation de 0,3123 pour
l'ensemble de la parcelle ([0,25 x 2400] + [0,4 x 1705] = 1282 m2
"indicés";
1282 m2 "indicés" : 4105 m2 = 0,3123). Ce coefficient est ainsi très
légèrement supérieur à 0,3, ce qui explique pourquoi les intimés
doivent au
final s'acquitter, après pondération, d'une taxe de raccordement d'un
montant
également légèrement supérieur à 10 fr. 20 le mètre carré.

Le calcul de la Commune ne revient donc pas, contrairement à
l'opinion des
premiers juges, à introduire un nouveau tarif sans aucune base
légale, mais
bien à pondérer, comme l'arrêt de renvoi le prescrivait, le montant
de 10 fr.
20 le mètre carré en fonction des coefficients d'utilisation de la
parcelle
des intimés. Avant d'admettre partiellement le recours et de renvoyer
la
cause à la Commune pour nouvelle décision, les premiers juges
auraient dû
examiner à quel coefficient d'utilisation correspondait le "prix" de
10 fr.
20 le mètre carré (soit, comme on l'a vu, 0,3) et comparer les
coefficients
d'utilisation de la parcelle des intimés avec le coefficient
nécessaire pour
amortir le coût des installations. Ils auraient alors facilement pu
s'apercevoir que, bien que la prise en compte du seul critère de la
surface
était susceptible, d'une manière générale, de porter atteinte au
principe de
l'égalité de traitement, tel n'était cependant pas le cas en
l'occurrence, du
moins au détriment des intéressés. Dans cette mesure, le calcul de la
Commune
apparaît conforme à ce que l'on pouvait attendre d'une interprétation
raisonnable et cohérente de l'arrêt de renvoi.

4.
4.1Cela étant, en tant que les premiers juges substituent au calcul
de la
Commune (qui permet à celle-ci de couvrir ses frais effectifs de
raccordement
au système d'épuration des eaux), une autre méthode de calcul (qui ne
lui
permet pas de couvrir ses frais), il y a bel et bien un empiétement
inadmissible sur son autonomie que le jugement attaqué lui reconnaît
pourtant. En effet, tant la loi cantonale sur l'aménagement du
territoire que
la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur la protection
des eaux
laissent aux communes fribourgeoises une grande latitude pour fixer
les
critères applicables au calcul des taxes de raccordement, la seule
limite
étant que les contributions à charge des propriétaires soient fixées
selon le
principe de la couverture des frais effectifs et en fonction des
avantages
retirés (cf. art. 101 al. 1 et 2 LATC) et qu'elles tiennent
équitablement
compte de l'affectation des immeubles et des bâtiments (cf. art. 33
al. 2
LALeaux); mais les lois cantonales précitées n'empêchent en tout cas
pas les
communes fribourgeoises, comme la recourante en a manifesté la
volonté au
travers de ses décisions, de prélever des taxes couvrant la totalité
des
coûts effectifs de raccordement au système d'épuration des eaux (sous
réserve
de la déduction forfaitaire prévue à l'art. 24 lettre a du Règlement
communal).

A cela s'ajoute que l'art. 101 al. 1 LATC semble même, dans une
certaine
mesure, sinon contraindre les communes à prélever des taxes de
raccordement
couvrant la totalité de leurs investissements en la matière, du moins
les y
encourager, à l'image également de l'art. 60a al. 1 LEaux, en vigueur
depuis
le 1er novembre 1997. Or, le calcul des premiers juges, consistant à
réduire
la taxe dans la proportion existant entre le coefficient d'utilisation
maximum (soit 0,6) supposé correspondre à 10 fr. 20 le mètre carré et
le
coefficient d'utilisation de la parcelle considérée (soit, en
l'occurrence,

0,25 pour 2400 m2 et 0,4 pour 1705 m2), fait entièrement fi du
principe de la
couverture des frais effectifs, puisque la taxe de toute parcelle
située dans
une zone d'affectation d'un indice inférieur à 0,6 se trouverait, par
un tel
calcul, automatiquement réduite; ce qui revient à dire que la Commune
ne
pourrait rentrer dans ses frais, s'il fallait suivre les premiers
juges, que
si toutes les parcelles se situaient dans une zone d'affectation
bénéficiant
de l'indice maximum de 0,6, ce qui n'est précisément pas le cas. En
réalité,
l'équivalence posée par les premiers juges selon laquelle le montant
de 10
fr. 20 le mètre carré correspondrait à un indice d'utilisation de 0,6
échappe
à toute logique et procède, en fin de compte, d'une pétition de
principe
arithmétiquement inexacte qui touche à l'arbitraire.

Par ailleurs, en réduisant le montant de la taxe en fonction des
coefficients
d'utilisation, sans réduire, dans le même temps, le montant admis à
titre de
déduction forfaitaire (de 5 fr. par mètre carré en l'espèce), les
premiers
juges ont, là encore, mis à mal le principe de la couverture des
frais.

4.2 Il est vrai que le calcul de la Commune revient finalement à
réformer au
détriment des intimés le montant de la taxe de raccordement qui leur
est
réclamée, en ce sens que celle-ci est d'un montant plus élevé après
pondération de la surface de la parcelle en fonction de ses
coefficients
d'utilisation qu'elle ne l'était, sans correction, par la simple
prise en
compte de la surface effective, conformément à ce que prescrit l'art.
20 du
Règlement communal. Il n'y a toutefois là aucune entorse au principe
de la
légalité garanti, en matière de contributions publiques, à l'art. 127
al. 1
Cst., car celui-ci peut être assoupli en certaines circonstances, en
particulier lorsque, comme en l'espèce, les principes de la
couverture des
frais et de l'équivalence permettent de contrôler avec suffisamment de
précision le montant de la taxe litigieuse (cf. ATF 128 II 112
consid. 5a p.
117 et les références). Rien ne s'opposait donc à ce que le Tribunal
administratif confirme la décision querellée, son premier arrêt, pris
à
l'occasion d'un contrôle concret et entré en force, se substituant
alors en
quelque sorte à la base légale déficiente. Au reste, l'arrêt de
renvoi ne
contenait pas d'injonction invitant la Commune à élaborer et à
adopter un
nouveau règlement avant de rendre une nouvelle décision de taxation à
l'endroit des intimés.

4.3 En résumé, le jugement attaqué porte atteinte à l'autonomie
communale de
la recourante et consacre une solution arbitraire et contraire aux
principes
fixés aux art. 101 al. 1 et 2 LATC et 33 al. 2 LALeaux, en
particulier celui
de la couverture des frais.

5.
Vu ce qui précède, le recours est admis et le jugement attaqué doit
être
annulé. L'arrêt du 28 juin 2001 est définitif en ce qui concerne le
calcul
des intérêts moratoires, non contesté par la recourante.

Succombant, les intimés supporteront un émolument judiciaire,
solidairement
entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ), même s'ils n'ont pas pris de
conclusions
en procédure fédérale (cf. ATF 123 V 156). Par ailleurs, dans la
mesure où la
recourante est une petite collectivité publique et que l'affaire en
cause
présente une certaine complexité, il se justifie, par exception à
l'art. 159
al. 2, 2ème phrase, de lui allouer des dépens (Jean-François Poudret,
Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V,
Berne 1992,
n. 3 ad art. 159, p. 161-162 et les références), même en l'absence de
conclusions expresses en ce sens (cf. ATF 111 Ia 154 consid. 4 p.
157-158;
Poudret, loc. cit., n. 1 ad art. 159, p. 158).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 28 juin 2001 par le Tribunal
administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge des intimés,
solidairement entre eux.

3.
Les intimés verseront à la recourante un montant de 2'000 fr. à titre
de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux représentants des
parties, au
Préfet du district de La Sarine et au Tribunal administratif du
canton de
Fribourg, Cour fiscale.

Lausanne, le 31 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.234/2001
Date de la décision : 31/01/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-31;2p.234.2001 ?
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