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30/01/2003 | SUISSE | N°U.251/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 janvier 2003, U.251/02


{T 7}
U 251/02

Arrêt du 30 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Daniel Cipolla, avocat, rue du
Rhône 3,
1920 Martigny

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 8 juillet 2002)

Faits :

A.
Né en 1960, S

.________ travaillait comme manoeuvre auprès de
l'entreprise de
maçonnerie P.________ SA à X.________. A ce titre, il était assuré
...

{T 7}
U 251/02

Arrêt du 30 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Beauverd

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

S.________, intimé, représenté par Me Daniel Cipolla, avocat, rue du
Rhône 3,
1920 Martigny

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 8 juillet 2002)

Faits :

A.
Né en 1960, S.________ travaillait comme manoeuvre auprès de
l'entreprise de
maçonnerie P.________ SA à X.________. A ce titre, il était assuré
contre le
risque d'accident professionnel et non-professionnel auprès de la
Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 7 octobre 1996, à la suite du choc en retour d'une manivelle, il
subit une
fracture de la styloïde cubitale et de l'épiphyse radiale du poignet
gauche.
Il fut soigné par le docteur R.________, spécialiste en chirurgie, et
traité
par immobilisation plâtrée. Il s'ensuivit une algodystrophie du
poignet
(rapport du docteur B.________, spécialiste en médecine interne et
maladies
rhumatismales [du 21 janvier 1997]) dont les signes disparurent par
la suite
(rapport du docteur F.________, spécialiste en radiologie médicale[du
9 juin
1997]). Dans son examen du 9 juin 1997, le docteur K.________, médecin
d'arrondissement de la CNA, tout en admettant la présence de lésions
ligamentaires supplémentaires qui expliquaient la lenteur de
l'évolution de
la fracture, préconisa une reprise du travail à 75 % à partir du 23
juin,
portée à 100 % au bout de six semaines. En raison de douleurs
persistantes,
l'assuré ne donna pas suite à ces injonctions.

A la suite de nouveaux examens médicaux, le docteur C.________,
spécialiste
en chirurgie plastique et reconstructive, procéda le 8 mai 1998 à
l'exérèse
d'un kyste et à une greffe spongieuse. Dans son rapport du 16
décembre 1998,
le docteur K.________ releva un examen rigoureusement normal, sous
réserve
d'une très discrète limitation de la mobilité. Au vu des séquelles de
l'accident du 7 octobre 1996, l'assuré ne pouvait plus effectuer
certains
travaux lourds avec la main gauche, en particulier des travaux
prolongés avec
la massette, la pioche ou le marteau-piqueur. En évitant ces
activités, on
pouvait s'attendre à un horaire et un rendement complets.

Lors d'un nouvel examen par le docteur C.________, celui-ci releva une
discordance entre l'importance des plaintes et le status. On pouvait
admettre
un certain degré d'instabilité scapho-lunaire résiduelle, un
remaniement
séquellaire au niveau du semi-lunaire mais aucun état inflammatoire
manifeste
secondaire n'avait jamais été mis en évidence (rapport du 9 juillet
1999). A
la demande de ce médecin, l'assuré séjourna à la clinique de
réadaptation de
E.________. Selon le rapport de sortie des médecins de cet
établissement,
l'intéressé souffre en outre de troubles somatoformes douloureux. Par
ailleurs, les appréciations de sa capacité de travail se recoupent
avec
celles retenues par le médecin d'arrondissement, ces médecins
relevant aussi
que l'assuré s'imposait une certaine auto-limitation (rapport du 6
septembre
1999).

Dans l'intervalle, diverses mesures d'instruction furent mises en
oeuvre par
l'Office cantonal AI du Valais (OAI) dont il sera fait état plus loin.
Par décision du 26 juillet 2000, la CNA alloua à l'assuré une rente
d'invalidité de 25 % à partir du 1er janvier 2000. Le 4 septembre
2000, elle
rendit une nouvelle décision par laquelle elle constatait une
surindemnisation. S.________ forma opposition à ces deux décisions,
demandant
en outre l'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Se
fondant sur
l'avis du médecin d'arrondissement, la CNA lui alloua une indemnité
fondée
sur un taux de 7,5 %. Par décision du 1er mars 2001, la CNA rejeta les
oppositions de l'assuré.

B.
Entre-temps et par décision du 11 septembre 2000, l'OAI avait alloué à
l'assuré une rente basée sur un taux d'invalidité de 50 % à compter
du 1er
octobre 1997. Cette décision faisait suite à des mesures d'instruction
consistant notamment en un stage d'observation professionnelle de
trois mois.
Elle se fondait sur l'avis du service de réadaptation de
l'assurance-invalidité selon lequel des activités d'opérateur de
séries sur
des machines préréglées ou d'emballeur-conditionneur étaient
exigibles, ainsi
que sur l'opinion du docteur R.________ confirmant l'exigibilité de
ces
activités à un taux de capacité 66,6 % (rapport du 5 juin 2000).

C.
Sur recours de S.________, le Tribunal des assurances du canton du
Valais a,
par jugement du 8 juillet 2002, annulé la décision sur opposition et
renvoyé
la cause à la CNA pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Des
dépens à hauteur de 1600 fr. ont été alloués à l'assuré.

D.
La CNA interjette recours de droit administratif et conclut à
l'annulation du
jugement cantonal.

S. ________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du
recours,
subsidiairement au prononcé d'octroi d'une rente au taux de 50 %.
L'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
Dans ses déterminations, l'intimé conclut subsidiairement à la
réforme du
jugement cantonal et à l'octroi d'une rente au taux de 50 %. Une telle
conclusion constitue toutefois une demande reconventionnelle
assimilable à un
recours joint. Or, la Cour de céans a déjà jugé que l'institution du
recours
joint au recours de droit administratif est inconnue. La partie qui,
comme en
l'espèce, n'a pas interjeté recours de droit administratif dans le
délai
légal, ne peut que proposer l'irrecevabilité ou le rejet du recours
formé par
la partie adverse. Elle n'a plus la faculté de prendre des conclusions
indépendantes (ATF 120 V 127 consid. 6, 114 V 245 consid. 4 et les
références). Il faut cependant rappeler que lorsque le litige concerne
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, comme c'est le cas
ici, le
Tribunal fédéral des assurances peut s'écarter des conclusions des
parties, à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 let. c OJ). Rien
n'empêche
par conséquent la partie intimée de développer dans sa réponse au
recours une
argumentation qui conduira éventuellement le juge à réformer à son
avantage
la décision entreprise. Mais ces suggestions n'ont pas la valeur de
conclusions formelles.

3.
Le litige porte sur le droit à la rente d'invalidité et plus
précisément sur
le taux de celle-ci. Dans sa décision litigieuse, la recourante a
fixé ce
taux à 25 % en considérant, sur la base de l'instruction qu'elle a
menée, que
l'intimé était pleinement en mesure d'exercer une activité exigible.
Cette
estimation divergeait de celle émanant des organes de
l'assurance-invalidité
qui considéraient, en particulier, que l'intimé ne présentait qu'une
capacité
de travail de 66,6 %. Pour sa part, la juridiction cantonale a
renoncé à
appliquer les règles de coordination avec l'assurance-invalidité et à
statuer
sur une question qui était pourtant manifestement de sa compétence,
renvoyant
sans motif sérieux le dossier à l'assureur-accidents pour qu'il
motive sa
position divergente.
Eu égard au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances, il
ne se
justifie pas, à titre exceptionnel, de renvoyer la cause aux premiers
juges
pour qu'ils statuent sur cette question, en application du principe
d'économie de procédure.

3.1 Dans son arrêt publié aux ATF 126 V 288, le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence concernant la coordination de
l'évaluation de l'invalidité dans les différentes branches de
l'assurance
sociale. Il a notamment confirmé le caractère uniforme de la notion
d'invalidité dans ces différentes branches (cf. art.16 de la Loi
fédérale sur
la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre
2000, non
applicable toutefois in casu; voir consid. 1), ainsi que son effet de
coordination dans l'évaluation de l'invalidité. En revanche, il a
renoncé à
la pratique consistant à accorder en principe plus d'importance à
l'évaluation effectuée par l'un des assureurs sociaux, indépendamment
des
instruments dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il
en a
fait dans un cas concret. Certes, il faut éviter que des assureurs
procèdent
à des évaluations divergentes dans un même cas. Mais même si un
assureur ne
peut en aucune manière se contenter de reprendre, sans plus ample
examen, le
taux d'invalidité fixé par un autre assureur, une évaluation
entérinée par
une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée.
Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle évaluation
lorsqu'elle repose
sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable (ATF 119
V 471
consid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple transaction
conclue
avec l'assuré (ATF 112 V 175 s. consid. 2a). A ces motifs de
divergence déjà
reconnus antérieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des
mesures
d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une
évaluation
pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité (ATF 126 V 288).
Dans
l'arrêt ATF 119 V 468 (474 consid. 4a), le Tribunal fédéral des
assurances a
considéré comme insoutenable une appréciation des organes de
l'assurance-invalidité, au motif qu'elle s'écartait largement de
l'évaluation
de l'assureur-accidents, laquelle reposait sur des conclusions
médicales
convaincantes concernant la capacité de travail et l'activité
exigible, ainsi
que sur une comparaison des revenus correctement effectuée (RAMA 2000
U 406
p. 402 et les références).

3.2 En l'espèce, il existe suffisamment de motifs pour considérer que
l'évaluation opérée par l'AI n'est pas du tout convaincante, partant
qu'elle
ne saurait lier l'assureur-accidents. En effet, d'une part, cette
évaluation
a été faite en faisant totalement abstraction de l'ensemble des avis
médicaux
qui figurent dans les dossiers médicaux des deux assureurs pour se
fonder
uniquement sur l'opinion non motivée du docteur R.________, médecin
traitant
(rapport du 5 juin 2000). D'autre part, l'estimation du revenu
d'invalide
pris en considération pour procéder à la comparaison des revenus
résulte des
chiffres émanant du service de réadaptation de
l'assurance-invalidité. Or, on
ignore totalement sur quelle base un salaire mensuel de 4000 fr. pour
l'une
des activités et de 2300 fr. pour l'autre a été retenu pour ces
postes de
travail. On ignore en particulier si de tels revenus correspondent aux
indications fournies par des entreprises de la région ou s'ils ont été
déterminés sur la base d'une enquête plus large. Au demeurant, il
apparaît
pour le moins douteux qu'un revenu d'invalide puisse être estimé par
simple
moyenne arithmétique entre des revenus aussi éloignés et dont l'un se
situe à
60 % du salaire moyen pour les activités simples et répétitives des
hommes
selon l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2000 (ESS) et
dont on
peut douter qu'il soit conforme aux usages professionnels.

4.
Selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui
s'applique aussi
bien en procédure administrative qu'en procédure de recours de droit
administratif (art. 40 PCF en corrélation avec l'art. 19 PA; art. 95
al. 2 OJ
en liaison avec les art. 113 et 132 OJ), l'administration ou le juge
apprécie
librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en
procédant à
une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le
juge doit
examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en
soit la
provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de
porter
un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux
sont
contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans apprécier
l'ensemble des
preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur
une
opinion médicale et non pas sur une autre.

L'élément déterminant pour la valeur probante d'un certificat médical
n'est
ni son origine ni sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une
expertise, mais bel et bien son contenu. A cet égard, il importe que
les
points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée,
que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine
connaissance du dossier (anamnèse), que la description des
interférences
médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient
bien
motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références).


Dans le cas particulier, et sous réserve de l'opinion divergente du
docteur
R.________ dont on a vu pour quels motifs il y avait lieu de
s'écarter (cf.
aussi ATF 125 V 353 consid. 3b/cc), les avis répétés et concordants du
médecin d'arrondissement, bien étayés et fondés sur des examens
médicaux
complets, ainsi que sur l'ensemble du dossier médical, notamment les
rapports
du docteur C.________ et des médecins de la clinique de réadaptation
de
E.________, ont pleine valeur probante. Il en résulte que si l'assuré
ne peut
plus exercer la profession de manoeuvre dans une entreprise de
construction,
des activités légères, simples et ne nécessitant pas l'usage prolongé
de la
main gauche pour des travaux lourds sont exigibles.

5.
Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré
devenu
invalide à la suite d'un accident pourrait obtenir en exerçant
l'activité
qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution
éventuelle de
mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du
marché
du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il
n'était pas
invalide (art. 18 al. 2, seconde phrase, LAA).

La comparaison des revenus à laquelle a procédé la recourante
n'apparaît pas
critiquable tant en ce qui concerne le revenu sans invalidité que le
revenu
d'invalide déduit des DPT produits en cause pour des activités
exigibles. On
n'aboutirait pas à un autre résultat en recourant aux données
salariales
publiées par l'Office fédéral de la statistique même en admettant une
déduction maximum de 25 % (Enquête sur la structure des salaires; cf.
ATF 126
V 76 consid. 3b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton du
Valais du 8 juillet 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton du Valais et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.251/02
Date de la décision : 30/01/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-30;u.251.02 ?
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