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30/01/2003 | SUISSE | N°I.64/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 janvier 2003, I.64/02


{T 7}
I 64/02

Arrêt du 30 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Beauverd

N.________, recourant, représenté par le Service juridique de la
Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH), place du
Grand-Saint-Jean 1,
1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Juge

ment du 11 septembre 2001)

Faits :

A.
N. ________ a fait, dès l'âge de 20 ans, un usage de substances
toxiques,
...

{T 7}
I 64/02

Arrêt du 30 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Beauverd

N.________, recourant, représenté par le Service juridique de la
Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH), place du
Grand-Saint-Jean 1,
1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 septembre 2001)

Faits :

A.
N. ________ a fait, dès l'âge de 20 ans, un usage de substances
toxiques,
essentiellement d'héroïne. A partir de 1994, il a effectué plusieurs
tentatives de sevrage. A l'âge de 13 ans, il avait subi une première
crise
d'épilepsie, puis une deuxième avec perte de connaissance prolongée,
en 1999.

Il a présenté, le 3 février 2000, une demande tendant à l'octroi
d'une mesure
de réadaptation de l'assurance-invalidité sous la forme d'une
orientation
professionnelle.

L'Office AI pour le canton de Vaud a recueilli l'avis des docteurs
A.________
et B.________, médecins à l'Hôpital psychiatrique X.________,
lesquels ont
fait état d'un épisode dépressif moyen, sans syndrome somatique
(F32.10) et
d'une dépendance à l'héroïne (F11.21). Tout en indiquant que
l'intéressé
était alors abstinent en raison de son placement dans un milieu
protégé, les
médecins prénommés ont attesté une incapacité entière de travail
depuis le 17
janvier 2000 (rapport du 31 mai 2000).

Par décision du 18 janvier 2001, l'office AI a rejeté la demande de
prestations, motif pris que l'assuré ne souffrait pas d'une atteinte
à la
santé invalidante.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal des assurances
du
canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 11 septembre 2001.

C.
N.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, au
renvoi de
la cause à l'office intimé pour qu'il alloue les prestations
auxquelles il a
droit, à savoir des mesures de réadaptation professionnelle ou une
rente
d'invalidité. A l'appui de son recours, il produit des rapports des
docteurs
C.________, professeur associé et médecin au Centre psychosocial de
Z.________ (du 8 janvier 2002) et D.________, médecin adjoint au
service de
neurologie Y.________ (du 15 janvier 2002).

L'office intimé conclut implicitement au rejet du recours. De son
côté,
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter une
détermination.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
D'après l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une
invalidité
imminente ont droit aux mesures de réadaptation qui sont nécessaires
et de
nature à rétablir leur capacité de gain, à l'améliorer, à la
sauvegarder ou à
en favoriser l'usage. Ce droit est déterminé en fonction de toute la
durée
d'activité probable.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il
est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50
% au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans
les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.
Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la
capacité de
gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une
atteinte à la
santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.

3.
3.1
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
n'est pas
limité à la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus
du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la
décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas lié par l'état de fait
constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter des
conclusions
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).
Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances est
étendu, de
nouveaux moyens de preuve sont en principe admissibles. Ceux-ci
doivent
toutefois se rapporter à l'état de fait déterminant pour statuer sur
la
légalité de la décision litigieuse, à savoir l'état de fait existant
au
moment où celle-ci a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les
arrêts
cités). Hormis le cas où elles constituent des faits nouveaux
importants ou
des preuves concluantes au sens de l'art. 137 let. b OJ et pourraient
dès
lors justifier la révision de l'arrêt du tribunal, des pièces
nouvelles ne
peuvent toutefois être produites après l'échéance du délai de recours
de
droit administratif, sauf dans le cadre d'un deuxième échange
d'écritures
(ATF 127 V 353).

3.2
A l'appui de ses conclusions, le recourant produit deux rapports
médicaux qui
ont été établis postérieurement à la décision administrative
litigieuse. Dans
la mesure où ils concernent l'état de fait médical déterminant pour
apprécier
le bien-fondé de la décision litigieuse, ces nouveaux moyens de
preuve sont
admissibles.

4.
En l'occurrence, il est incontesté que tant l'épilepsie que le
syndrome
d'apnée du sommeil dont souffre le recourant n'ont pas le caractère de
troubles invalidants. Il convient donc d'examiner si l'intéressé
subit une
diminution de sa capacité de gain en raison de la toxicomanie et de
l'état
dépressif.

5.
5.1Selon la jurisprudence, la toxicomanie ne constitue pas, en soi,
une
invalidité au sens de la loi. En revanche, elle joue un rôle dans
l'assurance-invalidité lorsqu'elle a provoqué une maladie ou un
accident qui
entraîne une atteinte à la santé physique ou mentale, nuisant à la
capacité
de gain, ou si elle résulte elle-même d'une atteinte à la santé
physique ou
mentale qui a valeur de maladie (ATF 99 V 28 consid. 2; VSI 2002 p. 32
consid. 2a, 1996 p. 319 consid. 2a, 321 consid. 1a et 325 consid. 1a).

5.2 La juridiction cantonale a considéré que l'usage de substances
toxiques
est apparu à l'âge de 20 ans, époque à laquelle le recourant ne
présentait ni
atteinte à la santé psychique ni trouble physique de nature à
entraîner une
toxicomanie. Selon les premiers juges, celle-ci n'a pas non plus
causé une
telle maladie, de sorte qu'elle ne constitue pas une invalidité au
sens de la
loi. Quant à l'état dépressif, la juridiction cantonale considère
qu'il n'a
pas un caractère invalidant.

De son côté, le recourant fait valoir que la toxicomanie résulte d'une
atteinte à la santé mentale, soit en l'occurrence un désordre
psychique lié à
des troubles graves du caractère, du comportement et de l'affectivité.

5.3 Dans leur rapport du 31 mai 2000, les docteurs A.________ et
B.________
ont posé le diagnostic d'épisode dépressif moyen, sans syndrome
somatique
(F32.10) et de dépendance à l'héroïne (F11.21), tout en indiquant que
l'intéressé était alors abstinent en raison de son placement dans un
milieu
protégé. Ces médecins ne se prononcent pas sur l'existence éventuelle
d'un
lien de causalité entre la toxicomanie et les troubles dépressifs. De
son
côté, le docteur C.________ est d'avis que la toxicomanie résulte d'un
trouble grave de la personnalité (rapport du 8 janvier 2002). Cette
appréciation a été corroborée par le docteur D.________ dans son
rapport du
15 janvier 2002. Selon ce spécialiste, l'assuré a présenté, depuis
l'enfance,
de grandes difficultés psychologiques de nature anxieuse et phobique,
probablement liées à un climat familial perturbé. Sur le plan
psychiatrique,
le docteur D.________ a fait état d'un trouble de la personnalité de
type
état limite inférieur avec des traits caractériels passifs, d'une
grande
immaturité et dépendance, ainsi qu'une dépression anaclitique. Il
conclut que
la toxicomanie résulte des troubles graves de la personnalité.

Sur le vu de ces avis médicaux, dont il n'y a pas de raison, en
l'occurrence,
de s'écarter, le point de vue des premiers juges ne saurait être
partagé. En
effet, il ressort des rapports des docteurs C.________ et D.________
que le
tableau clinique repose essentiellement sur de grandes difficultés
psychologiques de nature anxieuse et phobique apparues dès l'enfance.
Selon
ces médecins, les graves troubles de la personnalité sont à l'origine
non
seulement des échecs scolaires et professionnels répétés mais
également de la
consommation de substances toxiques. Cela étant, force est de
constater que
la toxicomanie résulte de graves troubles de la personnalité,
lesquels ont
incontestablement valeur de maladie au sens de la jurisprudence (cf.
RCC 1992
p. 180; arrêt P. du 19 juin 2002, I 390/01). Au demeurant, tous les
médecins
consultés font état également d'un état dépressif auquel on ne
saurait, comme
la juridiction cantonale, dénier d'emblée tout caractère invalidant.
Dans ces
conditions, il convient de renvoyer la cause à l'office intimé pour
qu'il
détermine les effets de l'atteinte à la santé sur la capacité de gain
du
recourant et statue à nouveau sur le droit éventuel de celui-ci à des
prestations de l'assurance-invalidité.

6.
Le recourant, qui obtient gain de cause, est représenté par le Service
juridique de la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés
(FSIH).
Il a droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale (art.
159 al.
1 en liaison avec l'art. 135 OJ; SVR 1997 IV 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 11 septembre 2001 et la décision de l'Office AI pour le
canton de
Vaud du 18 janvier 2001 sont annulés, la cause étant renvoyée audit
office
pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle
décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office AI versera au recourant la somme de 1'500 fr. (y compris la
taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.64/02
Date de la décision : 30/01/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-30;i.64.02 ?
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