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29/01/2003 | SUISSE | N°5P.459/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2003, 5P.459/2002


{T 0/2}
5P.459/2002 /frs

Arrêt du 29 janvier 2003
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, président,
Escher, Marazzi,
greffier Abrecht.

K. ________,
recourant, représenté par Me André Clerc, avocat, boulevard de
Pérolles 22,
case postale 47, 1705 Fribourg,

contre

S.________,
intimé,

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, route
du
Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (mainlevée définitive de l'opposition),

recours de dro

it public contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites
du Tribunal cantonal vaudois du 28 octobre 2002.

Faits:

A....

{T 0/2}
5P.459/2002 /frs

Arrêt du 29 janvier 2003
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, président,
Escher, Marazzi,
greffier Abrecht.

K. ________,
recourant, représenté par Me André Clerc, avocat, boulevard de
Pérolles 22,
case postale 47, 1705 Fribourg,

contre

S.________,
intimé,

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, route
du
Signal 8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (mainlevée définitive de l'opposition),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour des poursuites et
faillites
du Tribunal cantonal vaudois du 28 octobre 2002.

Faits:

A.
Par ordonnance rendue le 28 septembre 2001 dans la cause opposant
K.________
à C.________, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye
(canton de
Fribourg) a admis l'exception de défaut de qualité pour agir de
K.________,
soulevée par C.________ (1), et a rayé la cause du rôle (2); il a en
outre
mis les dépens à la charge de K.________ et a dit que les frais de
justice,
par 1'240 fr., seraient acquittés par chacune des parties à raison de
la
moitié (3). Cette ordonnance est devenue définitive et exécutoire.

Par décision du 28 janvier 2002, le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Broye, après avoir invité K.________ à se
déterminer
sur la liste de frais déposée par l'avocat S.________, mandataire de
C.________, a fixé ladite liste de frais à 21'646 fr. 30 (soit 8'293
fr.
d'honoraires, 10'515 fr. 50 à raison de l'augmentation pour valeur
litigieuse, 610 fr. de débours, 620 fr. de frais de justice, 1'475
fr. 80 de
TVA et 132 fr. de frais de fixation). Cette décision est devenue
définitive
et exécutoire.

B.
Le 29 avril 2002, l'Office des poursuites de Cossonay (Vaud) a
notifié à
K.________, sur réquisition de S.________, un commandement de payer
la somme
de 21'646 fr. 30 avec intérêts à 5% l'an dès le 8 avril 2002. Ce
commandement
de payer indiquait comme cause de l'obligation la liste de frais
définitive
et exécutoire fixée le 28 janvier 2002 par le Président du Tribunal
civil de
l'arrondissement de la Broye.

Le 29 mai 2002, le poursuivant a requis la Présidente du Tribunal de
l'arrondissement de la Côte (Vaud) de prononcer la mainlevée
définitive de
l'opposition formée par le poursuivi au commandement de payer. A
l'appui de
cette requête de mainlevée, il a produit notamment l'ordonnance du 28
septembre 2001 et la décision du 28 janvier 2002, ainsi que les
attestations
d'entrée en force y relatives.

Le 24 juin 2002, le poursuivi, agissant seul, a déposé des
déterminations et
des pièces et a conclu au rejet de la requête de mainlevée ainsi qu'à
la
radiation immédiate de la poursuite en cause. Invoquant en premier
lieu
l'irrégularité de la poursuite à raison du for, il a en outre déclaré
opposer
la compensation, en exposant que C.________ lui était redevable de la
somme
de 486'723 fr. d'honoraires impayés depuis 1992. A l'appui de cette
affirmation, il a produit une récapitulation du 2 juin 1992
concernant des
honoraires relatifs à un quartier locatif à Estavayer-le-Lac.

Le 25 juin 2002, la Présidente du Tribunal de l'arrondissement de la
Côte a
prononcé la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de
21'646 fr.
30 plus intérêts au taux de 5% l'an dès le 9 avril 2002 et a mis les
frais et
dépens à la charge du poursuivi. Elle a considéré que si les décisions
produites par le poursuivant étaient des jugements exécutoires au
sens de
l'art. 80 LP, aucun des arguments soulevés par le poursuivi ni aucune
des
pièces produites par ce dernier ne fondait un des moyens libératoires
prévus
aux art. 80 et 81 LP.

C.
Le poursuivi, cette fois-ci représenté par un avocat, a recouru
contre ce
prononcé auprès de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal
vaudois. Il a fait valoir que la créance d'honoraires d'architecte
qu'il
avait déclaré opposer en compensation était fondée sur un jugement
rendu le
12 juillet 1990 par la Cour d'appel du canton de Berne. Ce jugement,
produit
en annexe au recours, lui reconnaissait une créance contre C.________
de
41'500 fr., plus intérêts à 5% l'an depuis le 3 août 1989 ainsi que
4'092 fr.
de dépens. Dès lors que la distraction des honoraires et débours en
faveur de
l'avocat n'excluait pas l'application de l'art. 169 CO, le poursuivi
était
fondé à opposer en compensation au poursuivant la créance qu'il
détenait
envers C.________ et qui était prouvée par titre. Cette compensation
était
possible dès que le jugement du 28 septembre 2001 du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Broye était entré en force.

Par arrêt du 28 octobre 2002, la cour cantonale a rejeté le recours.
Elle a
exposé qu'en matière de mainlevée définitive, la compensation n'était
possible que pour autant que la créance opposée en compensation fût
fondée
sur un ou des titres qui permettraient à tout le moins l'octroi de la
mainlevée provisoire. Or la production de pièces nouvelles ou de
preuves
nouvelles en seconde instance étant prohibée par l'art. 58 al. 3
LVLP, il ne
pouvait être tenu compte du jugement de la Cour d'appel du canton de
Berne du
12 juillet 1990, produit par le recourant en seconde instance
seulement. Dès
lors que les pièces du dossier tel que constitué en première instance
ne
rendaient pas vraisemblable la créance d'honoraires d'architecte
invoquée par
le recourant, le moyen tiré de la compensation devait être rejeté et
la
décision du premier juge maintenue.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
le
poursuivi conclut avec suite de frais et dépens à l'annulation de cet
arrêt.
Il a en outre présenté une requête d'effet suspensif, que le
Président de la
Cour de céans a rejetée par décision du 2 décembre 2002.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision prononçant ou refusant en dernière instance cantonale
(art. 86
al. 1 OJ) la mainlevée ¿ provisoire ou définitive ¿ de l'opposition
est une
décision finale qui peut faire l'objet d'un recours de droit public
(ATF 120
Ia 256 consid. 1a; 111 III 8 consid. 1; 98 Ia 348 consid. 1, 527
consid. 1 et
les arrêts cités; 94 I 365 consid. 3). Le recours est par conséquent
recevable de ce chef. Interjeté en temps utile, il est également
recevable au
regard de l'art. 89 al. 1 OJ.

2.
2.1 Après avoir rappelé l'argumentation qu'il avait présentée devant
la cour
cantonale (cf. lettre C supra), le recourant soutient que cette
motivation
n'aurait été que très peu prise en compte dans l'arrêt attaqué,
lequel ne dit
pas que la compensation ne pouvait pas être invoquée, mais seulement
qu'il ne
peut être tenu compte des pièces produites en seconde instance. Or en
première instance, le recourant avait invoqué la compensation comme
preuve
libératoire, et il avait produit un décompte d'honoraires
d'architecte qui se
référait directement au jugement rendu le 12 juillet 1990 par la Cour
d'appel
du canton de Berne, jugement qui reconnaissait au recourant une
créance de
41'500 fr. ainsi que 4'092 fr. de dépens contre C.________. Selon le
recourant, ce jugement ne constituerait ainsi pas une preuve nouvelle
vu
qu'il l'avait déjà mentionnée dans ses déterminations adressées au
premier
juge. Celui-ci aurait dû, afin de respecter le droit d'être entendu,
considérer cette détermination comme une offre de preuve et impartir
au
poursuivi un délai pour produire cette dernière. De même, le Tribunal
cantonal aurait dû examiner la preuve libératoire de la compensation;
en se
contentant d'exposer les faits et d'invoquer l'irrecevabilité des
preuves
nouvelles, il aurait commis un déni de justice formel. Enfin,
toujours selon
le recourant, l'application du droit de procédure cantonal relèverait
du
formalisme excessif en empêchant l'application conforme du droit
fédéral : en
effet, le recourant a invoqué la preuve libératoire de la
compensation en se
référant à un jugement entré en force, la première instance n'en a
pas tenu
compte en disant qu'il n'y avait pas de preuve par titre, et lorsque
ce titre
a été produit, la deuxième instance l'a déclaré irrecevable car
produit
tardivement selon l'art. 58 LVLP.

2.2 Ces arguments tombent à faux pour les raisons exposées ci-après.

2.2.1 Lorsque le créancier est au bénéfice d'un jugement exécutoire,
le juge
prononce la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP),
sauf si
l'opposant peut se prévaloir d'un des moyens prévus par l'art. 81 LP.
L'opposant peut ainsi prouver par titre que la dette a été éteinte;
la preuve
de l'extinction par compensation (cf. art. 120 ss CO) ne peut être
apportée
que par la production de titres qui justifieraient eux-mêmes la
mainlevée
définitive ou à tout le moins la mainlevée provisoire (ATF 115 III 97
consid.
4; Daniel Staehelin, in: Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und
Konkurs, n. 4 ad art. 81 LP; Panchaud/Caprez, La mainlevée
d'opposition,
1980, § 144 ch. 3).

En l'espèce, contrairement aux affirmations du recourant, il n'est
pas fait
la moindre allusion au jugement rendu le 12 juillet 1990 par la Cour
d'appel
du canton de Berne ni dans les déterminations adressées le 24 juin
2002 par
le recourant au premier juge, ni dans la "récapitulation du
02.06.1992"
jointe à ces déterminations. La récapitulation en question n'est qu'un
document établi par le recourant lui-même, qui ne comporte aucune
reconnaissance de dette de la part de C.________ et ne constituerait
ainsi
manifestement pas un titre de mainlevée provisoire (cf. ATF 122 III
125
consid. 2 in limine et les références citées). Dans ces conditions,
la cour
cantonale pouvait sans arbitraire retenir que l'extinction par
compensation
de la créance déduite en poursuite n'avait pas été établie sur la
base du
dossier tel que constitué en première instance.

2.2.2 En ce qui concerne la deuxième instance, l'art. 58 al. 3 de loi
d'application dans le canton de Vaud de la loi fédérale sur la
poursuite pour
dettes et la faillite (LVLP; RSV 2.9 A) prévoit très clairement que
dans le
recours au Tribunal cantonal, cour des poursuites et faillites, il ne
peut
être administré de nouvelles preuves en matière de mainlevée
d'opposition. Or
le jugement rendu le 12 juillet 1990 par la Cour d'appel du canton de
Berne
constituait manifestement une nouvelle preuve, puisque, comme on l'a
vu (cf.
consid. 2.2.1 supra), le recourant n'y avait pas fait la moindre
allusion
devant le premier juge.

L'application de l'art. 58 al. 3 LVLP par la cour cantonale ne
procède pas
d'un formalisme excessif. En effet, selon la jurisprudence, il y a
formalisme
excessif seulement lorsque la stricte application des règles de
procédure ne
se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en
soi et
complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou
entrave
de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 125 I 166 consid.
3a; 121
I 177 consid. 2b/aa et les références citées). Tel n'est
manifestement pas le
cas en l'espèce, où il ne tenait qu'au recourant de produire le
jugement de
la Cour d'appel du canton de Berne devant le juge de la mainlevée. Il
sied de
relever que les règles sur l'interdiction des nova devant la
juridiction
supérieure, qui existent dans de nombreuses voies de recours, visent
précisément à garantir, par la rigueur et l'économie de la procédure,
la
réalisation efficace du droit matériel, de sorte qu'il ne saurait être
question à cet égard de formalisme excessif (cf. arrêt non publié
1P.504/1988
du 3 novembre1988, consid. 3).

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être
rejeté.
Partant, le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art.
156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès
lors que
l'intimé n'a pas été invité à procéder et n'a en conséquence pas
assumé de
frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art.
159 al.
1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 29 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.459/2002
Date de la décision : 29/01/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-29;5p.459.2002 ?
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