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23/01/2003 | SUISSE | N°7B.174/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 janvier 2003, 7B.174/2002


{T 0/2}
7B.174/2002 /frs

Séance du 23 janvier 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédérales Escher, présidente,
Nordmann, Hohl,
greffier Fellay.

M.________,
recourant, représenté par Me Roger Pannatier, avocat, rue du Stade 4,
1950
Sion,

contre

Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuite pour
dettes et de
faillite du canton du Valais,
Palais de Justice, 1950 Sion 2.

poursuite en prestation de sûretés

(recours LP contre le j

ugement de l'Autorité supérieure de
surveillance en
matière de poursuite pour dettes et de faillite du canton du Valais
du 2...

{T 0/2}
7B.174/2002 /frs

Séance du 23 janvier 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédérales Escher, présidente,
Nordmann, Hohl,
greffier Fellay.

M.________,
recourant, représenté par Me Roger Pannatier, avocat, rue du Stade 4,
1950
Sion,

contre

Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuite pour
dettes et de
faillite du canton du Valais,
Palais de Justice, 1950 Sion 2.

poursuite en prestation de sûretés

(recours LP contre le jugement de l'Autorité supérieure de
surveillance en
matière de poursuite pour dettes et de faillite du canton du Valais
du 28
août 2002)

Faits:

A.
Sur réquisition de C.________, l'Office des poursuites d'Hérens a
notifié à
M.________, en octobre 2001, une poursuite en prestation de sûretés
pour des
montants en capital de 550'000 fr. et 3'000'000 fr., correspondant
respectivement à une garantie bancaire irrévocable et à un
nantissement
d'actions. Cette poursuite a été frappée d'opposition.

B.
Le débiteur en a également demandé l'annulation par la voie d'une
plainte. A
son avis, la poursuite en question était inadmissible au regard de la
LP, car
elle ne concernait pas la fourniture d'une somme d'argent.

L'autorité cantonale inférieure de surveillance a rejeté la plainte en
considérant en substance que l'art. 38 LP ne limite pas les sûretés à
fournir aux seules sûretés pécuniaires.

Saisie d'un recours du débiteur le 14 décembre 2001, l'autorité
cantonale
supérieure de surveillance l'a rejeté par jugement du 28 août 2002.
Elle a
retenu, en s'appuyant sur une partie de la doctrine - divisée sur la
question
-, que la poursuite en prestation de sûretés peut être requise quel
que soit
le genre de celles-ci.

C.
Le débiteur a recouru à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral le 4 septembre 2002, en concluant à l'annulation du
jugement
cantonal et de la poursuite en cause. Il soutenait que la solution
adoptée
par l'autorité cantonale de surveillance était contraire au droit
fédéral.

Le créancier conclut au rejet du recours. L'office se réfère à ses
déterminations adressées à l'autorité cantonale inférieure de
surveillance,
aux termes desquelles il proposait le rejet de la plainte.

A la demande du recourant, l'effet suspensif a été accordé par
ordonnance
présidentielle du 11 septembre 2002.

La Chambre considère en droit:

1.
Le recourant entend se prévaloir d'un fait nouveau, à savoir que "les
actions
dont le nantissement a été demandé dans la réquisition de poursuite
ont trait
à la société X.________ S.A. qui est tombée en faillite selon avis
paru au BO
du canton du Valais, ...".

Le fait que les actions ont trait à X.________ SA n'est pas nouveau,
puisque
le commandement de payer versé au dossier en fait état. La mise en
faillite
de ladite société constitue en revanche un fait nouveau, mais pas au
sens de
l'art. 79 al. 1 OJ dans la mesure où le recourant, entre le moment où
il en a
eu connaissance (22 mars 2002) et celui où l'autorité cantonale a
statué (28
août 2002), aurait eu en principe la possibilité de s'en prévaloir ou
tout au
moins de le signaler à l'autorité cantonale. Il n'allègue même pas
avoir
vainement tenté de le faire.

Au demeurant, le fait en question est peut-être susceptible d'influer
sur la
valeur des sûretés objet de la poursuite et de justifier un éventuel
complément de celles-ci; il n'est en revanche d'aucune pertinence
pour la
solution de la seule question posée en l'espèce, celle de la nature
des
sûretés.

La Chambre de céans s'en tient donc aux faits constatés par le
jugement
attaqué (art. 63 al. 2 et 81 OJ).

2.
2.1La poursuite en prestation de sûretés ne constitue pas un mode
spécial de
poursuite, mais une poursuite ordinaire qui a un but spécial: celui
d'assurer
l'exécution d'une prestation du poursuivi qui n'est pas destinée à
satisfaire
directement le poursuivant, mais à lui garantir l'exécution d'une
obligation
dont il est bénéficiaire. L'exécution forcée tendant à la fourniture
de
sûretés ne peut servir qu'à rendre efficace un droit du poursuivant à
ce que
le poursuivi, pour garantir son obligation, offre et constitue une
sûreté sur
laquelle le poursuivant puisse mettre la main si le poursuivi ne
remplit pas
son obligation (ATF 93 III 72 consid. 2b p. 79; Gilliéron,
Commentaire de la
loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite [ci-après:
Commentaire], n. 8 ad art. 38-45 LP, n. 27 ss ad art. 38 LP; Acocella,
Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 15
ad art.
38 LP et les références).

2.2 Aux termes de l'art. 38 al. 1 LP, l'exécution forcée ayant pour
objet des
sûretés à fournir s'opère par la poursuite pour dettes. La procédure
est la
même que celle de la poursuite tendant au paiement d'une somme
d'argent, sauf
que la continuation de la poursuite a lieu exclusivement par voie de
saisie
(art. 43 ch. 3 LP) et que les espèces obtenues par la réalisation des
biens
saisis ne peuvent être distribuées au poursuivant, mais doivent être
consignées, de telle façon qu'elles se trouvent à la disposition du
créancier
si celui-ci établit au fond son droit à la créance en garantie de
laquelle
les sûretés ont été fournies (ATF 110 III 1 consid. 2b et les
références).

3.
3.1La nature des sûretés visées par l'art. 38 al. 1 LP a fait l'objet
de
controverses dans la doctrine (cf., à propos de celles-ci, Lutz
Krauskopf,
Système et signification de la poursuite en prestation de sûretés
dans la
doctrine, la pratique et la jurisprudence, in BlSchK 1979 p. 8 s.;
Gilliéron,
Poursuite pour dettes, faillite et concordat, Lausanne 1993, p. 36 ss;
Vincent Pelet, Mesures provisionnelles, droit fédéral ou cantonal?,
p. 260 ss
ch. 302 ss).

La doctrine actuelle est divisée. Des auteurs, certains sans même
motiver
leur point de vue, réservent l'application de la procédure fédérale
d'exécution forcée aux seules sûretés pécuniaires et soumettent
l'exécution
forcée de toute autre sûreté au droit de procédure cantonal
(Amonn/Gasser,
Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., Berne
1997, § 7
n. 7; Acocella, op. cit., n. 17 ad art. 38 LP; Adrian Staehelin,
SchKG und
kantonale Zwangsvollstreckung, in Schuldbetreibung und Konkurs im
Wandel,
Festschrift 75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten der
Schweiz, p. 22; Walter A. Stoffel, Voies d'exécution: Poursuite pour
dettes,
exécution de jugements et faillite en droit suisse, Berne 2002, § 1
n. 22 s.
et 25). D'autres auteurs admettent que la poursuite au sens de l'art.
38 LP
est possible quel que soit le genre des sûretés à fournir, lesquelles
peuvent
donc être en nature, sous forme de garantie personnelle ou réelle, ou
de
dépôt de papiers-valeurs (Gilliéron, Commentaire, n. 35 ad art. 38
LP; Pelet,
op. cit., p. 264 ch. 309; Dominique Rigot, Le recouvrement forcé des
créances
de droit public selon le droit de poursuite pour dettes et la
faillite, thèse
Lausanne 1991, p. 56 ).

3.2 La jurisprudence n'est pas claire et constante sur la question. Le
Tribunal fédéral a certes admis, mais en passant, qu'une poursuite
aux fins
de sûretés puisse s'effectuer autrement que par la consignation
d'espèces ou
par la réalisation de biens saisis, soit par exemple par le dépôt de
papiers-valeurs (ATF 62 III 119 p. 121). De même, dans un arrêt de
1982 (ATF
108 II 180), il a clairement laissé entendre que la prestation de
sûretés
prévues contractuellement, sous forme par exemple de nantissement de
valeurs
mobilières ou d'une caution bancaire, relève exclusivement du droit
fédéral,
de telles sûretés ne pouvant être obtenues par le biais de mesures
provisionnelles de droit cantonal (p. 181/182). Deux ans plus tard,
toutefois, il a renoncé à examiner la question (ATF 110 III 1 consid.
2a).
Puis, dans un arrêt de 1992, il a affirmé, sans autre, que
l'exécution forcée
selon la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite est
restreinte à l'exécution de créances pécuniaires et de prétentions en
prestation de sûretés en espèces (ATF 118 III 27 consid. 3a p. 31).

3.3 Lors de la récente révision de la loi fédérale sur la poursuite
pour
dettes et la faillite, entrée en vigueur le 1er janvier 1997 (RO 1995
II
1227, 1309), il a été proposé, conformément à la suggestion de
Krauskopf (op.
cit., p. 14), de modifier le texte de l'art. 38 al. 1 LP en ce sens
que la
poursuite en prestation de sûretés soit restreinte à la remise d'une
somme
d'argent (art. 38 al. 1 de l'avant-projet de la commission d'experts
chargée
de réexaminer globalement la LP adressé au Département fédéral de
justice et
police en décembre 1981; rapport sur l'avant-projet, p. 25). En
procédure de
consultation, la proposition a été approuvée sans remarques par la
plupart
des cantons, la totalité des partis et une bonne partie des
organisations
intéressées; elle a été rejetée en revanche par un canton (Vaud) et
deux
organisations intéressées (Résultats de la procédure de consultation
sur
l'avant-projet, p. 200/201, ch. 2 et 3). Le Conseil fédéral a
finalement
renoncé à modifier le texte légal dans le sens de la proposition en
question,
mais sans explications (Message, FF 1991 III 55 ch. 202.1).
3.4 L'absence de toute restriction dans le texte légal conduit à
admettre que
la poursuite en prestation de sûretés prévue par l'art. 38 LP n'est
pas
restreinte aux seules sûretés pécuniaires. Il importe, en effet, que
l'exécution forcée ayant pour objet la fourniture de sûretés fasse
l'objet
d'une application à la fois uniforme, partant égale pour tous les
créanciers
ou débiteurs, efficace et rapide. Son déroulement, qui - on l'a dit -
doit
s'opérer selon les mêmes formes que la poursuite tendant au paiement
d'une
somme d'argent, ne saurait dépendre des réglementations des
législations
cantonales en la matière.

Il suit de là que si la poursuite tend à la prestation de sûretés non
pécuniaires, déterminées ou non, et que le poursuivi, sous la
contrainte de
cette poursuite, présente de telles sûretés, l'office des poursuites
doit les
accepter telles qu'elles sont fournies et en aviser le créancier. Si
ce
dernier requiert la continuation de la poursuite après la levée d'une
éventuelle opposition du débiteur, avec ou sans justification,
l'office doit
donner suite à la réquisition de continuer ou à la réquisition de
réaliser.
Il appartient au poursuivi d'ouvrir action en annulation de la
poursuite
(art. 85, 85a LP), en alléguant et en prouvant que les sûretés
fournies sont
conformes à son obligation et ont la valeur indiquée dans le
commandement de
payer (ATF 110 III 1 consid. 2c et d; Gilliéron, op. cit., n. 32 ad
art. 38
LP).

4.
Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le jugement
attaqué a
confirmé le refus d'annuler la poursuite en prestation de sûretés,
autres que
pécuniaires, introduite en l'espèce.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
à Me Aba
Neeman, avocat à Monthey, pour C.________, à l'Office des poursuites
d'Hérens
et à l'Autorité supérieure de surveillance en matière de poursuite
pour
dettes et de faillite du canton du Valais.

Lausanne, le 23 janvier 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.174/2002
Date de la décision : 23/01/2003
Chambre des poursuites et des faillites

Analyses

Poursuite en prestation de sûretés (art. 38 LP); nature des sûretés. La poursuite en prestation de sûretés prévue par l'art. 38 LP n'est pas restreinte aux seules sûretés pécuniaires (consid. 2 et 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-23;7b.174.2002 ?
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