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20/01/2003 | SUISSE | N°1P.568/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 janvier 2003, 1P.568/2002


{T 0/2}
1P.568/2002 /col

Arrêt du 20 janvier 2003
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Catenazzi;
greffier Jomini.

T. ________,
recourant,

contre

Département des institutions et des relations extérieures
du canton de Vaud, Bureau de l'assistance judiciaire,
place du Château 1, 1014 Lausanne.

assistance judiciaire en matière civile

recours de droit public contre la décision du Burea

u de l'assistance
judiciaire, du 10 octobre 2002.

Faits:

A.
Prévenu notamment de menaces, contrainte, abus du télé...

{T 0/2}
1P.568/2002 /col

Arrêt du 20 janvier 2003
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et président du
Tribunal
fédéral,
Reeb et Catenazzi;
greffier Jomini.

T. ________,
recourant,

contre

Département des institutions et des relations extérieures
du canton de Vaud, Bureau de l'assistance judiciaire,
place du Château 1, 1014 Lausanne.

assistance judiciaire en matière civile

recours de droit public contre la décision du Bureau de l'assistance
judiciaire, du 10 octobre 2002.

Faits:

A.
Prévenu notamment de menaces, contrainte, abus du téléphone et voies
de fait,
T.________ a été arrêté et mis en détention préventive dans le canton
de Vaud
du 19 octobre au 23 décembre 1993. La poursuite pénale a pris fin par
une
ordonnance de non-lieu rendue le 4 décembre 1995 par le Juge
d'instruction de
l'arrondissement de Lausanne. Les frais de l'enquête ont alors été
mis à la
charge du prévenu libéré, au motif que celui-ci avait provoqué la
poursuite
par des actes constitutifs d'une atteinte illicite, au regard des
art. 28 ss
CC, à la personnalité de l'une des plaignantes. Ce prononcé n'a,
semble-t-il,
pas été contesté.

B.
Par une demande adressée au Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du
canton de Vaud, T.________ a fait valoir des prétentions à une
indemnité pour
réparation du préjudice causé par la détention injustifiée. Statuant
le 19
janvier 1996 en application de l'art. 67 du Code de procédure pénale
(CPP/VD), le Tribunal d'accusation a rejeté la demande, également en
raison
du comportement de son auteur envers la plaignante et sur la base des
art. 28
ss CC.

C.
Le 21 août 2002, T.________ a adressé au Bureau de l'assistance
judiciaire du
canton de Vaud une demande d'assistance judiciaire en matière civile,
dans le
but d'ouvrir action en dommages-intérêts et réparation du tort moral
contre
l'Etat de Vaud et les personnes qui avaient déposé plainte pénale
contre lui,
en raison de son incarcération en 1993, qu'il tenait pour abusive et
illégale.

La requête a été examinée d'abord par le secrétariat du Bureau, qui
l'a
rejetée le 11 septembre 2002. Sur réclamation de T.________, le Bureau
lui-même l'a également rejetée, par une décision du 10 octobre
suivant signée
par le Conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud, chef du Département de
la
sécurité et de l'environnement. Appliquant la loi cantonale sur
l'assistance
judiciaire en matière civile, du 24 novembre 1981, cette autorité a
considéré
qu'en raison des motifs de l'imputation des frais d'enquête, selon
l'ordonnance de non-lieu du 4 décembre 1995, et du refus de toute
indemnisation par le Tribunal d'accusation, selon l'arrêt du 19
janvier 1996
- il y est notamment mentionné que le requérant avait écrit à la
plaignante,
en octobre 1993, dans les termes suivants: "J'emploierai tout mon
temps et
mon énergie à te gâcher la vie" et "Ton unique chance de salut est de
me
tuer" -, les prétentions du requérant étaient privées de fondement,
et qu'une
personne raisonnable, si elle devait plaider à ses propres frais,
n'engagerait pas une action devant les tribunaux civils.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, T.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du Bureau de l'assistance
judiciaire
ou de la réformer afin que l'assistance judiciaire lui soit accordée
pour
entreprendre le procès envisagé. Il soutient que le Conseiller d'Etat
Mermoud
n'aurait pas dû prendre part à la décision car, dans le cadre d'une
autre
affaire, ce magistrat est visé par une plainte pénale qu'il a lui-même
déposée. Par ailleurs, il conteste les motifs que les autorités
judiciaires
ont retenus pour lui imputer les frais d'enquête pénale et lui
refuser toute
indemnisation.

Le Bureau de l'assistance judiciaire conclut à l'irrecevabilité ou au
rejet
du recours. Le recourant a répliqué, sans modifier ses conclusions.

E.
Le recourant demande l'assistance judiciaire dans la présente
procédure de
recours devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est
recevable
qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale.
Cette
condition est en l'espèce satisfaite, dès lors qu'aux termes de
l'art. 5 al.
3 de la loi vaudoise sur l'assistance judiciaire en matière civile,
le Bureau
de l'assistance judiciaire statue définitivement.

1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée; toute
conclusion tendant à un prononcé qui se substituerait à cette
décision est
irrecevable (ATF 128 III 50 consid. 1b p. 53; 127 II 1 consid. 2c p.
5; 126 I
213 consid. 1c p. 216).

1.3 L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne
un
exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits
constitutionnels
ou des principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi
consiste la
violation. Le Tribunal fédéral n'examine donc pas d'office en quoi le
prononcé attaqué pourrait être contraire aux droits constitutionnels
de la
personne lésée (ATF 110 Ia 1 consid. 2a in fine p. 4; cf. aussi ATF
125 I 71
consid. 1c p. 76; 124 I 159 consid. 1e p. 163). En l'occurrence, bien
qu'il
omette de citer les dispositions pertinentes, le recourant se réfère
de façon
suffisamment explicite aux garanties constitutionnelles de
l'impartialité des
membres des autorités (art. 29 al. 1 Cst.), d'une part, et de
l'assistance
judiciaire gratuite (art. 29 al. 3 Cst.), d'autre part.

2.
Le recourant reproche au Conseiller d'Etat Mermoud d'avoir siégé au
sein de
l'autorité qui a rendu la décision attaquée, puisque ce magistrat
avait fait
l'objet d'une plainte pénale de sa part, dans le cadre d'une autre
affaire.

D'après l'art. 6 al. 1 de la loi sur l'assistance judiciaire en
matière
civile, le Bureau de l'assistance judiciaire est présidé par le chef
du
Département des institutions et des relations extérieures; il
comprend en
outre un juge du Tribunal cantonal, le Procureur général ou l'un de
ses
substituts, et un avocat. Le Conseiller d'Etat Mermoud, chef du
Département
de la sécurité et de l'environnement, a pris part à la décision
litigieuse en
qualité de suppléant du président titulaire.

L'art. 29 al. 1 Cst. permet d'exiger la récusation des membres d'une
autorité
administrative dont la situation ou le comportement est de nature à
faire
naître un doute sur leur impartialité; cette protection tend
notamment à
éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent
influencer
une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. Elle
n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective
du
magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut
guère
être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de
la
prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant,
seules des
circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération;
les impressions purement individuelles d'une des personnes impliquées
ne sont
pas décisives (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198; cf. également la
jurisprudence concernant l'impartialité des juges [art. 30 Cst., art.
58
aCst.]: ATF 128 V 82 consid. 2 p. 84; 126 I 68 consid. 3 p. 73; 125 I
119
consid. 3a p. 122; 116 Ia 135 consid. 2 p. 137).

Elu à la fonction de conseiller d'Etat, le président - titulaire ou
suppléant
- du Bureau de l'assistance judiciaire est censé capable de prendre
le recul
nécessaire par rapport aux reproches qu'une personne, le cas échéant,
élève
contre lui, et de se prononcer de façon impartiale sur la requête
présentée
par celle-ci. La plainte pénale du recourant peut révéler son
animosité à
l'encontre du Conseiller d'Etat Mermoud, mais elle ne constitue pas,
réciproquement, un motif objectif de soupçonner ce dernier d'une
intention
malveillante. Seule une accusation grave et, surtout, sérieuse, de sa
part,
pourrait éventuellement autoriser le recourant à mettre en doute
l'impartialité du conseiller d'Etat; à cet égard, la simple mention
du dépôt
d'une plainte pénale n'est pas suffisante. Aussi le grief à ce sujet
doit-il
être rejeté.

3.
Le recourant se plaint du refus de l'assistance judiciaire pour le
procès
qu'il projette d'ouvrir dans le canton de Vaud.

3.1 Le droit à l'assistance judiciaire est régi au premier chef par
le droit
cantonal, dont le Tribunal fédéral ne contrôle l'application que sous
l'angle
de l'arbitraire, dans le cadre de l'art. 9 Cst. Pour le surplus,
l'art. 29
al. 3 Cst. offre une garantie minimale en la matière, en ce sens qu'un
plaideur dans le besoin est en droit d'obtenir l'assistance
judiciaire s'il
est engagé dans un procès non dénué de chances de succès; ce droit le
dispense d'avancer ou de garantir les frais de la procédure, et il
lui assure
l'assistance d'un avocat si cela apparaît nécessaire à la défense de
ses
intérêts.

Pour prétendre à l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 29 al. 3
Cst., le
plaideur doit être indigent, c'est-à-dire ne pas pouvoir assumer les
frais
liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum
nécessaire
à son entretien et à celui de sa famille. Un procès est dénué de
chances de
succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus
faibles
que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées
comme
sérieuses, en sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée
renoncerait à s'y engager en raison des frais auxquels elle
s'exposerait. Il
ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques
d'échec
s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que
légèrement inférieures (ATF 125 II 265 consid. 4b p. 275; 124 I 304
consid.
2c p. 306; 122 I 267 consid. 2b p. 271). Le Tribunal fédéral vérifie
librement si les critères utilisés pour évaluer l'indigence du
requérant, ou
les chances de succès du procès, ont été correctement choisis; il
n'examine
que sous l'angle de l'arbitraire les constatations de fait de
l'autorité
cantonale (ATF 127 I 202 consid. 3a p. 205; cf. aussi, ad art. 4
aCst., ATF
124 I 1 consid. 2 p. 2; 122 I 8 consid. 2 p. 9; 121 I 60 consid. 2a
p. 61).

3.2 Le recourant ne se réfère, sinon de façon superficielle, à aucune
disposition de droit cantonal, de sorte que ses griefs doivent être
examinés
uniquement au regard l'art. 29 al. 3 Cst.

3.3 A raison de la détention injustifiée, le recourant a déjà
prétendu à une
indemnité en invoquant l'art. 67 al. 1 CPP/VD, indemnité qui lui a été
refusée par l'arrêt du Tribunal d'accusation du 19 janvier 1996, en
raison de
son propre comportement fautif et contraire au droit. Le recourant
pouvait
alors se prévaloir d'une responsabilité causale de l'Etat, selon ce
régime
spécial du droit cantonal (cf. ATF 112 Ib 446 consid. 4a p. 454); en
d'autres
termes, il n'avait pas à établir un acte illicite des enquêteurs ou du
magistrat qui avait ordonné l'incarcération.

L'art. 67 al. 4 CPP/VD dispose que, quelle que soit la décision du
tribunal
d'accusation, le requérant conserve le droit d'agir devant les
tribunaux
civils pour obtenir de plus amples dommages-intérêts, selon les règles
ordinaires applicables en matière de responsabilité. En l'état, c'est
une
telle action que le recourant entend ouvrir. Il devra donc mettre en
évidence, pour fonder ses prétentions, un acte illicite des agents de
l'Etat,
selon l'art. 4 de la loi cantonale sur la responsabilité de l'Etat,
des
communes et de leurs agents (LREC; cf. notamment à ce propos ATF 112
Ib 446
consid. 3 p. 448). Autrement dit, il devra établir que
l'incarcération est
intervenue alors que les conditions fixées par l'art. 59 al. 1 CPP/VD
n'étaient pas satisfaites, ou, autre hypothèse, en violation
caractérisée des
règles de procédure à suivre en cas de détention préventive. Or, à
l'appui de
sa demande d'assistance judiciaire, le recourant a simplement fait
état d'une
"inculpation abusive", sans alléguer aucun fait ni avancer aucun
élément
concret qui puisse éventuellement se révéler pertinent à ce sujet.
S'agissant
par ailleurs de l'action à intenter contre les plaignants, le recours
de
droit public est dépourvu de toute allégation. A cela s'ajoute que les
défendeurs pourront invoquer, en vertu de l'art. 44 al. 1 CO - par
renvoi de
l'art. 8 LREC, le cas échéant -, les faits que le Tribunal
d'accusation a
déjà retenus pour refuser l'indemnisation prévue par l'art. 67 al. 1
CPP/VD,
faits qui semblent établis et, en dépit des dénégations du recourant,
juridiquement pertinents.

Dans ces conditions, l'autorité intimée a considéré avec raison que
le procès
envisagé par le recourant était dépourvu de chances de succès, de
sorte que
le rejet de la demande d'assistance judiciaire ne comporte aucune
violation
de l'art. 29 al. 3 Cst. En tous points mal fondé, le recours de droit
public
doit être rejeté.

4.
Le recourant a également présenté une demande d'assistance judiciaire
dans la
présente procédure devant le Tribunal fédéral. Or, le recours de
droit public
était d'emblée voué à l'échec, ce qui entraîne le rejet de la demande
(art.
152 al. 1 OJ). Le recourant doit partant supporter l'émolument
judiciaire

(art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au
Département des
institutions et des relations extérieures du canton de Vaud, pour le
Bureau
de l'assistance judiciaire.

Lausanne, le 20 janvier 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.568/2002
Date de la décision : 20/01/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-20;1p.568.2002 ?
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