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15/01/2003 | SUISSE | N°2P.138/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 janvier 2003, 2P.138/2002


{T 0/2}
2P.138/2002 /dxc

Arrêt du 15 janvier 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart et Yersin,
greffière Rochat.

X. ________,
recourante, représentée par Me Serge Rouvinet, avocat,
case postale 3649, 1211 Genève 3,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

art. 9 Cst. (licenciement)


(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Genève du 14 mai 2002)

Faits:

A....

{T 0/2}
2P.138/2002 /dxc

Arrêt du 15 janvier 2003
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Betschart et Yersin,
greffière Rochat.

X. ________,
recourante, représentée par Me Serge Rouvinet, avocat,
case postale 3649, 1211 Genève 3,

contre

Conseil d'Etat du canton de Genève,
rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

art. 9 Cst. (licenciement)

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif
du canton de Genève du 14 mai 2002)

Faits:

A.
Depuis le 1er juillet 1985, X.________ a travaillé comme secrétaire
auprès de
la Commission cantonale de recours AVS-AI-APG-AF. Elle a été nommée
fonctionnaire le 1er juillet 1988 et promue à la fonction de chef de
bureau
une année plus tard, après réévaluation de sa fonction.

Au vu des difficultés relationnelles survenues entre X.________ et les
collaborateurs du secrétariat de la Commission cantonale de recours,
A.________, greffière de juridiction, est intervenue en tant que
supérieure
hiérarchique de l'intéressée au début du mois d'octobre 1994. Après
deux
entretiens avec X.________, elle a établi une note interne le 10
octobre
1994, dans laquelle elle lui rappelait notamment son devoir de
maintenir une
bonne ambiance au sein du secrétariat. Le 29 août 1997, elle relevait
également que, dans la mesure où c'était la deuxième fois qu'une
personne du
secrétariat donnait sa démission en raison de rapports personnels
difficiles
avec X.________, elle en déduirait que celle-ci portait une grande
part de
responsabilité, si de nouveaux problèmes devaient survenir.

B.
A la suite de l'intégration de la Commission de recours aux services
généraux
de la justice dès le 1er janvier 1998, le poste occupé par X.________
a été
supprimé en mai 2000, sans que ses tâches de secrétariat, équivalant
selon le
Service d'évaluation des fonctions à celles d'un greffier 1, ne soient
réellement modifiées.

Le 11 avril 2000, A.________ et la greffière-juriste adjointe,
B.________, se
sont entretenues avec X.________ à propos de divers incidents. Les
problèmes
relationnels ont alors été exposés librement de part et d'autre.
Compte tenu
des accusations formulées par X.________ au cours de cet entretien,
des
remous provoqués par cette dernière lors de la procédure de
réévaluation des
fonctions du secrétariat et des plaintes formulées par plusieurs
collaborateurs au sujet du comportement de l'intéressée, A.________ a
fait
appel à une médiatrice en juillet 2000. Cette procédure n'a cependant
pas
abouti, car X.________ n'a pas souhaité entreprendre une médiation.

C.
Le 8 novembre 2000, X.________ a été informée qu'une enquête
administrative
allait être ouverte en vue de son licenciement. Partant, elle a été
libérée
de son obligation de travailler avec effet immédiat, puis, le 22
novembre
2000, le Conseil d'Etat a confirmé l'ouverture de l'enquête
administrative et
la suspension provisoire sans suppression de traitement.
Après avoir recueilli les témoignages des personnes ayant entretenu
des
relations professionnelles avec X.________, la Juge à la Cour de
justice
chargée de l'enquête administrative a conclu, dans son rapport du 14
juin
2001, que l'intéressée n'avait pas été en mesure d'assumer, sur le
plan
psychologique, son statut de chef du secrétariat: elle s'était montrée
inadéquate dans ses rapports avec ses subalternes et n'avait pas tenu
compte
des mises en garde de sa supérieure hiérarchique, A.________. En
conséquence,
les liens de confiance entre l'Etat et l'intéressée étaient rompus et
la
prétention au versement d'une indemnité de 45'000 fr. se révélait
infondée.

D.
Par arrêté du 29 août 2001, le Conseil d'Etat a licencié X.________
avec
effet au 30 novembre 2001.

X. ________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal
administratif
qui, après avoir entendu les parties, a rejeté le recours par arrêt
du 14 mai
2002. Il a retenu en bref qu'au vu du rapport d'enquête, le
licenciement
n'était pas abusif et constituait la seule mesure susceptible
d'atteindre le
but poursuivi.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ conclut,
sous
suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
administratif
du 14 mai 2002, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour
nouvelle
décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal administratif se réfère à son jugement et le Conseil
d'Etat
conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, à
son rejet dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1 p.
48 et
les arrêts cités).

1.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF
127 II 1
consid. 2c p. 5; 126 II 377 consid. 8c p. 395 et les arrêts cités). La
recourante ne peut donc pas requérir plus que l'annulation de l'arrêt
du
Tribunal administratif, de sorte que ses conclusions qui sortent de
ce cadre
sont irrecevables.

1.2 Le recours de droit public exige en principe un intérêt juridique
actuel
et pratique à l'annulation de la décision attaquée, respectivement à
l'examen
des griefs soulevés. L'intérêt au recours doit encore exister au
moment où
statue le Tribunal fédéral, lequel se prononce sur des questions
concrètes et
non théoriques (ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a
p. 397;
125 II 86 consid. 5b p. 97 et les références citées). La recevabilité
du
recours de droit public est notamment subordonnée à l'existence d'un
intérêt
actuel et pratique à l'admission du recours (ATF 127 III 429 consid.
1b p.
431; 127 I 164 consid. 1a p. 166 et la jurisprudence citée).

En l'espèce, le Conseil d'Etat fait valoir que la recourante n'a plus
d'intérêt juridique au recours, dès lors que l'Assurance invalidité
fédérale
lui a reconnu, par décision du 2 août 2002, un degré d'invalidité à
100 % à
partir du 1er novembre 2001. Il s'agit là d'un fait nouveau
démontrant que
l'intéressée ne pourrait pas retrouver une fonction au sein de l'Etat
de
Genève si l'arrêt attaqué était annulé. Il n'en demeure pas moins que
la
recourante conserve un intérêt juridiquement protégé à faire
constater par le
Tribunal fédéral que son licenciement était dépourvu de justes
motifs, le cas
échéant abusif, dans la mesure où elle est devenue invalide à l'issue
de la
procédure administrative engagée contre elle.

2.
La recourante reprend point par point les témoignages des personnes
entendues
par la Juge d'instruction et reproche principalement au Tribunal
administratif d'avoir constaté les faits de manière arbitraire, en
retenant
uniquement les déclarations qui la chargeaient. Il paraît cependant
douteux
qu'au sujet des témoignages, les griefs contenus dans le recours
soient
recevables au regard de l'art. 90 al. 1 OJ.

2.1 Selon cette disposition, le recours de droit public doit en
effet, pour
être recevable, non seulement contenir les conclusions du recourant
(lettre
a), mais aussi un exposé des faits essentiels et un exposé des droits
constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi
consiste la violation (lettre b). Saisi d'un recours de droit public,
le
Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de lui-même si la décision
entreprise est
en tous points conforme au droit ou à l'équité; il est lié par les
moyens
invoqués dans le recours et peut se prononcer uniquement sur les
griefs de
nature constitutionnelle que le recourant a non seulement invoqués,
mais
encore suffisamment motivés (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 122 I 70
consid.
1c p. 73; 119 Ia 197 consid. 1d p. 201; 118 Ia 64 consid. 1b p. 67).
En
outre, dans un recours pour arbitraire, fondé sur l'art. 9 Cst., le
recourant
ne peut pas se contenter de mentionner formellement ce moyen en
opposant sa
thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une
argumentation claire et précise, en quoi la décision attaquée serait
arbitraire (ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3). Par conséquent, le Tribunal
fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature
appellatoire.

2.2 En tant qu'elle reprend l'analyse systématique des déclarations
des
personnes entendues au cours de l'enquête administrative, la
recourante se
borne à opposer sa version des faits à celle de l'autorité qui, au
demeurant,
a toujours admis qu'elle avait accompli de façon satisfaisante ses
tâches au
sein du secrétariat et que les manquements répétés aux devoirs de
service ne
concernaient que les problèmes relationnels de l'intéressée avec son
entourage professionnel. Les critiques qu'elle émet au sujet de ces
témoignages sont donc essentiellement de caractère appellatoire, de
sorte que
le Tribunal fédéral ne saurait les examiner de façon détaillée. A cela
s'ajoute qu'il s'impose une certaine réserve dans ce domaine et
n'intervient
que si le juge cantonal a apprécié les preuves de façon insoutenable
ou qu'il
n'a arbitrairement pas tenu compte de preuves pertinentes (ATF 118 Ia
28
consid. 1b p. 30).

2.3 Dans la mesure où les critiques des témoignages émises par la
recourante
sont recevables, il suffit de constater que la juridiction cantonale
devait
déterminer si le comportement de la recourante rendait le climat au
sein du
service difficilement supportable au quotidien, de sorte qu'elle a
d'abord
pris en considération les témoignages portant sur les relations de la
recourante avec son entourage direct. Elle pouvait donc sans
arbitraire
omettre de citer certains témoignages qui mettaient en valeur les
qualités
professionnelles de l'intéressée, lesquelles n'étaient pas en cause.
Pour le
reste, le Tribunal administratif a clairement reconnu que tous les
témoignages sur l'attitude de la recourante n'avaient pas été
négatifs, mais
que les témoignages favorables émanaient principalement de personnes
étrangères au service ou n'ayant pas de rapports de subordination avec
l'intéressée. Les reproches de la recourante au sujet de
l'appréciation de
ces témoignages se révèlent dès lors infondés.

3.
La recourante soutient ensuite que son licenciement serait abusif et
qu'en
tout état de cause, il consacrerait une violation du principe de la
proportionnalité.

3.1 Le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.) se
compose
traditionnellement des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen
choisi
soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui imposent
qu'entre
plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la
moins
grave aux intérêts privés -, et des règles de proportionnalité au
sens étroit
- qui mettent en balance les effets de la mesure choisie sur la
situation de
l'administré par rapport au résultat escompté du point de vue de
l'intérêt
public (ATF 128 II 292 consid. 5.1 p. 297; 125 I 474 consid. 3 p. 482
et la
jurisprudence citée). Bien qu'étant de rang constitutionnel, le
principe de
la proportionnalité ne constitue pas un droit constitutionnel ayant
une
portée propre (ATF 126 I 112 consid. 5c p. 120; 125 I 161 consid. 2b
p. 163).
Ainsi, lorsque ce principe constitutionnel est invoqué dans le cadre
d'un
recours de droit public pour violation de l'art. 9 Cst., le Tribunal
fédéral
n'examine ce moyen que sous l'angle restreint de l'arbitraire;
autrement dit,
ce grief se confond alors avec celui de l'arbitraire (ATF 117 Ia 27
consid.
7a p. 32).

3.2 Selon la loi générale relative au personnel de l'administration
cantonale
et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (en abrégé:
LPAC),
la résiliation des rapports de service par le Conseil d'Etat (art. 21
al. 2
lettre b LPAC) pour un motif objectivement fondé ne fait pas partie
des
sanctions disciplinaires (art. 16 al. 2 LPAC). Est notamment
considéré comme
objectivement fondé tout motif dûment constaté qui rend difficile la
poursuite des rapports de service en raison du manquement grave ou
répété aux
devoirs de service (art. 22 lettre b LPAC). Le règlement
d'application de la
loi, en sa teneur au 24 février 1999, précise les devoirs du
personnel, parmi
lesquels figure l'attitude générale des membres du personnel, qui doit
permettre d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs
supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, ainsi que de
faciliter la
collaboration avec ces personnes (art. 21 lettre a du règlement
d'application
de la LPAC).

3.3 Au vu de ces dispositions, le Tribunal administratif a estimé que
les
rapports de service de la recourante ne pouvaient plus être
poursuivis en
raison des difficultés relationnelles persistantes qui existaient
aussi bien
avec la greffière de juridiction et son adjointe, qu'avec ses
subordonnés.
Cette appréciation est conforme aux faits tels qu'ils ont été établis
sans
arbitraire lors de l'enquête administrative. Même si l'autorité
compétente a
proposé assez tardivement une médiation, force est de constater que la
possibilité de régler les conflits existants ou latents au sein du
service
autrement que par un départ avait en effet disparu à la suite du
refus, par
la recourante elle-même, d'accepter
cette médiation. A cela s'ajoute
que la
situation conflictuelle durait depuis plusieurs années, puisqu'en
octobre
1994, la recourante avait été avertie de manière informelle par sa
supérieure
hiérarchique qu'elle devait faire un effort pour maintenir une bonne
ambiance
au sein du secrétariat et qu'en août 1997, il lui avait été précisé
qu'elle
serait tenue comme principale responsable si une nouvelle démission
devait
survenir pour des raisons conflictuelles au sein du secrétariat.

Il est vrai que la résiliation des rapports de service semble
relativement
sévère, si l'on considère que la recourante a toujours donné
satisfaction
dans l'exécution de ses tâches professionnelles au sein du
secrétariat.
Compte tenu de l'ensemble des circonstances, en particulier de la
gravité des
difficultés survenues et du refus de la recourante d'accepter la
médiation
proposée, la mesure prise n'apparaît toutefois pas disproportionnée.

4.
Mal fondé, le présent recours doit dès lors être rejeté dans la
mesure où il
est recevable, avec suite de frais à la charge de la recourante (art.
156 al.
1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante,
ainsi qu'au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif du canton de
Genève.

Lausanne, le 15 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.138/2002
Date de la décision : 15/01/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-15;2p.138.2002 ?
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