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10/01/2003 | SUISSE | N°U.54/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 janvier 2003, U.54/02


{T 7}
U 54/02

Arrêt du 10 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Vallat

S.________, recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 septembre 2001)

Faits :

A.
S. ________ travaillait en qualité d'employé d'exploitation à
l'office postal
d

e X.________ depuis le 14 octobre 1982. A ce titre, il était assuré
par la
Caisse nationale suisse d'assurance-accidents (CNA) c...

{T 7}
U 54/02

Arrêt du 10 janvier 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M. Vallat

S.________, recourant,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 septembre 2001)

Faits :

A.
S. ________ travaillait en qualité d'employé d'exploitation à
l'office postal
de X.________ depuis le 14 octobre 1982. A ce titre, il était assuré
par la
Caisse nationale suisse d'assurance-accidents (CNA) contre les
maladies et
les accidents professionnels ainsi que contre les accidents non
professionnels.

Aux mois de novembre 1985, mars et mai 1986, l'office postal de
X.________ a
été l'objet de trois attaques à main armée. S.________, qui était
présent
lors des trois agressions, a notamment été menacé durant la deuxième;
il a
poursuivi l'auteur lors de la troisième attaque et a été profondément
affecté
des soupçons de complicité portés à son encontre par la police en
raison de
ses liens avec son frère, lui-même auteur de quatre agressions à main
armée
quelques années auparavant.

Mis à la retraite anticipée par son employeur pour des raisons de
santé dès
le 1er novembre 1998, il bénéficie, depuis cette même date, d'une
rente
entière de l'assurance-invalidité.

Le 30 septembre 1998, l'assuré a remis trois déclarations d'accident
à la CNA
en relation avec les événements précités, indiquant qu'ils étaient la
cause
des troubles psychiques qui l'affectent.

En cours d'instruction, il est apparu que l'assuré, qui avait des
tendances
suicidaires, a fait un premier séjour à l'Hôpital psychiatrique de
Z.________
en 1979, pour un état dépressivo-anxieux chez une personnalité
schizoïde.
Depuis lors, il a encore été hospitalisé à plusieurs reprises en 1980
et
1981, puis en 1990, 1994 et 1996 et 1997. Dans un rapport du 12 juin
1998, le
docteur A.________, psychiatre, a posé le diagnostic de schizophrénie
indifférenciée. Selon ce médecin, l'évolution pathologique depuis
1996, vers
une situation clairement schizophrénique, peut être mise en relation
avec la
situation de l'assuré, qui avait pu maintenir au prix d'efforts
importants
son insertion professionnelle, mais s'était senti progressivement
dépassé et
n'avait plus été à même de poursuivre son activité, en raison,
notamment, de
la perspective du départ à la retraite de son supérieur hiérarchique
qui
jouait un rôle parental protecteur, ainsi que des changements et de
l'évolution survenus au sein de La Poste qui avaient précipité sa
désinsertion.

Par décision du 4 juin 1999, la CNA a refusé toute prestation à
l'assuré au
motif que l'atteinte psychique dont il souffre n'est pas en relation
de
causalité naturelle avec les événements de 1985 et 1986.

Ensuite de l'opposition formée par l'assuré contre cette décision, la
CNA a
encore demandé l'avis de la doctoresse B.________, psychiatre auprès
de sa
division médicale. Dans un rapport du 24 septembre 1999, cette
spécialiste a
indiqué qu'un rapport, au sens d'une causalité partielle, entre les
événements de mars et mai 1986 et l'état de santé de l'assuré était
possible,
mais pas très vraisemblable. La doctoresse B.________ relevait
notamment que
ces événements avaient certes joué un rôle, mais que l'assuré
s'était, à
l'époque, comporté de manière exemplaire, tentant même de poursuivre
l'agresseur, et que le dossier ne fournissait aucun indice d'une
décompensation vers 1985-1986 ou dans les années qui ont suivi. La
symptomatique présentée par S.________ correspond au cortège de
symptômes
susceptibles d'apparaître en cas de schizophrénie et il est possible
que le
souvenir des agressions, dans le contexte de la mise au bénéfice
d'une rente,
ait péjoré son état actuel. Du point de vue psychiatrique, le
contexte social
de l'intéressé, en particulier le départ à la retraite de son chef et
la
réorganisation de La Poste, doivent cependant également être pris en
considération et apparaissent, toujours selon ce médecin, avec une
très
grande probabilité comme la cause de l'aggravation de l'état de santé.

Le 13 janvier 2000, la CNA a rejeté l'opposition de l'assuré.

B.
Par jugement du 18 septembre 2001, le Tribunal des assurances du
canton de
Vaud a rejeté le recours contre la décision sur opposition du 13
janvier 2000
formé par S.________.

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
concluant à son annulation et à la mise en oeuvre d'une expertise
psychiatrique. La CNA et l'Office fédéral des assurances sociales ont
renoncé
à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le litige porte sur le droit de l'assuré à des prestations de
l'assurance-accidents obligatoire, en relation avec les agressions
survenues
en 1985 et 1986.

Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
la
jurisprudence relatives à l'exigence de causalité entre un événement
accidentel et une atteinte à la santé ainsi qu'aux notions de
causalité
naturelle et adéquate, si bien qu'il suffit d'y renvoyer sur ce point.

2.
En substance, le premier juge a considéré que l'existence d'un
rapport de
causalité naturelle n'était pas établi au degré de la vraisemblance
prépondérante. Il s'est référé sur ce point aux explications de la
doctoresse
B.________ et a, en outre, relevé que si les trois agressions avaient
eu un
effet traumatisant certain, l'assuré n'en avait pas moins présenté des
phénomènes de dépersonnalisation et d'agnosie en 1980 déjà, que la
crainte
d'un licenciement et son vécu persécutoire vis-à-vis de son employeur
(interrogatoires, enquêtes internes, faute professionnelle commise à
l'âge de
dix-sept ans et suivie d'une sanction) n'avaient pu que péjorer un
état déjà
défavorable et, enfin, qu'il n'y avait pas eu d'arrêt de travail
significatif
à la suite des agressions, l'assuré ayant accompli des efforts
louables pour
limiter le dommage.

Pour sa part, le recourant conteste la valeur probante de l'avis
donné par la
doctoresse B.________, arguant, d'une part, de ses liens avec
l'intimée et
mettant, d'autre part, en évidence les contradictions et les
imprécisions qui
lui sont apparues à l'étude de cette pièce.

3.
3.1Selon la jurisprudence, le juge peut accorder valeur probante aux
rapports
et expertises établis par les médecins de la CNA aussi longtemps que
ceux-ci
aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont
sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de
contradictions et
qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé.
Le
simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un
rapport de
travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son
appréciation
ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en
présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de
l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme
objectivement
fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans
le droit
des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences
sévères
en ce qui concerne l'impartialité de l'expert (ATF 122 V 160 consid.
1c et
les références).

3.2 En l'espèce, hormis l'appartenance de la doctoresse B.________ à
l'équipe
médicale de la CNA, qui n'est pas à elle seule déterminante selon la
jurisprudence rappelée ci-dessus, le recourant ne met en évidence
aucun
élément concret qui permettrait de mettre en doute l'impartialité de
ce
psychiatre ou l'objectivité de son appréciation.

Il est vrai qu'une analyse très détaillée, telle que celle à laquelle
a
procédé le recourant, permet de mettre en évidence certaines
imprécisions
dans les lignes consignées par la doctoresse B.________, notamment
lorsqu'elle rend compte du contenu de certaines pièces médicales ou
se réfère
aux événements de 1985 / 1986 en parlant d'un braquage de banque. On
ne
saurait toutefois leur attacher une importance déterminante. Dans son
ensemble, le rapport de ce médecin fournit une relation satisfaisante
de
l'historique de la pathologie de l'assuré, telle qu'il ressort des
autres
pièces du dossier. Les conclusions que la doctoresse B.________ tire
de cet
examen sont convaincantes.

En ce qui concerne plus spécifiquement la question de l'existence d'un
rapport de causalité naturelle, niée par ce médecin, il est vrai,
comme le
relève le recourant, que dans un rapport daté de septembre 1994 le
docteur
C.________, chef de clinique à l'Hôpital de Z.________, explique
l'admission
du recourant dans cet établissement au mois de juillet 1994 par «la
reviviscence du souvenir traumatisant des trois hold-up subis en 1985
et 1986
[qui] provoque un état de panique intense avec idéation suicidaire»,
consécutive au déclenchement intempestif d'une alarme automatique.
L'existence d'une telle relation entre les événements vécus par le
recourant
et son admission à l'hôpital psychiatrique de Z.________ en 1994 ne
constitue
toutefois pas encore la preuve de l'existence d'un rapport de
causalité
naturelle entre ces événements et l'aggravation de la maladie
psychique qui a
conduit, subséquemment, à une incapacité totale de travail. Sur ce
point, les
explications de la doctoresse B.________ sur la genèse des épisodes
psychotiques, qui peuvent, selon ce médecin, être déclenchés par des
événements réjouissants ou menaçants de la vie de tous les jours du
malade,
sont convaincantes.

Il convient, au demeurant, de relever que l'avis de la doctoresse
B.________
est confirmé par d'autres spécialistes, dont le docteur A.________,
psychiatre et psychothérapeute FMH, qui met, lui aussi, en relation
l'évolution psycho-pathologique du recourant depuis 1996 avec son
contexte
socio-professionnel, marqué par la perspective du départ à la
retraite de son
supérieur hiérarchique et les changements survenus au sein de
l'entreprise
qui l'employait (rapport du 6 mai 1999).

4.
Il résulte de ce qui précède que le dossier de la cause fournit des
renseignements médicaux suffisants pour trancher le litige sans qu'il
soit
nécessaire de procéder à l'expertise requise par le recourant, qui
apparaît
superflue (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d).

Au vu de ces renseignements médicaux, l'on ne saurait, par ailleurs,
faire
grief aux premiers juges d'avoir, à l'issue d'une appréciation
consciencieuse
des preuves, parmi lesquelles l'avis de la doctoresse B.________, nié
que
l'existence d'un rapport de causalité naturelle fût établi en
l'espèce entre
les attaques à main armée de 1985 / 1986 et l'aggravation de la santé
psychique du recourant, qui l'a contraint à cesser toute activité
professionnelle. Le recourant ne peut, en conséquence, prétendre
l'octroi de
prestations de l'assurance-accidents obligatoire en relation avec ces
événements.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.54/02
Date de la décision : 10/01/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-10;u.54.02 ?
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