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08/01/2003 | SUISSE | N°I.622/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 janvier 2003, I.622/02


{T 7}
I 622/02

Arrêt du 8 janvier 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Métral

N.________, recourante, agissant par sa mère A.________, elle-même
représentée par Me Ivan Zender, avocat, avenue Léopold-Robert 88,
2301 La
Chaux-de-Fonds,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 21 mai 2002)

Faits :
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N. ________, domiciliée dans la région genevoise, souffre de surdité
profonde
bilatérale. Elle suit depuis 1992 un traite...

{T 7}
I 622/02

Arrêt du 8 janvier 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen.
Greffier : M. Métral

N.________, recourante, agissant par sa mère A.________, elle-même
représentée par Me Ivan Zender, avocat, avenue Léopold-Robert 88,
2301 La
Chaux-de-Fonds,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève,
intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 21 mai 2002)

Faits :

A.
N. ________, domiciliée dans la région genevoise, souffre de surdité
profonde
bilatérale. Elle suit depuis 1992 un traitement logopédique auprès de
B.________, orthophoniste à X.________ (F), soit une rééducation
fondée sur
la méthode dite de l'oralisation (ou démutisation, c'est-à-dire
l'apprentissage de la maîtrise des émissions vocales sonores).
L'assurance-invalidité lui a d'abord remis deux appareils acoustiques
rétro-auriculaires, avant qu'un implant cochléaire lui soit posé, le
18 avril
1994.

Le 18 décembre 1998, représentée par sa mère, la prénommée a demandé
la prise
en charge du traitement logopédique prodigué par le thérapeute
B.________, au
motif qu'on ne trouvait pas dans le canton de Genève de logopédiste
qualifié
pour traiter spécifiquement un enfant sourd profond ayant reçu un
implant
cochléaire. Par décision du 31 juillet 2000, l'Office cantonal
genevois de
l'assurance-invalidité a rejeté la demande.

B.
Par jugement du 21 mai 2002, la Commission cantonale genevoise de
recours en
matière d'AVS/AI a rejeté le recours formé contre cette décision par
N.________.

C.
Contre ce jugement, N.________ interjette recours de droit
administratif, en
concluant, sous suite de dépens, à la prise en charge des frais de
traitement
litigieux à partir du mois de décembre 1997. L'intimé propose le
rejet du
recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé
à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 19 al. 1 LAI, des subsides sont alloués pour la formation
scolaire spéciale des mineurs éducables mais qui, par suite
d'invalidité, ne
peuvent suivre l'école publique, ou dont on ne peut attendre qu'ils la
suivent. Ces subsides comprennent notamment des indemnités
particulières pour
des mesures de nature pédago-thérapeutique qui sont nécessaires en
plus de
l'enseignement de l'école spéciale, telles que des cours
d'orthophonie pour
les assurés atteints de grave difficultés d'élocution, l'enseignement
de la
lecture labiale et l'entraînement auditif pour les assurés durs
d'oreille
(art. 19 al. 2 let. c LAI).

En l'espèce, l'affection dont souffre la recourante nécessite
l'allocation de
telles mesures de nature pédago-thérapeutique. Le point litigieux est
de
savoir si l'assurance-invalidité était en droit de refuser les
prestations en
cause au motif qu'elles sont appliquées à l'étranger.

2.
2.1Selon l'art. 9 al. 1 LAI, les mesures de réadaptation sont
appliquées en
Suisse; elles peuvent l'être exceptionnellement aussi à l'étranger.

Conformément à l'art. 23bis RAI - dans sa teneur en vigueur jusqu'au
31
décembre 2000, applicable en l'espèce (cf. ATF 126 V 166 consid. 4b)
-,
l'assurance prend à sa charge le coût d'une exécution simple et
rationnelle,
à l'étranger, de mesures de réadaptation qu'il apparaît impossible
d'exécuter
en Suisse, notamment parce que les institutions adéquates ou les
agents
d'exécution font défaut; il en va de même des mesures médicales qu'on
doit
exécuter à l'étranger en raison d'un état de nécessité (al. 1).

Si une mesure est exécutée à l'étranger pour d'autres raisons
méritant d'être
prises en considération, l'assurance assume le coût jusqu'à
concurrence des
prestations qu'impliquerait une telle mesure exécutée en Suisse (al.
2).

2.2 Selon la jurisprudence, les conditions posées par l'art. 23bis
al. 2 RAI
ne sauraient être interprétées avec trop de rigueur, auquel cas la
délimitation avec l'art 23bis al. 1 RAI deviendrait difficile. En
outre, en
édictant l'art. 23bis al. 2 RAI, le Conseil fédéral avait pour but
d'introduire une nouvelle possibilité d'obtenir des prestations; si
son
intention était de combler une lacune, cette disposition ne saurait
rester
lettre morte (sur ces divers points, cf. ATF 110 V 101 consid. 1).
Dans des
arrêts plus récents, le Tribunal fédéral des assurances a cependant
précisé
que les raisons dignes d'être prises en considération devaient
revêtir un
certain poids; à défaut, non seulement l'al. 1 de l'art. 23bis RAI,
mais
aussi l'art. 9 al. 1 LAI, d'après lequel une mesure appliquée à
l'étranger ne
peut être prise en charge qu'exceptionnellement, seraient vidés de
leur
contenu (VSI 1997 p. 312 consid. 1b et les références).

3.
3.1Les premiers juges ont considéré que la demande de prise en charge
du
traitement de logopédie entre 1995 et décembre 1997 était tardive;
pour la
période ultérieure, une rééducation orthophonique spécifique était
possible
dans le canton de Genève.

La recourante conteste tant la possibilité, pour un enfant sourd
ayant subi
un implant cochléen, de suivre un traitement spécifique auprès d'un
logopédiste dans le canton de Genève que le changement de thérapeute
qu'impliquerait pour elle le traitement en Suisse.

3.2 Le Tribunal fédéral des assurances a été amené à plusieurs
reprises ces
dernières années à se pencher sur des litiges qui soulevaient des
questions
proches de celles de la présente cause (arrêts non publiés F. et L.
du 26
janvier 1996 [I 155/95; I 159/95], D. et Z. du 24 avril 1996 [I
137/95; I
149/95], ainsi que S. du 23 septembre 1997 [I 478/96]). Dans ces
procédures,
il s'agissait aussi d'enfants domiciliés dans le canton de Genève, qui
souffraient de surdité et dont les parents désiraient qu'ils suivent
un
traitement de logopédie en France, axé sur l'oralisation, également
auprès de
B.________. Le tribunal a refusé d'admettre une exception au principe
de
territorialité du traitement énoncé par l'art. 9 al. 1 LAI.

La Cour de céans a tout d'abord constaté que les conditions de l'art.
23bis
al. 1 RAI n'étaient pas remplies : on ne peut sérieusement prétendre
qu'il
est impossible de fournir en Suisse un traitement logopédique adéquat
en
raison d'un manque d'agents d'exécution dans ce pays; il n'y avait
pas non
plus d'état de nécessité au sens de cette disposition.

Pour ce qui est des « autres raisons méritant d'être prises en
considération
», la Cour de céans a rappelé que l'assurance-invalidité n'a pas à
prendre en
charge la meilleure mesure de réadaptation qui soit, mais qu'elle doit
assumer les frais d'une mesure qui est nécessaire et suffisante dans
un cas
d'espèce (ATF 110 V 102, 98 V 100 consid. 2). Dans ces affaires, il
était
reproché aux spécialistes genevois de mettre l'accent sur des mesures
logopédiques qui visent à acquérir le bilinguisme (communication par
la
langue des signes avec l'entourage proche de l'enfant), alors que
certains
parents jugent mieux appropriée la méthode dite de l'oralisation. Le
Tribunal
fédéral des assurances a retenu que ce choix thérapeutique relevait de
différences d'approche entre spécialistes, sans que rien n'indique que
celui-ci puisse compromettre le résultat du traitement, et que de
toute
manière les logopédistes genevois étaient à même de pratiquer la
technique de
la démutisation.

3.3 La recourante a reçu un implant cochléaire le 18 avril 1994. Pour
être
optimale dans le cadre d'un traitement global de réhabilitation
oraliste,
l'implantation doit être suivie d'un traitement logopédique intensif
à raison
de 3 séances par semaine et d'une scolarisation dans une école
oraliste ou en
intégration dans une école normale (rapport du 10 juin 1999 de la
doctoresse
C.________).

Comme l'a relevé le Tribunal fédéral des assurances dans les arrêts
précités,
il est tout à fait possible de fournir en Suisse un traitement
logopédique
adéquat pour des enfants sourds, et les logopédistes genevois sont à
même de
pratiquer la technique de la démutisation qu'implique le choix
oraliste de la
rééducation suivie par la recourante; on ne saurait dès lors parler
d'un
manque d'agent dans le pays (art. 23bis al. 1 RAI).

S'il est vrai que les processus d'acquisition du langage oral et les
modalités de la prise en charge orthophonique sont différents selon
que
l'enfant porte un appareil rétro-auriculaire ou un implant, les
connaissances
nécessaires à la rééducation oraliste pour les enfants implantés,
évoquées
par le thérapeute B.________ (rapport du 30 novembre 1998)
n'apparaissent pas
diverger de celles que possède tout logopédiste prenant en charge des
enfants
sourds, à même de pratiquer la technique de la démutisation. Certes,
le
thérapeute B.________ fait-il preuve d'un engagement déterminé pour
l'option
oraliste et d'une expérience dans la prise en charge oraliste des
enfants
implantés. Pour louable que soit le désir des parents de confier le
traitement de leur enfant à la personne qu'ils jugent la plus
compétente ou
la plus qualifiée, cette circonstance, qui relève largement de leur
appréciation, n'apparaît pas suffisante au regard de la jurisprudence
pour
admettre l'existence de raisons méritant d'être prises en
considération au
sens de l'art. 23bis al. 2 RAI.

Il en va de même, en l'espèce, du changement de thérapeute que
rendrait
nécessaire l'exécution de la mesure en Suisse. En effet, si les
médecins
souhaitent que la recourante ne change pas de thérapeute pour ne pas
compromettre le succès du traitement (rapport du 31 janvier 2000 du
docteur
D.________), ou estiment qu'un changement de thérapeute n'est pas
adéquat au
cours d'un traitement très réussi (rapport du 19 décembre 2000 de la
doctoresse C.________), le dossier est exempt de toute menace
concrète pour
la santé de la recourante ou la poursuite fructueuse du traitement.
Tout
changement de thérapeute en cours d'un traitement comporte une phase
d'adaptation, susceptible de retarder éventuellement l'efficacité du
traitement. A lui seul un tel risque, aléatoire et de nature
passagère,
inhérent à tout changement, n'est pas suffisant pour admettre
l'existence de
raisons méritant d'être prises en considération au sens de l'art.
23bis al. 2
RAI.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'AVS/AI et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 8 janvier 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.622/02
Date de la décision : 08/01/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-08;i.622.02 ?
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