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08/01/2003 | SUISSE | N°5A.12/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 janvier 2003, 5A.12/2002


{T 1/2}
5A.12/2002 /frs

Arrêt du 8 janvier 2003
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, président,
Bianchi, Nordmann, Escher, Hohl.
Greffière Jordan.

UBS SA, à Zurich et Bâle, Bahnhofstrasse 45, 8021
Zurich/Aeschenvorstadt 1,
4051 Bâle,
recourante, représentée par Me Antoine Vuadens, avocat,
rue du Château-Vieux 5, case postale 1036, 1870 Monthey 2,

contre

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, av.
Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

("déréliction" d

'une part d'étage),

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton
du Valais, Cour d...

{T 1/2}
5A.12/2002 /frs

Arrêt du 8 janvier 2003
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Raselli, président,
Bianchi, Nordmann, Escher, Hohl.
Greffière Jordan.

UBS SA, à Zurich et Bâle, Bahnhofstrasse 45, 8021
Zurich/Aeschenvorstadt 1,
4051 Bâle,
recourante, représentée par Me Antoine Vuadens, avocat,
rue du Château-Vieux 5, case postale 1036, 1870 Monthey 2,

contre

Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, av.
Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2.

("déréliction" d'une part d'étage),

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton
du Valais, Cour de droit public, du 17 mai 2002.

Faits:

A.
L'immeuble n° 2118 du cadastre de la Commune de Vionnaz, sis dans la
station
touristique de Torgon, est constitué en une copropriété par étages
(PPE) de
103 quotes-parts. L'Union de Banques Suisses SA (ci-après: l'UBS) est
propriétaire de la part d'étage n° 4103, qui correspond à un garage en
sous-sol divisé en 72 places de parc, rattachées par l'intermédiaire
de
servitudes foncières d'utilisation à certaines unités d'étages.

Le 24 novembre 2000, l'UBS a adressé au Registre foncier de Monthey
une
déclaration de déréliction de la PPE n° 4103 et requis l'inscription
des
autres propriétaires d'étages comme copropriétaires de cette unité. Le
Conservateur a rejeté cette réquisition le 5 décembre 2000.

L'UBS a recouru contre ce refus le 28 décembre 2000. Elle a été
déboutée par
le Conseil d'Etat du canton du Valais le 12 décembre 2001.

Le 17 mai 2002, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du
canton du
Valais a rejeté le recours interjeté par l'UBS contre cette décision,
"remis"
les frais et refusé l'allocation de dépens à la recourante.

B.
L'UBS exerce un recours de droit administratif contre cet arrêt, en
prenant
les conclusions suivantes:

" Principalement

1. Le recours est admis.

2. En conséquence, la décision de rejet de la déclaration de
déréliction de
l'immeuble n° 4103 de Vionnaz par avis du Conservateur du Registre
foncier de Monthey du 5 décembre 2000 est annulée.

3. Il lui est donc intimé ordre de procéder à la radiation d'UBS SA
comme
propriétaire dudit immeuble, avec demande de donner suite légale à
cette
situation en y inscrivant comme copropriétaires les propriétaires
d'étages restants.

4. Les frais de procédure et de décision, ainsi qu'une équitable
indemnité
de dépens en faveur de la recourante, tenant compte des avis de droit
qu'elle a dû demander, sont mis à la charge de l'Etat du Valais".

Subsidiairement
1, 2 et 4 Comme les conclusions principales.

3. Simplement: il lui est donc intimé l'ordre de procéder à la
radiation
d'UBS SA comme propriétaire dudit immeuble."

Le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations. L'Office
fédéral
de la justice propose l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale
(art. 17
al. 2 de l'Ordonnance concernant la tenue du registre foncier
cantonal du 17
avril 1920, RS/VS 211.611; art. 69 al. 2 de la loi valaisanne
d'application
du Code civil suisse du 24 mars 1998, RS/VS 211.1) et concerne une
mesure
prise par le Conservateur du Registre foncier. La voie du recours de
droit
administratif est dès lors ouverte (art. 102 al. 1 et 103 al. 4 de
l'Ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier [ORF; RS
211.432.1]).

Formé dans le délai prévu à l'art. 106 al. 1 OJ, le présent recours
est donc
recevable.

1.2 Il n'y a pas lieu d'inviter les copropriétaires d'étages à
répondre, dès
lors que, matériellement, ils n'ont pas à être entendus et que la loi
leur
confère la possibilité d'abandonner à leur tour leur part de
copropriété
ordinaire sur la part litigieuse (cf. infra, consid. 3.2.3, 2e par.,
3.3.1,
2e par., et 3.3.3 in fine).

2.
2.1D'après l'art. 108 al. 2 OJ, le mémoire de recours doit contenir
des
conclusions et une motivation. Selon la jurisprudence, il ne faut pas
poser
des exigences trop strictes quant à la formulation des conclusions et
des
motifs présentés dans un recours de droit administratif. Il suffit
qu'on
puisse déduire de l'acte de recours sur quels points et pour quelles
raisons
la décision attaquée est contestée (ATF 123 V 335 consid. 1a p. 336;
118 Ib
134 consid. 2 p. 135/136). Plus précisément, les conclusions doivent
mentionner la décision à annuler, totalement ou partiellement, ainsi
que le
contenu de la nouvelle décision à prendre, par le Tribunal fédéral ou
par
l'autorité à laquelle l'affaire serait renvoyée (cf. art. 114 al. 2
OJ; cf.
Peter Karlen, Verwaltungsgerichtsbeschwerde, in Thomas Geiser/Peter
Münch,
Prozessieren vor Bundesgericht, 2e éd., Bâle 1998, n. 3.70). Il n'est
toutefois pas nécessaire qu'elles soient formulées explicitement; il
suffit
qu'elles résultent clairement des motifs allégués (ATF 103 Ib 91
consid. 2c
p. 95). Elles ne sauraient, en revanche, sortir du cadre de la
décision
attaquée et de la requête initiale de l'intéressé (cf. notamment:
Alfred
Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege
des
Bundes, Zurich 1993, n. 413, p. 237 s.).

En l'espèce, la recourante a conclu formellement, à titre principal, à
l'admission du recours (ch. 1), à l'annulation de la décision du
Conservateur
du Registre foncier du 5 décembre 2000 (ch. 2) et à sa radiation comme
propriétaire de la part d'étage n° 4103, ainsi qu'à l'inscription des
propriétaires d'étages restants comme copropriétaires de cette unité
(ch. 3).
Une telle formulation n'est en soi pas satisfaisante. Dans un recours
de
droit administratif, le Tribunal fédéral ne peut annuler que la
décision de
dernière instance cantonale, en l'occurrence l'arrêt de la Cour de
droit
public du Tribunal cantonal valaisan. On peut cependant déduire des
motifs du
recours que la recourante demande - certes maladroitement -
l'annulation de
cette décision, laquelle a rejeté en dernière instance cantonale sa
réquisition au Registre foncier. Il convient par ailleurs de relever
que la
recourante n'avait pas pris de conclusions subsidiaires devant
l'autorité
cantonale. Celles-là ne sauraient toutefois être considérées comme
nouvelles.
En se bornant à demander, subsidiairement, que son inscription en
tant que
propriétaire de l'immeuble n° 4103 soit radiée, la recourante se
borne en
effet à limiter son chef de conclusions formulé, principalement, sous
le
chiffre trois.

2.2 A titre de motivation, la recourante renvoie à trois avis de
droit du
Professeur Paul-Henri Steinauer qu'elle a annexés à son écriture. Le
premier,
du 28 septembre 1998, avait été joint à la réquisition du 24 novembre
2000.
Le deuxième, daté du 10 janvier 2002, ne semble pas avoir été produit
en
instance cantonale, mais a manifestement constitué le fondement du
dernier
recours cantonal. Le troisième, rendu le 24 juin 2002, est déposé
devant la
cour de céans.

Selon la jurisprudence, un tel procédé est admis. Les avis fournis
sont
toutefois simplement assimilés à des développements juridiques et il
ne leur
est guère accordé plus de poids qu'aux arguments juridiques invoqués
par la
partie elle-même (ATF 105 II 1 consid. 1).

3.
La recourante a adressé au Registre foncier une "déclaration de
déréliction",
aux termes de laquelle elle renonce à sa propriété sur la part
d'étage n°
4103 de la PPE n° 2118 et en requiert le transfert - en copropriété -
aux
propriétaires d'étages restants. Le Conservateur du Registre foncier
a rejeté
cette réquisition, motif pris qu'"il n'est pas possible de se défaire
par
voie de déréliction d'une parcelle PPE soumise elle-même au régime de
la
copropriété et d'inscrire les propriétaires desdites parcelles PPE en
qualité
de copropriétaires de la quote-part PPE abandonnée,
proportionnellement à
leurs parts d'étages". En dernière instance, le Tribunal cantonal
valaisan a
confirmé ce rejet. Après avoir relevé que la déréliction - au sens
strict -
d'une part de propriété par étages est impossible, dès lors que
celle-ci
n'est pas susceptible d'occupation, il a jugé qu'une renonciation
pure et
simple au droit immatriculé, avec suppression corrélative du feuillet
y
relatif, n'entre pas en considération faute de consentement à la
radiation
des titulaires de servitude. Examinant néanmoins la construction
juridique,
selon laquelle, en cas de renonciation à une part d'étage, celle-ci
passe de
plein droit en copropriété à l'ensemble des propriétaires d'étages
restants,
à raison de leurs quotes-parts respectives, il l'a écartée. Il a en
bref
considéré que ce procédé est contraire à une ancienne jurisprudence du
Tribunal fédéral (ATF 69 II 223) et qu'il se heurte - en tout cas en
l'espèce
- aux prescriptions de la loi fédérale du 16 décembre 1983 sur
l'acquisition
d'immeubles par des personnes à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41). La
solution préconisée supposerait en effet l'inscription d'office, comme
copropriétaires ordinaires de la PPE n° 4103, notamment de plusieurs
personnes pour lesquelles une acquisition complémentaire selon cette
loi est
sujette à autorisation, ce qui serait illégal. La cour cantonale a
enfin jugé
que la solution voulue par la recourante est peu pratique, voire
franchement
inéquitable, dans la mesure où elle force à entrer dans la communauté
des
copropriétaires ordinaires de la PPE n° 4103 tous les propriétaires
par
étages et non seulement ceux d'entre eux qui bénéficient de servitudes
d'utilisation, lesquelles enlèvent toute valeur économique à la seule
nue-copropriété de cette unité.

3.1 La recourante reproche aux juges cantonaux une violation du droit
fédéral, y compris un excès et un abus du pouvoir d'appréciation
(art. 104
let. a OJ). Elle soutient en bref qu'en cas de renonciation à une part
d'étage celle-ci devient, par accroissement, la copropriété de plein
droit
des autres copropriétaires et qu'il suffit que la renonciation, par
déclaration au registre foncier, soit effectuée en la forme écrite.
S'agissant plus précisément de l'argument de la cour cantonale tiré
de la
LFAIE, elle expose que la part d'étage est devenue "une coquille
vide" du
fait de la constitution des servitudes de garage; celle-là n'aurait
ainsi
même pas la valeur économique "d'une surface de faible importance"
pour
laquelle une autorisation d'acquérir n'est déjà pas nécessaire selon
l'art. 7
let. a LFAIE (recte: art. 7 let. g LFAIE). La recourante prétend en
outre
qu'il n'est pas inéquitable de faire entrer également dans la
communauté des
copropriétaires (ordinaires) de la PPE n° 4103 les propriétaires ne
bénéficiant pas d'une servitude d'utilisation, dès lors que ceux-ci
peuvent
demander leur radiation au registre foncier et n'ont pas à supporter
les
frais et charges, lesquels incombent uniquement aux bénéficiaires des
servitudes conformément à l'art. 46 du règlement de copropriété par
étages.
Pour le surplus, elle renvoie - à titre de motivation - aux avis de
droit du
Professeur Steinauer. Elle précise enfin qu'en vertu de la
jurisprudence,
notamment des arrêts publiés aux ATF 69 II 223 et 85 I 261, elle peut
en tout
cas se limiter à demander la radiation de l'inscription, le sort de
la part
d'étage abandonnée pouvant rester sans réponse à son égard.

3.2 Dans la présente cause, il convient d'examiner en premier la
notion de
déréliction (infra 3.2.1) et ses effets lorsque l'immeuble abandonné
est une
part de copropriété (par étages) (infra 3.2.2 et 3.2.3).
3.2.1 Mode d'extinction absolue de la propriété foncière découlant de
l'art.
666 al. 1 CC, la déréliction consiste en l'abandon volontaire de la
propriété
d'un immeuble par réquisition de radiation du droit de propriété au
registre
foncier sans transfert à un tiers (ATF 50 II 232 consid. 2 p. 235; 69
II
223/228; 85 I 261 consid. 1 p. 262; cf. aussi: ATF 114 II 32 consid.
2 p. 35;
Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, t. II, 3e éd., 2002, n.
1594). Elle
peut porter sur un bien-fonds (art. 655 al. 2 ch. 1 CC), un droit
distinct et
permanent (art. 655 al. 2 ch. 2 CC; cf. ATF 118 II 115) et sur une
part de
copropriété (par étages) (art. 655 al. 2 ch. 4 CC; ATF 69 II 223;
pour la
doctrine unanime, cf. notamment: Peter Liver, Das Eigentum [cité
Eigentum],
Schweizerisches Privatrecht, t. V/1, 1977, p. 63 et Verzicht auf
beschränkte
dingliche Rechte [cité Verzicht], in Festschrift für Walther Hug,
1968, p.
359 ss; Robert Haab, Zürcher Kommentar, t. IV/1, 1977, n. 14 ad art.
646 CC;
Meier-Hayoz, Berner Kommentar, t. IV/1,1, 5e éd., 1981, n. 71 s. ad
art. 646
CC et t. IV/1,5, 1988, n. 118 et 120 ad art. 712a CC; Henri
Deschenaux, Le
registre foncier, Traité de droit privé suisse, vol. V/II,2, 1983, p.
247;
Steinauer, Les droits réels, t. I, 3e éd., 1997, n. 1230; Benno
Schneider,
Das schweizerische Miteigentumsrecht, thèse Berne 1973, p. 249 ss).
Est en
revanche controversé le sort de la part de copropriété abandonnée,
encore
qu'il faille distinguer la copropriété ordinaire de la copropriété
par étages
(cf. infra, consid. 3.2.2 et 3.2.3).
3.2.2 S'agissant de la copropriété ordinaire, le Tribunal fédéral n'a
jamais
tranché cette question. Dans l'arrêt publié aux ATF 69 II 223, il a
en effet
laissé indécis le point de savoir si le principe de l'accroissement,
généralement admis dans le cas d'une propriété
commune, pouvait aussi
l'être
en matière de copropriété ordinaire. Dans une jurisprudence du 14
juin 1977,
le Tribunal supérieur soleurois a en revanche considéré que la part de
copropriété sur un immeuble, à laquelle renonce son titulaire, passe
par
"accroissement" aux copropriétaires restants (RNRF 60/1979 p. 178;
contra:
RNRF 20/1939 p. 194; indécis: RNRF 16/1935 p. 88).

La position de la doctrine a quant à elle évolué au fil des années.
Ainsi,
pour les auteurs du début du siècle passé, la renonciation à une part
de
copropriété ordinaire constitue une déréliction qui ouvre le droit à
l'occupation de la part (art. 658 CC; Hans Leemann, Berner Kommentar,
t.
IV/1, 1920, n. 27 ad art. 646 CC et n. 15 ad art. 666 CC, ainsi que
les
commentateurs cités par Meier-Hayoz ad art. 646 CC, n. 71). Pour
l'opinion
aujourd'hui dominante, elle doit, en revanche, être comprise comme un
abandon
du droit en faveur des autres personnes qui détenaient, avec le
renonçant, la
copropriété (Liver, Eigentum, p. 63 et 160, et Verzicht, p. 359 ss,
qui
préfère, au vu de cette conséquence particulière, parler de
renonciation
[Verzicht] plutôt que de déréliction; Haab, op. cit., n. 14 ad art.
646 CC et
n. 3 ad art. 658 CC; Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,1, n. 71 ad art.
646 CC,
pour lequel la controverse n'est toutefois que théorique, et t.
IV/1,2, n. 17
ad art. 666 CC; Deschenaux, op. cit., p. 247, dans le même sens que
Liver;
Steinauer, Les pluralités de copropriétés sur un même immeuble, RNRF
79/1998
p. 226; Schneider, op. cit., p. 251; Paul Piotet, Nature et mutations
des
propriétés collectives [cité Nature et mutations], Berne 1991, p. 67
s.). Ces
auteurs - à l'exception de Piotet qui motive sa position par
l'"élasticité"
de la copropriété (Nature et mutations, p. 68) - fondent leur
argumentation
sur le fait qu'une occupation par prise de possession ne peut, par
définition, porter que sur un bien-fonds au sens de l'art. 655 al. 2
ch. 1
CC, et non sur une quote-part idéale, telle la part de copropriété
(cf. aussi
RNRF 60/1979 p. 178 consid. 2 p. 181). Ils proposent ainsi la
construction
juridique selon laquelle la renonciation entraîne un accroissement
(Akkreszenz, Anwachsung) de la part des autres copropriétaires, sous
réserve
du cas où la part abandonnée est objet de droits personnels ou grevée
de
droits réels limités. Dans cette dernière hypothèse, ils sont d'avis
que
celle-là est acquise en copropriété par ceux qui étaient
copropriétaires avec
le renonçant, proportionnellement à leur part (Liver, Eigentum, p. 63
et 160
et Verzicht, p. 370 ss; Haab, op. cit., n. 14 ad art. 646 CC;
Meier-Hayoz,
op. cit., t. IV/1,1, n. 71 ad art. 646 CC; Schneider, op. cit., p.
252, pour
lequel cette copropriété n'apparaît toutefois que dans les rapports
externes;
Steinauer, op. cit., t. I, n. 1231 ainsi que RNRF 79/1998 p. 226/227
et les
notes 19 et 20; Christoph Brunner/Jürg Wichtermann, Basler Kommentar,
n. 26
s. ad art. 646 CC; Rey, Kommentar, n. 9 ad art. 666 CC et Die
Grundlagen des
Sachenrechts und das Eigentum [cité Grundlagen], Berne 2000, n. 661,
1557,
1557a, 1680; Hermann Laim, Basler Kommentar, n. 4 ad art. 658 CC).
Piotet se
distingue de ce courant doctrinal en ce sens qu'il admet un
accroissement de
la part des autres copropriétaires quelle que soit l'hypothèse
envisagée
(Nature et mutations, p. 73 et 75; Copropriété et sous-communauté,
RNRF
80/1999 p. 137 ss, spéc. p. 140/141).

Il y a lieu de suivre l'opinion majoritaire qui repose sur des motifs
tout à
fait convaincants (cf. notamment Liver, Verzicht, p. 370 ss), et ce
en dépit
du scepticisme exprimé par le Tribunal fédéral quant à une telle
solution
dans l'arrêt publié aux ATF 69 II 223. Celui-là résulte du fait que
les juges
fédéraux distinguaient, dans leur nature, la copropriété et la
propriété
commune, conception aujourd'hui dépassée (cf. notamment: Piotet,
Nature et
mutations, p. 12 s. et les références; Steinauer, op. cit., t. I, n.
1111 ss
et 1371 et les références mentionnées; pour une critique de la
jurisprudence
précitée: Liver, Verzicht, p. 366 ss).

3.2.3 En matière de propriété par étages, ni le Tribunal fédéral ni
les
autorités cantonales n'ont eu à se prononcer sur le sujet. Dans le
résultat,
la doctrine est quant à elle unanime. Tous les auteurs s'accordent en
effet à
dire que la part d'étage abandonnée - grevée ou non de servitudes ou
de gages
- passe de plein droit en copropriété ordinaire de l'ensemble des
autres
copropriétaires d'étages, proportionnellement à la valeur de leurs
parts
d'étages (Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,5, n. 119 et 121 ad art.
712a CC et
n. 41 ad art. 712e CC; Liver, Verzicht, p. 370, n. 46; Schneider, op.
cit.,
p. 255; Steinauer, op. cit., t. I, n. 1231; Laim, op. cit., n. 5 ad
art. 658
CC ainsi que Rey, Kommentar, n. 10 ad art. 666 CC et Grundlagen, n.
1558 et
1681, lesquels réservent toutefois la possibilité d'une occupation en
cas de
renonciation simultanée de l'ensemble des propriétaires d'étages;
également
dans ce dernier sens: Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,5, n. 14 et 57
ad art.
712f CC; cf. aussi Piotet, Nature et mutations, p. 70 s. et 77, qui
préconise
aussi cette solution, au terme toutefois d'un raisonnement
différent). Il en
résulte une sous-copropriété qui fait l'objet d'une gestion séparée
(Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,5, n. 121 ad art. 712a CC et n. 83 ad
art.
712b CC; Steinauer, RNRF 79/1998 p. 227; Rey, Grundlagen, n. 1681 et
la
référence mentionnée; cf. aussi: ATF 106 II 11 consid. 4 p. 19).

Cette construction juridique découle de la nature même de la
propriété par
étages. Les propriétaires d'étages sont en effet copropriétaires de
l'ensemble de l'immeuble (y compris des parties du bâtiment sur
lesquelles
d'autres propriétaires d'étages ont un droit exclusif d'utilisation et
d'aménagement; cf. ATF 94 II 231). Dès lors, si l'un des
copropriétaires
renonce à sa part d'étage, celle des autres se consolide, en ce sens
qu'elle
n'est plus limitée par les droits (celui de copropriété comme celui
d'utilisation et d'aménagement exclusif d'une partie du bâtiment) du
renonçant. Dans la propriété par étages, la part du renonçant ne peut
toutefois elle-même disparaître et être rattachée physiquement aux
autres
unités d'étages. Contrairement aux considérations de l'autorité
cantonale, la
renonciation à la part n'entraîne pas la suppression du feuillet y
relatif.
Il s'impose donc d'inscrire sur le feuillet qui demeure la
copropriété des
autres propriétaires d'étages - qui existe déjà sur tout l'immeuble -
à la
place de celle du renonçant (cf. notamment Liver, Verzicht, p. 370 ss;
Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,5, n. 121 ad art. 712a CC, qui renvoie
à
l'auteur précité; Steinauer, op. cit., t. I, n. 1231). Certes, une
telle
solution force tous les propriétaires d'étages, même ceux qui ne sont
pas
titulaires d'une servitude de parc, à devenir copropriétaires de la
part
d'étage litigieuse. Toutefois, ceux qui n'y trouveront aucun intérêt
pourront
à leur tour renoncer à leur part de copropriété ordinaire en
demandant leur
radiation au registre foncier (cf. supra, consid. 3.2.2).
Contrairement aux
considérations de l'autorité cantonale, ils ne sont donc pas traités
de
manière "franchement inéquitable".

Quant à l'argument selon lequel certains copropriétaires d'étages sont
inscrits d'office alors qu'ils sont soumis au régime de l'autorisation
institué par la LFAIE, il est sans pertinence. Comme le relève la
recourante,
en cas de renonciation à une part d'étage, il n'y a pas acquisition
d'un
droit nouveau pour les autres copropriétaires, puisque ceux-ci sont
déjà
copropriétaires de l'ensemble de l'immeuble; leur droit s'accroît
simplement
du fait qu'ils sont désormais moins nombreux à l'exercer,
accroissement qui
se traduit, au vu de la nature de la propriété par étages, par une
acquisition en copropriété de l'unité abandonnée. En ce sens,
l'autorisation
d'acquérir accordée conformément à la LFAIE comprend cette possibilité
d'extension, laquelle restera au demeurant exceptionnelle. Elle ne se
produit
en effet que lorsque la part abandonnée ne revêt, comme en l'espèce,
aucune
valeur. A l'instar de l'Office fédéral de la justice, on peut même
considérer
que l'art. 7 let. g LFAIE, qui exempte du régime de l'autorisation
l'acquisition d'une surface de faible importance, peut trouver ici une
application analogique. Ce raisonnement vaut mutatis mutandis en cas
de
copropriété ordinaire.

3.3 Cela étant posé, restent à définir les conditions auxquelles est
soumise
la radiation du droit de propriété au registre foncier (infra 3.3.1)
et les
justificatifs que doit produire à cet effet le requérant (infra
3.3.2).
3.3.1 Les règles régissant l'inscription constitutive sont
applicables par
analogie aux conditions de la radiation (art. 61 al. 1 ORF qui
renvoie aux
art. 11 ss ORF). Celle-ci suppose ainsi un titre extinctif, qui,
lorsqu'il
résulte de la seule volonté du propriétaire, se concrétise dans la
réquisition elle-même. En matière de déréliction, cette dernière
consiste en
une déclaration écrite du propriétaire (art. 20 ORF) par laquelle
celui-ci
déclare renoncer, sans réserve ni condition (art. 12 al. 1 ORF), à la
propriété de son immeuble et demande la radiation de l'inscription y
relative
(pour les autres conditions de forme de la réquisition et les
possibilités de
représentation, cf. les art. 11 ss ORF).

L'art. 964 al. 1 CC exige en outre une déclaration écrite de ceux
auxquels
l'inscription confère des droits, à savoir le consentement écrit des
tiers
intéressés (art. 61 al. 2 ORF). Comme il a déjà été relevé ci-devant
(cf.
supra, consid. 3.2.2 et 3.2.3), la renonciation n'affecte pas
l'existence de
la part de copropriété grevée ou de la part d'étage. Subsistant en
tant que
telles, celles-ci ne sont dès lors pas libérées des servitudes et
gages qui
les grèvent, en sorte que, contrairement aux considérations de
l'autorité
cantonale, les bénéficiaires de ces charges n'ont pas à consentir à
l'acte
d'abandon, à l'instar d'ailleurs des autres copropriétaires, pour
lesquels
l'inscription comme copropriétaires ordinaires se fait de plein droit
(Liver,
Verzicht, p. 371 s.; Meier-Hayoz, op. cit., t. IV/1,1, n. 71 ad art.
646 CC
et t. IV/1,5, n. 119 ad art. 712a CC; Deschenaux, op. cit., p. 252;
Steinauer, op. cit., t. I, n. 1231). Il appartiendra en revanche au
conservateur du registre foncier de communiquer à ces derniers les
opérations
qu'il aura effectuées en vertu de la loi (art. 969 al. 1 CC; cf.
Deschenaux,
op. cit., p. 250). C'est en vain que la cour cantonale tente, à cet
égard, de
tirer argument de l'arrêt publié aux ATF 118 II 115, en opposant à la
recourante l'absence de consentement des titulaires de servitudes.
Cette
condition mise à la radiation de l'inscription découle du fait que la
renonciation à un droit de superficie distinct et permanent entraîne
toujours
la disparition du droit, que celui-là soit grevé ou non de charges
(cf.
aussi: Steinauer, op. cit., t. II, n. 1594b).

3.3.2 Aux termes de l'art. 965 al. 1 CC, la radiation ne peut par
ailleurs
avoir lieu "sans légitimation préalable du requérant quant à son
droit de
disposition et au titre sur lequel se fonde l'opération".
Conformément à
l'art. 965 al. 3 CC, le requérant justifie de son titre en prouvant
que les
formes auxquelles la validité de celui-ci est subordonnée ont été
observées.
Quand le titre extinctif résulte de la seule décision du propriétaire,
celle-ci se vérifie dans la réquisition elle-même. Il n'y a pas
d'autre
légitimation quant au titre: la pièce justificative se confond avec la
réquisition (cf. art. 20 al. 1 ORF; ATF 69 II 223 consid. 2 p. 229;
Deschenaux, op. cit., p. 387; Steinauer, op. cit., t. I, n. 741).
Dans un tel
contexte, il appartient au conservateur du registre foncier - dont le
contrôle porte avant tout sur le respect des formes dont le titre
doit être
revêtu, et non sur la validité matérielle de l'acte (ATF 124 III 341
consid.
2b p. 343; 107 II 211 consid. 1 p. 213 et les arrêts cités) - de
s'assurer de
la validité de la réquisition.

3.3.3 En l'espèce, la recourante a adressé au Conservateur du Registre
foncier une "déclaration de déréliction". Certes, un tel intitulé
peut prêter
le flanc à la critique, dès lors qu'il ne résulte pas de l'abandon
d'une part
de copropriété (par étages) une chose sans maître susceptible
d'occupation
(déréliction au sens strict). Toutefois, les termes utilisés dans la
réquisition ne laissent aucun doute quant à la teneur de l'opération
requise.
La requérante y déclare en effet vouloir renoncer, sans contrepartie,
à la
propriété de l'immeuble litigieux et en requiert le transfert - en
copropriété - aux propriétaires d'étages restants. Une telle
déclaration
suffit au regard des conditions susmentionnées pour que le
conservateur
procède à la radiation. La recourante aurait même pu se limiter à
demander la
seule radiation de son droit de propriété, l'inscription des
copropriétaires
restants ayant lieu de plein droit en vertu de la loi (cf. Piotet,
Nature et
mutations, p. 67, pour lequel les conséquences de la "déréliction"
doivent
être inscrites d'office).

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué
annulé. Le
Conservateur du Registre foncier de Monthey est invité à procéder à la
radiation de la recourante comme propriétaire de la part d'étage
litigieuse

et à l'inscription des copropriétaires restants comme copropriétaires
ordinaires de cette part, proportionnellement à leur quote-part. Il
convient
en outre de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision
sur les frais et dépens cantonaux (art. 159 al. 6 OJ). Obtenant gain
de
cause, la recourante n'a pas à supporter d'émolument judiciaire (art.
156 al.
1 OJ). Celui-ci ne peut pas non plus être exigé de l'Etat du Valais
(art. 156
al. 2 OJ), qui indemnisera, en revanche, la recourante (art. 159 al.
2 OJ;
ATF 125 I 389 consid. 5 p. 393 et la jurisprudence citée).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt cantonal est annulé. Le Conservateur
du
Registre Foncier de Monthey est invité à procéder au sens des
considérants.

2.
L'Etat du Valais versera une indemnité de 2'500 fr. à la recourante.

3.
L'affaire est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision
sur les
frais et dépens cantonaux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à la
Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais, ainsi
qu'au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 8 janvier 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.12/2002
Date de la décision : 08/01/2003
2e cour civile

Analyses

Art. 666 al. 1, art. 964 et 965 CC; déréliction d'une part de copropriété par étages. Mode d'extinction absolue de la propriété foncière découlant de l'art. 666 al. 1 CC, la déréliction peut porter sur une part de copropriété par étages (consid. 3.2.1). Sort de la part de copropriété par étages abandonnée (consid. 3.2.3). Conditions auxquelles est soumise la radiation du droit de propriété au registre foncier (consid. 3.3.1) et justificatifs à produire (consid. 3.3.2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-08;5a.12.2002 ?
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