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06/01/2003 | SUISSE | N°4P.223/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 janvier 2003, 4P.223/2002


{T 0/2}
4P.223/2002 /ech

Arrêt du 6 janvier 2003
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Corboz, président de la Cour, Walter et Favre,
greffier Ramelet.

A. ________,
recourant,

contre

Dame B.________,
intimée, représentée par Me Marco Crisante, avocat, rue du Port 6,
1204
Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 3688, 1211 Genève 3.

appréciation arbitraire des preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la

Cour d'appel de la
juridiction
des prud'hommes du canton de Genève du 16 septembre 2002)

Faits:

A.
Suite à un accid...

{T 0/2}
4P.223/2002 /ech

Arrêt du 6 janvier 2003
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Corboz, président de la Cour, Walter et Favre,
greffier Ramelet.

A. ________,
recourant,

contre

Dame B.________,
intimée, représentée par Me Marco Crisante, avocat, rue du Port 6,
1204
Genève,
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève,
case
postale 3688, 1211 Genève 3.

appréciation arbitraire des preuves

(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la
juridiction
des prud'hommes du canton de Genève du 16 septembre 2002)

Faits:

A.
Suite à un accident de circulation survenu en 1990, dame B.________ a
confié
en 1995 la défense de ses intérêts à A.________, avocat au barreau de
Genève.
Le 15 juin 1996, ce dernier l'a engagée en qualité de secrétaire à
temps
partiel; le dernier salaire mensuel brut de la salariée s'élevait à
1974 fr.

Dès le 12 février 1999, dame B.________ s'est trouvée en incapacité
totale de
travailler pour cause de maladie, soit, selon un rapport médical du 19
octobre 1999, une "profonde dépression consécutive aux douleurs
permanentes
provenant de l'accident".

Par ailleurs, dame B.________ était particulièrement sensible à
l'attitude de
son employeur, très exigeant et sujet à de brusques accès de colère;
cette
situation a entraîné une détérioration de son état psychique, selon un
rapport médical du 17 décembre 2000.

B.
Le 29 mai 2000, dame B.________ s'est plainte auprès de l'Ordre des
avocats
de Genève de ce que A.________ retenait une partie des indemnités
d'assurance
au titre de provisions pour l'activité qu'il déployait pour elle, en
sa
qualité de mandataire. Par lettre du 31 mai 2000, reçue par
A.________ le 2
juin suivant dans la matinée, l'Ordre a requis de son membre un
certain
nombre de documents comptables relatifs à ce dossier.

Par lettre recommandée datée du 1er juin 2000 (jeudi de l'Ascension,
férié),
postée le 2 juin entre 20 h. et 22 h.00, A.________ a résilié le
contrat de
travail de dame B.________ avec effet au 31 août 2000. Cette écriture
porte
les initiales "cf", soit celles du clerc d'avocat dame C.________,
qui a
déclaré ne pas travailler à l'étude les jours fériés, ni antidater ou
postdater les courriers qu'elle avait à rédiger.

Le 4 juillet 2000, dame B.________ s'est opposée à son licenciement en
invoquant l'art. 336b al. 1 CO et a demandé la motivation du congé.
Son
employeur l'a justifié le 5 juillet 2000 par "des restructurations
intervenues au sein de (son) Etude".

Le 22 décembre 2000, dame B.________ a déposé une demande en paiement
devant
le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, concluant à
l'allocation de
11 844 fr. à titre d'indemnité pour résiliation abusive de son
contrat de
travail et de 10 000 fr. à titre de réparation morale, le tout avec
intérêts
à 5% dès le 2 juin 2000. A.________ a conclu à l'irrecevabilité,
respectivement au rejet de la demande.
Par jugement du 1er novembre 2001, le Tribunal des prud'hommes a
condamné
A.________ à payer à son ancienne employée la somme de 1500 fr., avec
intérêts à 5% dès le 31 août 2000.

Dame B.________ a appelé de ce jugement, en reprenant ses précédents
moyens.
A.________ a formé appel incident en concluant à la condamnation de
l'appelante principale au paiement de 1579 fr.50 avec intérêts à 5%
dès le 30
septembre 2000, 1632 fr.15 avec intérêts à 5% dès le 31 octobre 2000,
11 953
fr.45 + TVA et intérêts à 5% dès le 6 juillet 2000 et 1329 fr.70 +
TVA et
intérêts à 5% dès le 2 juin 2000.

Statuant par arrêt du 16 septembre 2002, la Cour d'appel de la
juridiction
des prud'hommes du canton de Genève a condamné A.________ à payer à
dame
B.________ la somme nette de 5922 fr. avec intérêts à 5% dès le 31
août 2000.
En substance, la juridiction cantonale a retenu que les conclusions
nouvelles
de A.________ étaient irrecevables dans la mesure où elles
outrepassaient
celles prises en première instance. Le licenciement était abusif, ce
qui
donnait droit à l'appelante principale de réclamer une indemnité que
la cour
cantonale a fixée à trois mois de salaire, soit 5922 fr. L'ancienne
employée
n'avait par contre pas droit à une indemnité pour tort moral, le
profond état
dépressif ayant trouvé son origine dans les douleurs lancinantes
consécutives
à l'accident de circulation de 1990.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt mentionné ci-dessus et de renvoyer
la
cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision. Invoquant l'art.
9 Cst.,
le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié
contrairement à la
réalité le témoignage de son clerc, dame C.________, au sujet de la
lettre de
congé du 1er juin 2000. Il fait également grief à la Cour d'appel de
n'avoir
pas porté en déduction du montant de 5922 fr. la somme de 4541 fr.35,
représentant le total de trois montants déjà versés à son ancienne
employée
ou dus par cette dernière.

L'intimée conclut au rejet du recours.

La Cour d'appel se réfère à son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

L'arrêt attaqué est final dans la mesure où, d'une part, la cour
cantonale a
déclaré irrecevables certaines conclusions du recourant et, d'autre
part, a
rejeté une partie de ses moyens libératoires par une décision au fond
qui
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou
cantonal, s'agissant du grief de violation directe d'un droitde rang
constitutionnel (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).

Le recourant est personnellement touché par la décision entreprise,
qui
écarte ses conclusions libératoires en grande partie, de sorte qu'il
a un
intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
décision
n'ait pas été adoptée en violation de ses droits constitutionnels; en
conséquence, la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit lui être
reconnue.

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par
la loi
(art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est à cet égard recevable.

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 III 50 consid. 1c et les
arrêts
cités, p. 53/54).

1.3 En raison de la nature cassatoire du recours de droit public (ATF
127 II
1 consid. 2c in fine p. 5; III 279 consid. 1b p. 282 et les
références), la
conclusion tendant au renvoi de la procédure devant la Cour d'appel
pour
nouvelle décision dans le sens des considérants est superflue.

2.
2.1Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 128 I 81
consid. 2 p.
86, 177 consid. 2.1 p. 182; II 259 consid. 5 p. 280/281).

2.2 Saisi d'un recours de droit public mettant en cause
l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a; 120
Ia 31
consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts cités).
Une
constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la
version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'une ou l'autre des
parties; encore faut-il que l'appréciation des preuves soit
manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective,
qu'elle
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe
juridique clair
et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de façon grossière le
sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30), ce qu'il
appartient
au recourant d'établir (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts
cités).

2.3
2.3.1Le recourant se plaint tout d'abord de ce que la Cour d'appel
aurait
ignoré la réalité des faits en ne retenant que ceux "à charge" de la
déposition du témoin "clef", soit dame C.________.

A cet égard, la cour cantonale, au consid. 3 in fine de l'arrêt
critiqué, a
confirmé le jugement du Tribunal des prud'hommes, qui considérait que
le
licenciement avait été motivé par les démarches de l'employée auprès
de
l'Ordre des avocats de Genève; la Cour d'appel a notamment précisé
que "la
manoeuvre destinée à laisser penser que cet envoi avait précédé la
réception
du pli adressé par l'Ordre des avocats ne fait d'ailleurs que
confirmer le
lien causal entre le contenu de ce pli et l'avis de licenciement".

A ce sujet, le recourant ne conteste pas qu'il a reçu la lettre de
l'Ordre
des avocats du 31 mai 2000 le 2 juin suivant dans la matinée. De
plus, il
ressort du dossier, soit plus particulièrement de l'enveloppe
contenant la
lettre de résiliation du contrat de travail, du 1er juin 2000, que
cette
dernière a été postée le 2 juin 2000 peu avant 22 heures. Par rapport
à ces
indices matériels non contestés et univoques, la déposition de dame
C.________ n'est pas d'une grande clarté en ce sens qu'elle contient
certains
éléments se trouvant en contradiction avec les autres. Ainsi, le
témoin a
déclaré qu'elle ne travaillait pas à l'étude les jours fériés,
notamment pas
l'Ascension ou le 1er août, et qu'elle aurait été frappée si elle
avait dû
venir travailler un de ces jours-là, alors que son employeur, Me
A.________,
venait régulièrement travailler à ces occasions. Le témoin a également
rapporté qu'elle n'antidatait ni ne postdatait des courriers mais
qu'il était
"possible que cela soit fait, sans qu(' elle) sache par qui". Elle a
enfin
ajouté que "si le 1er juin 2000, je n'ai pas travaillé, j'ai dû
écrire le
courrier un ou deux jours avant ou peut-être le 1er juin; si Me
A.________
m'avait demandé de venir une ou deux heures ce jour-là, j'aurais alors
travaillé un jour férié".

En retenant de ce témoignage, non exempt de contradictions et
comportant une
déposition hypothétique ("si le 1er juin 2000 je n'ai pas travaillé,
j'ai dû
écrire ..."), que la lettre de résiliation du 1er juin 2000 était
postérieure
à la réception du courrier de l'Ordre des avocats et motivée par ce
dernier,
la Cour d'appel n'a pas apprécié arbitrairement le témoignage de dame
C.________, mais s'est appuyée sur les parties de sa déclaration qui
étaient
énoncées directement, sans réserve ni condition, et qui
correspondaient à la
chronologie découlant de l'examen des indices matériels. La cour
cantonale
pouvait de façon soutenable préférer ces parties de la déposition,
corroborées par d'autres éléments, au jeu d'hypothèses évoquées par le
témoin. Il n'y a en effet aucun arbitraire à trouver une force de
conviction
supérieure dans une déposition pure et simple, confirmant des éléments
matériels dûment constatés, plutôt que dans des hypothèses ne
reposant sur
rien.

Le premier moyen du recourant est dénué de fondement.

2.3.2 Le recourant fait ensuite grief à la Cour d'appel d'avoir
constaté les
faits de manière lacunaire en n'imputant pas, sur l'indemnité à
payer, divers
montants qui auraient déjà été versés à l'intimée ou qui seraient dus
par
elle.

Sur ce point, la cour cantonale s'est référée à l'art. 312 de la loi
de
procédure civile genevoise (LPC gen.), applicable en l'espèce par
renvoi de
l'art. 11 de la loi sur la juridiction des prud'hommes. L'art. 312
LPC gen.
prévoit que la cour ne peut statuer sur aucun chef de demande qui n'a
pas été
soumis aux premiers juges, sous réserve de diverses exceptions,
notamment la
compensation pour cause postérieure au jugement de première instance
(art.
312 let. a LPC gen.). En appliquant strictement le principe de
l'immutabilité
du litige, et en relevant que les prétentions compensatoires du
recourant
étaient antérieures au jugement du Tribunal des prud'hommes, la cour
cantonale a interprété le droit de procédure pertinent d'une manière
qui
échappe au grief d'arbitraire. En particulier, les créances
compensatoires
invoquées datent respectivement d'octobre et de juin 2000, de sorte
qu'elles
sont largement antérieures au jugement de première instance rendu par
le
Tribunal des prud'hommes le 1er novembre 2001.

Le second moyen du recourant doit être rejeté.

3.
Il suit de là que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa
recevabilité. La procédure fédérale est gratuite puisqu'elle a trait
à un
différend résultat du contrat de travail dont la valeur litigieuse
déterminante, calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 II 30
consid. 5b p. 42), ne dépasse pas le plafond de 30 000 fr. fixé
à
l'art. 343
al. 2 CO.Cette disposition ne dispense cependant pas la partie qui
succombe
de verser à la partie adverse une indemnité à titre de dépens (ATF
115 II 30
consid. 5c p. 42).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2000 fr. à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour
d'appel de
la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.

Lausanne, le 6 janvier 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.223/2002
Date de la décision : 06/01/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-01-06;4p.223.2002 ?
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