La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2002 | SUISSE | N°I.531/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 décembre 2002, I.531/02


{T 7}
I 531/02

Arrêt du 30 décembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

G.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 janvier 2002)

Faits :

A.
G. ________, née en 1945, a travaillé en qualité d'ouvrière affectée
au
conditionnement de produits alimentaires. A partir ...

{T 7}
I 531/02

Arrêt du 30 décembre 2002
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

G.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 janvier 2002)

Faits :

A.
G. ________, née en 1945, a travaillé en qualité d'ouvrière affectée
au
conditionnement de produits alimentaires. A partir du mois de mars
1991, elle
a réduit à 70 % son taux d'occupation dans cette activité.

Souffrant de rhumatisme inflammatoire, elle a déposé, le 9 novembre
1993, une
demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi
d'une
mesure de reclassement dans une nouvelle profession ou d'une rente.
Par
décision du 12 mars 1996, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton
de Vaud (ci-après : l'Office AI) a rejeté la demande aux motifs que
le degré
d'invalidité était insuffisant pour ouvrir droit à une rente et que
l'activité exercée habituellement par l'assurée était adaptée à son
état de
santé, raison pour laquelle la demande tendant à l'octroi des mesures
de
reclassement était également infondée.

Le 15 juin 1998, G.________ a déposé une nouvelle demande de rente de
l'assurance-invalidité en invoquant une aggravation de l'atteinte à
la santé.
Par décision du 13 décembre 2000, l'Office AI a rejeté la nouvelle
demande
aux motifs que l'atteinte à la santé de l'assurée ne s'était pas
aggravée et
que la capacité de travail de cette dernière dans son activité
habituelle ne
s'était pas modifiée de manière à influencer son droit à une rente.

B.
Par jugement du 14 janvier 2002, le Tribunal des assurances du canton
de Vaud
a rejeté le recours de l'assurée contre cette décision.

C.
G.________ interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont elle requiert la réformation, en ce sens que l'Office AI doit
entrer en
matière sur sa nouvelle demande du 15 juin 1998. Elle requiert en
outre une
indemnité de dépens.

L'Office AI conclut au rejet du recours, cependant que l'Office
fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière
s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50
% au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans
les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Lorsque la rente ou l'allocation pour impotent a été refusée parce
que le
degré d'invalidité était insuffisant ou parce qu'il n'y avait pas
d'impotence, la nouvelle demande ne peut être examinée que si
l'assuré rend
plausible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de
manière à
influencer ses droits (art. 87 al. 3 et 4 RAI).

Quand l'administration constate que les allégations de l'assuré ne
sont pas
plausibles, elle liquide l'affaire par un refus d'entrée en matière,
sans
autres investigations. En revanche, si elle entre en matière sur la
nouvelle
demande, elle doit examiner l'affaire au fond et vérifier que la
modification
de l'invalidité ou de l'impotence rendue plausible par l'assuré est
réellement intervenue; elle doit donc procéder de la même manière
qu'en cas
de révision au sens de l'art. 41 LAI. Si elle arrive à la conclusion
que
l'invalidité ou l'impotence ne s'est pas modifiée depuis sa précédente
décision, entrée en force, elle rejette la demande. Dans le cas
contraire,
elle doit encore examiner si la modification constatée suffit à
fonder une
invalidité ou une impotence donnant droit à prestations, et statuer en
conséquence. En cas de recours, le même devoir de contrôle quant au
fond
incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a, 10 V 114 consid. 2a et b).

Le point de savoir si une telle modification s'est produite doit être
tranché
en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la
décision
initiale de rente et les circonstances régnant à l'époque de la
décision
litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également
ATF 112 V
372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

1.2 En l'espèce, et à réception de cette nouvelle demande, l'Office
AI a
procédé à diverses mesures d'instruction en recueillant des
renseignements
d'ordre médical (rapports des 12 avril 1999 et 25 janvier 2000 du
docteur
W.________, généraliste et médecin traitant de l'assurée) et
économique
(questionnaire pour l'employeur). Par ailleurs, aux termes de la
décision du
13 décembre 2000, l'Office AI a rejeté la nouvelle demande du 15 juin
1998,
motifs pris que l'atteinte à la santé de l'intéressée ne s'était pas
aggravée
et que sa capacité de travail dans son activité habituelle était
restée la
même. L'Office AI est ainsi entré en matière sur la nouvelle demande,
contrairement à ce que semblent croire la juridiction cantonale et la
recourante.

2.
Le litige porte dès lors sur le point de savoir si l'invalidité de la
recourante s'est modifiée de manière à influencer son droit à une
rente,
entre le 12 mars 1996, date à laquelle ce droit lui a été dénié pour
la
première fois, et le 13 décembre 2000, date du second refus de
prestations.

2.1
Selon la jurisprudence, la rente peut être révisée non seulement en
cas de
modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci
est
resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de
gain ont
subi un changement important (ATF 113 V 275 consid. 1a et les arrêts
cités;
voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le
juge,
s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement
aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle
mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de
travailler. En
outre, les données médicales constituent un élément utile pour
déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré
(ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158
consid.
1).

2.2
2.2.1Selon les avis médicaux versés au dossier préalablement à la
décision du
12 mars 1996 (rapports des docteurs W.________ [du 18 avril 1995] et
L.________, chirurgien orthopédique [du 23 décembre 1994]), l'assurée
souffrait de douleurs articulaires, principalement aux genoux et aux
poignets. Le diagnostic posé mentionnait une synovite chronique
(suspicion de
polyarthrite rhumatoïde séronégative), un état dépressif récidivant
et un
début d'emphysème pulmonaire. De l'avis de ces médecins, l'intéressée
n'était
pas en mesure d'accomplir un horaire complet de travail étant donné
que
l'activité qu'elle exerçait s'effectuait en position debout, lui
occasionnant
fatigue, douleurs et enflures articulaires après quelques heures.
C'est la
raison pour laquelle elle présentait dès lors une capacité de travail
résiduelle de 60 à 70 % dans son activité habituelle.

2.2.2 Appelé à statuer sur la nouvelle demande de la recourante,
l'Office AI
a sollicité plusieurs avis du docteur W.________. Aux termes des
rapports des
12 avril 1999 et 25 janvier 2000 de ce médecin, l'assurée souffre
d'arthralgies multiples, de fibromyalgie, d'arthrose fémoro-tibiale
interne
gauche, de chondrocalcinose, ainsi que d'un état anxio-dépressif
chronique et
présente, depuis le 8 mai 2000, une incapacité entière de travail. Le
9 juin
2001, le docteur W.________ a encore produit, à la demande de sa
patiente, un
avis complémentaire, selon lequel l'atteinte à la santé de l'assurée
s'est
manifestement aggravée et «l'incapacité de gain» de cette dernière,
dans son
activité habituelle, est supérieure à deux tiers.
Selon la juridiction cantonale, il convient de s'écarter de ces avis
médicaux
au motif qu'ils émanent d'un médecin généraliste et de se référer au
rapport
établi le 16 juillet 1997 par le docteur A.________, spécialiste en
médecine
interne et des maladies rhumatismales. Dans ce rapport, ce médecin a
diagnostiqué une arthrose fémoro-tibiale interne gauche secondaire à
une
probable chondrocalcinose, une coxarthrose gauche débutante, ainsi
qu'un état
dépressivo-anxieux et indiqué que la bonne fonction des genoux
permettait à
l'assurée de reprendre son travail. Comme ce rapport ne tient pas
compte de
l'évolution de l'atteinte à la santé de l'assurée depuis le mois de
juillet
1997, il ne saurait prévaloir en toute hypothèse sur l'avis du docteur
W.________ donné postérieurement (rapports des 12 avril 1999 et 25
janvier
2000), cela d'autant moins que dans un rapport subséquent daté du 4
mai 1998,
le docteur A.________ a modifié son précédent diagnostic en faisant
état -
comme le docteur W.________ - d'une fibromyalgie, ainsi que d'un état
dépressif, sans toutefois se déterminer plus avant sur la capacité de
travail
de l'assurée.

Dans ces conditions, c'est à tort que la juridiction cantonale a
considéré
qu'il se justifiait de s'écarter de ces rapports médicaux qui sont au
demeurant fondés sur des diagnostics clairs et motivés.

2.2.3 Sur le vu de ce qui précède, on doit admettre que, depuis la
décision
initiale du 12 mars 1996, l'augmentation de l'incapacité de travail de
l'assurée, dans son activité habituelle, constitue une modification
importante des circonstances qui est de nature à influencer le degré
d'invalidité de l'assurée, donc son droit à une rente. En regard de
la nature
économique de l'invalidité (art. 28 al. 2 LAI), le fait que la nature
des
troubles de l'assurée se soit ou non significativement modifiée n'est
pas
déterminant étant donné que ce n'est pas tant l'état de santé que les
conséquences de celui-ci sur la capacité de travail, respectivement
de gain
de l'intéressée qui sont décisives.

3.
Cela étant, il convient enfin d'examiner si la diminution de la
capacité de
travail de l'assurée dans son activité habituelle suffit à entraîner
une
modification de l'invalidité propre à influencer le droit à une rente.

3.1 Selon l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le
revenu
du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité
qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du
travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide.

En vertu de l'art. 27bis al. 1 RAI, l'invalidité des assurés qui
n'exercent
que partiellement une activité lucrative est, pour cette part,
évaluée selon
l'art. 28 al. 2 LAI. S'ils se consacrent en outre à leurs travaux
habituels
au sens de l'art. 5 al. 1 LAI, l'invalidité est fixée selon l'art. 27
RAI
pour cette activité. Dans ce cas, il faudra déterminer la part
respective de
l'activité lucrative et celle de l'accomplissement des autres travaux
habituels et calculer le degré d'invalidité d'après le handicap dont
l'assuré
est affecté dans les deux activités en question (méthode mixte
d'évaluation
de l'invalidité). Ainsi, il faut évaluer d'une part l'invalidité dans
les
travaux habituels par comparaison des activités (art. 27 RAI) et
d'autre part
l'invalidité dans une activité lucrative par comparaison des revenus
(art. 28
al. 2 LAI) ; on pourra alors déterminer l'invalidité globale d'après
le temps
consacré à ces deux champs d'activité (ATF 104 V 136 consid. 2a; RCC
1992 p.
136 consid. 1b).

3.2 Il ressort du dossier que depuis 1991, l'assurée n'exerce pas une
activité lucrative à plein temps. Pour calculer l'invalidité globale
de cette
dernière, il faut par conséquent évaluer l'invalidité qu'elle subit,
d'une
part, dans l'exercice de son activité lucrative par comparaison des
revenus
et, d'autre part, dans l'accomplissement des autres travaux habituels
par
comparaison des activités. Or, ni l'Office AI ni les premiers juges
n'ont
tenu compte du fait que la recourante n'exerçait que partiellement une
activité lucrative. Il convient donc, pour ce motif également, de
renvoyer la
cause à l'administration pour qu'elle évalue l'invalidité en
appliquant la
méthode mixte d'évaluation.

Par ailleurs, afin de pouvoir examiner en connaissance de cause le
degré
d'invalidité de l'intéressée, il appartenait à l'administration
d'instruire
la cause en réunissant toutes les informations nécessaires (art. 88
al. 4 en
relation avec l'art. 69 RAI) ce qu'elle n'a fait que partiellement.
En effet,
les avis médicaux figurant au dossier font état d'une atteinte à la
santé
entraînant une incapacité entière de travail de l'assurée uniquement
dans son
activité habituelle. En revanche, l'administration n'a recueilli aucun
renseignement quant à d'éventuelles possibilités de préserver la
capacité de
gain de l'intéressée au moyen d'une activité lucrative adaptée à son
état de
santé. Ce faisant, elle a omis de tenir compte du principe selon
lequel il
appartient au premier chef à l'assurée d'atténuer le mieux possible
les
conséquences de son invalidité (ATF 113 V 28 consid. 4a et les
références),
ce qui se traduit par
la prise en compte, dans l'évaluation de
l'invalidité,
du revenu d'invalide réalisable dans une activité raisonnablement
exigible
(cf. art. 28 al. 2 LAI).

En l'absence d'informations sur ces points, il n'est pas possible de
se
prononcer sur le degré d'invalidité de l'assurée et donc sur son
éventuel
droit à une rente. Dans ces circonstances, il convient de renvoyer la
cause à
l'Office AI afin qu'il rende une nouvelle décision après complément
d'instruction.

4.
La recourante, qui obtient gain de cause, est représentée par un
avocat de la
Fédération suisse pour l'intégration des handicapés. Elle a donc
droit à une
indemnité de dépens à charge de l'Office AI (art. 159 al. 1 en
relation avec
l'art. 135 OJ; SVR 1997 IV no 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du
canton de
Vaud du 14 janvier 2002, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 13 décembre 2000 sont
annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction
complémentaire
au sens des considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à la
recourante la somme de 2000 fr. à titre de dépens (y compris la taxe
sur la
valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens
pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.531/02
Date de la décision : 30/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-30;i.531.02 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award