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24/12/2002 | SUISSE | N°5C.245/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 décembre 2002, 5C.245/2002


{T 0/2}
5C.245/2002 /frs

Arrêt du 24 décembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christian Luscher,
avocat, rue
Saint-Ours 5, 1205 Genève,

contre

A.________,
B.________,
demanderesses et intimées,
toutes les 2 représentées par Me Mauro Poggia, avocat, rue de
Beaumont 11,
1206 Genève.

revendication, droit de gage,

recours en rÃ

©forme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 13 septembre 2002.

Faits:

A.
Le cap...

{T 0/2}
5C.245/2002 /frs

Arrêt du 24 décembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffier Abrecht.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Christian Luscher,
avocat, rue
Saint-Ours 5, 1205 Genève,

contre

A.________,
B.________,
demanderesses et intimées,
toutes les 2 représentées par Me Mauro Poggia, avocat, rue de
Beaumont 11,
1206 Genève.

revendication, droit de gage,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 13 septembre 2002.

Faits:

A.
Le capital-actions de la SI G.________ en liquidation est détenu par
A.________ à raison de 11,5 actions au porteur, et par ses enfants
B.________
et C.________ à raison de 3 actions au porteur chacun.

Par contrat de prêt du 6 janvier 1999, X.________ SA a consenti à
C.________
ainsi qu'à D.________ un prêt de 250'000 fr. Aux termes du contrat,
cette
somme était remboursable au plus tard le 6 février 1999, échéance à
laquelle
devait en outre être payé un montant de 30'000 fr. à titre d'intérêts
et de
commission d'intervention. En garantie de ce prêt, C.________ a remis
à
X.________ SA 14,5 actions au porteur de la SI G.________; il
s'agissait des
actions appartenant à sa mère et à sa soeur, car C.________ avait
déjà remis
en garantie auprès d'un tiers les 3 actions lui appartenant.

Le montant n'ayant pas été remboursé à l'échéance convenue,
X.________ SA a
introduit le 7 mai 1999 une poursuite en réalisation de gage (n° 99
xxxx) à
l'encontre de C.________, pour un montant de 280'000 fr. avec
intérêts à 5%
l'an dès le 6 février 1999. Cette poursuite est parvenue au stade de
la
réquisition de réalisation du gage.

B.
A.________ et B.________ ont adressé à l'Office des poursuites une
revendication portant sur leurs actions de la SI G.________ faisant
l'objet
du gage. Elles ont en outre obtenu des autorités judiciaires
genevoises la
saisie conservatoire de ces actions en mains de la fiduciaire
T.________, qui
les détenait pour le compte de X.________ SA. La saisie des actions a
été
exécutée par H.________, huissier judiciaire, dont les honoraires se
sont
élevés à 963 fr. 40.

C.
Dans le délai qui lui a été assigné par l'Office des poursuites pour
agir en
contestation de la prétention du tiers revendiquant (art. 108 LP),
X.________
SA a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une
action
tendant à la constatation de la validité de son droit de gage sur les
14,5
actions de la SI G.________ et au rejet des prétentions de propriété
de
A.________ et B.________; elle a parallèlement demandé au Tribunal de
dire
que la poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx ira sa voie.
A.________ et
B.________ ont conclu au déboutement de X.________ SA de toutes ses
conclusions.

Le 4 octobre 2000, A.________ et B.________ ont quant à elles saisi le
Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête en
revendication dirigée contre X.________ SA. Elles ont demandé au
Tribunal de
constater leur droit de propriété sur respectivement 11,5 et 3
actions de la
SI G.________, de dire que le droit de gage invoqué par X.________ SA
n'avait
pas été valablement constitué, de les autoriser à reprendre la pleine
propriété des 14,5 actions se trouvant en mains de H.________ et de
condamner
X.________ SA à leur verser la somme de 963 fr. 40 (représentant les
honoraires de l'huissier judiciaire) avec intérêts à 5% l'an dès le 4
octobre
2000. Elles ont exposé que X.________ SA ne pouvait pas ignorer que
C.________ n'était pas le propriétaire des actions au porteur et
qu'il ne
pouvait pas en disposer; la bonne foi du créancier gagiste,
nécessaire à la
constitution du droit de gage, n'était ainsi pas réalisée. Cette
procédure a
été jointe à celle ouverte par X.________ SA en contestation de la
prétention
du tiers revendiquant.

D.
Par jugement du 31 janvier 2002, le Tribunal de première instance a
constaté
le plein droit de propriété de A.________ et B.________ sur
respectivement
11,5 et 3 actions au porteur de la SI G.________, a constaté que
X.________
SA n'avait aucun droit de gage sur ces actions, a autorisé
A.________ et
B.________ à demander leur restitution à H.________ et a condamné
X.________
SA à verser à A.________ et B.________, agissant conjointement, la
somme de
963 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000. Le Tribunal
a en
outre débouté X.________ SA de toutes ses conclusions et a dit que la
poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx n'ira pas sa voie.

E.
Statuant par arrêt du 13 septembre 2002 sur appel de X.________ SA, la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le
jugement de première instance.

E.a La cour cantonale a fondé sa décision, outre sur les faits déjà
exposés
ci-dessus, sur les faits pertinents suivants :
E.a.a Le prêt en faveur de C.________ a été consenti par Y.________,
qui est
administrateur de X.________ SA sans en être actionnaire. Le même
Y.________
est également président du conseil d'administration de la fiduciaire
T.________, organe de contrôle de la SI G.________, et il était enfin
liquidateur de cette dernière société à compter de début 1999
jusqu'au 13
juillet 2000. De par ses diverses charges, Y.________ connaissait la
configuration de l'actionnariat de la SI G.________ et le nombre
d'actions
détenu par chacun des actionnaires.

Suite à la demande de prêt de C.________ et D.________, Y.________
s'est
enquis auprès de C.________ s'il avait la libre disposition des 14,5
actions
de la SI G.________ et l'autorisation expresse de les remettre en
nantissement. C.________ a répondu par l'affirmative en ajoutant qu'il
"allait les chercher", d'où, semble-t-il, un second rendez-vous
quelques
jours plus tard.

Le 6 janvier 1999, C.________, accompagné de D.________, est venu
avec les
actions. Y.________ ne lui a pas demandé d'attestation écrite
confirmant
qu'il était en droit de remettre ces actions en nantissement; il lui
a fait
confiance. Sur les 14,5 actions reçues, Y.________ savait que
A.________
détenait 11,5 actions; il dit avoir ignoré si les trois autres
étaient celles
de C.________ ou celles de B.________. Selon C.________, Y.________
savait
que les 3 actions qu'il détenait avaient déjà été remises en garantie
auprès
d'un tiers et qu'il n'était donc pas habilité à en disposer une
nouvelle
fois.

E.a .b Les actions de la SI G.________ appartenant à la famille
A________ et
B.________ étaient entreposées dans un coffre auprès d'UBS SA.
C.________ a
déclaré qu'il n'avait plus l'autorisation d'accéder au coffre sans
l'aval de
sa mère. Selon l'établissement bancaire, C.________ et B.________
étaient au
contraire au bénéfice d'une procuration individuelle en janvier 1999.

C. ________ dit avoir obtenu de sa mère son consentement pour
disposer des
11,5 actions lui appartenant; il pense que sa mère avait compris le
sens de
sa demande. Quant à B.________, elle n'a pas été informée de la mise à
disposition des 3 actions lui appartenant; C.________ en a disposé
sans son
consentement, sachant qu'il ne l'obtiendrait pas s'il le lui
demandait.

E.a .c Le 21 janvier 1999, une assemblée générale s'est tenue en vue
de la
mise en liquidation de la SI G.________. Y.________ y a participé. La
totalité du capital-actions devait être présentée au notaire.
C.________ et
Y.________ sont convenus qu'il n'y serait pas fait état de la mise en
gage de
14,5 actions, au motif que C.________ allait rapidement rembourser sa
dette.

Le 1er septembre 1999, A.________, qui est une femme âgée vivant des
revenus
qu'elle tire de la location de l'immeuble, a tenté de mettre fin à
ses jours
après la découverte des agissements de son fils C.________; elle a été
hospitalisée pendant plus de trois mois pour un état dépressif.

Précédemment, C.________ avait déjà remis en garantie quatre cédules
hypothécaires de la SI G.________, dont trois appartenaient à sa mère
et une
à sa soeur, sans le consentement de ces dernières. Il lui est en
outre arrivé
de disposer d'actions d'une autre SI appartenant à sa soeur sans le
consentement de celle-ci.

E.b La motivation en droit de l'arrêt attaqué est en substance la
suivante :
E.b.a S'il est constant que C.________ a disposé des actions
appartenant à sa
soeur sans le consentement de celle-ci, la situation est plus
incertaine en
ce qui concerne A.________. Selon les juges cantonaux, "[i]l est
probable que
C.________ lui en ait parlé, même si son aval n'était pas
indispensable pour
aller prendre possession des actions à la banque. Il est possible que
les
enjeux n'aient pas été perçus dans toute leur complexité par
A.________, sans
soutenir pour autant que cette incompréhension soit née d'une volonté
expresse de la part de C.________. Compte tenu des expériences
passées,
notamment de l'affaire de la remise sans droit des cédules
hypothécaires
(...), il est peu probable que A.________ ait pu donner un
consentement
éclairé à la remise de ses 11,5 actions en vue de nantissement. On
peut
d'autant plus en douter à observer l'importance matérielle que
revêtent ses
actions d'une part, et sa tentative de suicide intervenue le 1er
septembre
1999 d'autre part."
E.b.b Selon la cour cantonale, il est toutefois possible de laisser
cette
question en suspens, attendu qu'à son avis, X.________ SA ne peut pas
exciper
de sa bonne foi dans le cas d'espèce pour les raisons suivantes :
"Tout d'abord, de par ses nombreuses fonctions, Y.________ connaissait
l'actionnariat de la SI G.________. Il savait que parmi les 14,5
actions
remises en nantissement par C.________ ne pouvaient pas figurer
celles du
principal intéressé dès lors qu'elles avaient déjà précédemment été
remises à
titre de garantie. En tant qu'homme avisé (il est expert-comptable de
formation), il savait d'autre part que les conditions du contrat
passé avec
C.________ et D.________, avec une échéance de remboursement à 30
jours,
rendaient le nantissement périlleux, grande étant la possibilité de
devoir
procéder à la validation du gage, compte tenu de son expérience en la
matière.

Ensuite, la Cour fonde aussi sa conviction sur l'intérêt qu'avait
Y.________
à la conclusion du contrat. On ne peut à cet égard qu'être frappé par
le fait
que la réquisition de vente engagée par X.________ SA ne porte que
sur le
montant de 250'000 fr., alors même que le montant global à rembourser
ascendait initialement à 280'000 fr. Pour pouvoir bénéficier de cette
manne
de 30'000 fr., Y.________ pourrait avoir omis de se montrer trop
regardant
sur la réalité du consentement des mère et soeur de C.________ et sur
les
conditions de son obtention.

Il est significatif qu'un homme versé dans le domaine financier, de
par sa
formation et ses fonctions, n'ait pas exigé une preuve écrite du
consentement
des titulaires des actions dont se prévalait C.________, Y.________
ne le
souhaitait manifestement pas. En effet, en d'autres occasions, il
avait pris
le soin de s'assurer du consentement des actionnaires comme il l'a
expliqué
devant le Tribunal.

Un indice du défaut de bonne foi de X.________ SA réside encore dans
l'attitude ultérieure d'Y.________. Dans un courrier échangé avec le
conseil
des intimées, il dit ne pas connaître l'actionnariat de la SI
G.________, ce
qui est contraire à la vérité, comme il l'admet lui-même. Enfin,
C.________
et lui-même sont convenus de ne pas évoquer le nantissement des
actions à
l'assemblée générale du 21 janvier 1999. Ce silence volontaire révèle
bien
l'embarras d'Y.________ vis-à-vis de A.________ et B.________.

Pour l'ensemble de ces raisons, la Cour en conclut qu'Y.________
aurait dû,
pour le compte de X.________ SA, se renseigner pour savoir si ce
consentement
avait été obtenu. Il lui était facile de demander cette preuve à
C.________,
voire d'interroger lui-même sa mère et sa soeur; la possession des
actions
n'est pas suffisante, en l'espèce, pour admettre le pouvoir d'en
disposer et
X.________ SA ne saurait en conséquence se prévaloir de sa bonne foi."

F.
Contre l'arrêt de la Cour de justice, X.________ SA interjette dans
une seule
et même écriture un recours de droit public et un recours en réforme
au
Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, sur
recours de
droit public, à l'annulation de l'arrêt attaqué, et sur recours en
réforme, à
la réforme de cet arrêt dans le sens des conclusions déjà prises en
appel, à
savoir : dire que le droit de gage de X.________ SA sur les actions
litigieuses est déclaré valable et déploie tous ses effets; écarter
les
revendications de A.________ et B.________ sur ces actions; ordonner à
l'huissier judiciaire conservant ces actions de les restituer à
X.________
SA; condamner A.________ et B.________ à verser à X.________ SA la
somme de
963 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000; dire que la
poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx ira sa voie; enfin,
condamner
A.________ et B.________ à tous les frais et dépens.

A. ________ et B.________ n'ont pas été invitées à répondre aux
recours.

Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté le recours de droit
public
dans la mesure où il était recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon
la jurisprudence, un recours de droit public et un recours
en
réforme ne peuvent en principe pas être réunis dans un seul acte de
recours,
car ces deux moyens de droit sont soumis à des règles de procédure
différentes, et ils se distinguent clairement par le type de griefs
que
chacun permet de soulever; une exception ne se justifie que si les
deux
recours sont séparés dans leur présentation et ne sont pas non plus
confondus
quant à leur contenu, mais que le recourant expose séparément et
distinctement pour chaque recours ce qu'il entend faire valoir avec
celui-ci
(ATF 115 II 396 consid. 2a; 103 II 218 consid. 1a et les arrêts
cités). En
l'espèce, l'acte de recours unique présenté par la recourante est
admissible,
dès lors qu'il présente séparément et distinctement les conclusions
prises
dans le cadre du recours de droit public et dans celui du recours en
réforme,
ainsi que les griefs soulevés à l'appui de chacun de ces recours.

1.2 La décision rendue sur une action en revendication ou en
contestation de
la revendication au sens de l'art. 108 LP tranche une contestation de
droit
des poursuites qui doit toutefois être assimilée à une contestation
civile
pouvant en principe faire l'objet d'un recours en réforme (ATF 86 III
134
consid. 1 p. 137; 93 II 436 consid. 1; cf. ATF 89 II 192 consid. 1b
p. 197
sur la détermination de la valeur litigieuse dans une telle
procédure). Les
droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent
largement la
valeur d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la
recevabilité
du recours en réforme dans les affaires pécuniaires autres que celles
visées
à l'art. 45 OJ, de sorte que le recours est recevable sous cet angle.
Déposé
en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, il est également recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48
al. 1
OJ.

2.
2.1 La recourante se plaint en premier lieu d'une violation des règles
fédérales en matière de preuve. Elle reproche à la cour cantonale
d'avoir
perdu de vue que ce sont les intimées qui invoquent le défaut de
consentement
pour faire obstacle au nantissement, et qui se prévalent en
conséquence d'un
fait dirimant (l'absence de consentement) qui empêche la réalisation
d'une
règle de droit (l'art. 901 CC). Dès lors, selon la recourante, si les
juges
cantonaux doutaient de l'acceptation en pleine connaissance de cause
par
A.________ de la mise en gage des actions, ils devaient faire
supporter ce
doute aux intimées qui avaient la charge de cette preuve.

Par ailleurs, la recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir
procédé à
l'analyse de la bonne foi du créancier gagiste sans trancher
préalablement la
question de savoir si C.________ disposait du consentement de sa mère
pour
mettre en gage les actions au porteur : une telle manière de faire
violerait
le droit fédéral, car l'application de l'art. 884 al. 2 CC et la
question de
la bonne foi ne se posent qu'en cas d'absence du pouvoir de disposer
de la
part du constituant du gage.

2.2 Des actions peuvent être constituées en gage (art. 899 al. 1
CC). Sauf
disposition contraire, les règles du nantissement (art. 884 à 894 CC)
sont
applicables (art. 899 al. 2 CC). L'engagement d'actions au porteur
s'opère
par leur seule remise au créancier gagiste (art. 901 al. 1 CC). Tout
comme
l'art. 884 CC s'agissant du nantissement, l'art. 901 CC règle
uniquement
l'acte de disposition (cf. Paul-Henri Steinauer, Les droits réels,
tome III,
2e éd. 1996, n. 3157g), et non les autres aspects tels que le contrat
constitutif de gage et le pouvoir de disposer de l'objet du gage
(Thomas
Bauer, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 1998, n.
1 ad
art. 901 CC).

La constitution d'un droit de gage exige en effet la conclusion d'un
contrat
de disposition par lequel le constituant manifeste sa volonté de
transférer
au créancier gagiste, en exécution de l'obligation résultant du
contrat
constitutif de gage, l'objet du droit de gage. A l'instar de tout
autre acte
de disposition, ce contrat de disposition n'est valable que si le
constituant
avait le pouvoir de disposer de l'objet du droit de gage (Dieter
Zobl, Berner
Kommentar, Band IV/2/5/1, 1982, n. 731 et 756 ad art. 884 CC; cf.
Steinauer,
op. cit., n. 3157g et 3157h, en ce qui concerne spécifiquement
l'engagement
de papiers-valeurs). Le propriétaire d'une chose a le pouvoir d'en
disposer
librement (art. 641 al. 1 CC), et donc de la grever (Zobl, op. cit.,
n. 730
ad art. 884 CC et les références citées). Il peut transférer ce
pouvoir à un
tiers, de sorte que le constituant du gage peut ne pas être
propriétaire de
l'objet du gage et se présenter vis-à-vis du créancier gagiste comme
ayant
l'autorisation de grever la chose d'autrui (Bauer, op. cit., n. 121
ad art.
884 CC; Zobl, op. cit., n. 35 ss et n. 747 ss ad art. 884 CC). Si
cette
autorisation a été donnée, le droit de gage sur des titres au porteur
est
valablement constitué par la seule remise des titres au créancier
gagiste
(art. 901 al. 1 CC), même dans le cas où ce dernier croyait par
erreur que le
constituant n'avait pas le droit de disposer de l'objet du gage
(Bauer, op.
cit., n. 121 ad art. 884 CC).

L'art. 884 al. 2 CC ¿ aux termes duquel celui qui, de bonne foi,
reçoit une
chose en nantissement y acquiert un droit de gage, même si l'auteur du
nantissement n'avait pas qualité d'en disposer (cf. art. 933 ss CC,
spécialement art. 935 CC pour les titres au porteur) ¿ ne peut trouver
application que si le constituant du gage n'avait objectivement pas
le droit
de disposer de l'objet du gage (Bauer, op. cit., n. 121 ad art. 884
CC), la
bonne foi suppléant alors l'absence du droit de disposition du
constituant
(ATF 81 II 339 consid. 4). En d'autres termes, la question de la
bonne ou
mauvaise foi du créancier gagiste ne peut se poser que si le
constituant
n'avait pas l'autorisation de disposer de l'objet du gage.

2.3 Il résulte de ce qui précède qu'on ne saurait en l'espèce,
contrairement
à l'avis de la cour cantonale, laisser en suspens la question de
savoir si
C.________ disposait de l'autorisation de sa mère pour remettre les
actions
de cette dernière en gage : si cette autorisation avait été donnée, la
question de la bonne ou mauvaise foi de la recourante ne se serait
pas posée.
La recourante a donc raison sur ce point. En revanche, elle a tort
lorsqu'elle prétend qu'il appartenait aux intimées de prouver que
C.________
n'avait pas le pouvoir de disposer des actions mises en gage et donc
que le
droit de gage n'a pas été valablement constitué. Cette opinion est
erronée,
pour les raisons suivantes :

Dans la procédure de tierce opposition des art. 106 ss LP, la
répartition du
rôle procédural des parties ne préjuge pas de la répartition du
fardeau de la
preuve, lequel doit être déduit des règles légales, notamment de la
règle
générale de l'art. 8 CC (ATF 116 III 82 consid. 2 in fine; 88 III 125
p. 127;
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la
faillite, 2000, n. 264 ad art. 106 LP; Staehelin, Kommentar zum
Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 28 ad art. 109 LP; sur
l'application de l'art. 8 CC, cf. ATF 128 III 271 consid. 2a/aa). En
l'espèce, du moment que A.________ et B.________ ont apporté la preuve
qu'elles étaient propriétaires des actions litigieuses ¿ et que la
recourante
connaissait leur droit de propriété ¿, il incombait à X.________ SA
d'établir
qu'elle était au bénéfice d'un droit de gage sur les actions
litigieuses, ce
qui ferait échec à la revendication de A.________ et B.________ (cf.
Zobl,
op. cit., n. 845 ad art. 884 CC). Il appartenait ainsi à la
recourante de
prouver que C.________ avait l'autorisation de disposer des actions
de sa
mère, ce qui constituait une condition de validité du contrat de
disposition
par lequel C.________ manifestait sa volonté de transférer ces
actions à la
recourante en exécution de l'obligation résultant du contrat
constitutif de
gage (cf. consid. 2.2 supra). Or selon l'arrêt attaqué, dont on a vu
lors de
l'examen du recours de droit public qu'il échappait au grief
d'arbitraire sur
ce point, il n'est pas établi que A.________ ait donné à son fils un
consentement éclairé à la remise de ses actions en vue de
nantissement. En
définitive, seule l'acquisition de bonne foi d'un droit de gage selon
l'art.
884 al. 2 CC peut ainsi entrer en considération.

3.
3.1 La recourante soutient que les juges cantonaux auraient violé
l'art. 884
al. 2 CC, en relation avec l'art. 3 CC selon lequel la bonne foi est
présumée, en retenant qu'elle n'était pas de bonne foi. Selon la
recourante,
aucun des motifs avancés par les juges cantonaux à l'appui de leur
conviction
(cf. lettre E.b.b supra) ne serait de nature à mettre en doute sa
bonne foi.

3.2 Aux termes de l'art. 884 al. 2 CC, celui qui, de bonne foi,
reçoit une
chose en nantissement y acquiert un droit de gage, même si l'auteur du
nantissement n'avait pas qualité d'en disposer. La bonne foi, qui
s'apprécie
selon les critères de l'art. 3 CC, est présumée (art. 3 al. 1 CC),
mais le
propriétaire de la chose donnée en nantissement peut renverser cette
présomption en apportant la preuve que le créancier gagiste savait
que le
constituant n'avait pas le pouvoir de disposer de la chose; il peut
aussi, en
vertu de l'art. 3 al. 2 CC, établir que le créancier gagiste, s'il
avait fait
preuve de l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de
lui,
aurait reconnu l'absence du pouvoir de disposer du constituant du
gage (Zobl,
op. cit., n. 814, 817 et 818 ad art. 884 CC et les références
citées). La
constatation de ce que le créancier gagiste savait ou ignorait à un
moment
donné relève du fait et lie le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 63
al. 2
OJ (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation
judiciaire, vol.
II, 1990, n. 4.3.2 ad art. 63 OJ et la jurisprudence citée), tandis
que la
question de ce qu'il aurait dû savoir relève du droit et peut être
examinée
librement par le Tribunal fédéral en instance de réforme.

La mesure de l'attention exigée par les circonstances est largement
une
question d'appréciation (art. 4 CC) et doit être déterminée d'après un
critère objectif, c'est-à-dire indépendamment des connaissances et des
aptitudes particulières de la partie (Zobl, op. cit., n. 822 ad art.
884 CC
et les références citées). Pour apprécier la bonne ou la mauvaise foi
du
créancier qui se fait remettre un gage, il faut se reporter à
l'époque de la
constitution du gage et ne tenir compte que des circonstances qui
étaient
alors connues ou reconnaissables, aucune inférence ne pouvant être
tirée de
faits postérieurs ou qui se sont révélés après coup (ATF 83 II 126
consid. 5
in limine; Zobl, op. cit., n. 840 ad art. 884 CC et les références
citées).

3.3 En l'espèce, la cour cantonale a accordé à juste titre une
importance
particulière au fait que Y.________ savait que C.________ n'était pas
le
propriétaire des actions remises en nantissement. D'ailleurs, suite à
la
demande de prêt, Y.________ s'est enquis auprès de C.________ si
celui-ci
avait l'autorisation expresse de remettre les actions en
nantissement. Or
lorsque C.________ est venu avec les actions quelques jours plus tard,
Y.________ ne lui a pas demandé d'attestation écrite confirmant qu'il
était
en droit de remettre ces actions en nantissement. Lors même que,
comme le
relève la recourante, il n'y a pas lieu de prendre en compte les
connaissances et aptitudes particulières de Y.________ ni l'attitude
adoptée
ultérieurement par celui-ci (cf. consid. 3.2 supra), il n'apparaît
pas que la
cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC;
cf. ATF
127 III 136 consid. 3a; 126 III 266 consid. 2b p. 273 et les arrêts
cités) en
considérant que Y.________ aurait dû s'assurer du consentement des
actionnaires, comme il l'avait fait en d'autres occasions et comme il
aurait
pu le faire facilement en en demandant la preuve à C.________ ou en se
renseignant lui-même auprès de la mère et de la soeur de ce dernier.

Par ailleurs, la référence qu'a faite la cour cantonale aux risques
particuliers du prêt consenti n'est pas sans pertinence pour
apprécier la
mesure de l'attention qui pouvait être exigée de Y.________ (cf. ATF
100 II 8
consid. 4a et les références citées; Zobl, op. cit., n. 825 ad art.
884 CC).
Les griefs de la recourante sur ce point sont au demeurant
irrecevables en
tant qu'ils reposent sur des déclarations de C.________ qui ne font
l'objet
d'aucune constatation dans l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. c et
63 al. 2
OJ). Apparaît également irrecevable, pour les mêmes motifs,
l'argumentation
de la recourante relative à une prétendue ratification par A.________
des
actes de son fils, dans la mesure où cette argumentation repose
entièrement
sur des allégations qui ne trouvent aucune assise factuelle dans
l'arrêt
attaqué.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours en réforme se révèle mal
fondé en
tant qu'il est recevable et ne peut donc qu'être rejeté dans cette
même
mesure, ce qui entraîne la confirmation de l'arrêt attaqué. Partant,
la
recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156
al. 1
OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que
les
intimées n'ont pas été invitées à procéder et n'ont en conséquence

pas assumé
de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 159
al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué
est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 24 décembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.245/2002
Date de la décision : 24/12/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-24;5c.245.2002 ?
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