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23/12/2002 | SUISSE | N°P.36/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 décembre 2002, P.36/02


{T 7}
P 36/02

Arrêt du 23 décembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

Office cantonal des personnes âgées, route de Chêne 54, 1208 Genève,
recourant,

contre

E.________, intimée, représentée par Me Damien Bonvallat, avocat, rue
Toepffer 11bis, 1206 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 10 janvier 2002)

Faits :

A.
E. ________ a été mariée avec A

.________ du 18 avril 1946 au 1er
février
1998, date du décès de son époux, dont elle vivait séparée depuis le
19
juillet 1991. Depu...

{T 7}
P 36/02

Arrêt du 23 décembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffier :
M.
Vallat

Office cantonal des personnes âgées, route de Chêne 54, 1208 Genève,
recourant,

contre

E.________, intimée, représentée par Me Damien Bonvallat, avocat, rue
Toepffer 11bis, 1206 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 10 janvier 2002)

Faits :

A.
E. ________ a été mariée avec A.________ du 18 avril 1946 au 1er
février
1998, date du décès de son époux, dont elle vivait séparée depuis le
19
juillet 1991. Depuis le mois d'août suivant la séparation du couple,
elle
percevait des prestations complémentaires à sa rente AVS. Au décès de
son
mari, le montant mensuel de sa rente AVS ayant passé de 1397 fr. à
1872 fr.,
son droit aux prestations complémentaires s'en est trouvé modifié.

Après avoir eu connaissance de cette circonstance, l'Office cantonal
des
personnes âgées du canton de Genève (ci-après: l'OCPA) a réclamé à
l'intéressée, par décision du 14 mai 1999, la restitution de 5225 fr.
correspondant au montant des prestations complémentaires indûment
perçues du
1er février au 31 décembre 1998.

Par lettres des 11 juin 1999 et 11 janvier 2000, l'assurée a demandé
la
remise de l'obligation de restituer ce montant. Cette demande a été
rejetée
par l'OCPA, au motif que l'assurée ne pouvait se prévaloir de sa
bonne foi,
par décision du 18 janvier 2000, confirmée sur réclamation le 23 juin
suivant.

B.
Par jugement du 10 janvier 2002, la Commission cantonale genevoise de
recours
en matière d'AVS/AI (ci-après: la commission) a admis le recours
formé par
l'assurée, retenant la bonne foi de cette dernière, et a renvoyé la
cause à
l'OCPA pour instruction complémentaire sur la situation financière de
l'assurée et nouvelle décision.

C.
L'OCPA interjette recours de droit administratif contre ce jugement en
concluant à son annulation et à la confirmation de la décision sur
réclamation du 23 juin 2000. L'intimée, qui requiert le bénéfice de
l'assistance judiciaire, conclut principalement à l'irrecevabilité du
recours
et, subsidiairement, à son rejet.

L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Dans sa réponse au recours de droit administratif, l'intimée
soutient, à
titre principal, que dans la mesure où ni la décision de restitution
(du 14
mai 1999) ni la décision sur réclamation (du 23 juin 2000) ne
permettent de
distinguer les prestations ressortissant au droit cantonal de celles
fondées
sur le droit fédéral, le recours de droit administratif n'est pas
recevable.

1.1 La décision du 14 mai 1999, qui portait sur le principe et
l'étendue de
la restitution, n'a pas été, comme telle, contestée par l'assurée.
Cette
dernière n'a en effet demandé, par lettre du 11 juin 1999, que la
remise de
l'obligation de restituer. Cette décision est, partant, entrée en
force.

Déterminé par la décision sur réclamation du 23 juin 2000 - dans
laquelle
l'OCPA s'est limité, outre l'examen des conditions de la remise de
l'obligation de restituer, à confirmer sa décision du 14 mai 1999
quant à
l'étendue de la restitution -, par le jugement de la commission et les
conclusions du recours de droit administratif (ATF 125 V 414 ss.
consid. 1b
et 2 et les références citées), l'objet du présent litige est ainsi
restreint
à la prétention de l'assurée à la remise de l'obligation de restituer
les
prestations complémentaires indûment perçues.

1.2 Par ailleurs, selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des
assurances
connaît en dernière instance des recours de droit administratif
contre des
décisions au sens des art. 97, 98 let. b à h et 98a OJ, en matière
d'assurances sociales. Quant à la notion de décision pouvant faire
l'objet
d'un recours de droit administratif, l'art. 97 OJ renvoie à l'art. 5
PA.
Selon le premier alinéa de cette disposition, sont considérées comme
décisions les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce,
fondées
sur le droit public fédéral (et qui remplissent encore d'autres
conditions,
définies plus précisément par rapport à leur objet). L'allocation ou
la
restitution des prestations complémentaires n'est donc pas soumise
aux mêmes
voies de recours selon qu'elle est régie par le droit cantonal ou par
le
droit fédéral (cf. ATF 125 V 184 consid. 2a). C'est pourquoi l'art.
29 al. 3
OPC-AVS/AI dispose que les cantons et communes qui, outre les
prestations
complémentaires, versent leurs propres prestations d'assurance ou
d'aide
doivent faire figurer celles-ci séparément sur la feuille de calcul
et dans
la décision. Tel est aussi le cas pour les prestations complémentaires
versées indûment qui ont fait l'objet d'un ordre de restitution ou
d'une
remise ou qui ont dû être déclarées irrécouvrables conformément à
l'art. 27
OPC-AVS/AI. Il importe en effet que l'assuré connaisse les montants
qui lui
sont réclamés à un titre ou à un autre et puisse ainsi exercer
utilement ses
droits de recours (ATF 125 II 372 consid. 2c).

1.3 S'il fallait, comme le soutient l'intimée, déclarer irrecevables
les
recours de droit administratif dans tous les cas où la décision ne
permet pas
de distinguer quelles parts des prestations allouées - ou dont la
restitution
ou la remise est litigieuse - relèvent respectivement du droit
fédéral et du
droit cantonal, il suffirait aux autorités cantonales de ne pas
procéder à
cette répartition pour échapper à tout contrôle judiciaire fédéral.
Or tel
n'est, de toute évidence, pas le sens des dispositions et de la
jurisprudence
précitées.

L'intimée ne conteste pas qu'une fraction tout au moins des
prestations
complémentaires versées l'ont été en application de la LPC et de
l'OPC-AVS/AI. Le recours est, partant, recevable dans cette mesure.
Pour le
surplus, la répartition détaillée des montants sur lesquels porte la
demande
de remise en fonction de leur fondement en droit cantonal ou fédéral
ressortit à l'examen matériel du litige (v. infra consid. 4).

2.
Selon la jurisprudence, le procès concernant la remise de
l'obligation de
restituer des prestations n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance (ATF 112 V 100 et les arrêts cités). Le
Tribunal
fédéral des assurances doit dès lors se borner à examiner si les
premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus
de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés
d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation
avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.
3.1Conformément à l'art. 47 al. 1, deuxième phrase LAVS - applicable
par
analogie dans le domaine des prestations complémentaires par le
renvoi de
l'art. 27 al. 1 deuxième phrase OPC-AVS/AI -, la restitution ne peut
être
demandée lorsque l'intéressé était de bonne foi et serait mis dans une
situation difficile. Dans l'appréciation de la bonne foi, le Tribunal
fédéral
des assurances s'en est tenu aux critères du comportement dolosif ou
gravement fautif, sinon expressément (ATF 102 V 245 consid. a; RCC
1976 p.
571, 1973 p. 612 ss. et les références), du moins implicitement, en
niant la
bonne foi lorsque l'assuré n'a pas fait preuve du «minimum
d'attention»
exigible (RCC 1983 p. 493 consid. 3b, c). D'un autre côté, pour que
soit
réalisée une violation de l'obligation d'annoncer, il suffit - selon
la
jurisprudence constante - d'un comportement fautif, même s'il ne
constitue
qu'une négligence légère (ATFA 1966 p. 55 consid. 1b; RCC 1974 p. 143
consid.
4). De même, la violation de l'obligation de renseigner (cf. par
exemple
l'art. 70bis RAVS) ne dépend pas de l'existence d'une faute qualifiée
dans le
sens d'une négligence grave (arrêts non publiés S. du 17 mai 1982 et
R. du 7
juin 1978). Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la
remise,
est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de
restituer (violation de l'obligation d'annoncer ou de renseigner) sont
l'expression d'un comportement dolosif ou d'une négligence grave. En
revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou
l'omission
fautifs ne représentent qu'une violation légère de l'obligation
d'annoncer ou
de renseigner (ATF 112 V 103 consid. 2c; RCC 1986 p. 665 consid. 2b).
Ce
n'est qu'avec retenue qu'on admettra que la négligence supprime la
présomption de bonne foi (RCC 1970 p. 327).

3.2 En l'espèce, les premiers juges ont retenu que l'assurée a
informé la
Caisse cantonale genevoise de compensation - mais non l'OCPA - du
décès de
son conjoint. Ils ont cependant relevé que le regroupement
géographique au
sein du Centre administratif des assurances sociales de cette caisse
et de
l'OCPA était susceptible de créer une certaine confusion dans
l'esprit des
assurés, a fortiori chez ceux d'un certain âge, et que l'intimée avait
présumé, eu égard au caractère complémentaire des prestations en
cause,
qu'une certaine coordination existait entre la caisse cantonale et
l'OCPA
quant aux informations reçues par l'un ou l'autre de ces organismes.
Compte
tenu de ces constatations, qui relèvent exclusivement du fait (ATF
122 V 223
consid. 3; v. également Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, ch. 4.3.1 et 4.3.2,
pp. 540
s.) et lient en conséquence la cour de céans (art. 105 al. 2 OJ), on
ne
saurait faire grief aux premiers juges d'avoir qualifié de légère la
négligence reprochée à l'assurée. La circonstance alléguée par
l'office
recourant - mais qui ne ressort, au demeurant, pas du jugement
entrepris -
que l'intimée percevait une rente de la Caisse de compensation FRSP
et non de
la caisse cantonale genevoise de compensation est sans pertinence; le
fait
que l'intimée a annoncé le décès de son époux à la caisse cantonale
tendrait
en effet plutôt à confirmer que ses démarches ont procédé d'une
certaine
confusion, qui ne saurait être imputée à une grave négligence ou
assimilée à
une intention dolosive.

3.3 Le recourant objecte encore que dans une décision du 2 juin 1998,
le
calcul des prestations complémentaires de l'assurée indiquait qu'il
était
tenu compte d'une rente AVS de 1397 fr., et que l'intéressée aurait dû
s'apercevoir, en faisant preuve du minimum d'attention que ses
capacités
permettaient d'attendre d'elle, que le montant des prestations
complémentaires était calculé sur la base de prestations AVS moins
élevées
que celles qu'elle percevait en réalité.
Ces circonstances de fait, qui n'ont pas été alléguées en procédure
cantonale, ne ressortent pas du jugement entrepris. Il convient dès
lors
d'examiner dans quelle mesure la cour de céans peut en tenir compte
ainsi que
des preuves produites sur ce point par le recourant en instance
fédérale.

3.3.1 Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances
est
limité par l'art. 105 al. 2 OJ, la possibilité d'alléguer des faits
nouveaux
ou de faire valoir de nouveaux moyens de preuve est très restreinte.
Selon la
jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les preuves que
l'instance
inférieure aurait dû réunir d'office, et dont le défaut
d'administration
constitue une violation de règles essentielles de procédure (ATF 121
II 99
consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les références).

3.3.2 En l'espèce, invité par la commission, par lettre du 7 juillet
2000, à
produire son dossier, l'OCPA a transmis un lot de pièces, numérotées
de 1 à
16, portant sur toute la période durant laquelle l'assurée,
respectivement
son mari, ont bénéficié de prestations complémentaires, soit de 1989
à la
décision sur réclamation du 23 juin 2000. La décision du 2 juin 1998,
à
laquelle l'OCPA se réfère, n'y figurait pas. L'OCPA n'a, par
ailleurs, rien
allégué dans sa réponse au recours cantonal en relation avec cette
décision.
On ne saurait en conséquence reprocher aux premiers juges d'avoir
violé leur
obligation d'instruire la cause d'office - ce que le recourant ne
soutient,
du reste, pas - en ne requérant pas la production d'autres pièces,
soit en
particulier de cette décision.

Cette pièces et les allégations à l'appui desquelles elle a été
produite -
pour la première fois en instance fédérale -, ne peuvent dès lors pas
être
prises en considération par la cour de céans.

4.
Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit être
confirmé en
tant qu'il admet la bonne foi de l'assurée et renvoie la cause au
recourant
pour examen des conditions économiques auxquelles la remise de
l'obligation
de restituer est subordonnée.

Il convient toutefois encore de relever que ce jugement - pas plus,
du reste,
que la décision sur réclamation du 23 juin 2000 - ne distingue pas
dans
quelle mesure le montant à concurrence duquel la remise a été
demandée (5225
fr.) a trait à des prestations de droit fédéral ou de droit cantonal.
Ils ne
sont, partant, pas conformes aux exigences posées par la jurisprudence
précitée (supra consid. 1.2). Après avoir procédé à l'examen des
conditions
économiques, et dans l'hypothèse où ces dernières permettraient la
remise de
l'obligation de restituer, l'OCPA doit encore être invité à établir un
décompte exact, et dûment justifié par les décisions
de prestations
complémentaires relatives à l'années 1998, des montants pour lesquels
la
remise de l'obligation de restituer est fondée sur le droit fédéral,
étant
toutefois rappelé que le calcul même des montants à restituer, objet
de la
décision du 14 mai 1999 entrée en force faute de recours ou de
réclamation
(v. supra consid. 1.1), n'a pas à être examiné à nouveau.

5.
5.1La présente procédure, qui n'a pas pour objet l'octroi ou le refus
de
prestations d'assurances (supra consid. 1.1 et 2) n'est pas gratuite.
Le
recourant, qui succombe et dont les intérêts pécuniaires sont en jeu,
en
supportera les frais (art. 156 al. 1, respectivement al. 2 a
contrario, en
corrélation avec les art. 134 et 135 OJ).

5.2 L'intimée a conclu au rejet du recours. Assistée d'un avocat et
obtenant
gain de cause en procédure fédérale, elle peut prétendre une
indemnité de
dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Sa requête
d'assistance judiciaire est, dès lors, sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 800 fr., sont mis à la charge du
recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 1500 fr. (y compris la
taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens de dernière instance.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.36/02
Date de la décision : 23/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-23;p.36.02 ?
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