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19/12/2002 | SUISSE | N°4P.217/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2002, 4P.217/2002


{T 0/2}
4P.217/2002 /ech

Arrêt du 19 décembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffière Aubry Girardin.

La Communauté X.________,
recourante, représentée par Me Christian Buonomo, avocat,
quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6,

contre

Y.________ SA,
intimée,

Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst.; procédure civile; applic

ation arbitraire du droit; bail
à loyer

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
b...

{T 0/2}
4P.217/2002 /ech

Arrêt du 19 décembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour,
Corboz et Favre,
greffière Aubry Girardin.

La Communauté X.________,
recourante, représentée par Me Christian Buonomo, avocat,
quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6,

contre

Y.________ SA,
intimée,

Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 Cst.; procédure civile; application arbitraire du droit; bail
à loyer

(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 9 septembre 2002).

Faits:
A.La Communauté X.________ (ci-après: la Communauté) a remis à bail à
la
société Y.________ S.A. un box de garage se trouvant au deuxième
sous-sol
d'un immeuble situé à Genève. Le loyer a été fixé à 150 fr. par mois.

Par avis comminatoire du 10 juillet 2001 reçu le 13 du même mois, la
Communauté a mis en demeure Y.________ S.A. de lui verser dans les
dix jours
600 fr. à titre d'arriérés de loyers et de charges pour la période du
1er
avril au 31 juillet 2001, sous menace de résiliation du bail si le
paiement
n'intervenait pas dans le délai imparti.

Le 19 juillet 2001, Y.________ S.A. a donné ordre à sa banque de
verser à la
bailleresse le montant réclamé. Celui-ci a été débité du compte de la
société
le 23 juillet 2001 et crédité sur le compte de la Communauté le 27
juillet
2001, valeur au 25 du même mois.

Il a également été retenu que, le 23 juillet 2001, la Communauté a
fait
parvenir à Y.________ S.A., sans émettre de réserve, de nouveaux
bulletins de
versement pour le loyer courant.

Considérant que la somme réclamée n'avait pas été intégralement payée
dans le
délai imparti, la Communauté a, par avis officiel du 26 juillet 2001,
résilié
le bail pour le 15 août 2001.

B.
Le 24 août 2001, la Communauté a saisi la Commission de conciliation
en
matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en
évacuation à
l'encontre de la locataire, qui n'avait pas libéré les locaux dans le
délai
imparti.

La conciliation ayant échoué, l'affaire a été portée devant le
Tribunal des
baux et loyers qui, par jugement du 8 avril 2002, a débouté la
Communauté de
sa requête en évacuation.

Statuant sur appel de la Communauté, la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève, par arrêt du 9 septembre 2002, a confirmé
le
jugement du 8 avril 2002 rejetant la requête en évacuation, au motif
que la
résiliation du bail était abusive.

C.
Contre cet arrêt, la Communauté forme un recours de droit public au
Tribunal
fédéral. Se plaignant d'une application arbitraire du droit fédéral,
elle
conclut à l'annulation de l'arrêt du 9 septembre 2002 et,
principalement, à
ce que la société Y.________ S.A. soit condamnée à évacuer le box
situé au
deuxième sous-sol du groupe de garages 17-26 situés chemin A.________
à
Genève, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à la Chambre
d'appel
pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Y. ________ S.A. propose le rejet du recours. Quant à la Chambre
d'appel,
elle persiste dans les termes de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid.
1a, 177
consid. 1).

1.1 Se fondant sur l'art. 9 Cst., la recourante reproche
exclusivement à la
cour cantonale d'avoir appliqué arbitrairement le droit fédéral. Le
recours
de droit public ayant un caractère subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ), il
convient de se demander si un tel grief n'aurait pas dû être formé
dans le
cadre d'une autre voie de droit, en l'occurrence un recours en
réforme.

1.1.1 La Cour de céans a déclaré qu'en vertu de la procédure civile
genevoise, les arrêts rendus sur recours par la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève contre des jugements d'évacuation
pour
défaut de paiement de loyer doivent être considérés comme des
décisions
finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ (cf. arrêt du Tribunal fédéral
4C.413/1996 du 27 février 1997 in SJ 1997 p. 538 consid. 1b p. 541).

1.1.2 Sur le plan fédéral, les décisions dans lesquelles le juge
statue sur
le bien fondé d'une expulsion en droit du bail entrent dans la
catégorie des
décisions de nature pécuniaire (Michel Ducrot, L'expulsion du
locataire,
Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 10) qui, pour faire
l'objet d'un recours en réforme, doivent atteindre la valeur
litigieuse
minimale figurant à l'art. 46 OJ (cf. ATF 103 II 247 consid. 1b). Il
importe
peu que, du point de vue des autorités judiciaires genevoises, les
jugements
d'évacuation aient une valeur litigieuse indéterminée (cf.
Bertossa/Gaillard/Guyet, Commentaire de la loi de procédure civile du
canton
de Genève du 10 avril 1987, art. 50 LPC no 11).

La valeur litigieuse des décisions en matière d'expulsion est
calculée selon
la méthode suivie en cas de contestation au sujet de la validité d'un
congé
(cf. Hohl, L'expulsion de locataires de baux d'habitations et de
locaux
commerciaux, RFJ 1997 p. 43 ss, 52 note 31), soit en fonction de la
période
pendant
laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est
pas
valable, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé
peut
être donné où l'a effectivement été (arrêt du Tribunal fédéral
4C.310/1996 du
16 avril 1997 in SJ 1997 p. 493 consid. 2a; ATF 111 II 384 consid. 1
p. 386).

1.1.3 Afin de pouvoir opérer ce calcul, il est indispensable de
déterminer au
préalable si le bail en cause est soumis aux dispositions protectrices
figurant aux art. 271 ss CO, en particulier à l'art. 271a al. 1 let.
e qui
empêche la résiliation dans les trois ans à compter de la fin d'une
procédure
judiciaire.

En l'occurrence, l'objet loué est un box de garage et rien n'indique
qu'il
ait servi à une autre destination. Il ne s'agit donc ni d'une
habitation (sur
cette notion, cf. Weber/Zihlmann, Commentaire bâlois, art. 253a-253b
CO no
4), ni d'un local commercial (ATF 110 II 51 consid. 2). En outre,
aucun
élément ne permet de retenir que l'usage de ce box aurait été cédé en
relation avec une habitation ou un local commercial au sens de l'art.
253a CO
(cf. Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 84 s.). La recourante
affirme
au contraire, sans être contredite par l'intimée, que le box était
loué
indépendamment d'un logement ou d'un local commercial. Par
conséquent, les
dispositions légales relatives à la protection contre les congés
concernant
les baux d'habitations et de locaux commerciaux figurant aux art. 271
ss CO
ne sont pas applicables (Higi, Commentaire zurichois, art. 271 CO no
4;
Weber/Zihlman, op. cit., art. 271-271a CO no 2).

1.1.4 Selon l'arrêt attaqué, le loyer du box s'élevait à 150 fr. par
mois,
soit à 1'800 fr. par an. Le bail produit dans la procédure cantonale
prévoit
que le contrat, conclu pour une durée initiale d'un an jusqu'au 31
décembre
1989, est ensuite renouvelable d'année en année, sauf résiliation au
minimum
trois mois avant l'échéance. Dès lors que l'art. 271a al. 1 let. e CO
n'est
pas applicable (cf. supra ch. 1.1.3), la recourante n'est pas privée
de la
faculté de résilier le bail, moyennant le respect des délais
contractuels.
Par conséquent, à supposer que le recours soit rejeté, la recourante
serait
libre de signifier un congé ordinaire à la locataire pour la fin de
l'année
2003. On peut du reste se demander si elle n'aurait pas déjà eu la
possibilité de mettre fin au contrat en cours de procédure. Cette
question
peut toutefois demeurer indécise car, même en tenant compte d'une
échéance en
décembre 2003, le litige porte sur une valeur litigieuse inférieure au
minimum de 8'000 fr. exigé pour un recours en réforme (cf. art. 46
OJ). Cette
voie de droit n'est donc pas ouverte en l'espèce, de sorte que c'est
à juste
titre que la recourante a formé un recours de droit public.

1.2 La recourante, dont la demande d'évacuation a été rejetée par les
autorités cantonales, a, en tant que communauté des copropriétaires,
qualité
pour recourir (art. 88 OJ et 712l al. 2 CC).

Le présent recours a en outre été interjeté en temps utile (art. 32
al. 2 et
89 al. 1 OJ).

1.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours
de droit
public a une fonction purement cassatoire (ATF 128 III 50 consid. 1b
p. 53;
127 III 279 consid. 1b); la recourante ne peut ainsi conclure qu'à
l'annulation de la décision attaquée. La conclusion formulée à titre
subsidiaire qui tend en plus au renvoi à l'autorité précédente est
admissible, mais superflue, car si le recours de droit public était
déclaré
bien-fondé, l'autorité cantonale de dernière instance devrait
précisément
statuer en tenant compte des considérants de l'arrêt du Tribunal
fédéral (cf.
ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb). Quant aux autres conclusions de la
recourante,
elles sont irrecevables, car elles vont au-delà de la simple
annulation de
l'arrêt attaqué.

2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'une violation
arbitraire
des articles 257d al. 2, 271 et 273 CO.

2.1 S'agissant des deux dernières dispositions, il convient d'emblée
de
préciser qu'elles ne sont pas applicables. En effet, elles figurent
dans le
chapitre consacré à la "protection contre les congés concernant les
baux
d'habitations et de locaux commerciaux", qui, comme il l'a déjà été
indiqué
(cf. supra consid. 1.1.3), ne concerne pas le bail en cause. Les
griefs
formés par la recourante à cet égard sont donc dénués de tout
fondement.

2.2 En ce qui concerne l'art. 257d al. 2 CO, la recourante cherche à
en
démontrer la violation arbitraire en s'écartant des faits retenus,
notamment
lorsqu'elle indique les circonstances dans lesquelles elle a fait
parvenir à
l'intimée des bulletins de versement. Toutefois, elle ne soutient ni
n'explique en quoi la cour cantonale aurait établi les faits ou
apprécié les
preuves de manière insoutenable s'agissant des éléments concernés. Le
recours
de droit public n'étant pas un appel, il n'appartient pas au Tribunal
fédéral
de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale.
Par
conséquent, faute de critiques répondant aux exigences de motivation
de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495; 110
Ia 1
consid. 2a), c'est uniquement à la lumière des faits tels que
constatés dans
l'arrêt attaqué que la Cour de céans examinera si l'art. 257d al. 2
CO a été
appliqué de façon arbitraire.

2.3 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
viole
gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
encore
lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et
de
l'équité (ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70; 126 III 438 consid. 3 p.
440).
Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus; une
violation
doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme
arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est
l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner
des
dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation
qui a
été faite est défendable. Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait
qu'une autre
solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 126
III 438
consid. 3 in fine; 125 II 129 consid. 5 p. 134). En outre, pour qu'une
décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 81 consid. 2 p.
86, 177
consid. 2.1).
2.4 Lorsque, après réception de la chose, le locataire a du retard
pour
s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, l'art. 257d al.
1 CO
autorise le bailleur à lui fixer par écrit un délai de paiement de
dix jours
au moins pour les baux ne se rapportant pas à des habitations ou à
des locaux
commerciaux et à lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai,
il
résiliera le bail. L'art. 257d al. 2 CO prévoit que, faute de
paiement dans
le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet
immédiat.
S'agissant d'une somme d'argent, la dette de loyer est portable (cf.
art. 74
al. 2 ch. 1 CO). Le bailleur doit donc être en mesure de disposer de
l'argent
au plus tard le dernier jour du délai. Lorsque le locataire fait
appel aux
services de la poste, la situation du bailleur ne doit pas être plus
mauvaise
qu'en cas de paiement comptant. L'exécution n'a donc lieu en temps
utile que
si le mandat correspondant est donné suffisamment tôt, afin que la
procédure
de paiement soit terminée avant l'échéance du délai (ATF 119 II 232
consid.
2). Ce n'est que dans le cas où le bailleur, dans sa sommation,
ordonne au
locataire de verser l'arriéré de loyer sur un compte de chèque postal
avec un
bulletin de versement annexé qu'il suffit que le paiement soit
effectué au
bureau de poste avant l'échéance pour que le délai de paiement soit
tenu pour
respecté (ATF 124 III 145 consid. 2a).

En l'espèce, l'intimée devait un montant de 600 fr. à titre
d'arriérés de
loyers et de charges. La bailleresse étant donc en droit, en vertu de
l'art.

257d al. 1 CO, de lui impartir un délai de dix jours pour s'acquitter
de
cette somme, à défaut de quoi le bail serait résilié. Dès lors que
l'avis
comminatoire a été reçu par la locataire le 13 juillet 2001, le délai
de
paiement arrivait à échéance le 23 juillet suivant. Comme le montant
dû, payé
par virement bancaire, n'a été crédité sur le compte de la
bailleresse que le
27 juillet 2001 avec valeur au 25 du même mois, le versement doit être
considéré comme tardif, et ce même si la locataire a donné l'ordre de
payer à
sa banque dans le délai. Par conséquent, en résiliant le bail le 26
juillet
2001 pour le 15 août suivant, la bailleresse a respecté les
conditions posées
par l'art. 257d al. 2 CO.

Contrairement à ce que soutient la recourante, cette conclusion n'a
pas pour
résultat de rendre arbitraire l'arrêt attaqué car, même une
résiliation
valable au sens de l'art. 257d al. 2 CO, peut ne pas déployer d'effet
ou être
annulable, notamment si elle est abusive (sur cette question, cf. ATF
121 III
156 consid. 1c/aa).

2.5 La recourante soutient à cet égard que, comme l'intimée n'avait
pas
contesté le congé, la cour cantonale ne pouvait, sans tomber dans
l'arbitraire, examiner le caractère abusif de celui-ci.
Il est vrai que le Tribunal fédéral a récemment indiqué que, dans une
procédure d'expulsion, le locataire est déchu du droit d'invoquer que
le
congé contreviendrait aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO),
dès
lors qu'il n'a pas contesté la résiliation en agissant dans le délai
prévu
par l'art. 273 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C.295/2001 du 24
janvier
2002, in SJ 2002 I p. 244 consid. 2e, qui renvoie à l'ATF 121 III 156
consid.
1c/aa). Cette jurisprudence n'est cependant pas transposable en
l'espèce, dès
lors qu'il a déjà été expliqué que les art. 271 ss CO n'étaient pas
applicables au bail en cause (cf. supra consid. 1.1.3). On ne voit
donc pas
en quoi la cour cantonale serait tombée dans l'arbitraire en
examinant la
validité du congé sous l'angle de l'art. 2 CC à l'occasion de la
procédure
d'expulsion, puisque l'intimée ne pouvait de toute manière pas agir
en vertu
des art. 271 ss CO.

2.6 Il reste à se demander si c'est de manière insoutenable que les
juges
cantonaux ont admis que la résiliation donnée en application de
l'art. 257d
al. 2 CO était abusive. Pour retenir l'abus de droit, ils ont invoqué
deux
motifs distincts : d'une part, le fait que le versement du loyer, qui
ne
présentait depuis lors plus aucun arriéré, n'était parvenu à la
recourante
que deux jours après l'expiration du délai comminatoire; d'autre
part, la
remise par la bailleresse à la locataire, sans émettre de réserve, de
nouveaux bulletins de versement pour le paiement du loyer courant.

La recourante critiquant, sous l'angle de l'arbitraire, les deux pans
de
cette motivation, il convient d'entrer en matière (ATF 119 Ia 13
consid. 2 et
l'arrêt cité).

2.6.1 Selon la jurisprudence, le bailleur n'abuse en principe pas de
son
droit si, après la réception de versements tardifs de loyers en
souffrance,
il résilie le bail pour non-paiement (ATF 119 II 232 consid. 3,
confirmé dans
l'arrêt du 27 février 1997, op. cit., in SJ 1997 p. 538 consid. 2a).
Il n'est
toutefois pas exclu qu'en présence de circonstances particulières, un
congé
donné pour cause de demeure du locataire puisse apparaître comme
abusif (cf.
ATF 120 II 31 consid. 4a p. 33). L'adoption d'une attitude
contradictoire
figure parmi les cas typiques d'abus (ATF 120 II 105 consid. 3a p.
108). La
doctrine retient pour sa part qu'en fonction des circonstances, un
congé
donné alors que le paiement est intervenu très peu de temps après
l'expiration du délai comminatoire (un à deux jours) peut être
contraire aux
règles de la bonne foi (Lachat, op. cit., p. 213 n° 5.12; critique
Higi, op.
cit., art. 257d CO no 56). Il en va de même lorsque l'arriéré est
minime
(SVIT-Kommentar, 2e éd. Zurich 1998, art. 157d CO no 43; Lachat, op.
cit.,
loc. cit.).

En l'espèce, plusieurs éléments méritent d'être mis en évidence: tout
d'abord
le fait que l'intimée, qui n'avait que dix jours pour s'exécuter, a
donné
l'ordre à sa banque de payer les loyers en souffrance quatre jours
avant
l'expiration du délai comminatoire. On n'est donc pas dans le cas où
le
locataire se résout à agir au dernier moment. Le montant de
l'arriéré, qui
s'élève à 600 fr., n'est pas élevé. En outre, la somme due a été
créditée sur
le compte de la bailleresse le 27 juillet 2002, mais avec une valeur
au 25
juillet ne dépassant que de deux jours le délai comminatoire. Enfin et
surtout, la recourante a adopté une attitude pour le moins
contradictoire,
puisqu'elle a fait parvenir à l'intimée des bulletins de versement
pour le
loyer courant le dernier jour du délai, sans émettre la moindre
réserve,
alors qu'à ce moment, elle n'avait pas encore reçu les 600 fr.
réclamés.

Si l'on envisage ces éléments dans leur ensemble, la position de la
cour
cantonale retenant que le congé avait été donné abusivement
n'apparaît pas
indéfendable, même si, s'agissant avant tout d'une question
d'appréciation,
une autre conclusion eût été également concevable. L'arrêt attaqué,
qui
confirme le rejet de la demande d'expulsion formée par la recourante,
ne peut
ainsi être qualifié d'arbitraire dans son résultat (cf. supra consid.
2.3).

Par conséquent, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de
la
recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). L'affaire ne justifie en
revanche pas l'octroi d'une indemnité à titre de dépens à l'intimée,
qui
n'est pas représentée par un avocat et qui n'a pas justifié avoir
supporté
des dépenses particulières (ATF 125 II 519 consid. 5b; 113 Ib 353
consid.
6b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 19 décembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.217/2002
Date de la décision : 19/12/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-19;4p.217.2002 ?
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