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17/12/2002 | SUISSE | N°U.391/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 décembre 2002, U.391/01


{T 7}
U 391/01

Arrêt du 17 décembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Métral

S.________, recourant, représenté par Me José Kaelin, avocat,
boulevard de
Pérolles 12, 1700 Fribourg,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cours des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 18 octobre 2001)r>
Faits :

A.
Le 27 janvier 1999, S.________ perdit le contrôle de son automobile,
avec
laquelle il emboutit un m...

{T 7}
U 391/01

Arrêt du 17 décembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Métral

S.________, recourant, représenté par Me José Kaelin, avocat,
boulevard de
Pérolles 12, 1700 Fribourg,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cours des assurances
sociales,
Givisiez

(Jugement du 18 octobre 2001)

Faits :

A.
Le 27 janvier 1999, S.________ perdit le contrôle de son automobile,
avec
laquelle il emboutit un mur de jardin ainsi qu'une glissière de
sécurité.
Légèrement blessé, il a fait état après l'accident de douleurs
cervicales et
lombaires. Un traitement médicamenteux et le port d'une collerette
cervicale
lui furent prescrits, mais aucune fracture ne fut décelée par son
médecin
traitant, le docteur A.________. L'événement a été annoncé à la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la CNA).

Dès le 3 mars 1999, le prénommé a été engagé et a commencé à
travailler au
service de l'entreprise X.________ SA, comme monteur d'échafaudage.
Le 4 mars
1999, il a heurté de la tête une barre métallique sur son lieu de
travail. Il
portait un casque et l'accident n'a pas laissé de marque ou de plaie
au
front. Selon ses déclarations, S.________ a senti sa tête repoussée en
arrière sous l'effet du choc et s'est trouvé "groggy", avec une sorte
de
voile noir devant les yeux. Après être descendu avec l'aide d'un
tiers de
l'échafaudage sur lequel il travaillait, il a commencé à vomir. Après
une
demi-heure, il s'est rendu à l'hôpital Y.________, où le docteur
B.________
constata une certaine raideur de la nuque et de la colonne cervicale,
mais
l'absence de fracture visible, et posa le diagnostic de traumatisme
cranio-cérébral (rapport du 7 avril 1999). Ce second accident fut
également
annoncé à la CNA.
Près d'un mois plus tard, l'assuré faisait toujours état de douleurs
à la
nuque, de nausées et de vertiges. Le docteur A.________ décrivait une
perte
de poids de 8 kg ainsi que des limitations de la mobilité de la
nuque, et
posait le diagnostic de contusion frontale, de nucalgies
post-traumatiques et
d'état dépressif réactionnel larvé (rapport du 13 avril 1999); il a
depuis
lors régulièrement attesté une incapacité de travail totale de
l'assuré
(formulaire "feuille-accident LAA"). Pour sa part, le docteur
C.________,
médecin d'arrondissement de la CNA, a examiné l'assuré le 21 mai 1999
et n'a
pas constaté d'atteinte à la santé physique pouvant expliquer ses
plaintes
(rapport du 26 mai 1999).
Sur la suggestion de son médecin d'arrondissement, la CNA a confié une
expertise au docteur D.________, spécialiste en neurologie. Ce
praticien a
dressé un bilan neurologique sans anomalie significative, en dépit
d'une
limitation majeure et caricaturale de la mobilité du rachis
cervico-dorso-lombaire, avant de nier l'existence d'une incapacité de
travail
de l'assuré en relation de causalité naturelle avec l'accident du 4
mars 1999
(rapport du 21 juin 1999; cf. également le rapport du 10 août 1999).

Par décision du 25 août 1999 et décision sur opposition du 19 janvier
2000,
la CNA a mis fin, avec effet au 31 août 1999, à l'ensemble des
prestations
allouées jusqu'alors à S.________ (soins médicaux et indemnités
journalières). Elle a considéré que les éventuelles atteintes à la
santé dont
il souffrait encore à cette date n'étaient pas en relation de
causalité
naturelle ou adéquate avec l'accident du 4 mars 1999.

B.
L'assuré a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de
Fribourg.
Il avait entre-temps adressé une demande de prestations à l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Fribourg, dont le dossier a
été
produit en cause. L'office AI avait en particulier confié une
expertise
psychiatrique au docteur E.________, qui a fait état d'une dépression
réactionnelle modérée, sans influence sur la capacité de travail de
l'assuré
(rapport du 29 janvier 2001).

Par jugement du 18 octobre 2001, le Tribunal administratif du canton
de
Fribourg a rejeté le recours de S.________.

C.
Le prénommé interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut principalement au renvoi de
la cause
à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision, et
subsidiairement à l'allocation d'une rente correspondant à un taux
d'invalidité de 70 %, à partir du 1er août 1999. Il demande par
ailleurs la
désignation de son mandataire en qualité d'avocat d'office. L'intimée
conclut
au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances
sociales a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les
dispositions
légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la nécessité
d'une
atteinte à la santé et d'un rapport de causalité (naturelle et
adéquate)
entre celle-ci et un accident assuré pour qu'il y ait lieu à
prestations de
l'assureur-accidents (sous réserve d'une maladie professionnelle).
Sur ce
point, il suffit d'y renvoyer.

2.
Le recourant reproche essentiellement aux premiers juges de s'être
fondés sur
des rapports médicaux dont la valeur probante serait insuffisante. Il
fait
valoir, en particulier, que le dossier remis par la CNA aux docteurs
C.________ et D.________ ne fait pas mention de l'accident du 27
janvier
1999, de sorte que ces médecins ne pouvaient évaluer en toute
connaissance de
cause sa capacité de travail résiduelle, ni déterminer si ses
atteintes à la
santé étaient d'origine accidentelle.

La juridiction cantonale a, pour sa part, considéré que seul était
litigieux
le point de savoir si l'assuré présentait une incapacité de travail en
relation de causalité avec l'accident du 4 mars 1999. En procédure
fédérale,
l'intimée reprend cette argumentation à son compte pour réfuter les
griefs du
recourant, qui porteraient selon elle sur une question sortant de
l'objet de
la contestation. Elle ajoute par ailleurs que même si une incapacité
de
travail devait être admise, en relation de causalité naturelle avec
l'accident du 4 mars 1999, celle-ci résulterait de troubles
psychiques sans
rapport de causalité adéquate avec l'accident.

3.
3.1D'après la jurisprudence, un rapport médical revêt une pleine
valeur
probante lorsque les points litigieux importants ont fait l'objet
d'une étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets,
qu'il prend
également en considération les plaintes exprimées par la personne
examinée,
qu'il a été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la
description
du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont
claires
et enfin que les conclusions de l'expert sont dûment motivées (ATF
125 V 352
consid. 3a et les références; VSI 2001 p. 108 consid. 3a).

3.2 Le dossier constitué par la CNA jusqu'au moment où les docteurs
C.________ et D.________ ont été consultés ne fait nullement mention
de
l'accident survenu le 27 janvier 1999. Pour leur part, ces praticiens
ne
mentionnent dans leurs rapports que l'accident du 4 mars 1999. On
peut donc
admettre qu'ils n'ont pas eu connaissance du premier événement
accidentel.

Le docteur D.________ a considéré comme probable la survenance d'un
traumatisme cranio-cérébral de l'assuré, suivi d'un syndrome
post-traumatique. Il a néanmoins nié une incapacité de travail en
relation
avec cet événement, en précisant que l'importance des troubles
présentés par
l'assuré et leur répercussion sur sa capacité de travail, d'une part,
et
l'absence de déficit neurologique certain, de même que la faible
gravité du
traumatisme du 4 mars 1999, d'autre part, laissaient supposer
l'existence de
facteurs d'ordre psychique, volontaires ou involontaires. On ne
saurait
admettre, sans autre mesure d'instruction, qu'il aurait émis la même
appréciation s'il avait été informé de la survenance d'un premier
accident en
janvier 1999, d'autant que, de son propre avis, une connaissance
précise des
circonstances de l'accident ainsi que des antécédents
médico-chirurgicaux,
sociaux et psychologiques de l'assuré est en principe nécessaire pour
apprécier objectivement les conséquences d'un traumatisme
cranio-cérébral
mineur (cf. Jean-Pierre Hungerbühler, Les traumatismes
cranio-cérébraux
mineurs in: L'expertise médicale, De la décision à propos de quelques
diagnostics difficiles, Genève 2002, p. 37 ss, p. 59).

Dans la mesure où le docteur C.________ ne disposait pas de plus
d'informations, et dès lors qu'il a expressément recommandé de
compléter son
rapport par une expertise, ses conclusions ne permettent pas
davantage de se
prononcer sur une éventuelle incapacité de travail en relation de
causalité
naturelle avec l'accident du 4 mars 1999.

4.
4.1Par sa décision du 25 août 1999 et sa décision sur opposition du 19
janvier 2001, la CNA a mis fin à l'octroi de toute prestation à
l'assuré,
pour le 31 août 1999. Toutefois, dans la mesure où les décisions
citées se
réfèrent expressément - et uniquement - à l'événement assuré du 4
mars 1999
(cf. également la réponse de l'intimée au recours), il faut admettre
que
seules les suites de ce dernier accident ont fait l'objet d'un examen
matériel par l'intimée. Cela n'enlève cependant rien à la pertinence
du
recours, mais constitue plutôt un motif supplémentaire de retourner
la cause
à la CNA, pour les motifs exposés ci-après.

4.2 Le Tribunal fédéral des assurances admet, dans certaines
circonstances,
que les conséquences de plusieurs accidents successifs soient
constatées dans
des décisions séparées (cf. parmi d'autres arrêt G. du 22 juillet
2002 [U
6/01]; arrêts non publiés D. du 6 juin 1997 [U 187/95] et A. -C. du 11
décembre 1995 [U 149/94]). Par ailleurs, la jurisprudence considère
qu'en cas
de troubles psychiques, voire d'atteintes somatiques sans substrat
objectif
après un traumatisme de type "coup du lapin" à la colonne cervicale,
de
traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral, il n'y a en
principe
pas lieu d'examiner de manière globale l'existence d'un rapport de
causalité
adéquate avec l'ensemble des accidents subis, mais plutôt de prendre
en
considération chaque accident isolément (RAMA 1996 no U 248 p. 176 et
arrêt
D. du 22 février 2002 [U 300/00], résumé dans HAVE 2002 p. 220).

Dans le cas présent, toutefois, rien ne justifiait de traiter dans des
décisions séparées les suites des deux accidents subis par l'assuré,
au
contraire. D'une part, lorsque plusieurs accidents ont, comme en
l'espèce,
atteint les mêmes parties du corps et sont survenus dans un laps de
temps
relativement bref, au point que leurs conséquences respectives ne
peuvent
être que difficilement distinguées, il est nuisible à l'établissement
des
faits d'examiner dans des décisions distinctes les suites de ces
accidents -
le cas d'espèce en est l'illustration (cf. consid. 3 supra) -, ce qui
entraîne au demeurant un risque accru de décisions contradictoires.
D'autre
part, la jurisprudence n'exclut pas, dans des circonstances
similaires, et à
titre exceptionnel, la nécessité d'un examen global du caractère
adéquat du
lien de causalité entre les accidents subis et d'éventuels troubles
psychiques ou d'éventuelles conséquences d'un traumatisme de type
"coup du
lapin" à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un
traumatisme
cranio-cérébral (RAMA 1996 no U 248 p. 177 et arrêt D. du 22 février
2002
cités; arrêt non publié I. du 3 novembre 1995 [U 92/95] consid. 4b).
Dans ces
conditions, il était prématuré pour l'intimée, en l'état du dossier,
de
rendre une décision sur les conséquences du second accident. Il lui
appartenait d'examiner, dans le cadre d'une seule décision, le droit
de
l'assuré à des prestations, eu égard aux conséquences de chacun des
deux
accidents qu'il avait annoncés. Aussi la cause lui sera-t-elle
retournée pour
instruction complémentaire sur ce point et nouvelle décision.

5.
Le recourant obtient gain de cause, de sorte qu'il peut prétendre des
dépens
à charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). La procédure est par
ailleurs
gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de
prestations
d'assurance (art. 134 OJ). Partant, la requête d'assistance judiciaire
déposée par le recourant est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 18 octobre 2001 du
Tribunal administratif du canton de Fribourg et la décision sur
opposition du
19 janvier 2000 de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents
sont annulés, la cause étant renvoyée à cette institution pour
instruction
complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

2.
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents versera au
recourant la somme de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur
ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg statuera sur les
dépens pour
la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de
dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton
de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office
fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 17 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.391/01
Date de la décision : 17/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-17;u.391.01 ?
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