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17/12/2002 | SUISSE | N°C.212/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 décembre 2002, C.212/02


{T 7}
C 212/02

Arrêt du 17 décembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffière: Mme Moser-Szeless

Z.________, recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Office cantonal de l'emploi, groupe réclamations, rue des
Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 30 mai 2002)

Faits:
<

br> A.
A.a Z.________ est titulaire d'un diplôme en expression
audio-visuelle de
l'Ecole supérieure X.________. Après avoir bénéfi...

{T 7}
C 212/02

Arrêt du 17 décembre 2002
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard.
Greffière: Mme Moser-Szeless

Z.________, recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Office cantonal de l'emploi, groupe réclamations, rue des
Glacis-de-Rive 4-6,
1207 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage, Genève

(Jugement du 30 mai 2002)

Faits:

A.
A.a Z.________ est titulaire d'un diplôme en expression
audio-visuelle de
l'Ecole supérieure X.________. Après avoir bénéficié successivement
de deux
délais-cadre d'indemnisation (du 15 septembre 1992 au 14 septembre
1994 et du
1er novembre 1994 au 31 octobre 1996), il a à nouveau présenté une
demande
d'indemnité de chômage à partir du 17 mars 1997. Un troisième
délai-cadre
d'indemnisation a été ouvert en sa faveur pour la période du 17 mars
1997 au
16 mars 1999, puis un quatrième pour la période du 17 mars 1999 au 16
mars
2001.

Le 21 août 1997, l'assuré et un associé ont constitué la société
«Y.________SARL», laquelle a été inscrite au registre du commerce du
canton
de Genève le 28 août suivant. Pendant la durée de son chômage,
Z.________ a
exercé diverses activités, notamment pour le compte de sa société; les
revenus retirés de ces activités ont été annoncés comme gains
intermédiaires.

A.b Par décision du 27 novembre 2001, l'Office cantonal de l'emploi
du canton
de Genève (ci-après: l'OCE) a nié le droit de l'assuré à des
prestations à
partir du 28 août 1997, au motif qu'il avait obtenu indûment des
prestations
de l'assurance-chômage en sa qualité d'associé d'une Sàrl, à tout le
moins
depuis la date de création de celle-ci, en détenant une fonction
comparable à
celle d'un employeur.

Saisi d'un recours de Z.________ contre cette décision, le Groupe
réclamations de l'OCE l'a partiellement admis; il a jugé que l'assuré
avait
droit à l'indemnité de chômage pour la période du 28 août 1997 au 16
mars
1999 alors que ce droit devait être nié dès le 17 mars 1999 (décision
du 28
février 2002).

B.
Z.________ a recouru contre cette décision auprès de la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-chômage qui l'a débouté
par
jugement du 30 mai 2002.

C.
L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont il
demande, sous suite de dépens, l'annulation en tant qu'il lui dénie
le droit
à l'indemnité pour la période du 17 mars 1999 au 16 mars 2001.

L'OCE, Groupe réclamations, conclut implicitement au rejet du
recours, tandis
que le Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 En vertu des art. 35 al. 1 et 61 al. 2 PA (applicables par le
renvoi de
l'art. 1er al. 3 PA), les juridictions cantonales de dernière instance
compétentes en matière d'assurances sociales sont tenues de motiver
les
décisions qu'elles rendent. En matière d'assurance-chômage, l'art.
1er al. 3
PA est du reste expressément réservé par l'art. 103 al. 6 LACI pour
ce qui
est de la procédure devant l'autorité cantonale de recours de dernière
instance. Selon la jurisprudence, ces dispositions ont la même portée
que le
droit d'obtenir une décision motivée, déduit du droit d'être entendu
consacré
à l'art. 29 al. 2 Cst. (RSAS 2001 p. 563 consid. 3b). Dès lors
qu'elles
renferment des règles essentielles de procédure, le Tribunal fédéral
des
assurances examine d'office si les conditions posées par ces normes
de la PA
sont remplies (ATF 120 V 362 consid. 2a et l'arrêt cité; RSAS 2001 p.
563
consid. 3a). Etant donné la nature formelle du droit d'être entendu,
sa
violation entraîne l'annulation de la décision attaquée,
indépendamment des
chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 437 consid.
3d/aa, 126 V
132 consid. 2b et les arrêts cités).

1.2 Le devoir du juge des assurances de motiver sa décision doit
permettre au
destinataire de comprendre la décision et de l'attaquer utilement
s'il y a
lieu; il s'agit aussi pour l'autorité de recours d'être en mesure
d'exercer
son contrôle (ATF 124 V 181 consid. 1a). A cet égard, la tâche de
l'autorité
cantonale de dernière instance ne se limite pas à constituer un
dossier dans
lequel le Tribunal fédéral des assurances devrait, en cas de recours,
puiser
les éléments déterminants pour pouvoir statuer. L'établissement des
faits
déterminants suppose au contraire que le juge de première instance
présente
ceux-ci de manière aussi fidèle et précise que possible, le cas
échéant, en
démêlant les résultats de la procédure probatoire (arrêt P. du 27
mars 2001,
H 249/00).

Pour répondre à ces exigences, il faut au moins que le juge mentionne
brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa
décision,
de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée
de
celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de
preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à ceux qui, sans
arbitraire, lui apparaissent pertinents (ATF 126 I 102 consid. 2b,
124 V 181
consid. 1a; RSAS 2001 p. 563 consid. 3b). L'étendue de la motivation
dépend
au demeurant de la complexité de l'affaire à juger, de la liberté
d'appréciation dont jouit le juge et de la gravité des conséquences
de sa
décision (cf. ATF 112 Ia 110 consid. 2b).

2.
En l'espèce, le litige porte sur le point de savoir si le recourant a
droit à
l'indemnité de chômage à partir du 17 mars 1999 en dépit du fait
qu'il a reçu
ponctuellement des salaires de la société à responsabilité limitée
qu'il a
fondée en 1997.

2.1 Selon la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation
professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à
l'indemnité
de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une
entreprise, il
continue à fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de
manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on
détournerait par le
biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation
en
matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en
particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (ATF 123 V 234). A cet égard,
il
existe un étroit parallélisme entre le droit à l'indemnité en cas de
réduction de l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de
chômage (voir
ATF 123 V 234). Toutefois, le seul fait qu'un assuré a obtenu un gain
intermédiaire provenant d'une activité indépendante ne suffit pas, à
lui
seul, pour nier la prise en considération de ce revenu au titre de
gain
intermédiaire au sens de l'art. 24 LACI (voir p. ex. Nussbaumer,
Arbeitslosenversicherung in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR],
Soziale Sicherheit, ch. 342 avec un renvoi à SVR 1998 ALV n° 10
consid. 3;
Gerhards, Arbeitslosenversicherung: «Stempelferien»,
Zwischenverdienst und
Kurzarbeitsentschädigung für öffentliche Betriebe und Verwaltungen -
Drei
Streitfragen, in : RSAS 1994 p. 344 sv.). En effet, si, pendant une
période
de contrôle, l'assuré prend une activité indépendante, il a droit à la
compensation de sa perte de gain s'il est apte au placement,
c'est-à-dire
s'il est prêt à abandonner son activité indépendante pour prendre un
emploi
salarié qui se présenterait à lui et s'il poursuit des recherches
d'emploi
dans ce sens (voir p. ex. DTA 1998 n° 32 p. 176 consid. 2; Gerhards,
op.
cit., p. 344 sv.).
2.2 En procédure cantonale, le recourant à fait valoir un certain
nombre
d'arguments qui, selon lui, ne permettaient pas de conclure qu'il
avait
entrepris une activité indépendante excluant toute aptitude au
placement. Il
invoquait en particulier l'activité limitée et intermittente qu'il
avait
exercée par le biais de la Sàrl. Par ailleurs, il indiquait n'avoir
en aucun
cas eu l'intention d'exercer à terme une activité indépendante. Ainsi
a-t-il
allégué avoir trouvé un emploi salarié à 80 % au service de
A.________ à
partir du 1er janvier 2002, sans pour autant que la société eût cessé
ses
activités (procès-verbal de comparution personnelle du 30 mai 2002).
Il a
expliqué que sa situation était comparable à celle d'un intermittent
du
spectacle et que la société - constituée avec des moyens forts
limités -
était le seul moyen d'obtenir des contrats de travail temporaire dans
son
domaine d'activité.

3.
3.1Dans la partie «En droit» de leur jugement, les premiers juges se
bornent
à rappeler la teneur de l'art. 31 al. 3 let. c LACI selon lequel les
personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent
les
influencer considérablement - en qualité d'associé notamment n'ont
pas droit
à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail. Ils
affirment
ensuite qu'en sa qualité d'associé-gérant d'une Sàrl le recourant
entre dans
la catégorie des personnes qui ont la double qualité d'employeur et
d'employé. Selon eux, le recourant avait donc la possibilité de se
licencier
puis de se réengager, ce qui le plaçait dans une situation comparable
à celle
d'un employeur, de sorte qu'il était inapte au placement.

3.2 Au vu de ces considérations, on constate que la commission
cantonale n'a
établi aucun fait juridiquement déterminant pour la solution du
litige, sauf
à mentionner que l'assuré avait fondé une société. En particulier,
elle
n'indique pas les périodes durant lesquelles l'assuré a réalisé un
gain
intermédiaire. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle l'intéressé
était
inapte au placement n'est étayée par aucun fait précis.

Quant aux arguments invoqués par le recourant dans son mémoire de
recours et
lors de son audition du 30 mai 2002 (cf. consid. 2.2), si elle les a
très
brièvement rappelés dans la partie «En fait» de son jugement,
l'instance
judiciaire cantonale ne les a tout simplement pas discutés, bien
qu'ils
n'apparaissent pas d'emblée dénués de toute pertinence. Elle n'a pas
non plus
porté la moindre appréciation sur les nombreuses pièces déposées à
titre de
preuves par le recourant, ni expliqué pour quelle raison le droit à
l'indemnité doit être nié à partir du 17 mars 1999 et reconnu pour la
période
précédente.

Toutefois, sur le plan des faits et du droit, l'affaire n'était pas
dépourvue
de toute complexité. A cet égard, on relèvera que la décision du
Groupe
réclamations ne contient pas moins de dix pages de considérants en
droit pour
discuter de la cause. Dès lors, on se trouve pratiquement dans la
situation
où l'autorité cantonale de dernière instance attend du Tribunal
fédéral des
assurances, en cas de recours d'une partie, qu'il démêle lui-même les
faits
de la cause et qu'il apprécie tous les moyens de preuve proposés dans
la
procédure précédente, comme s'il était saisi en tant qu'instance
judiciaire
unique. Tel n'est à l'évidence pas le sens de l'art. 132 OJ, selon
lequel le
Tribunal fédéral des assurances n'est pas lié par l'état de fait
retenu par
le premier juge quand la décision attaquée concerne l'octroi ou le
refus de
prestations d'assurance. C'est dire en l'occurrence que la motivation
retenue
est clairement insuffisante au regard des exigences rappelées
ci-dessus (cf.
consid. 1).

3.3 Dans ces conditions, il se justifie d'admettre le recours et de
renvoyer
la cause à la commission cantonale pour nouveau jugement au sens des
motifs.

4.
S'agissant d'un litige qui porte, sur le fond, sur des prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ a contrario).

Si le canton n'est pas partie au procès, il n'y a pas lieu, en
principe, de
mettre à sa charge une indemnité de dépens. Toutefois, conformément à
l'art.
159 al. 5 en corrélation avec l'art. 156 al. 6 OJ, il se justifie de
déroger
à ce principe lorsque le jugement cantonal viole de manière qualifiée
les
règles d'application de la justice et cause de ce fait des frais aux
parties
(RAMA 1999 n° U 331 p. 128 consid. 4; arrêt W. du 7 avril 1998,
consid. 5 non
reproduit aux ATF 124 V 130). En l'espèce, on doit admettre que cette
condition est remplie, dès lors que, comme on l'a vu, l'autorité
cantonale de
recours n'a pas établi les faits de la cause, ni motivé son jugement
sur le
fond du litige, ni discuté aucun des arguments du recourant, ni,
enfin, tenu
compte des preuves proposées par ce dernier. Par conséquent, il se
justifie
de mettre une indemnité de dépens due au recourant à la charge non
pas de
l'intimé, mais de l'Etat de Genève.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission de recours en
matière
d'assurance-chômage du canton de Genève du 30 mai 2002 est annulé.

2.
La cause est renvoyée à la Commission cantonale genevoise de recours
en
matière d'assurance-chômage pour nouveau jugement au sens des motifs.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
L'Etat de Genève versera à Z.________ une indemnité de dépens (y
compris la
taxe à la valeur ajoutée) de 2'500 fr.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'assurance-chômage, à l'Etat de
Genève,
ainsi qu'au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 17 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de
la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.212/02
Date de la décision : 17/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-17;c.212.02 ?
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