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12/12/2002 | SUISSE | N°5P.331/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2002, 5P.331/2002


{T 0/2}
5P.331/2002 /frs

Arrêt du 12 décembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffière Heegaard-Schroeter.

Banque X.________,
recourante, représentée par Me Peter Pirkl, avocat,
rue de Rive 6, 1204 Genève,

contre

1. C.________ SA,
intimée n° 1,
2. la masse en faillite de G.________ SA,
intimée n° 2, représentée par Me Mike Hornung, avocat, place du
Bourg-de-Four
9, 1204 Genève,
Présidente de la Cour de justice du canto

n de Genève, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Art. 9 et 29 al. 2 Cst. (refus de délivrer un ce...

{T 0/2}
5P.331/2002 /frs

Arrêt du 12 décembre 2002
IIe Cour civile

Les juges fédéraux Bianchi, président,
Nordmann, Hohl,
greffière Heegaard-Schroeter.

Banque X.________,
recourante, représentée par Me Peter Pirkl, avocat,
rue de Rive 6, 1204 Genève,

contre

1. C.________ SA,
intimée n° 1,
2. la masse en faillite de G.________ SA,
intimée n° 2, représentée par Me Mike Hornung, avocat, place du
Bourg-de-Four
9, 1204 Genève,
Présidente de la Cour de justice du canton de Genève, place du
Bourg-de-Four
1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

Art. 9 et 29 al. 2 Cst. (refus de délivrer un certificat de non-appel
en
raison de la faillite d'une partie),

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice du canton de Genève du 23 juillet 2002.

Faits:

A.
A.a La société C.________ SA, propriétaire d'un immeuble sis à la rue
C.________ à Carouge (Genève), en a confié la gestion à la société
G.________
SA le 1er avril 1996.

Le 20 décembre 1996, C.________ SA a signé en faveur de la Banque
X.________,
créancière hypothécaire, une cession de créance portant sur
l'ensemble de
l'état locatif de l'immeuble précité. Le 10 août 1998, C.________ SA
a mis la
G.________ SA en demeure de lui verser le solde du revenu locatif au
30 juin
1998, à savoir 1'121'081 fr. 25. Par lettre du 21 août 1998, la Banque
X.________ a fait interdiction à la G.________ SA de s'acquitter de ce
montant en mains de tiers.

A.b Le 21 septembre 1998, la G.________ SA a saisi le Tribunal de
première
instance de Genève d'une requête en désignation du lieu de
consignation pour
la somme de 1'121'081 fr. 25 (art. 168 al. 1 CO; art. 7 al. 1 let. a
LACCS/GE). Le 2 février 1999, faisant droit à cette demande, le
Tribunal a
désigné la Caisse de l'Etat de Genève pour recevoir le montant en
cause,
lequel y a été versé le 11 mars 1999.

A.c Le 18 septembre 2000, la Banque X.________ a assigné C.________
SA et la
G.________ SA devant le Tribunal de première instance. Par jugement
du 22
mars 2001, celui-ci a révoqué l'ordonnance du 2 février 1999, dit que
la
Banque X.________ était l'unique ayant droit de la somme consignée, à
savoir
1'121'081 fr. 25 plus les intérêts générés depuis lors, ordonné le
paiement
dudit montant en mains de la Banque X.________ et alloué à celle-ci
des
dépens à la charge des défenderesses.

B.
B.a Le 3 avril 2001, pendant le délai d'appel du jugement du 22 mars
2001, la
G.________ SA a été déclarée en faillite.

B.b Le 26 avril 2001, la Banque X.________ a sollicité du Greffe de
la Cour
de justice du canton de Genève la délivrance d'un certificat de
non-appel
relatif au jugement du 22 mars 2001. Cette requête a été rejetée, par
lettre
de la Présidente de la Cour de justice du 15 juin 2001, pour le motif
que la
faillite de la G.________ SA était intervenue alors que ledit jugement
n'était pas définitif.

Statuant le 22 avril 2002 sur le recours de droit public formé par la
Banque
X.________, le Tribunal fédéral a annulé cette décision, pour défaut
de
motivation (art. 29 al. 2 Cst.).

C.
Après avoir invité les parties à s'exprimer par le dépôt
d'observations
écrites, la Présidente de la Cour de justice, par décision du 23
juillet
2002, a refusé de remettre le certificat demandé.

D.
Contre cette décision, la Banque X.________ interjette un recours de
droit
public, concluant à son annulation. Elle fait valoir la violation des
art. 9
et 29 al. 2 Cst.

Dans sa réponse, la masse en faillite de la G.________ SA conclut
principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet.

C. ________ SA s'en est remise à la justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 311 consid. 1 p. 315, 67 consid. 1
principio
et les arrêts cités).

1.1 La délivrance du certificat de non-appel de la procédure
genevoise (art.
149 al. 2 LPC/GE; cf. à ce sujet Mermoud, Loi de procédure civile
genevoise
annotée, Genève 1988, ad art. 151 ss) relève de la juridiction
gracieuse. Ne
figurant pas au nombre des exceptions énumérées aux art. 44 let. a-f
et 45
let. b OJ, le refus de remettre une telle attestation n'est pas
susceptible
d'un recours en réforme. En revanche, la décision de la Présidente de
la Cour
de justice, qui clôt la procédure cantonale relative à la délivrance
du
certificat de non-appel, constitue une décision finale rendue en
dernière
instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ et art. 87 OJ a contrario)
ouvrant la
voie du recours de droit public. Formé en temps utile, le présent
recours est
en outre recevable au regard de l'art. 89 al. 1 OJ.

1.2 Il y a lieu d'examiner en outre si la Banque X.________ a la
qualité
pour recourir selon l'art. 88 OJ.

1.2.1 Selon l'intimée n° 2, la recourante est dépourvue de la
qualité pour
recourir, car elle n'a plus la légitimation active pour faire valoir
la
prétention qui a fait l'objet du procès au fond. En effet, selon des
informations datant du 11 avril 2002, celle-ci aurait été cédée à la
Fondation de valorisation des actifs de la Banque X.________, entité
distincte de la Banque X.________. De ce fait, la recourante aurait
déjà
perdu la qualité pour requérir la délivrance du certificat de
non-appel.
L'intimée n° 2 a déjà soulevé cet argument devant la Cour de justice
le 23
mai 2002. Dans ses observations du 13 juin 2002, la recourante a
affirmé
qu'elle était l'unique ayant droit des fonds consignés et que ses
éventuels
rapports internes avec la Fondation de valorisation ne concernaient
en rien
l'intimée n° 2.

1.2.2 En vertu de l'art. 88 OJ, seul peut recourir celui qui est
atteint
dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés; le recours
formé pour
sauvegarder un intérêt général ou de simples intérêts de fait est en
revanche
irrecevable (ATF 126 I 81 consid. 3b, 43 consid. 1a p. 44; 123 I 41
consid.
5b).

Selon la jurisprudence, le droit à la protection judiciaire étatique
présuppose que l'intéressé soit lésé (Beschwer). Il est formellement
lésé
lorsque, en tant que partie, il n'a pas obtenu ce à quoi il avait
conclu. Ce
critère formel ne suffit toutefois pas. Il faut encore que
l'intéressé soit
matériellement lésé, c'est-à-dire que la décision attaquée l'atteigne
dans sa
situation juridique, lui soit désavantageuse dans ses effets
juridiques et,
partant, qu'il ait intérêt à sa modification. Cette double condition
est
valable pour toutes les voies de recours au Tribunal fédéral (ATF 120
II 5
consid. 2a; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen,
Zurich 1992, p. 63 ss). L'intérêt au recours, qui est une condition de
recevabilité, ne se confond toutefois pas avec l'intérêt à l'action,
c'est-à-dire la qualité pour agir, qui est une condition de droit
matériel.
Il ne faut donc pas examiner le litige au fond pour décider si le
recours est
recevable. Pour que le recourant soit matériellement lésé, il suffit
que,
selon son argumentation, il apparaisse atteint dans un droit qui lui
appartient en propre (cf. Corboz, Le recours en réforme au Tribunal
fédéral,
in: SJ 2000 II p. 29-31).

1.2.3 En l'espèce, le jugement du Tribunal de première instance du
22 mars
2001 a été rendu dans une procédure opposant, d'une part, la Banque
X.________, et, d'autre part, C.________ SA et la G.________ SA. Le
26 avril
2001, lorsque la recourante a requis qu'un certificat de non-appel
lui soit
délivré, il n'était pas contesté qu'elle avait la qualité pour le
faire. La
question de savoir si elle avait encore cette qualité le 23 juillet
2002, au
moment du prononcé de la décision attaquée, et si elle l'a toujours
aujourd'hui n'a pas à être tranchée lors de l'examen de la qualité
pour
recourir. Dès lors que, d'une part, la recourante était partie au
jugement du
Tribunal de première instance, pour lequel elle demande un certificat
de
non-appel, et que, d'autre part, selon son argumentation, elle
apparaît lésée
par le refus qui lui a été opposé, la qualité pour recourir doit lui
être
reconnue.

2.
La question de fond relative à la légitimation de la recourante pour
demander
la délivrance d'un certificat de non-appel peut rester indécise,
puisque le
recours doit, de toute manière, être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, pour les motifs qui suivent.

3.
La recourante se plaint d'abord de la violation de son droit d'être
entendue
garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Elle prétend que la décision
attaquée est
insuffisamment motivée, car elle ne fait que se référer, de façon
générale,
aux considérants du jugement de première instance du 22 mars 2001,
sans se
prononcer sur le bien-fondé des arguments qu'elle a elle-même
présentés, de
sorte que si elle n'avait pas déposé d'observations, la motivation de
la
décision serait identique. Cela étant, la décision déférée ne lui
permettrait
pas de faire correctement usage de ses droits de partie (afin
d'évaluer ses
chances de recours ou de comprendre de quelle manière le syllogisme
judiciaire a été effectué) et, de surcroît, empêcherait l'autorité de
recours
d'exercer son contrôle.

3.1 Le droit d'être entendu étant une garantie constitutionnelle de
caractère formel, dont la violation entraîne l'annulation de la
décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le
fond, le
grief y relatif doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431
consid.
3d/aa; 126 V 130 consid. 2b p. 132 et les arrêts cités); le Tribunal
fédéral
en connaît librement (ATF 127 III 193 consid. 3 principio; 126 I 15
consid.
2a et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu - tel qu'il était
déduit de
l'art. 4 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 et tel qu'il est
désormais garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale du
18 avril
1999 - implique notamment l'obligation pour le juge de motiver sa
décision,
afin que le destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement
s'il y
a lieu. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge
mentionne, au
moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a
fondé sa
décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de
la
portée de celle-ci et recourir en connaissance de cause, et que
l'autorité de
recours puisse exercer son contrôle (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 V
180
consid. 1a; 122 IV 8 consid. 2c et les arrêts cités).

3.2 Dans l'arrêt qu'il a précédemment rendu, le Tribunal fédéral a
admis le
grief tiré de la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. du fait que la
décision
déférée n'indiquait pas pour quel motif la Présidente de la Cour de
justice
avait considéré, apparemment en application de l'art. 207 al. 1 LP,
que le
procès visant à débloquer l'argent consigné en faveur de la Banque
X.________
pouvait influer sur la masse en faillite de la société qui avait
procédé à la
consignation alors qu'elle était encore solvable.

Selon la décision qui est présentement attaquée, la faillite de la
G.________
SA a, en application de l'art. 207 LP, suspendu le procès, ainsi que
le délai
de recours en appel. Il est relevé que la G.________ SA avait allégué
devant
le Tribunal de première instance que la recourante n'était que
créancière du
montant consigné, et non pas propriétaire de celui-ci, le juge ayant
toutefois admis cette dernière qualité. La Présidente de la Cour de
justice a
estimé que la question de savoir si la recourante est propriétaire
des fonds,
ou en est simple créancière, est un point qui peut avoir une
influence sur
l'état de la masse en faillite au sens de l'art. 207 LP. Cette
motivation est
suffisante au regard de la jurisprudence, de sorte que le moyen
soulevé se
révèle mal fondé.

4.
La recourante se plaint également d'arbitraire dans l'appréciation
des faits
pertinents.

4.1 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir
- sous
peine d'irrecevabilité - un exposé succinct des droits
constitutionnels ou
des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la
violation. Le
Tribunal fédéral n'examine que les griefs exprimés de manière claire
et
détaillée (ATF 125 I 71 consid. 1c, 492 consid. 1b p. 495), ce qui
suppose la
désignation exacte des passages du jugement qui sont visés, ainsi que
des
pièces du dossier sur lesquelles repose la critique. S'il soulève en
particulier une violation de l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se
contenter
de prétendre que la décision déférée est arbitraire, mais doit au
contraire
démontrer, par une argumentation précise, qu'elle est insoutenable,
les
critiques de nature purement appellatoire étant irrecevables (ATF 125
I 492
consid. 1b p. 495; 117 Ia 10 consid. 4b p. 12; 107 Ia 186). Une
décision est
arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît
gravement
une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou encore
heurte de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 126
III 438
consid. 3 p. 440; 125 I 166 consid. 2a; 120 Ia 369 consid. 3a). La
violation
incriminée doit être manifeste et reconnaissable d'emblée (ATF 102 Ia
1
consid. 2a p. 4). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution
différente serait concevable, voire préférable (ATF
126 III 438
consid. 3 p.
440; 125 II 129 consid. 5b). Enfin, pour que la décision soit
annulée, il ne
suffit pas que ses motifs soient insoutenables; encore faut-il qu'elle
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 II 129 consid. 5b;
118 Ia
118 consid. 1c p. 124).

4.2 Selon la recourante, la situation de fait permettant de
déterminer s'il
convient de délivrer le certificat de non-appel n'est pas incertaine
et
ressort clairement des pièces qu'elle a versées à la procédure. Par
conséquent, en retenant implicitement que l'application de l'art. 207
LP
dépend des considérants du jugement de première instance,
reproduisant de
surcroît les allégués d'une partie qui n'ont pas été retenus par le
Tribunal,
la décision attaquée ignorerait et contredirait manifestement la
situation de
fait pertinente. Ce faisant, l'autorité cantonale aurait également
ignoré le
principe de l'immutabilité du litige de l'art. 312 LPC/GE, lequel
interdit
aux parties de modifier leurs conclusions en appel, et aurait, à
tort, omis
de constater qu'un appel n'était pas susceptible de modifier l'objet
du
litige et que, par conséquent, il ne pouvait en aucun cas influer sur
la
faillite en cours.

Pour autant qu'on la comprenne, cette critique ne satisfait pas aux
exigences
de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. La recourante ne démontre
nullement que les faits sur lesquels repose la décision attaquée
seraient
arbitraires. Elle ne tente pas non plus d'établir en quoi et pourquoi
la
Présidente de la Cour de justice aurait appliqué l'art. 207 LP de
façon
manifestement insoutenable en considérant que la question de savoir
si la
recourante est propriétaire ou seulement créancière du montant
consigné est
un point qui peut avoir une influence sur l'état de la masse en
faillite.
Partant, son grief est irrecevable.

5.
Vu le sort du recours, les frais de la procédure doivent être mis à
la charge
de la recourante. Celle-ci devra en outre verser une indemnité à
titre de
dépens à la masse en faillite de la G.________ SA, qui a déposé une
réponse
détaillée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la Banque
X.________.

3.
La Banque X.________ est condamnée à verser à la masse en faillite de
G.________ SA une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Présidente de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 décembre 2002

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.331/2002
Date de la décision : 12/12/2002
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-12;5p.331.2002 ?
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