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12/12/2002 | SUISSE | N°4P.237/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 décembre 2002, 4P.237/2002


{T 0/2}
4P.237/2002 /ech

Arrêt du 12 décembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

A. ________, Corso de Gasperi 53, IT-Turin,
recourant, représenté par Me Mario-Dominique Torello, avocat, rue
Monnier 1,
case postale 205, 1211 Genève 12,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

refus de l'assistance judic

iaire; chances de succès

(recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice c...

{T 0/2}
4P.237/2002 /ech

Arrêt du 12 décembre 2002
Ire Cour civile

Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Favre,
greffier Ramelet.

A. ________, Corso de Gasperi 53, IT-Turin,
recourant, représenté par Me Mario-Dominique Torello, avocat, rue
Monnier 1,
case postale 205, 1211 Genève 12,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

refus de l'assistance judiciaire; chances de succès

(recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice civile du canton de Genève, Assistance juridique, du 8
octobre 2002)

Faits:

A.
La banque X.________ SA (ci-après: la banque) estime avoir été
victime d'une
machination visant à lui faire prendre l'engagement de livrer des
titres
qu'elle ne devait en réalité jamais recevoir.

Le 21 août 1991, la banque a déposé une plainte pénale pour
escroquerie, abus
de confiance et gestion déloyale contre l'agent de change A.________,
à
Turin. Ce dernier a été inculpé par le juge d'instruction genevois et
la
procédure pénale est toujours pendante.

Le 25 septembre 1991, la banque a déposé devant le Tribunal de
première
instance du canton de Genève une demande en dommages-intérêts dirigée
notamment contre A.________.

La faillite de A.________ a été prononcée en 1992.

Dans le cadre de la procédure civile toujours pendante devant le
Tribunal de
première instance de Genève, la masse en faillite de A.________ a
passé une
transaction avec la banque.

A. ________, qui n'a pas adhéré à cette transaction, soutient que la
banque a
rompu sans droit ses relations avec lui, qu'elle n'a pas exécuté ses
obligations contractuelles à son égard, provoquant ainsi sa ruine,
dont il
entend la rendre responsable.

B.
Le 27 décembre 2001, A.________ a sollicité l'assistance juridique
pour
former une demande reconventionnelle contre la banque dans le cadre
de la
procédure civile pendante devant le Tribunal de première instance
depuis plus
de 10 ans. Compte tenu du montant qu'il entend réclamer à la banque,
les
droits de greffe relatifs à cette demande reconventionnelle s'élèvent
à 120
000 fr.

Par décision du 29 avril 2002, la Présidente du Tribunal de première
instance
a rejeté la demande d'assistance juridique, considérant que la demande
reconventionnelle n'offrait pas de chances suffisantes de succès.

Par décision du 8 octobre 2002, la Présidente de la Cour de justice a
rejeté
le recours formé contre cette décision, estimant qu'un plaideur
raisonnable
et aisé ne soutiendrait pas une telle demande reconventionnelle à ses
propres
frais.

C.
A. ________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral
contre cette
dernière décision. Invoquant une violation des art. 9, 29 al. 1 et 3
Cst.
ainsi que 6 par. 1 CEDH, il conclut à l'annulation de la décision
attaquée et
sollicite l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal
fédéral.

L'autorité intimée se réfère à sa décision sans présenter
d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ).

Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente qui
cause un
dommage irréparable, de sorte que le recours de droit public est
immédiatement ouvert contre une telle décision (art. 87 al. 2 OJ; ATF
125 I
161 consid. 1; 121 I 321 consid. 1). La décision attaquée n'est
susceptible
d'aucun autre recours sur le plan fédéral ou cantonal, de sorte que
la règle
de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84
al. 2 et
86 al. 1 OJ).

Le recourant est personnellement touché par la décision attaquée, qui
lui
refuse l'assistance judiciaire, de sorte qu'il a un intérêt
personnel, actuel
et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise
en
violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, il a
qualité pour
recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 et 32 al. 2 OJ) et dans la
forme
prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe
recevable.

Hormis certaines exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, il
revêt
un caractère purement cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation
de la
décision attaquée (ATF 127 II 1 consid. 2c; 127 III 279 consid. 1b;
126 III
534 consid. 1c).

1.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III
524
consid. 1c, 534 consid. 1b).

2.
2.1 Le recourant cite l'art. 29 al. 1 Cst., qui prescrit que toute
personne a
droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa
cause
soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Il n'explique cependant pas en quoi ce droit constitutionnel aurait
été violé
en l'espèce.

En l'absence d'une motivation répondant aux exigences de l'art. 90
al. 1 let.
b OJ, ce grief constitutionnel est irrecevable (cf. ATF 110 Ia 1
consid. 2a).

2.2 Le recourant cite également l'art. 6 par. 1 CEDH.

Il a déjà été jugé que l'on ne peut pas déduire de cette norme de rang
constitutionnel un droit à l'assistance judiciaire allant au-delà de
celui
qui est déjà garanti par la Constitution fédérale (ATF 119 Ia 264
consid. 3).

Ce grief se confond donc avec celui de violation de l'art. 29 al. 3
Cst.,
également soulevé par le recourant.

2.3 Le recourant se plaint d'une violation de son droit à l'assistance
judiciaire.

Le principe, l'étendue et les limites du droit à l'assistance
judiciaire
gratuite sont déterminés en premier lieu par les prescriptions du
droit
cantonal, dont l'application ne peut être contrôlée par le Tribunal
fédéral
que sous l'angle restreint de l'arbitraire. L'art. 29 al. 3 Cst.
offre une
garantie minimale, dont le Tribunal fédéral examine librement le
respect;
lorsque le droit cantonal ne confère pas un droit plus étendu que
celui prévu
par l'art. 29 al. 3 Cst., le grief de violation du droit à
l'assistance
judiciaire doit être traité exclusivement à la lumière de cette
dernière
disposition (ATF 124 I 1 consid. 2).

2.4 En l'espèce, le recourant se plaint en premier lieu d'une
violation
arbitraire des dispositions cantonales (sur la notion d'arbitraire:
cf. ATF
128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182; 128 II 259 consid.
5 p.
280/281).

Selon l'art. 143A de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire,
du 22
novembre 1941, le président du Tribunal de première instance accorde
l'assistance juridique sur sa demande à toute personne physique dont
la
fortune ou les revenus ne sont pas suffisants pour couvrir les frais
d'une
procédure civile, pénale ou administrative relevant de la compétence
des
juridictions du canton, ou pour lui assurer l'aide et les conseils
d'un
avocat ou d'un avocat stagiaire lorsque ceux-ci sont nécessaires (al.
1);
l'assistance juridique peut être refusée, sauf à un inculpé, s'il est
manifeste que les prétentions et les moyens de défense du requérant
sont mal
fondés (al. 2); le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application
qui fixe
les conditions selon lesquelles l'assistance juridique est accordée,
refusée
ou retirée, ainsi que les droits du défenseur à une indemnisation et
au
remboursement de ses frais (al. 4).

En l'espèce, l'assistance juridique a été refusée, parce que
l'autorité
cantonale a considéré que la demande reconventionnelle ne présentait
pas de
chances suffisantes de succès.

En ce qui concerne ce motif de refus, le règlement cantonal sur
l'assistance
juridique du 18 mars 1996 précise, à l'art. 3 al. 2, que celle-ci est
refusée
si les prétentions ou les moyens du requérant sont manifestement mal
fondés
ou procéduralement inadmissibles (let. a), ou encore pour une
procédure ou
des démarches qu'un justiciable n'entreprendrait ni ne soutiendrait à
ses
propres frais (let. b).

Bien que la loi genevoise, son règlement d'application et l'art. 29
al. 3
Cst. n'emploient pas des termes identiques, la jurisprudence a déjà eu
l'occasion de constater que l'on ne parvient pas à discerner une
distinction
claire en ce qui concerne la possibilité de refuser l'assistance
lorsque la
démarche envisagée apparaît dénuée de chances de succès; en
conséquence, le
droit genevois ne va pas, sur ce point, au-delà des garanties
minimales
découlant de la Constitution fédérale (arrêt 2P. 450/1994 6 octobre
1995
consid. 2b et l'arrêt cité). Il suffit donc d'examiner le grief sous
l'angle
de l'art. 29 al. 3 Cst., disposition qui n'a fait que codifier les
règles
déduites jusque-là de l'art. 4 aCst. et dont le Tribunal fédéral peut
examiner librement le respect.

2.5 En vertu de l'art. 29 al. 3, 1er phrase, Cst., toute personne qui
ne
dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause
paraisse
dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire
gratuite.

La seule question litigieuse en l'espèce est de savoir si la cause est
dépourvue de chances de succès.

2.5.1 Le recourant affirme, sans se référer à aucune pièce, qu'il a
sollicité
l'assistance judiciaire non seulement pour former une demande
reconventionnelle, mais aussi pour se défendre dans la procédure
civile
dirigée contre lui (recours p. 6 ch. 1).

Cette allégation est contraire aux constatations cantonales. La
décision
attaquée (p. 1 let. A) relève que le recourant a sollicité
l'assistance
juridique "pour une demande reconventionnelle contre la banque". On
trouve
d'ailleurs la même constatation dans la décision de première instance
(Ier
alinéa des considérants). Dès lors que le recourant ne prétend pas -
avec une
motivation répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ - que
l'autorité cantonale aurait arbitrairement constaté l'objet de sa
requête, il
faut s'en tenir à l'état de fait retenu par l'autorité intimée. La
question
des chances de succès ne concerne donc que la demande
reconventionnelle, pour
laquelle le recourant devrait prouver les faits allégués à l'appui de
sa
prétention.

2.5.2 Selon la jurisprudence, un procès est dénué de chances de succès
lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles
que les
risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme
sérieuses,
au point qu'un plaideur raisonnable et de condition aisée renoncerait
à s'y
engager en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter; il
ne
l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques
d'échec
sont à peu près égaux ou lorsque les premières ne sont que de peu
inférieures
aux seconds (ATF 125 II 265 consid. 4b; 124 I 304 consid. 2c; 122 I
267
consid. 2b).

Le recourant soutient qu'il était autrefois fortuné et qu'il aurait pu
assumer facilement la charge financière d'un tel procès. Il se trompe
cependant sur le sens de la jurisprudence. Peu importe que des gens
très
aisés puissent prendre en charge les frais de procès téméraires. Il
ne s'agit
nullement d'adapter la prise de risques avec les possibilités
financières.
L'exigence contenue à l'art. 29 al. 3 Cst. tend seulement à éviter que
l'indigent ne se lance, parce qu'il plaide aux frais de la
collectivité, dans
des démarches vaines qu'une personne raisonnable renoncerait à
entreprendre
si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses
propres
deniers. Pour apprécier les chances de succès, il faut faire
abstraction de
l'indigence du requérant. D'une manière purement objective, il y a
lieu de se
demander si une personne raisonnable, disposant des ressources
nécessaires,
agirait de cette manière si les coûts du litige lui incombaient.
Lorsqu'il
apparaît d'emblée que les risque de succomber l'emportent nettement
sur les
perspectives de l'emporter, la réponse est négative. A ce stade du
raisonnement, l'impécuniosité du requérant (qui constitue la seconde
condition de l'assistance judiciaire) ne joue aucun rôle.

2.5.3 Le recourant semble considérer (recours p. 14 al. 2) qu'une
présentation embrouillée des faits suffit à démontrer la nécessité de
faire
un procès en vue de clarifier la situation. Il fait derechef fausse
route.

Du moment que la requête d'assistance judiciaire concerne la demande
reconventionnelle pour laquelle le fardeau de la preuve incombe
évidemment à
son auteur, le recourant devait, dans son recours de droit public,
montrer en
quoi l'autorité cantonale avait violé son droit à l'assistance
judiciaire
(art. 29 al. 3 Cst.; art. 90 al. 1 let. b OJ), en considérant que la
reconvention était dénuée de chances de succès. Il devait donc mettre
en
évidence les perspectives de réussite de sa démarche. Bien que
représenté par
un avocat, le recourant, dans une écriture longue de 24 pages,
n'apporte
aucun élément sérieux sur la seule question pertinente. En effet, il
n'expose
pas clairement quels sont les faits à l'appui de sa prétention, ni
surtout
quels sont les moyens de preuve qu'il pourrait présenter pour établir
sa
version des faits.
Il ne parvient ainsi nullement à démontrer que
l'autorité cantonale a
dénié à
tort les chances de succès de son action. Il ressort au contraire des
constatations cantonales - non critiquées sur ce point par le
recourant -
qu'une procédure pénale est en cours contre lui depuis une dizaine
d'années
et qu'il y est inculpé. On peut raisonnablement penser que s'il
détenait la
preuve que sa version des faits est vraie, il n'aurait pas manqué de
l'apporter, pendant tout ce temps, devant le juge pénal, en sorte que
la
procédure ne serait plus pendante. Dans une certaine mesure
également, on
doit penser que la procédure civile, qui dure également depuis une
décennie,
ne se serait pas terminée par une transaction avec la masse en
faillite - que
le recourant désapprouve et qu'il n'a pas produit à l'appui de son
recours -
s'il avait pu apporter, au moins à l'égard de la masse, des preuves
concrètes. Comme le recourant n'allègue pas avoir recouvré
soudainement des
preuves décisives, on ne voit pas comment il pourrait établir sa
version des
faits, alors qu'il s'en est révélé incapable pendant une dizaine
d'années
dans deux procédures (civile et pénale) dirigées contre lui.

En considérant en pareilles circonstances que la demande
reconventionnelle
était dépourvue de chances de succès, l'autorité cantonale n'a
nullement
violé l'art. 29 al. 3 Cst.

3.
Il suit de là que le présent recours doit être rejeté. Dès l'instant
où il ne
contenait aucun élément consistant sur le seul point pertinent (les
chances
de succès de la demande reconventionnelle), il était d'emblée voué à
l'échec;
la requête d'assistance judiciaire déposée par le recourant pour la
procédure
devant le Tribunal fédéral doit donc être refusée (cf. art. 152 al. 1
OJ).

Vu l'issue du différend, les frais judiciaires seront mis à la charge
du
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer des
dépens à l'autorité qui obtient gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire formée par le recourant pour la
procédure
devant le Tribunal fédéral est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et à la
Présidente de
la Cour de justice civile du canton de Genève, Assistance juridique.

Lausanne, le 12 décembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.237/2002
Date de la décision : 12/12/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-12;4p.237.2002 ?
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