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11/12/2002 | SUISSE | N°I.210/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 décembre 2002, I.210/02


{T 7}
I 210/02

Arrêt du 11 décembre 2002

IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

R.________, recourant, représenté par Me Catherine Jaccottet Tissot,
avocate,
place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

(Jugement du 27 août 2001)

Faits :

A.
A.a R.________ travaillait en qualité de peintre en

bâtiment au
service de
l'entreprise X.________ SA. Victime d'un accident professionnel le 30
décembre 1992, pris en charge par la...

{T 7}
I 210/02

Arrêt du 11 décembre 2002

IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

R.________, recourant, représenté par Me Catherine Jaccottet Tissot,
avocate,
place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

(Jugement du 27 août 2001)

Faits :

A.
A.a R.________ travaillait en qualité de peintre en bâtiment au
service de
l'entreprise X.________ SA. Victime d'un accident professionnel le 30
décembre 1992, pris en charge par la Caisse nationale suisse
d'assurance en
cas d'accidents (CNA), il a subi une intervention chirurgicale. Le
docteur
A.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a posé le
diagnostic
de status après réinsertion du sus-épineux pour rupture traumatique
de la
coiffe des rotateurs. Dès le mois d'août 1993, R.________ a repris son
activité, d'abord à temps partiel, puis à temps complet mais avec un
rendement diminué de moitié.

Par décision du 26 avril 1996, la CNA a accordé à l'assuré une rente
d'invalidité de 40 % dès le 1er avril 1996, ainsi qu'une indemnité
pour
atteinte à l'intégrité de 15 %. Cette décision a été confirmée par
jugement
du Tribunal des assurances du canton de Vaud, puis par arrêt du
Tribunal
fédéral des assurances du 8 avril 1998 (U 321/97).

Le 3 juillet 1996, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité pour
le canton
de Vaud (ci-après: l'office AI) a alloué à l'assuré une demi-rente,
assortie
d'une rente complémentaire pour épouse, à partir du 1er juin 1994,
fondée sur
un taux d'invalidité de 51 %.

A.b Dans le cadre d'une procédure de révision du droit à la rente,
l'office
AI a recueilli divers renseignements, dont un rapport du docteur
A.________
du 16 juillet 1996, selon lequel la capacité de travail de 50 %
réalisée par
l'assuré dans son activité devenait «de plus en plus difficile à
soutenir»,
alors que sur le plan médical, la situation restait inchangée. De son
côté,
l'employeur a indiqué, le 25 avril 1997, que le rendement de l'assuré
comme
peintre aurait baissé à 25 %. Par la suite, le médecin a réexaminé
R.________
le 21 janvier 1998 et admis une incapacité de travail d'au moins 75 %
en tant
que peintre, voire même totale selon la structure de l'entreprise. Il
a en
revanche estimé que dans toute activité réalisée à hauteur d'établi
ou ne
nécessitant pas l'usage de la force et des amplitudes dépassant la
ligne des
épaules, la capacité de travail de celui-ci pourrait être normale, en
fonction de l'activité proposée (rapport du 22 janvier 1998). A la
demande de
l'office AI, R.________ a également effectué un stage d'évaluation
auprès du
centre de formation Y.________ du 1er octobre au 31 décembre 1998.

Par décision du 24 janvier 2000, l'office AI a supprimé le droit à la
demi-rente de l'assuré avec effet au 1er mars 2000, au motif qu'il
disposait
d'une capacité de gain résiduelle de 3673 fr. par mois et présentait
un taux
d'invalidité de 28,50 % ce qui n'ouvrait pas le droit à une rente.

B.
R.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du
canton de
Vaud qui l'a débouté par jugement du 27 août 2001, après avoir requis
un
nouvel avis du docteur A.________ (du 18 août 2000).

C.
L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont il
demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
principalement au maintien d'une demi-rente d'invalidité au-delà du
1er mars
2000 et, subsidiairement, à la reconnaissance de son droit à des
mesures de
reclassement.
L'office AI conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.
L'objet de la contestation, déterminé par la décision administrative
du 24
janvier 2000, porte sur le point de savoir si l'office intimé était
fondé à
supprimer le droit du recourant à une demi-rente d'invalidité à
partir du 1er
mars 2000. En revanche, la décision entreprise n'avait pas pour objet
le
droit à des mesures de réadaptation, de sorte qu'il n'y a pas lieu de
se
prononcer sur ce point dans le cadre de la présente procédure (ATF
125 V 414
consid. 1a, 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées). La
conclusion du
recourant, qui demande la première fois en instance fédérale que lui
soient
accordées des mesures de réadaptation, n'est donc pas recevable.

2.
Les dispositions légales et les principes jurisprudentiels
applicables au cas
ont été correctement rappelés dans le jugement entrepris, de sorte
qu'on peut
y renvoyer.

On ajoutera qu'aux termes de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un
bénéficiaire
de rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente,
celle-ci
est, pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. La rente n'est
susceptible d'être révisée qu'en cas de changement important des
circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le
droit à la
rente, soit non seulement en cas de modification sensible de l'état
de santé,
mais aussi lorsque ce dernier est en soi le même, mais que ces
conséquences
sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 113 V
275
consid. 1a et les arrêts cités; voir également ATF 112 V 372 consid.
2b et
390 consid. 1b). Le point de savoir si un tel changement s'est
produit doit
être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au
moment de
la situation initiale de rente et les circonstances régnant à
l'époque de la
décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et les références). Il
ne suffit
toutefois pas qu'une situation demeurée inchangée pour l'essentiel
soit
appréciée de manière différente (ATF 112 V 372 consid. 2b et 390
consid. 1b).

3.
3.1L'autorité cantonale de recours a nié l'existence d'une
aggravation de
l'état de santé du recourant. Elle a toutefois admis, comme motif de
révision
au sens de l'art. 41 LAI, le fait que le recourant a cessé son
activité de
peintre parce que la poursuite de celle-ci «était incompatible avec
son état
de santé». Ce raisonnement comporte déjà en soi une contradiction,
dès lors
que le tribunal cantonal justifie une modification importante de la
situation
économique du recourant par une incompatibilité entre son activité
professionnelle - dont les conditions d'exercice n'ont pas changé -
et son
état de santé, sans admettre justement une péjoration de celui-ci.

En fait, au vu des constatations du docteur A.________, on peut
retenir que
l'état de santé du recourant a subi une «lente mais réelle
dégradation (...)
surtout en ce qui concerne la résistance» de l'épaule gauche; le
médecin a
ainsi attesté au début de l'année 1998 que les amplitudes
fonctionnelles du
bras gauche avaient légèrement régressé par rapport aux contrôles
réalisés
précédemment. En revanche, s'il a admis que le recourant ne
présentait plus
une capacité de travail de 50 % en qualité de peintre, il a cependant
précisé
qu'il était capable d'effectuer à plein temps une activité légère
moyennant
certaines restrictions (rapport du 22 janvier 1998).

3.2 Le raisonnement de l'autorité cantonale de recours est paradoxal
pour un
second motif encore. On ne saurait en effet affirmer, d'une part, que
le
recourant a subi une modification (négative) dans sa situation
économique,
dès lors qu'il ne peut plus exercer son activité de peintre pour des
raisons
de santé, et en déduire, d'autre part, une diminution de son
invalidité. Les
premiers juges ont admis que le taux d'invalidité de l'assuré a subi
une
évolution favorable, puisqu'il aurait passé de 51 % en 1996 à 32 % en
2000,
tout en motivant cette modification par une péjoration de la capacité
de
travail du recourant, ce qui devrait logiquement conduire à une
diminution de
sa capacité de gain. En l'absence de toutes mesures de réadaptation
dont
aurait bénéficié le recourant et en considérant qu'il n'est plus en
mesure
d'exercer son activité antérieure, on ne voit pas comment sa situation
économique aurait pu évoluer de manière à diminuer le taux
d'invalidité qu'il
présentait en 1996, soit à une époque où il ne pouvait déjà plus
travailler
qu'avec un rendement réduit.

3.3 En réalité, à l'instar de l'intimé - qui s'est contenté
d'effectuer un
nouveau calcul de l'invalidité du recourant pour étayer la décision
litigieuse, sans déterminer de motif de révision au sens de l'art. 41
LAI -,
l'instance judiciaire cantonale s'est bornée à effectuer une
comparaison des
revenus avant et après invalidité, comme si elle avait à apprécier le
droit à
la rente de l'assuré pour la première fois. En particulier, elle ne
démontre
pas en quoi les bases de comparaison des gains auraient concrètement
changé
depuis 1996, alors qu'à cette époque-là déjà, le recourant était
incapable de
travailler dans son métier à plein-temps (questionnaires pour
l'employeur des
27 février 1995 et 25 avril 1997). Or, la révision au sens de l'art.
41 LAI
ne saurait fonder une nouvelle évaluation inconditionnelle du droit à
la
rente (ATF 112 V 372 consid. 2b et 376 consid. 4; Meyer-Blaser,
Bundesgesetz
über die Invalidenversicherung (IVG), p. 253 sv, ad 41 LAI), soit
sans que
n'existe une modification de la situation ayant concrètement des
effets sur
la capacité de gain de l'assuré. Au vu du dossier, aucun élément ne
permet en
fait de retenir que la capacité de gain du recourant aurait subi une
modification décisive au sens de la LAI depuis la décision initiale.

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un
motif
de révision au sens de l'art. 41 LAI.

4.
Il reste à examiner si la décision litigieuse doit être confirmée
pour le
motif substitué que les conditions d'une reconsidération de la
décision
d'octroi d'une demi-rente d'invalidité sont remplies.

4.1 Lorsque les conditions d'une révision au sens de l'art. 41 LAI
font
défaut, l'administration peut en tout temps, par la voie de la
reconsidération, revenir d'office sur une décision formellement
passée en
force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est
pas
prononcée sous l'angle matériel, à condition qu'elle soit sans nul
doute
erronée et que sa rectification revête une importance notable. Le
juge peut,
le cas échéant, confirmer une décision de révision rendue à tort pour
le
motif substitué que la décision de rente initiale était sans nul doute
erronée et que sa rectification revêt une importance notable. (ATF
125 V 369
consid. 2 et les références).

4.2 Il est constant que le recourant présentait déjà en 1996 une
incapacité
de travail de 50 % dans son activité de peintre (cf. rapports du
docteur
A.________ des 28 mars 1995 et 16 juillet 1996; questionnaires pour
l'employeur des 27 février 1995 et 25 avril 1997). Partant de cette
constatation, l'office intimé s'est contenté à cette époque de fixer
le taux
d'invalidité à 51 % en reprenant simplement le taux d'incapacité
fonctionnelle présenté par l'assuré dans la profession qu'il exerçait
jusque-là. Or, la détermination du taux d'invalidité ne saurait
reposer sur
la simple évaluation médico-théorique de la capacité de travail de
l'assuré,
car cela revient à déduire de manière abstraite le degré d'invalidité
de
l'incapacité de travail, sans tenir compte de l'incidence économique
de
l'atteinte à la santé, ce qui n'est pas admissible (ATF 114 V 283
consid. 1c,
314 consid. 3c; RAMA 1996 n° U 237 p. 36 consid. 3b; 1991 n° U 130 p.
272
consid. 3b). L'office intimé aurait donc dû procéder selon la méthode
générale de comparaison des revenus (cf. art. 28 al. 2 LAI).

4.3 Contrairement à l'office intimé, la CNA a effectué une telle
comparaison
des revenus et fixé à 40 % le taux d'invalidité du recourant dans sa
décision
du 26 avril 1996, confirmée par décision sur opposition du 2 juillet
1996. Le
résultat de ce calcul a été par la suite confirmé par le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, puis par la Cour de céans par jugement
du 8
avril 1998 (U 321/97). Etant donné que la notion d'invalidité est, en
principe, identique en matière d'assurance-accidents et
d'assurance-invalidité (ATF 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités)
et que
la méthode générale de comparaison des revenus est valable tant en
matière
d'assurance-invalidité que dans le domaine de l'assurance-accidents
(ATF 114
V 312 consid. 3a), il n'y a pas lieu, en l'espèce, de s'écarter du
taux
d'invalidité de 40 % fixé par l'assureur-accidents du recourant. A
cet égard,
celui-ci s'est fondé sur les données économiques et médicales qui
prévalaient
en 1996 - et qui auraient dû être prises en compte par l'office
intimé dans
sa décision initiale -, lesquelles ont été retenues par le Tribunal
fédéral
des assurances. Par conséquent, on peut retenir que le recourant
présentait
un taux d'invalidité de 40 % au moment de la décision litigieuse, ce
qui lui
ouvre le droit à un quart de rente (art. 28 al. 1 LAI). Partant, la
décision
initiale par laquelle l'office intimé avait alloué au recourant une
demi-rente d'invalidité, pour un taux d'invalidité de 51 %, était
manifestement erronée. Sa rectification revêt par ailleurs une
importance
notable, dans la mesure où elle conduit à supprimer la demi-rente
allouée au
recourant et la remplacer par le droit à un quart de rente.

5.
Au vu de ce qui
précède, le jugement attaqué ainsi que la décision du
24
janvier 2000 doivent être annulés. La cause doit être renvoyée à
l'office
intimé pour qu'il procède au calcul du quart de rente auquel le
recourant a
droit à partir du 1er mars 2000 (art. 88bis al. 2 let. a LAI).

6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le
recourant, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une
indemnité
de dépens réduite pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 et 3 en
corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis et le
jugement du 27
août 2001, ainsi que la décision du 20 janvier 2000 de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud sont annulés. Le
recourant a
droit à un quart de rente fondé sur un taux d'invalidité de 40 % à
partir du
1er mars 2000.

2.
La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de
Vaud pour qu'il statue sur la quotité de la rente auquel a droit le
recourant
au sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera au
recourant la somme de 1500 fr. (y compris la taxe sur la valeur
ajoutée) à
titre d'indemnité de procédure.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur
les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue du procès.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.210/02
Date de la décision : 11/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-11;i.210.02 ?
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