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10/12/2002 | SUISSE | N°U.17/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2002, U.17/02


{T 7}
U 17/02

Arrêt du 10 décembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Kernen et Geiser, suppléant.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

CSS Assurance, rue Haldimand 17, 1000 Lausanne 9, intimée,

concernant R.________,

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 27 novembre 2001)

Faits :


A.
R. ________ travaillait en qualité d'employé de commerce au service de
X.________ SA. A ce titre, il était assuré cont...

{T 7}
U 17/02

Arrêt du 10 décembre 2002
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Kernen et Geiser, suppléant.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

CSS Assurance, rue Haldimand 17, 1000 Lausanne 9, intimée,

concernant R.________,

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 27 novembre 2001)

Faits :

A.
R. ________ travaillait en qualité d'employé de commerce au service de
X.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque
d'accident auprès
de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Dans l'après-midi du 1er août 2000, l'assuré s'est mal réceptionné
dans l'eau
alors qu'il effectuait un plongeon d'une hauteur de sept mètres à la
piscine
de Y.________. Il a subi un choc au crâne. Le lendemain, il a
ressenti à la
tête, à la nuque et aux épaules des douleurs qui sont devenues de
plus en
plus fortes. Le docteur A.________, chiropraticien, que l'intéressé a
consulté le 3 août 2000, a posé le diagnostic d'entorse du rachis
cervical
(rapport médical du 18 août 2000).

Entendu par un inspecteur de l'assureur-accidents le 18 octobre 2000,
R.________ a déclaré qu'il n'avait jamais consulté de médecin pour un
problème de nuque ou d'épaules auparavant; qu'il avait été atteint de
la
maladie de Scheuermann à l'âge de 15 ans et avait dû porter un corset
durant
six mois; qu'avant le 1er août 2000, il pratiquait régulièrement la
natation
et que, depuis six ans, il effectuait des plongeons d'une hauteur de
sept
mètres; que, le jour en question, il avait déjà nagé durant deux
heures et
plongé à quatre ou cinq reprises avant l'incident. Sur les
circonstances de
celui-ci, il a indiqué que, n'ayant pas ramené sa tête suffisamment
vers le
bas de son corps, celle-ci avait pénétré dans l'eau par le sommet du
crâne et
qu'il avait ressenti comme un choc; qu'il n'avait alors éprouvé ni
douleur,
ni gêne et avait continué à nager durant environ une heure encore.

Par décision du 21 novembre 2000, la CNA a refusé ses prestations à
l'assuré,
niant qu'un accident soit à l'origine de son atteinte à la santé et
que
celle-ci constitue une lésion corporelle assimilée à un accident.

Sur opposition de la CSS Assurance, caisse-maladie de R.________, la
CNA a
confirmé son refus de prestations par décision du 19 avril 2001.

B.
Par jugement du 27 novembre 2001, le Tribunal administratif du canton
de
Genève a admis le recours formé par la CSS Assurance contre cette
décision
qu'il a annulée et condamné la CNA à prendre en charge les frais
consécutifs
à l'événement du 1er août 2000. Les juges cantonaux ont retenu que la
lésion
subie par l'assuré devait être assimilée à un accident.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
concluant à son annulation et au rétablissement de la décision sur
opposition
qu'elle a rendue le 19 avril 2001.

La caisse-maladie propose le rejet sous suite de frais, tandis que ni
l'Office fédéral des assurances sociales, ni l'assuré n'ont présenté
de
détermination.

Considérant en droit :

1.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et
involontaire,
portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui
compromet
la santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1 OLAA;
ATF 122
V 232 consid. 1 et les références).

Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur
extérieur,
mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le
facteur
extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et
des
situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou
d'habituels (ATF 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que
les
références).

2.
En l'espèce, l'événement du 1er août 2000 ne peut être retenu comme un
accident au sens de la législation sur l'assurance-accidents. Si, à
titre
d'exemple, le Tribunal fédéral des assurances a bien qualifié de cause
extérieure la modification de la pression subie par le corps humain
dans
l'exercice de la plongée (arrêt R. du 7 février 1984, U 32/82 publié
dans CNA
1984 n° 2, p. 3) ou en cas d'accélération de la pesanteur lors du
brusque
changement de la trajectoire d'un avion (arrêt non publié F. du 28
juin 2002,
U 370/01), il a en revanche nié le caractère extraordinaire de ces
facteurs
extérieurs. Il en va de même d'une roulade effectuée au cours d'une
leçon de
gymnastique ayant entraîné des douleurs dans la nuque (arrêt non
publié
Winterthur du 28 juin 2002, U 98/01), des effets d'un tour en manège
forain
(RAMA 1996 n° U 253 p. 205 consid. 6a) ou d'un freinage d'urgence en
voiture
sans collision (arrêt non publié X du 3 août 2000, U 349/99), ayant
conduit à
une distorsion de la colonne cervicale. De même, l'exécution
légèrement
imparfaite d'une figure de gymnastique ou d'un mouvement dans
l'exercice d'un
sport ne constitue pas, selon la jurisprudence, un accident au sens
de la loi
(arrêts non publiés SWICA du 21 septembre 2001, U 134/00; S. du 1er
avril
1998, U 304/97).

Dès lors, l'événement en cause, soit le choc ressenti par l'assuré en
raison
du mauvais positionnement de son corps lors de la pénétration dans
l'eau à
l'occasion d'un plongeon d'une hauteur de sept mètres, ne saurait être
qualifié de facteur extraordinaire.

Au demeurant, la position incorrecte de l'assuré lors de l'impact de
son
corps dans l'eau ne saurait être considéré comme un mouvement non
programmé
au sens dégagé par la jurisprudence (RAMA 1999 n° U 345 p. 422
consid. 2b,
1996 n° U 253 p. 204 consid. 4c, 1992 n° U 156 p. 260 consid. 3a),
dès lors
que celui-ci n'a pas effectué un mouvement désordonné et
involontaire, tel un
mouvement de recul effectué par réflexe (cf. Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, 2e éd., 1989, p. 176 sv), juste avant
d'entrer dans
l'eau, mais se trouvait, à ses dires, dans une position adéquate, les
deux
bras ramenés au-dessus de sa tête.

Cela étant, le caractère accidentel de l'événement doit être nié.

3.
3.1
Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans
l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux
conséquences d'un
accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil
fédéral a
édicté l'art. 9 al. 2 OLAA, qui prévoit que les lésions suivantes sont
assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un
facteur
extérieur de caractère extraordinaire:

a. Les fractures, dans la mesure où elles ne sont pas manifestement
causées
par une maladie;
b. Les déboîtements d'articulations;
c. Les déchirures du ménisque;
d. Les déchirures de muscles;
e. Les froissements de muscles;
f. Les déchirures de tendons;
g. Les lésions de ligaments;
h. Les lésions du tympan.

Cette liste des lésions assimilées à un accident est exhaustive (ATF
116 V
140 consid. 4a, 147 consid. 2b, et les références; Maurer, op. cit.,
p. 202).
La notion de lésion assimilée à un accident, au sens de cette
disposition
réglementaire, a pour but d'atténuer en faveur de l'assuré les
rigueurs
résultant de la distinction que le droit fédéral opère entre la
maladie et
l'accident. Aussi les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un
risque
qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être
couvert
par l'assurance-maladie (ATF 123 V 44 sv consid. 2b; RAMA 2001 n° U
435 p.
333 sv consid. 2c).

3.2 En l'espèce, le médecin traitant de l'assuré a diagnostiqué une
entorse
du rachis cervical (rapport du 18 août 2000 à la CNA). De son côté, le
docteur B.________, spécialiste FMH en radiologie et médecine
nucléaie, a
conclu dans son rapport d'examen radiologique de la colonne cervicale
de
l'intéressé, pratiqué le 3 août 2000, à un «trouble de la statique
cervicale
dans les deux plans, comprenant entre autre un décentrage de
l'odontoïde vers
la gauche, une angulation cyphotique à l'étage C5-C6 et une rotation
axiale
pratiquement de tous les éléments, sans fracture décelable». De plus,
R.________ a déclaré à l'inspecteur de la CNA qu'il avait souffert
durant son
adolescence de la maladie de Scheuermann.

Ces données médicales sont insuffisantes pour déterminer si l'assuré
a subi,
le 1er août 2000, des lésions aux ligaments de la colonne cervicale
ou si les
troubles qu'il a présentés sont manifestement imputables aux
séquelles de la
maladie dont il a fait état, voire de phénomènes dégénératifs. A cet
égard,
il y a lieu de préciser que si l'art. 9 al. 2 OLAA prévoit à la let.
g les
«lésions de ligaments», il s'agit là de l'appareil ligamentaire au
sens
précis, soit du faisceau de tissu fibreux servant à unir les os ou les
cartilages entre eux, et non des liaisons plus lâches, telle celle du
disque
intervertébral (RAMA 1988 n° U 58 p. 376 sv consid. 2c; Maurer, op.
cit., p.
205 ad let. g). La notion de «lésions de ligaments» au sens de cette
disposition réglementaire ne comprend toutefois pas seulement la
rupture de
ligaments, mais aussi les étirements et les élongations de ligaments
(RAMA
1990 n° U 112 p. 374 sv consid. 2b et la référence).

On ne perçoit en outre pas sur quelle pièce pouvait se fonder l'assuré
lorsqu'il alléguait devant la cour cantonale que le plongeon en cause
avait
provoqué un déplacement des cervicales et une déchirure musculaire.
D'ailleurs, le médecin d'arrondissement de la CNA a estimé que «le
terme
d'entorse est trop vague pour qu'il puisse être pris en considération
pour un
organe complexe comme le cou, dans son ensemble» (note du 18 octobre
1998).

L'instruction de la cause se révèle ainsi incomplète pour permettre de
trancher le litige de façon sûre. Il convient donc d'annuler le
jugement
attaqué et la décision de la CNA du 19 avril 2001, la cause étant
renvoyée à
cette dernière pour qu'elle complète les actes du dossiers par des
renseignements médicaux plus précis, - singulièrement sur l'existence
ou non
d'une lésion de ligaments au sens dégagé par la jurisprudence - au
besoin en
ordonnant une expertise médicale.

4.
Le principe de la gratuité des procédures de recours en matière
d'octroi ou
de refus de prestations d'assurance selon l'art. 134 OJ n'est pas
valable
dans un litige qui oppose une caisse-maladie et un assureur-accidents
au
sujet des prestations en faveur d'un assuré commun (ATF 127 V 107
consid. 6,
126 V 192 consid. 6 et les références). La recourante obtenant gain
de cause,
les frais seront supportés par la caisse-maladie intimée qui succombe
(art.
156 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du
canton de
Genève du 27 novembre 2001, ainsi que la décision de la Caisse
nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents du 19 avril 2001 sont annulés.

2.
La cause est renvoyée à la CNA pour complément d'instruction au sens
des
considérants et nouvelle décision.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 3000.- fr., sont mis à la
charge de la
CSS Assurance.

4.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 3000.-
fr., lui
est restituée.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à R.________, au
Tribunal
administratif du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des
assurances
sociales.

Lucerne, le 10 décembre 2002
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.17/02
Date de la décision : 10/12/2002
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-10;u.17.02 ?
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