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10/12/2002 | SUISSE | N°7B.194/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 décembre 2002, 7B.194/2002


{T 0/2}
7B.194/2002 /frs

Arrêt du 10 décembre 2002
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Nordmann, présidente,
Escher, Meyer,
greffier Fellay.

Société Anonyme X.________,
recourante, représentée par Me Vincent Jeanneret, avocat, Etude
Schellenberg
Wittmer, Cours de Rive 10, case postale 3054, 1211 Genève 3,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du
canton
de Genève, Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

fixation de délai pour adapter une production

(recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance des
Off...

{T 0/2}
7B.194/2002 /frs

Arrêt du 10 décembre 2002
Chambre des poursuites et des faillites

Les juges fédéraux Nordmann, présidente,
Escher, Meyer,
greffier Fellay.

Société Anonyme X.________,
recourante, représentée par Me Vincent Jeanneret, avocat, Etude
Schellenberg
Wittmer, Cours de Rive 10, case postale 3054, 1211 Genève 3,

contre

Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites du
canton
de Genève, Palais de Justice, case postale 3108, 1211 Genève 3.

fixation de délai pour adapter une production

(recours LP contre la décision de l'Autorité de surveillance des
Offices de
poursuites et de faillites du canton de Genève du 30 août 2002)

Faits:

A.
A.a Dans le cadre de plusieurs poursuites en réalisation de gages
immobiliers
dirigées contre la Société Anonyme A.________, l'Office des poursuites
Rive-Droite a procédé à la vente aux enchères, le 25 mai 2001, d'un
complexe
immobilier appelé "C.________". Ce complexe était composé d'une
partie dite
"avant" (sur la parcelle no XXXX), comprenant notamment un casino,
une salle
de spectacles ainsi qu'un hôtel exploité par la société Y.________,
et d'une
partie dite "arrière" (sur la parcelle no YYYY, contiguë à la
parcelle no
XXXX). La partie "avant" a été adjugée à la Société Anonyme
X.________,
devenue créancière, par cession, deux jours avant la vente (ci-après:
la
créancière adjudicataire). La partie "arrière" a été adjugée à
Z.________ SA.

La vente aux enchères a fait l'objet de plusieurs plaintes, auxquelles
l'effet suspensif a été attribué. Contre la décision de l'autorité
cantonale
de surveillance du 28 novembre 2001 confirmant l'adjudication, des
recours LP
et de droit public ont été interjetés auprès du Tribunal fédéral. En
instance
fédérale, l'effet suspensif n'a été ni sollicité ni ordonné, mais il
découle,
s'agissant des recours LP, de l'art. 66 al. 1 de l'ordonnance du
Tribunal
fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles
(ORFI; RS
281.42). Lesdits recours ont été soit déclarés irrecevables, soit
rejetés par
arrêts du 15 février 2002 (recours de droit public) et du 21 mars 2002
(recours LP).

Dans l'intervalle, le complexe immobilier a continué à faire l'objet
d'une
gérance légale pour le compte des créanciers.

A.b S'adressant le 2 juillet 2001 à la créancière adjudicataire,
l'office lui
a fait connaître sa position sur les conséquences de l'effet suspensif
accordé aux plaintes contre la vente aux enchères. Il lui a notamment
demandé
une garantie bancaire en remplacement de son chèque, garantie qui a
été
fournie et prolongée à plusieurs reprises dans l'attente des arrêts du
Tribunal fédéral. Il lui a fait savoir par ailleurs que, en cas de
confirmation de l'adjudication, il semblait logique d'adapter
également les
intérêts de sa production.

Dans une nouvelle prise de position du 14 janvier 2002, l'office a
estimé que
la suspension de l'adjudication du 25 mai 2001 comportait des effets
"ex
nunc" et il a annoncé que, si l'adjudication était validée, un délai
de 20
jours serait accordé aux créanciers portés à l'état des charges pour
produire
leur ajustement d'intérêts du 26 mai 2001 à la date du rendu de
l'arrêt du
Tribunal fédéral. La plainte formée contre cette prise de position,
par la
créancière adjudicataire notamment, a été déclarée irrecevable, faute
de
mesure attaquable, par décision de l'autorité cantonale de
surveillance du 8
mai 2002.

B.
Par courrier du 21 juin 2002, l'office a imparti à la créancière
adjudicataire un délai au 5 juillet 2002 pour procéder à l'adaptation
de sa
production (calcul des intérêts) à la date de confirmation de
l'adjudication
(22 mars 2002). Il lui a en outre demandé des informations concernant
les
produits de l'immeuble qu'elle aurait pu recevoir elle-même, ces
produits
devant venir en déduction de sa production. L'office a par ailleurs
annoncé
le dépôt d'un nouvel état des charges après réception des
informations en
question.

Le 2 juillet 2002, la créancière adjudicataire a formé une plainte
contre la
décision précitée en tant qu'elle fixait au 22 mars 2002 la date à
partir de
laquelle l'adjudication déployait ses effets. L'autorité cantonale de
surveillance a rejeté la plainte par décision du 30 août 2002,
communiquée le
24 du mois suivant à la créancière adjudicataire, ainsi qu'à la SA
A.________, à V.________, à Z.________ SA et à E.________.

C.
Par la voie d'un recours déposé le (lundi) 7 octobre 2002, la
créancière
adjudicataire a conclu à ce qu'il plaise à la Chambre des poursuites
et des
faillites du Tribunal fédéral
"A la forme
1.Déclarer le présent recours recevable;
2.Réserver à la recourante la possibilité de répliquer sur le vu des
écritures des autres intervenants;

Au fond

Principalement
3.Annuler et mettre à néant la décision de l'Autorité de surveillance
des
Offices de poursuites et de faillites de la République et canton de
Genève du
30 août 2002 ...

Cela fait et statuant à nouveau
4.Dire que les adjudications du 25 mai 2001 emportent un effet "ex
tunc" au
jour de la vente aux enchères, soit au 25 mai 2001;

Subsidiairement
5.Renvoyer la cause à l'Autorité de surveillance cantonale pour prise
d'une
nouvelle décision dans le sens des considérants;
6.Condamner tout opposant aux dépens lesquels comprendront une
équitable
participation aux frais d'avocat de la recourante."

D.
V. ________ conclut au rejet du recours. Z.________ SA en fait de
même, tout
en mettant en doute la recevabilité du recours. La SA A.________ et
E.________ ont renoncé à formuler des observations. L'office s'en
rapporte à
justice.

La Chambre considère en droit:

1.
Il n'y a pas lieu d'ordonner le deuxième échange d'écritures requis,
car la
Chambre de céans se trouve suffisamment renseignée en l'état sur le
fond de
l'affaire. Un droit à un tel échange n'existe d'ailleurs pas en droit
fédéral
(Pfleghard, in: Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, n.
5.88).

2.
C'est avec raison que l'une des parties intimées met en doute la
recevabilité
du recours. En effet, le recours ne tend pas à l'annulation de la
mesure
concrète ordonnée par l'office, objet de la plainte, à savoir la
fixation à
la recourante d'un délai pour ajuster sa production au 22 mars 2002
en vue de
l'établissement d'un nouvel état des charges. La recourante se serait
d'ailleurs exécutée, comme le relève l'une des parties intimées en se
référant au nouvel état des charges réactualisé au 22 mars 2002
(pièce 16
nouvelle, produite par la recourante elle-même). En tant qu'il vise à
la
seule constatation du caractère "ex tunc" de l'adjudication, sans
formuler de
conclusion quelconque quant au sort de la mesure attaquée, le recours
répond
à un intérêt purement théorique, nullement concret, actuel et réel
(cf.
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la
faillite, n. 33 ad art. 18 LP et 66 ad art. 19 LP).

Dans ces conditions, force est de déclarer le recours irrecevable.

3.
Même s'il était recevable, le recours devrait être rejeté pour les
motifs
exposés de manière convaincante dans la décision attaquée et les deux
réponses au recours, et brièvement rappelés ci-après.

La plainte et le recours contre une adjudication immobilière ont un
effet
suspensif automatique (art. 66 ORFI; ATF 121 III 197 consid. 2 p. 199;
Cometta, in Kommentar zum SchKG, n. 9 ad art. 36 LP). D'une façon
générale,
lorsqu'une plainte ou un recours est définitivement rejeté, l'acte de
poursuite attaqué reprend à nouveau plein effet dès sa date dans tous
les cas
où un tel retour dans le temps est matériellement et raisonnablement
possible
(Gilliéron, op. cit., n. 24 ad art. 36 LP et les références citées). A
contrario, un tel retour dans le temps est exclu lorsqu'il n'est pas
matériellement et raisonnablement possible (cf. ATF 112 V 74 consid.
2a et b
p. 76). Ainsi en va-t-il en cas de faillite, lorsque son prononcé fait
l'objet d'un recours muni de l'effet suspensif: à cause des
conséquences
juridiques importantes de la faillite et afin d'éviter les
complications
inextricables qu'entraînerait un désaisissement rétroactif du
débiteur (art.
204 LP), la jurisprudence admet que la date de l'arrêt prononcé sur
recours
est à considérer comme le moment d'ouverture de la faillite (ATF 85
III 157;
79 II 43).

En l'espèce, l'autorité cantonale de surveillance a retenu, par
analogie avec
le cas de la faillite, qu'il n'était matériellement et
raisonnablement pas
possible de revenir sur toutes les conséquences liées à l'ajournement
des
effets de l'adjudication, et en particulier d'annuler rétroactivement
les
conséquences multiples, directes et indirectes, de la gérance légale
de tout
un complexe immobilier abritant divers commerces, étant précisé que
le gérant
légal avait conclu ou modifié des contrats et perçu "certains" fruits
civils.
Par ailleurs, selon l'autorité cantonale, il n'y avait pas de raison
d'arrêter au jour de l'adjudication le cours des intérêts sur les
créances
garanties par gages immobiliers, alors que l'adjudicataire n'avait
rien à
payer avant la confirmation de la validité de son acquisition (ATF 51
III 10
consid. 3 p. 13).

La complexité de la situation et les inévitables complications en
résultant
sont des éléments de fait qui lient la Chambre de céans (art. 63 al.
2 et 81
OJ). Sur la base de ces éléments, ressortant d'ailleurs à l'évidence
du
dossier, et eu égard à ce qui précède, l'autorité cantonale de
surveillance
était fondée à admettre que l'adjudication du 25 mai 2001 emportait
des
effets "ex nunc", à partir de la notification des arrêts du Tribunal
fédéral
confirmant cette adjudication.

4.
Conformément aux art. 20a al. 1 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP,
il n'y
a pas lieu de percevoir d'émolument de justice, ni d'allouer des
dépens.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à Me
Robert Fiechter, avocat à Genève, pour la Société Anonyme A.________,
à Me
François Bolsterli, avocat à Genève, pour V.________, à Me Pierre
Louis
Manfrini, avocat à Genève, pour Z.________ SA et Banque B.________
SA, à
E.________ Assurances, à l'Office des poursuites Rive-Droite de
Genève et à
l'Autorité de surveillance des Offices de poursuites et de faillites
du
canton de Genève.

Lausanne, le 10 décembre 2002

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.194/2002
Date de la décision : 10/12/2002
Chambre des poursuites et des faillites

Analyses

Prise d'effets d'une adjudication immobilière objet d'un recours. Par analogie avec le cas de la faillite, l'adjudication immobilière produit des effets "ex nunc" à partir de la notification de l'arrêt sur recours qui la confirme, lorsqu'il n'est matériellement et raisonnablement pas possible de revenir sur toutes les conséquences liées à l'ajournement de ses effets selon l'art. 66 ORFI (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-10;7b.194.2002 ?
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