La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/12/2002 | SUISSE | N°4C.205/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 décembre 2002, 4C.205/2002


{T 0/2}
4C.205/2002 /ech

Arrêt du 9 décembre 2002
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Walter, Président, Corboz, Klett, Favre et
Zappelli,
Juge suppléant.
Greffière: Mme de Montmollin.

les époux X.________,
demandeurs et recourants, représentés par Me Jean-Jacques Martin,
avocat,
Etude Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève,

contre

la banque A.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Bruno Lévy, avocat,
rue
Toepffer 17, 1206 Genève.
<

br> mandat de gestion

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du...

{T 0/2}
4C.205/2002 /ech

Arrêt du 9 décembre 2002
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Walter, Président, Corboz, Klett, Favre et
Zappelli,
Juge suppléant.
Greffière: Mme de Montmollin.

les époux X.________,
demandeurs et recourants, représentés par Me Jean-Jacques Martin,
avocat,
Etude Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève,

contre

la banque A.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Alain Bruno Lévy, avocat,
rue
Toepffer 17, 1206 Genève.

mandat de gestion

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 19 avril 2002.

Faits:

A.
Les époux X.________, ressortissants français domiciliés en France,
ont
confié la gestion de leurs fonds à Y.________, gérant de fortune et
directeur
de F.________ SA (ci-après: F.________), à Genève.

Le 9 mai 1989, les époux X.________ ont ouvert un compte no ...
auprès de la
Banque B.________ AG (ci-après: la banque B.________), à Bâle. Le
même jour,
ils ont octroyé à F.________ un mandat aux termes duquel le
mandataire était
autorisé, notamment, à "gérer et administrer au nom et aux risques des
mandants tous les avoirs, actions, obligations ou autres titres,
métaux
précieux, monnaies et autres, au comptant, à terme ou sur le marché
des
options, participations ou créances envers des tiers domiciliés en
Suisse ou
à l'étranger (...)". Le contrat prévoyait en outre que: "(...) Ce
mandat est
exercé en harmonie avec les directives établies en matière de gestion
par
l'Association Suisse des Banquiers en août 1979. Cela signifie en
particulier
que le(s) Mandant(s) doit(doivent) donner des instructions
spécifiques pour
tous dépôts financiers, opérations à terme sur métaux et matières
premières,
investissements immobiliers ou toute prise de participation qui
s'écarte de
l'investissement traditionnel."

Les époux X.________ ont remis à Y.________, de la main à la main et
en
plusieurs fois, la somme de 4'840'000 francs français qui a été
créditée sur
leur compte à la banque B.________. Celle-ci a régulièrement établi
le relevé
de ce compte, le relevé des titres, ainsi que celui des opérations
effectuées
pour le compte des clients. Il s'agissait d'opérations de diverses
natures,
d'achat et de vente de titres, d'opérations fiduciaires et de
contrats sur
devises à terme. Le 24 août 1989, la banque B.________ a écrit à ses
clients
pour leur indiquer qu'au vu des transactions effectuées sur leur
compte, elle
leur accordait une limite de crédit de 200'000 fr., ajustable sans
avis,
garantie par le dépôt titres des clients, nanti en faveur de la
banque. Par
lettre du 8 juillet 1991, cette banque a porté la ligne de crédit à
400'000
fr.

Le 28 juillet 1991, sur le conseil de Y.________, les époux
X.________ ont
ouvert un compte, portant le no ... et sous le pseudonyme
"W.________",
auprès de la banque A.________ SA (ci-après: la banque A.________), à
Genève.
A cet effet, dans les locaux de la banque A.________ et en présence
de son
directeur, Z.________, ils ont signé les documents suivants:

- un document d'ouverture de compte, dans lequel il est notamment
précisé que
la correspondance bancaire serait adressée banque restante, avec
copie à
F.________;

- un document intitulé "mandat de gestion conféré à des tiers", dans
lequel
il est rappelé que les titulaires du compte ont conféré une
procuration
limitée à la gestion à un gérant externe, soit Y.________/F.________
SA,
"procuration fondée sur un contrat de mandat auquel la banque
elle-même n'est
pas partie". Ce document indique en outre que "le client a pris bonne
note de
ce que la banque n'exerce aucun contrôle quelconque sur les opérations
réalisées sur ledit compte par le gérant, même et en particulier si
ces
opérations s'écartent par leur nature de celles que la banque pratique
communément en vertu des mandats de gestion qui lui sont conférés par
sa
clientèle";

- un acte de nantissement en faveur de la banque sur tous leurs
titres se
trouvant en mains de la banque;

- un document intitulé "pouvoir pour achat ou vente d'options et/ou de
warrants", lequel a été signé à la demande de la banque. Celle-ci est
de la
sorte nantie de pleins pouvoirs pour utiliser tout ou partie des fonds
détenus pour le compte des clients afin d'acheter ou de vendre des
warrants
et des options; les clients ratifient par avance ces transactions à
leurs
risques et périls, ayant été dûment informés qu'il s'agit de
papier-valeurs à
hauts risques et à fortes variations de cours; les clients dégagent
la banque
de toute responsabilité envers eux ou leurs ayants-droit.

En ce même mois de juillet 1991, le compte no ... ouvert auprès de la
banque
B.________ accusait une perte due à des placements effectués par le
gérant
Y.________. Ce dernier avait effectué non seulement des opérations
portant
sur des warrants et des options, mais aussi des opérations de change
sur
devises. Le relevé de ces opérations figurait sur les documents
établis par
la banque, versés au dossier du client banque restante, avec copie au
gérant,
conformément à ce qui avait été convenu. Il ne semble pas que sieur
X.________
ou dame X.________ soient venus consulter ces documents. Il ressort de
l'enquête pénale instruite à la charge de Y.________ sur plainte des
époux
X.________ qu'il remettait à ses clients de faux états de compte pour
masquer
les pertes subies.

Le 21 décembre 1991, les époux X.________ ont adressé à la banque
B.________
une demande de transfert du compte no ... auprès de la banque
A.________. Le
relevé de ce compte au 31 décembre 1991 présentait un solde débiteur
pratiquement dans toutes les monnaies. En francs suisses, le débit
ascendait
à 48'409 fr.15.

Le 14 février 1992, la banque A.________ a octroyé aux époux
X.________ un
prêt sur titres; cette ligne de crédit était destinée à permettre le
transfert des titres de la banque B.________ à la banque A.________.
Celle-ci
devait en effet verser à la banque B.________ le montant de 48'558
fr.20
représentant le solde débiteur du compte des époux X.________ auprès
de cet
établissement. Sieur X.________ avait déjà, par acte du 28 juillet
1991,
nanti ses titres à la banque A.________, pour toutes créances
actuelles ou
futures de la banque; ces titres couvraient largement le montant du
crédit.
Z.________, directeur de la banque A.________, a déclaré que ce
mécanisme
avait dû être expliqué au client, lorsqu'il est venu à la banque en
compagnie
de Y.________ pour signer les documents d'ouverture de compte et
l'acte de
nantissement.

La banque A.________ s'est ainsi acquittée envers la banque
B.________ du
montant précité et elle a reçu de cette banque des titres estimés à
une
valeur totale de 382'589 fr.15. La banque A.________ a par ailleurs
reçu de
la banque B.________, en février 1992, la somme de 371'456 fr., soit
avec la
valeur des titres un total de 705'486 fr 95. En avril 1992, elle a
reçu de la
même banque 4'299 fr. et, en août 1992, 129'850 fr. de la Banque
D.________,
Genève. Au total, la banque A.________ a donc reçu pour le compte
W.________
un montant de 840'635 fr.95.

Poursuivant sa pratique antérieure tout au long de la relation avec
la banque
A.________ qui a duré plus d'un an, Y.________ a présenté à sieur
X.________
de faux états de compte afin de masquer l'étendue des pertes. Les
époux
X.________ disent n'avoir eu connaissance de pertes importantes sur
le compte
W.________ auprès de la banque A.________ qu'au début 1993, ainsi que
de
l'existence d'un placement fiduciaire effectué au moyen de leurs
fonds par
Y.________ au nom de F.________, auprès de la banque E.________ SA
(ci-après:
la banque E.________), pour un montant d'environ 940'000 fr. A ce
propos,
Y.________ a expliqué que F.________ possédait un compte courant
auprès de la
banque E.________ avec laquelle elle faisait, essentiellement, des
opérations
de change à terme. Une rubrique individualisée avait été ouverte, au
nom des
époux X.________, sur le compte de F.________ auprès de la banque
E.________.
Malgré le fait qu'elle savait que les fonds précités n'appartenaient
pas à
F.________, la banque E.________ les a pris en nantissement pour
couvrir le
débit en compte courant de F.________.

L'enquête pénale a permis d'établir que la banque A.________ avait
exercé un
contrôle général concernant la gestion opérée par Y.________ et
qu'elle
n'avait pas constaté que ce dernier sortait du cadre tracé par le
mandat que
lui avaient conféré les clients. Selon une convention passée entre la
banque
et F.________, non contestée par les clients, la banque rétrocédait à
cette
société la moitié des commissions perçues pour les ordres exécutés.
En sa
qualité d'intermédiaire entre F.________ et les clients, la banque
A.________
exécutait les ordres de F.________; Y.________ avait toutefois été
autorisé à
passer directement les ordres relatifs aux opérations avec la banque
E.________; il donnait alors ses instructions pour la banque, avec la
référence F.________.

Par courrier du 3 février 1993, les époux X.________ ont, d'une part,
résilié
le mandat de gestion conféré à F.________ et demandé à cette société
de
transférer la totalité de leurs avoirs auprès de la Banque C.________
SA
(ci-après: la banque C.________) et, d'autre part, annoncé à la banque
A.________ leur décision de clôturer leur compte et de transférer
l'ensemble
du portefeuille et des avoirs en compte, exception faite des warrants
qui
devaient être exercés, s'ils devenaient profitables, à la même banque
C.________. En mars 1993, la banque A.________ a transféré à cette
dernière
banque un montant total de 312'334 fr.35. Par la suite, en juin 1993,
la
banque A.________ a encore transféré 43'168.80 fr., issus de
l'exercice d'un
warrant. Le total des transferts s'est élevé à 355'503 fr.15. La
différence
entre le total des transferts effectués sur le compte W.________ des
époux
X.________ (840'635 fr.95) et le total transféré par la banque
A.________ à
la banque C.________ (355'503 fr.15) s'est donc élevée à 485'132
fr.80.

La fiduciaire G.________, mandatée par les époux X.________ pour
faire un
rapport sur la gestion de F.________ a conclu, le 3 novembre 1994,
que par
une gestion "hasardeuse et hyperspéculative", essentiellement sur des
warrants, des options et des contrats de change à terme, Y.________,
sans les
informer, avait fait perdre à ses clients un montant de l'ordre de
670'000
fr. dans la période du 16 mai 1989 au 9 février 1993, soit 68% de la
fortune
totale qu'ils lui avaient confiée. Par ailleurs, le manque à gagner
était
estimé à plus de 841'700 fr. Au surplus, selon le rapport de
G.________, tant
la banque B.________ que la banque A.________, sans en informer les
époux
X.________, avaient rendu leurs comptes régulièrement débiteurs, en
ouvrant
des crédits contre nantissement des avoirs, alors que les époux
X.________
n'avaient jamais accepté formellement de ligne de crédit.

Sur plainte des époux X.________, Y.________ a été inculpé de gestion
déloyale, abus de confiance et faux dans les titres. Ultérieurement,
les
plaignants et l'inculpé ont signé une convention aux termes de
laquelle ce
dernier s'est engagé à payer aux époux X.________, "pour sa part de
responsabilité", 270'000 fr. contre retrait de la plainte. La
procédure
pénale a été classée le 23 novembre 1998 et le montant de 270'000 fr.
versé
le 23 décembre 1998.

B.
Le 6 mars 2000, les époux X.________ ont ouvert action en paiement
devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève. Ils ont conclu à
ce que la
banque A.________ soit condamnée à leur payer la somme de 427'500 fr.
avec
intérêts à 9% l'an dès le 3 février 1993. Les demandeurs rendent la
banque
A.________ coresponsable des pertes subies pendant la relation
bancaire. Ils
lui reprochent notamment son défaut de surveillance en tant que
dépositaire
de leurs avoirs, une violation de son devoir d'information, ainsi que
la mise
à disposition d'une ligne de crédit sans leur accord, qui aurait
permis à
Y.________ de continuer à gérer leurs biens en prenant des risques
inconsidérés. La défenderesse a conclu au rejet de la demande.

Par jugement du 13 septembre 2001, le Tribunal de première instance a
rejeté
l'action.

Sur appel des demandeurs, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton
de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 19 avril 2002. Les juges
cantonaux ont considéré que les parties étaient liées par un contrat
de
compte courant et un contrat de dépôt ouvert, que la défenderesse
n'avait pas
violé ses obligations contractuelles, qu'elle avait rempli son devoir
d'information vis-à-vis de ses clients et qu'elle avait respecté les
directives de l'Association Suisse des Banquiers. La cour cantonale a
en
outre exclu que la banque A.________ puisse être tenue responsable
des actes
du gérant, qui avait excédé les pouvoirs conférés par ses clients.

C.
Les époux X.________ recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils
invoquent
en particulier la violation des art. 396 al. 3, 474 et 481 al. 3 CO,
des
règles relatives au crédit lombard ainsi que des art. 2 al. 1 CC et
1er ss
CO, pour conclure à l'annulation de l'arrêt du 19 avril 2002 et,
principalement, à ce que le Tribunal fédéral condamne
l'intimée à
leur verser
la somme de 427'500 fr. plus intérêts à 9% dès le 3 février 1993,
subsidiairement à ce que l'affaire soit renvoyée à la Cour de justice
pour
instruction complémentaire relative au dommage subi.

L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de la
décision
attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations
reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille
compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas
tenu
compte de fait pertinents, régulièrement allégués et clairement
établis (art.
64 OJ). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les références).

Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, le recours doit contenir les motifs à
l'appui des conclusions, c'est-à-dire indiquer succinctement quelles
sont les
règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi
consiste
cette violation. Il faut que le recourant examine la décision
attaquée et
montre quel principe a été violé et pourquoi; des critiques générales
sans
rapport avec un considérant dûment cité ne suffisent pas (ATF 121 III
397
consid. 2a; 116 II 745 consid. 3). La sanction du non-respect de ces
exigences est l'irrecevabilité, partielle ou totale du recours. Ce
n'est que
dès l'instant où une conclusion est motivée de façon satisfaisante au
regard
de l'art. 55 al. 1 let. c OJ que la règle selon laquelle le Tribunal
fédéral
applique d'office le droit intervient (art. 63 al. 3 OJ).

2.
Les demandeurs déclarent limiter leurs critiques à la qualification
juridique
donnée en instance cantonale aux "faits et conséquences" liés à la
ligne de
crédit ouverte par la défenderesse en février 1992 et garantie par
leurs
titres.

2.1 Dans un premier moyen, les demandeurs reprochent à la cour
cantonale
d'avoir retenu que la défenderesse n'avait pas violé ses obligations
contractuelles nées des contrats de dépôt et de compte courant passés
entre
eux.

Ils exposent que ces contrats n'autorisaient pas la banque à ouvrir
sans leur
accord exprès la ligne de crédit qui leur a été octroyée selon la
lettre du
14 février 1992 et par la suite continuellement augmentée. Ni le
gérant ni
les clients n'auraient été informés de cette opération, ni n'y
auraient
consenti. Agissant sans base contractuelle (art. 1 ss CO) et
contrairement
aux règles de la bonne foi exigées par l'art. 2 CC, la défenderesse
aurait
dès lors financé des opérations réprimées pénalement effectuées par le
gérant, actes qui étaient propres à entraîner le dommage subi par les
demandeurs; la banque aurait, par là, également violé ses obligations
contractuelles précisées par les art. 396 al. 3, 474 et 481 al. 3 CO.

2.2 Il n'est pas contesté que les demandeurs ont confié la gestion de
leurs
biens à F.________, gérant indépendant qui n'était ni organe ni
auxiliaire de
la défenderesse, mais qui agissait à l'égard de la banque en tant que
représentante directe de ses clients. Le contrat liant les demandeurs
à
F.________ doit être qualifié de mandat, au sens de la jurisprudence
du
Tribunal fédéral (arrêt 4C.387/2000 du 15.03.01 in SJ 2001 I 525
consid. 2b).

A l'égard de la banque A.________, les époux X.________ étaient liés
par un
contrat de compte courant et un contrat de dépôt ouvert, auxquels sont
applicables les règles du mandat, ainsi que par des contrats de
commission
conclus pour l'exécution des ordres passés à la banque par le gérant
pour
leur compte (ATF précité, consid. 2a).

Selon la jurisprudence, la banque qui, sans être au bénéfice d'un
mandat de
gestion, s'engage uniquement à exécuter des ordres en bourse confiés
sporadiquement, n'est pas tenue à une sauvegarde générale des
intérêts du
mandant. Un devoir général d'information n'existe pas en pareille
hypothèse.
En principe, la banque ne doit renseigner le client que s'il le
demande; s'il
apparaît qu'il n'a aucune idée des risques qu'il court, la banque doit
toutefois l'y rendre attentif. Le devoir de fidélité n'impose pas non
plus à
la banque chargée d'exécuter des ordres déterminés de conseiller
spontanément
le client sur les développements probables des investissements
choisis et sur
les mesures à prendre pour limiter les risques (ATF 119 II 333
consid. 5 et 7
et les références; sur le devoir d'information des banques, voir aussi
l'arrêt 4C. 45/2001 du 31 août 2001, publié in SJ 2002 I 274 ss,
consid. 4a
et l'arrêt 4C.410/1997 du 23 juin 1998, publié in SJ 1999 I 205 ss,
consid.
3b). Ces principes s'imposent encore plus strictement lorsque la
gestion a
été confiée à un gérant indépendant. Le Tribunal fédéral a ainsi
admis que,
en présence d'un gérant externe au bénéfice d'une procuration très
large, la
banque dépositaire des avoirs n'avait pas à rendre le client attentif
aux
risques élevés qu'il encourait, ni à requérir son autorisation avant
de
procéder aux opérations dont la réalisation lui avait été confiée par
le
gérant (arrêt 4C.97/1997 du 29 octobre 1997, publié in SJ 1998 p. 198
ss,
consid. 6a). En d'autres termes, le banquier n'est pas le tuteur de
son
client et il doit en principe exécuter les ordres licites qui lui sont
régulièrement donnés (arrêt 4C.24/1993 du 14 décembre 1993, publié in
SJ 1994
p. 284 ss, consid. 3b).

2.3 Les premiers juges, suivis en cela par la cour cantonale, n'ont
pas
tranché la question de savoir si les crédits consentis par la
défenderesse
devaient être considérés comme de simples avances destinées à
financer des
découverts passagers, opérations qui ne nécessitent pas de recueillir
spécialement l'accord du client, ou comme de véritables crédits
lombards,
qui, le rappellent les juges cantonaux, requièrent une information
spécifique
du client en raison des risques courus par celui-ci.

Les deux instances cantonales ont retenu qu'en tout état de cause, les
demandeurs avaient été régulièrement avisés de l'octroi d'une ligne de
crédit, ainsi que de l'existence des pertes importantes générées par
les
opérations entreprises par le gérant. Il n'est certes pas établi
qu'ils aient
régulièrement et effectivement pris connaissance de l'ensemble des
informations concernant leurs comptes. Ils avaient en effet conclu une
convention dite de banque restante. Or, selon la jurisprudence, en
matière
bancaire, lorsqu'une banque accepte de conserver par devers elle les
lettres
qu'elle adresse à ses clients, ces communications sont opposables à
ces
derniers comme s'ils les avaient effectivement reçues. De même, on
doit
admettre que le client qui adopte ce mode de communication est censé
avoir
pris connaissance immédiatement des avis qui lui sont adressés de
cette
façon. Dans certaines circonstances, l'application stricte de la
fiction de
la réception du courrier peut avoir toutefois des conséquences
choquantes.
C'est pourquoi une situation manifestement contraire à l'équité
pourra être
sanctionnée au titre de l'abus de droit. Tel sera par exemple le cas
si la
banque ou l'un de ses auxiliaires profite de la fiction de la remise
du
courrier pour agir sciemment au détriment du client (arrêts
4C.81/2002 du
01.07.02 consid. 4.3; 4C.72/1999 du 26.05.99 consid. 3b; C. 357/84 in
SJ 1985
I 246 consid. 2b; ATF 104 II 190 consid. 2a i.f.).

Les demandeurs contestent que la convention de banque restante ait
suffi en
l'espèce au respect du devoir d'informer mis à la charge de la
banque, car,
comme l'indiquent les termes de la lettre du 14 février 1992, la
défenderesse
ne faisait qu'y proposer l'ouverture d'un crédit et demandait le
retour de
ladite lettre munie de la signature des clients. Ceux-ci n'ayant pas
signé
cette proposition, un accord sur la ligne de crédit, conformément à
l'art.
1er CO, ne serait pas venu à chef.

Il a été jugé que le silence ne doit, dans la règle, pas être compris
comme
un accord. Cependant, conformément au principe de la confiance, le
silence
vaut acceptation lorsque la bonne foi ou la raison pratique exige que
le
désaccord soit manifesté dans le cas où le consentement apparent
n'existe en
réalité pas (arrêt 4C.303/2001 du 04.03.02 in SJ 2002 I 363 consid.
2b).

Comme la cour cantonale l'a retenu de manière convaincante, les
avances sur
titres étaient des opérations dont les demandeurs connaissaient la
nature;
ils les avaient pratiquées avec la banque B.________. De plus, ils
savaient
que le transfert de leur dossier titres et de leur compte, débiteur,
auprès
de la banque B.________ ne pouvait avoir lieu que moyennant paiement
à ladite
banque du montant qui lui était dû. Un tel paiement, faute par eux
d'en
avancer le montant, ne pouvait donc intervenir que par le biais d'une
avance
de la défenderesse, en faveur de laquelle ils avaient du reste signé
un acte
de nantissement sur tous les titres.

Il n'existe enfin aucun indice permettant de soupçonner que la
défenderesse
ait profité de mauvaise foi vis-à-vis des demandeurs du fait qu'ils
n'avaient
pas une connaissance immédiate des courriers qu'ils recevaient. Les
copies de
ces courriers étaient d'ailleurs adressées à F.________ dont la
défenderesse
pouvait raisonnablement attendre qu'elle tienne informés ses clients.

Il s'ensuit le rejet, autant qu'il est recevable, de ce moyen.

3.
Dans un deuxième moyen, les demandeurs soutiennent que même dans
l'hypothèse
où un contrat portant sur l'ouverture d'un crédit lombard aurait été
conclu,
la banque n'aurait pas respecté son devoir de suivre l'évolution de ce
crédit, de s'assurer que marge et couverture étaient suffisantes.
Elle aurait
par là violé ses devoirs contractuels nés des art. 474 et 481 al. 3
CO.

Pour soutenir leur thèse relative au défaut de vigilance de la
banque, les
demandeurs s'appuient sur l'expertise privée G.________, à laquelle
ils
renvoient et dont il ressortirait que les comptes des clients ont
connu des
débits constants, sans interruption, en 1991 et 1992, pour culminer à
251'809
fr. à la fin de la relation bancaire. Compte tenu de ces éléments, il
ne
pourrait pas être question de ne parler que de découverts sporadiques
et
passagers, compensés par des avances momentanées et n'exigeant pas
l'accord
exprès du client. En octroyant une telle ligne de crédit, la
défenderesse
aurait disposé des fonds des demandeurs contrairement aux obligations
contractuelles découlant du contrat de dépôt.

Le recours est irrecevable sur ce point, car la tentative de
démontrer la
violation du contrat par la défenderesse s'appuie sur des faits -
constance
et quotité des débits du compte des demandeurs - qui ne ressortent
pas des
éléments retenus par la cour cantonale et pas davantage de ceux admis
par le
premier juge. La cour cantonale ne se fonde nullement sur l'expertise
privée
G.________ dont elle ne fait que rappeler les conclusions, qu'au
demeurant
elle ne dit pas partager. Le recours est également irrecevable dans
la mesure
où les demandeurs persistent à affirmer, contrairement à ce qui a été
retenu
par la cour cantonale, qu'ils n'ont pas consenti à l'instauration
d'une ligne
de crédit.

Sont pareillement irrecevables les affirmations des demandeurs selon
lesquelles, d'une part, même si l'on devait retenir qu'ils avaient
consenti
au débit initial de 50'000 fr., ils n'avaient pas ratifié l'ouverture
d'un
crédit en compte courant à 50% des avoirs globaux, et d'autre part,
que si
"par impossible", il fallait retenir qu'un crédit lombard avait été
conclu
par ratification tacite, ni la limite de ce crédit, ni les marges, ni
la
couverture n'auraient été respectées.

Pour étayer leur démonstration, les demandeurs font à nouveau appel à
des
éléments de fait - débit des comptes à la fin 1992, soit 222'409 fr.,
valeur
à la même date des actions et obligations déposées, soit 250'730 fr.,
rapport
déséquilibré entre ces deux montants - qui ne ressortent pas de
l'état de
fait retenu par la cour cantonale et dont le Tribunal fédéral, dès
lors, ne
peut pas connaître (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ).

4.
Etant donné l'absence de violation par la défenderesse de ses devoirs
contractuels, il est superflu d'examiner l'argumentation des
demandeurs
concernant l'existence d'un lien de causalité.

5.
Les frais de la procédure seront mis à la charge des recourants qui
succombent. Ils devront en outre verser à l'intimée une indemnité
pour ses
dépens (art. 156 al. 1. et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt
attaqué
est confirmé.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une
indemnité de
12'000 fr. à titre de dépens.


4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 9 décembre 2002

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.205/2002
Date de la décision : 09/12/2002
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-09;4c.205.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award