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06/12/2002 | SUISSE | N°2A.452/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 décembre 2002, 2A.452/2002


{T 0/2}
2A.452/2002 /svc

Arrêt du 6 décembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffière Revey.

B. ________ S.A.,
recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot
8, 1006
Lausanne.

perception subséquente de droits de do

uane pour l'importation de
fromage,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
de ...

{T 0/2}
2A.452/2002 /svc

Arrêt du 6 décembre 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffière Revey.

B. ________ S.A.,
recourant, représenté par Me Henri Nanchen, avocat,
boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Direction générale des douanes, Monbijoustr. 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot
8, 1006
Lausanne.

perception subséquente de droits de douane pour l'importation de
fromage,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
de recours en matière de douanes du 14 août 2002.
Faits:

A.
Par avis publié dans la Feuille officielle suisse du commerce du 17
octobre
2000 (n° 202, p. 7107), l'Office fédéral de l'agriculture a procédé à
la mise
en adjudication d'un contingent tarifaire portant sur 1'312 tonnes de
fromage
à pâte demi-dure. Aux termes du chiffre 7 de la publication,
l'importation au
taux du contingent ne peut être effectuée avant le paiement de la
totalité du
prix de l'adjudication; les infractions à cette disposition sont
réprimées
conformément à la loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les douanes
(LD; RS
631.0) (al. 2); sous réserve de l'alinéa précité, le délai de
paiement est de
60 jours à compter du jour où l'adjudication est entrée en force (al.
3).

Par décision du 22 novembre 2000, l'Office fédéral de l'agriculture
(ci-après: l'Office fédéral) a adjugé à B.________ SA (ci-après: la
société)
une part de 100 tonnes du contingent tarifaire précité, pour le prix
de
30'000 fr. Ce prononcé précise, en se référant à l'art. 19 al. 2 de
l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur les importations agricoles
(OIAgr; RS
916.01), que l'importation au taux du contingent ne peut être
effectuée avant
le paiement de la totalité du prix d'adjudication. Il ajoute que ce
prix doit
être versé dans sa totalité dans un délai de 60 jours dès l'entrée en
force
de la présente décision et que les parts de contingent attribuées
peuvent,
sous réserve du paiement à temps du prix de l'enchère, être utilisées
entre
le 1er janvier et le 30 juin 2001, sans prolongation possible. La
décision
n'a pas fait l'objet d'un recours.

B.
Le 11 avril 2001, l'Office fédéral a informé la société avoir constaté
qu'elle avait importé en quatre fois, entre le 24 janvier et le 6
mars 2001,
22'018 kg de fromage au taux du contingent, sans que le prix
d'adjudication
n'ait été payé, de sorte que le dédouanement était resté soumis au
taux hors
contingent. La société a versé le prix d'adjudication le 17 avril
2001,
valeur au 18 avril suivant.

Le 11 juin 2001, la Direction générale des douanes a invité la
société à
s'acquitter, à titre de droits de douane, d'un montant de 53'886 fr.
correspondant à la différence entre le taux du contingent appliqué de
50 fr.
par 100 kg brut et le taux hors contingent de 289 fr. par 100 kg brut
(droits
de douane: 220.18 x 239 = 52'623; TVA: 2.4% = 1'263). La société
ayant formé
opposition, la Direction générale des douanes lui a notifié une
décision
formelle le 10 septembre 2001, ordonnant le paiement de la somme
précitée de
53'886 fr.

C.
Statuant le 14 août 2002, la Commission fédérale de recours en
matière de
douanes (ci-après: la Commission fédérale de recours) a rejeté le
recours
formé par la société. Elle a retenu en substance que le paiement
préalable du
prix d'adjudication constituait selon l'art. 19 al. 2 OIAgr l'une des
conditions du dédouanement au taux du contingent, si bien que les
importations effectuées avant ce versement étaient restées soumises
au taux
hors contingent. De plus, la perception subséquente de la différence
entre
ces deux taux était conforme à l'art. 12 de la loi fédérale du 22
mars 1974
sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0), dès lors que la
société
avait, d'une part, enfreint le droit administratif fédéral en
inversant
chronologiquement le versement en cause et les importations au taux du
contingent et, d'autre part, bénéficié de la sorte d'un avantage
illicite
sous forme d'un tarif préférentiel. Par ailleurs, la société ne
pouvait
invoquer sa bonne foi en se fondant sur le libellé du prononcé
d'adjudication, car celui-ci indiquait clairement la condition en
cause.
Enfin, la décision attaquée n'était pas disproportionnée, puisqu'elle
se
limitait à réclamer la restitution de l'avantage illicite, sans
infliger de
sanction pénale.

D.
Agissant le 16 septembre 2002 par la voie du recours de droit
administratif,
B.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens,
d'annuler la décision de la Commission fédérale de recours du 14 août
2002.
Elle se plaint notamment de la violation des principes de la bonne
foi, de la
légalité - au sens d'une application erronée de l'art. 12 DPA - et de
la
proportionnalité.

La Commission fédérale de recours renonce à présenter des
observations et se
reporte à sa décision. La Direction générale des douanes conclut au
rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile contre une décision fondée sur le droit
public
fédéral et prise par une commission fédérale de recours, sans
qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ, notamment celles des art. 99
al. 1
lettre b, 100 al. 1 lettre h et lettre m ch. 2 OJ, ne soit réalisée,
le
présent recours est en principe recevable comme recours de droit
administratif en vertu des art. 97 ss OJ et de la règle particulière
de
l'art. 109 al. 1 lettre e et al. 3 LD.

1.2 Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels
(ATF 128
II 56 consid. 2b p. 60; 126 V 252 consid. 1a p. 254; 125 II 508
consid. 3a p.
509). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent, il
peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées
par le
recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour
d'autres
motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in
fine OJ;
ATF 127 II 264 consid. 1b p. 268; 125 II 497 consid. 1b/aa p. 500 et
les
arrêts cités). S'agissant de contributions publiques, il n'est pas
davantage
lié par les conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ).
En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence,
contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal
fédéral
ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit
fédéral
ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3
OJ).

2.
Aux termes de l'art. 1 LD, toute personne qui fait passer des
marchandises à
travers la ligne suisse des douanes est tenue d'observer les
prescriptions
concernant le passage de la frontière et le paiement des droits
prévus par la
loi fédérale du 9 octobre 1986 sur le tarif des douanes (LTaD; RS
632.10).
Toutes les marchandises importées ou exportées à travers la ligne
suisse des
douanes doivent être dédouanées conformément au tarif général
figurant dans
les annexes 1 et 2 (art. 1 al. 1 LTaD), dont les positions fixent les
droits
à l'importation en général ainsi que le contingent tarifaire. Par
contingent
tarifaire, on entend une certaine quantité d'un produit agricole qui
peut
être importée à un taux déterminé. Cette réglementation, mise en
place à la
suite de l'accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale
du
commerce (RS 0.632.20), permet d'effectuer des importations à
l'intérieur du
contingent tarifaire comme hors contingent, mais soumet les premières
à des
droits de douane réduits en subordonnant en revanche les secondes à
des
droits volontairement dissuasifs (ATF 128 II 34 consid. 2b p. 38;
Message du
Conseil fédéral du 26 juin 1996 concernant la réforme de la politique
agricole, in FF 1996 IV 1 p. 114).

Dans le secteur agricole, le Conseil fédéral a réglé la répartition
des
contingents tarifaires aux art. 10 à 20 OIAgr (cf. art. 10 al. 4
lettres b et
c LTaD, renvoyant aux art. 20 à 22 LAgr). A teneur de l'art. 19 OlAgr,
l'importation au taux du contingent (TC) ne peut être effectuée avant
le
paiement de la totalité du prix de l'adjudication (al. 2); le délai de
paiement est de 60 jours dès la date à laquelle l'adjudication est
entrée en
force (al. 3). En optant pour l'interdiction d'importer au taux du
contingent
avant le versement du prix d'adjudication, le Conseil fédéral a ainsi
décidé
de considérer ce paiement comme une condition préalable à
l'importation de
produits agricoles au taux préférentiel du contingent.

3.
En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir procédé à des
importations
au taux du contingent avant d'avoir versé le prix d'adjudication, ni
que ce
paiement constitue une condition du droit de dédouaner des
marchandises à ce
tarif préférentiel. Elle soutient cependant que le principe de la
bonne foi
interdit de lui imposer une perception subséquente de droits de
douane. A cet
égard, elle relève que la décision de l'Office fédéral du 22 novembre
2000,
peu claire, pouvait être raisonnablement comprise dans le sens d'une
autorisation d'importer les marchandises dès l'attribution du
contingent, au
vu notamment d'une seconde décision du même jour, fixant le délai de
paiement
du prix d'adjudication au 20 février 2001. Sous le même angle, la
recourante
souligne n'avoir été informée que tardivement des conséquences de
l'inobservation de l'obligation de payer le prix d'adjudication avant
d'importer.

3.1 Le droit à la protection de la bonne foi, déduit de l'art. 4
aCst., est
expressément consacré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. Selon la
jurisprudence
rendue sous l'ancien droit, qui demeure valable (ATF 127 I 31 consid.
3a p.
36; 126 II 377 consid. 3a p. 387), le principe de la bonne foi entre
administration et administré exige que l'une et l'autre se comportent
réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration
doit
s'abstenir de tout comportement propre à tromper l'administré et ne
saurait
tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou
insuffisance de
sa part (ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269 s.; 121 I 181 consid. 2a p.
183 et
les références citées). Ainsi, à certaines conditions, le citoyen a
le droit
d'exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux promesses ou assurances
précises qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'à
juste titre
il a placée dans ces promesses ou assurances (ATF 128 II 112 consid.
10b/aa
p. 125; 118 Ib 580 consid. 5a p. 582 s.; en matière fiscale, voir ATF
118 Ib
312 consid. 3b p. 316, Jean-Marc Rivier, Droit fiscal suisse:
l'imposition du
revenu et de la fortune, 2e éd., Lausanne 1998, p. 132, Ernst
Blumenstein/Peter Locher, System des Schweizerischen Steuerrechts, 6e
éd.,
Zurich 2002, p. 28).

Par ailleurs, la règle d'interprétation selon le principe de la
confiance
s'applique non seulement aux déclarations de personnes privées, mais
également aux décisions administratives (Pierre Moor, Droit
administratif,
vol II, 2e éd., Berne 2002, n° 2.1.2.8; Béatrice Weber-Dürler,
Vertrauensschutz im öffentlichen Recht, Bâle 1983, p. 40 s. et 79 s.;
ATF 115
II 415 consid. 3a p. 421). D'après cette règle, une décision doit être
comprise dans le sens que son destinataire pouvait et devait lui
attribuer
selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des
circonstances
qu'il connaissait ou qu'il aurait dû connaître (ATF 121 III 118
consid. 4b/aa
p. 123; 118 Ia 294 consid. 2a p. 297; 118 II 365).

3.2
3.2.1En l'occurrence, l'existence et l'étendue d'une prétention
conférée par
le principe de la bonne foi dépend d'abord de la portée que la
recourante
pouvait raisonnablement attribuer, selon le principe de la confiance,
à la
décision d'adjudication du 22 novembre 2000.

Le prononcé en cause, entré en force, précise expressément en haut de
la page
2 que "l'importation au taux du contingent ne peut être effectuée
avant le
paiement de la totalité du prix de l'adjudication". Cette décision se
réfère
en outre à l'art. 19 al. 2 OIAgr, qui expose ladite exigence du
paiement
préalable dans des termes identiques. Enfin, celle-ci apparaissait de
même
dans l'appel d'offres publié à la Feuille officielle suisse du
commerce,
auquel la recourante a répondu. La condition litigieuse figurait donc
clairement non seulement dans la décision du 22 novembre 2000, mais
également
dans l'ordonnance et dans l'appel d'offres. Il reste à examiner si des
circonstances particulières auraient permis à la recourante de la
méconnaître
de bonne foi.

Contrairement à ce que soutient la recourante, la décision
d'adjudication du
22 novembre 2000 n'était pas accompagnée d'une seconde décision, mais
d'une
facture précisant que le délai de paiement de 60 jours indiqué
expirait le 20
février 2001. Pour le surplus, dans la mesure où l'on peut saisir
correctement son argumentation, la recourante affirme qu'elle pouvait

raisonnablement se croire autorisée à importer la marchandise au taux
du
contingent dès la décision d'attribution, sans quoi le délai de
paiement de
60 jours dès l'entrée en force de ce prononcé, soit de 90 jours en
tout,
tronquerait de manière inadmissible le semestre d'utilisation des
parts de
contingent. Ce moyen ne résiste pas à l'examen. En effet, rien ne lui
interdisait de s'acquitter du prix d'adjudication avant l'échéance du
délai
de paiement. Du reste, elle admet elle-même avoir bien saisi qu'elle
devait
verser ce montant dans un certain délai. Par ailleurs, l'on ne
discerne pas
d'illogisme entre le délai de paiement du prix d'adjudication,
l'obligation
de verser celui-ci avant d'importer et la limitation de la période
d'utilisation des parts de contingent. Si l'importateur désire se
procurer
rapidement la marchandise au taux du contingent, dès le 1er janvier
2001 en
l'occurrence, il lui est loisible et nécessaire de s'acquitter du prix
d'adjudication avant cette date, sans attendre l'écoulement du délai
de
paiement. S'il entend en revanche procéder à l'importation
ultérieurement, il
peut différer son versement, au plus tard jusqu'à l'échéance du délai
de
paiement. Une lecture attentive de la décision de l'Office fédéral du
22
novembre 2000 exclut ainsi, même pour des non juristes,
l'interprétation
qu'en donne la recourante, selon laquelle elle pouvait importer sa
part de
contingent tarifaire dès réception de la décision d'attribution. Peu
importe
à cet égard que d'autres adjudicataires aient fait preuve de la même
inattention.

3.2.2 Dans ces conditions, c'est également à tort que la recourante
reproche
à l'Office fédéral de ne l'avoir informée que le 11 avril 2001 des
conséquences du non respect des conditions d'adjudication. En effet,
il
découlait de la décision du 22 novembre 2000, telle qu'elle pouvait
être
comprise de bonne foi, que l'inobservation des exigences en cause
empêcherait
nécessairement l'application du taux du contingent, si bien que les
marchandises importées demeureraient soumises au taux hors contingent.
L'Office fédéral n'était dès lors pas tenu de formuler expressément
une telle
précision, dans la décision d'attribution notamment.

Le grief de violation du principe de la bonne foi est en conséquence
infondé.

4.
La recourante se plaint également d'une application erronée de l'art.
12 DPA.
Elle fait valoir qu'elle s'est conformée à ses obligations en payant
le prix
d'adjudication, qu'elle s'est bornée à commettre une inversion
chronologique
en procédant aux importations avant d'avoir versé ce montant, qu'elle
n'a
ainsi bénéficié d'aucun avantage illicite, puisque ce prix a bel et
bien été
payé dans sa totalité, et, corollairement, que l'administration n'a
subi
aucun préjudice. Les conditions de l'art. 12 DPA n'étant pas
réalisées, la
perception supplémentaire de droits de douane qui lui est réclamée ne
repose
sur aucune base légale.

4.1 Selon l'art. 74 ch. 15 LD, applicable aux violations des
prescriptions
relatives aux importations de marchandises agricoles en vertu de
l'art. 175
al. 2 LAgr, se rend coupable de contravention douanière celui qui,
dans un
ordre de dédouanement, indique une position tarifaire inexacte ou
désigne la
marchandise selon une telle position et provoque ainsi une déclaration
inexacte d'une marchandise passible de droits. Le titre deuxième de
la loi
fédérale sur le droit pénal administratif est applicable (art. 80 al.
1 LD).

D'après l'art. 12 al. 1 lettre a DPA, lorsque, à la suite d'une
infraction à
la législation administrative fédérale, c'est à tort qu'une
contribution est
réduite ou n'est pas perçue, la contribution non réclamée, ainsi que
les
intérêts, seront perçus après coup, alors même qu'aucune personne
déterminée
n'est punissable. Cette disposition permet ainsi de procéder au
rappel d'une
contribution qui n'a pas été perçue à la suite d'une infraction à la
législation administrative fédérale, même si aucune personne n'est
punissable
(cf. Jean Gauthier, La loi fédérale sur le droit pénal administratif,
in
Mémoires publiés par la Faculté de droit de l'Université de Genève,
vol. 46,
p. 23 ss, spéc. p. 43 s.; même auteur, Les infractions fiscales
soumises à la
loi fédérale sur le droit pénal administratif, in RDAF 1999 2e partie
p. 56
ss, spéc. p. 59). Est assujetti au paiement de ce rappel d'impôt
celui qui
était tenu de payer la contribution éludée - en vertu, par exemple,
des art.
9 al. 1 et/ou 13 al. 1 LD -, ainsi que toute personne qui a retiré un
avantage illicite de l'infraction commise (cf. art. 12 al. 2 DPA). Cet
assujettissement ne dépend pas de l'existence d'une faute ni, à plus
forte
raison, d'une poursuite pénale (ATF 110 Ib 306 consid. 2c p. 310 s.;
106 Ib
218 consid. 2c p. 221; Kurt Hauri, Verwaltungsstrafrecht [VStrR],
Berne 1998,
n. 9 ad art. 12 p. 37 s.). Il suffit que l'avantage illicite procuré
par
l'absence de perception de la contribution trouve sa source dans une
violation objective de la législation administrative fédérale (arrêt
du
Tribunal fédéral du 4 août 1999, in Archives 68 p. 438 ss, consid. 2;
ATF 106
Ib 218 consid. 2c p. 221).

4.2 Il n'est pas contesté en l'espèce que la recourante est soumise au
paiement des droits de douane au sens des art. 9 et 13 LD. Il est en
outre
établi qu'elle a enfreint la disposition de l'art. 19 al. 2 OIAgr
prescrivant
que l'importation au taux du contingent est subordonnée au paiement
préalable
du prix d'adjudication. C'est donc à tort qu'elle prétend s'être
conformée à
ses obligations. De plus, en sollicitant l'application du taux du
contingent
au moment d'importer la marchandise, elle a réalisé les éléments
objectifs
d'une contravention douanière au sens de l'art. 74 ch. 15 LD. Enfin,
l'avantage illicite dont elle a bénéficié, qui correspond au
préjudice subi
par l'administration, réside dans l'application d'un tarif plus
favorable que
celui auquel elle était astreinte du fait de l'importation prématurée
de la
marchandise. Peu importe à cet égard que, comme semble le soutenir
l'intéressée, cette inversion chronologique puisse s'avérer sans
incidence
d'un point de vue strictement économique - le prix d'adjudication
ayant été
finalement payé -, puisque, sous l'angle juridique, la recourante a
obtenu
une réduction dont elle ne remplissait pas les conditions. En
confirmant
l'obligation de la recourante de restituer les droits de douane
correspondant
à la différence entre le taux réduit et le taux hors contingent,
l'autorité
intimée a donc correctement appliqué l'art. 12 DPA.

5.
Enfin, la recourante invoque la garantie de la propriété (art. 26
Cst.) et se
plaint à cet égard d'une violation du principe de la proportionnalité,
estimant que la décision de perception supplémentaire prise par la
Direction
générale des douanes constitue une sanction disproportionnée au
regard de
l'inattention dont elle a fait preuve.

5.1 Le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.)
comprend la
règle d'adéquation, qui exige que le moyen choisi soit propre à
atteindre le
but fixé, la règle de nécessité, qui impose qu'entre plusieurs moyens
adaptés, soit choisi celui qui porte l'atteinte la moins grave aux
intérêts
privés, ainsi que la règle de proportionnalité au sens étroit, qui
exige que
la gravité des effets de la mesure sur la situation de l'administré
soit mise
en balance avec l'impact attendu en fonction de l'intérêt public (ATF
125 I
474 consid. 3 p. 482 et la jurisprudence citée).

5.2 Dans le cas particulier, on ne discerne pas en quoi le paiement
des
droits de douane litigieux heurterait le principe constitutionnel de
la
garantie de la propriété; la recourante ne l'indique du reste pas. Par
ailleurs, le prononcé attaqué n'est de toute façon pas
disproportionné. Le
rappel des contributions litigieuses ne constitue pas une sanction à
proprement parler, mais une décision de perception de droits de
douane prévus
par l'art. 21 al. 1 LD et déterminés par le tarif des douanes. Les
conditions
d'une importation au taux du contingent n'étant pas réunies (art. 19
al. 2
OIAgr), la Direction générale des douanes n'avait d'autre choix que
d'appliquer le tarif hors contingent. Il convient en outre de relever
qu'elle
a renoncé à introduire une procédure pénale fondée sur l'art. 74 ch.
15 LD,
alors que celle-ci punit également la négligence (art. 75 al. 3 LD).

Le reproche de violation du principe de la proportionnalité doit en
conséquence être écarté.

6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Succombant, la recourante doit
supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et
n'a pas
droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à la
Direction générale des douanes et à la Commission fédérale de recours
en
matière de douanes.

Lausanne, le 6 décembre 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.452/2002
Date de la décision : 06/12/2002
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-06;2a.452.2002 ?
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