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06/12/2002 | SUISSE | N°1A.122/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 décembre 2002, 1A.122/2002


{T 0/2}
1A.122/2002/dxc

Arrêt du 6 décembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Robert Liron, avocat,
rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

Commune de Nyon, 1260 Nyon, représentée par
Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François 11,
case postale 3485, 1002 Lausanne,
Etat de Vaud, 1014 La

usanne, représenté par
Me Marc-Henri Chaudet, avocat, avenue Paul-Ceresole 3,
case postale 812, 1800 Vevey,
Chambre d...

{T 0/2}
1A.122/2002/dxc

Arrêt du 6 décembre 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

Z. ________,
recourant, représenté par Me Robert Liron, avocat,
rue des Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

Commune de Nyon, 1260 Nyon, représentée par
Me Jean-Michel Henny, avocat, place Saint-François 11,
case postale 3485, 1002 Lausanne,
Etat de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par
Me Marc-Henri Chaudet, avocat, avenue Paul-Ceresole 3,
case postale 812, 1800 Vevey,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du
Signal
8, 1014 Lausanne.

expropriation matérielle

recours de droit administratif contre l'arrêt de la Chambre des
recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 mai 2002.

Faits:

A.
La Commune de Nyon est propriétaire de la parcelle n° 400 de la
Commune de
Y.________, en zone industrielle, au lieu-dit "Z.________"; cette
parcelle
accueille les installations de captage du puits filtrant du même nom,
qui
alimente le réseau d'eau sous pression de la Commune de Nyon et
fournit l'eau
de secours à sept communes de la région. Elle jouxte la parcelle n°
401,
propriété d'A.________, sur laquelle est édifiée une usine de
fabrication de
machines de précision.
Par décision du 23 avril 1980, le Conseil d'Etat du canton de Vaud
(ci-après:
le Conseil d'Etat) a approuvé le plan directeur en matière de
protection des
eaux, qui délimite les cartes de secteurs de protection des eaux S,
A, B et C
pour l'ensemble du canton; ce plan englobe l'intégralité de la zone
industrielle de la Commune de Y.________ dans le secteur S de
protection des
eaux. Dans sa séance du 17 avril 1985, le Conseil d'Etat a approuvé le
nouveau plan des zones de la Commune de Y.________ et le règlement
communal
sur le plan d'extension et la police des constructions (RPE), soumis à
l'enquête publique du 12 décembre 1980 au 15 janvier 1981 et adoptés
par le
Conseil général de Y.________ le 29 juin 1982, en ce qui concerne le
plan, et
le 1er septembre 1985, en ce qui concerne le règlement; le périmètre
du
secteur S de protection des eaux est entouré d'un liseré rouge sur le
plan
des zones et inclut l'ensemble de la zone industrielle; l'art. 60 al.
2 RPE
dispose que tous les travaux pouvant toucher directement ou
indirectement un
secteur S de protection des eaux doivent être soumis à l'office
cantonal de
la protection des eaux.
Le 10 novembre 1983, X.________ a acquis la parcelle n° 70 de la
Commune de
Y.________, issue du fractionnement de la parcelle n° 401. Il
envisageait
alors d'y édifier un hangar pour abriter les machines de chantier
dont il
assurait la vente en Suisse. Cette opération ne s'étant finalement pas
réalisée, il a passé, le 7 octobre 1986, avec B.________ une promesse
de
vente de la parcelle n° 70, pour un montant de 384'000 fr., dont la
validité
était subordonnée à l'obtention par le promettant-acquéreur d'un
permis de
construire des locaux artisanaux d'ici au 15 avril 1987. Le 22
décembre 1986,
X.________ a requis l'autorisation de construire un centre artisanal
sur
cette parcelle. La Municipalité de Y.________ a soumis le projet pour
approbation à l'Office cantonal de la protection des eaux, qui a émis
un
préavis négatif compte tenu de l'importance de l'aquifère souterrain,
en
vertu de l'art. 29 al. 3 de l'ancienne loi fédérale du 8 octobre 1971
sur la
protection des eaux contre la pollution (aLPEP). L'hydrologue
cantonal a
confirmé ce préavis le 10 mars 1987. La Municipalité de Y.________ a
refusé
de délivrer le permis de construire sollicité au terme d'une décision
prise
le 11 mars 1987 et confirmée sur recours par le Conseil d'Etat du
canton de
Vaud en date du 20 mai 1988. Dans son arrêt, cette autorité a
considéré
qu'une interdiction de principe de toute construction sur la parcelle
n° 70
était non seulement conforme aux art. 29 al. 3 et 30 aLPEP, mais
également
opportune, compte tenu du fait que ce bien-fonds est inclus en zone
SII de
protection des eaux, selon le plan de délimitation des zones de
protection
des eaux du puits du "Z.________" établi sur la base du rapport
hydrogéologique réalisé en février 1986 par le bureau d'ingénieurs et
de
géologues conseils C.________ SA.

B.
Par acte du 18 mai 1989, X.________ a introduit à l'encontre de
l'Etat de
Vaud et de la Commune de Nyon une action en paiement d'une indemnité
pour
expropriation matérielle de 960'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès
le 21 mai
1988, en raison de l'interdiction qui lui a été signifiée de bâtir
sur la
parcelle n° 70, conformément à l'art. 64 de la loi vaudoise sur la
protection
des eaux contre la pollution du 17 septembre 1974, dans sa teneur
antérieure
à la modification législative du 18 décembre 1989 entrée en vigueur
le 1er
avril 1990 (LVPEP).
Dans une lettre du 10 avril 1990, le Département cantonal des travaux
publics, de l'aménagement et des transports a informé la Commune de
Nyon que
pour donner suite à cette modification législative, il allait faire
établir
des plans de délimitation des zones SI, SII et SIII de protection des
eaux
souterraines des sources dont elle était propriétaire. La procédure
ouverte
devant le Tribunal d'expropriation a été suspendue le 22 août 1990
jusqu'à
droit connu sur les enquêtes publiques relatives au plan de
délimitation des
zones de protection des eaux souterraines des puits des "P.________"
et du
"Z.________", confirmant le classement de la parcelle n° 70 en zone
SII de
protection des eaux, et à son règlement d'application. Le 1er
septembre 1997,
le Chef du Département cantonal de la justice, de la police et des
affaires
militaires a pris acte de l'accord intervenu le 12 juin 1997 entre le
demandeur et le Service cantonal des eaux et de la protection de
l'environnement, permettant l'application des dispositions de la zone
SIII de
protection des eaux à la parcelle n° 70, et a rayé du rôle le recours
déposé
par X.________ à l'encontre de la décision du Département cantonal des
travaux publics, de l'aménagement et des transports du 15 décembre
1992
levant son opposition au plan de délimitation des zones de protection
des
eaux souterraines des puits des "P.________" et du "Z.________" et à
son
règlement d'application. La procédure en expropriation matérielle a
été
reprise. Une audience de conciliation a été tenue sans succès le 1er
mai
1998. Le demandeur a réduit ses prétentions à 384'000 fr. avec
intérêts à 5%
l'an dès le 1er septembre 1987, dans le cadre de nouvelles
conclusions prises
le 30 avril 1999.
Par jugement du 16 mars 2001, le Tribunal d'expropriation de
l'arrondissement
de La Côte a admis partiellement les conclusions du demandeur et
arrêté à
198'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 1999 l'indemnité
due au
titre d'expropriation matérielle, à raison d'un tiers à la charge de
la
Commune de Nyon et de deux-tiers à la charge de l'Etat de Vaud. Il a
considéré en substance que, par son ampleur et sa durée,
l'interdiction de
bâtir signifiée au demandeur le 11 mars 1987 constituait une atteinte
grave
au droit de propriété justifiant l'octroi d'une indemnité pour
expropriation
matérielle, correspondant aux intérêts à 5% du prix fixé pour la
vente de la
parcelle n° 70 le 30 avril 1987 au 1er septembre 1997, date à
laquelle la
mesure d'interdiction a définitivement été levée.
Statuant par arrêt du 14 mai 2002 rendu sur appel de l'Etat de Vaud
et de la
Commune de Nyon, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de
Vaud (ci-après: la Chambre des recours ou la cour cantonale) a
réformé ce
jugement, en ce sens que les conclusions du demandeur sont
intégralement
rejetées, ce dernier devant verser une somme de 12'733.30 fr. à la
Commune de
Nyon et une somme équivalente à l'Etat de Vaud, à titre de dépens de
première
instance, et l'a confirmé pour le surplus. Elle a considéré que lors
de son
acquisition par le demandeur, la parcelle n° 70 était déjà frappée
d'une
restriction de propriété qui ne permettait pas de la tenir pour
immédiatement
et directement constructible dans un proche avenir, du fait de son
inclusion
dans un secteur S de protection des eaux. Elle a estimé que le
classement
provisoire de la parcelle n° 70 en zone SII de protection des eaux
intervenu
par la suite était une mesure de police au sens étroit que le
demandeur
devait admettre sans indemnité, l'atteinte au droit de propriété
n'étant pas
si intense et d'une durée suffisamment longue pour justifier une
indemnisation pour expropriation matérielle. Elle a également rejeté
les
conclusions du demandeur parce que ce dernier n'avait pas produit
d'expertise
permettant de déterminer la moins-value de sa parcelle ni prouvé le
montant
des frais et des investissements qu'il aurait engagés et qui auraient
été
rendus inutiles par l'expropriation. Elle a enfin tenu la prétention
du
demandeur à une indemnité pour expropriation matérielle pour
prescrite, en
l'absence d'une quelconque mesure étatique limitant le droit de
propriété de
celui-ci prise dans l'année précédant l'ouverture de l'action.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en ce sens que les appels de la
Commune de Nyon et de l'Etat de Vaud sont rejetés, le jugement rendu
le 16
mars 2001 par le Tribunal d'expropriation de l'arrondissement de La
Côte
étant confirmé. Il conteste avoir agi hors délai et prétend avoir fait
l'objet d'une restriction temporaire à son droit de propriété
suffisamment
grave pour justifier l'octroi d'une indemnité pour expropriation
matérielle.
La Chambre des recours se réfère aux considérants de son arrêt. La
Commune de
Nyon et l'Etat de Vaud concluent au rejet du recours. L'Office
fédéral du
développement territorial a renoncé à formuler des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Selon l'art. 34 al. 1 LAT, la voie du recours de droit administratif
est
ouverte notamment contre les décisions prises par l'autorité
cantonale de
dernière instance sur des indemnisations résultant de restrictions
apportées
au droit de propriété au sens de l'art. 5 de la même loi. Tel est le
cas en
l'occurrence de l'arrêt attaqué qui déboute le recourant de son
action en
paiement d'une indemnité pour expropriation matérielle (ATF 122 I 328
consid.
1b p. 332; 118 Ib 196 consid. 1a p. 198; 117 Ib 497 consid. 7a p.
498).
Le recourant, dont les prétentions à une indemnité d'expropriation
matérielle
ont été rejetées en dernière instance cantonale, a qualité pour
former un
recours de droit administratif (art. 103 let. a OJ). Les autres
conditions de
recevabilité sont remplies et il y a lieu d'entrer en matière.

2.
Dans un argument qu'il convient d'examiner en premier lieu, la
Chambre des
recours a considéré que la prétention du demandeur à une indemnité
pour
expropriation matérielle était prescrite, en l'absence d'une
quelconque
mesure étatique limitant le droit de propriété de celui-ci prise dans
l'année
précédant l'ouverture de l'action. Le recourant voit pour sa part une
restriction à son droit de propriété constitutive d'une expropriation
matérielle dans la décision du Conseil d'Etat du 18 mai 1988 rejetant
son
recours formé contre le refus de la Municipalité de Y.________ de lui
délivrer le permis de construire un centre artisanal sur la parcelle
n° 70,
de sorte qu'en ouvrant action dans l'année suivant cette décision, il
aurait
agi dans le délai prescrit par l'art. 119 al. 1 de la loi vaudoise sur
l'expropriation du 25 novembre 1974 (LEx).

2.1 La question de savoir si une indemnité pour expropriation
matérielle est
due constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine
librement
(ATF 115 Ib 408 consid. 1b p. 409/410; 112 Ib 514 consid. 1b p. 517);
c'est
en revanche le droit cantonal, dont l'interprétation et l'application
ne sont
revues que sous l'angle de l'arbitraire, qui détermine selon quelle
procédure
et pendant quel délai le propriétaire peut faire valoir une
prétention à
indemnité pour expropriation matérielle, le Tribunal fédéral vérifiant
cependant librement si la cour cantonale a abusivement tenu la
prescription
pour acquise au regard des règles sur la protection de la bonne foi
(ATF 97 I
624 consid. 6 p. 626).
L'art. 119 al. 1 LEx prévoit à cet égard que le droit de demander une
indemnité d'expropriation matérielle se prescrit par un an dès la
décision
appliquant concrètement au demandeur une restriction de droit public
à la
propriété.

2.2 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le moment déterminant
pour
juger si l'on est en présence d'une expropriation matérielle et,
partant, si
la prétention en indemnisation est périmée ou prescrite, est celui de
l'entrée en vigueur de la restriction définitive au droit de
propriété (ATF
121 II 317 consid. 12d/bb p. 347; 119 Ib 229 consid. 3a p. 233 et les
arrêts
cités; voir aussi, Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert,
Aménagement
du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, n. 1524, p.
638;
Enrico Riva, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 181 à 183 ad art. 5, p.
60/61,
et n. 206 ad art. 5, p. 68). En principe, c'est la date de
l'approbation
définitive et exécutoire du plan de délimitation des zones de
protection
des
eaux souterraines et de son règlement d'application qui est décisive
pour
introduire une action en paiement d'une indemnité pour expropriation
matérielle; en effet, c'est à ce moment-là seulement que l'étendue
exacte des
restrictions au droit de propriété grevant la parcelle des
propriétaires
riverains d'un captage est définitivement connue, l'inclusion de
celle-ci
dans un secteur S de protection des eaux n'étant qu'une mesure
provisoire
(arrêt du Tribunal fédéral 1A.29/1996 du 9 octobre 1996, consid. 2b;
voir
aussi Stéphane Mérot, Les sources et les eaux souterraines, thèse
Lausanne
1996, p. 202; Enrico Riva, op. cit, n. 182 ad art. 5, p. 61; Fritz
Kilchenmann, Grundwasserschutzzonen nach eidgenössischem und
bernischem
Recht, JAB 1982 p. 377).

2.3 En l'occurrence, la parcelle n° 70 a été classée en zone SII de
protection des eaux sur la base d'un rapport établi en février 1986
par le
bureau d'ingénieurs et géologues conseils C.________ SA au terme
d'une étude
hydrogéologique réalisée à la demande de la Commune de Nyon. Le plan
délimitant les zones de protection du captage du "Z.________" annexé
à ce
rapport a été approuvé par l'hydrogéologue cantonal à une date que
les pièces
versées au dossier ne permettent pas de déterminer précisément, avant
d'être
transmis pour consultation à la Commune de Y.________ le 21 mars
1986, avec
le catalogue des restrictions d'utilisation du sol, sans que l'on
sache si
cette dernière a porté ces documents à la connaissance des
propriétaires
intéressés pour qu'ils puissent faire valoir leurs droits et leurs
observations, conformément à l'art. 62 aLVPEP (cf. Bulletin du Grand
Conseil,
séance du 22 mai 1979, p. 799); de même, la carte des secteurs de
protection
des eaux a fait l'objet d'une modification communiquée pour préavis
aux
communes concernées le 23 avril 1986 et approuvée par le Conseil
d'Etat le 14
novembre 1986, sans que l'on sache si cette décision a été publiée ou
portée
d'une autre manière à la connaissance des propriétaires concernés
avant ou
après son adoption. Aussi, en l'absence d'une décision prise sans
aucun doute
possible au terme d'une procédure ménageant le droit d'être entendu
des
propriétaires intéressés, on doit admettre que le délai d'un an pour
agir
selon l'art. 119 al. 1 LEx partait du refus du permis de construire
(cf.
Bulletin du Grand Conseil, automne 1974, p. 231), respectivement du
rejet du
recours formé contre cette décision par le Conseil d'Etat en date du
20 mai
1988.
Le recourant a donc agi en temps utile en introduisant son action en
paiement
d'une indemnité pour expropriation matérielle le 18 mai 1989.

3.
Cela étant, il convient d'examiner si c'est à tort que la Chambre des
recours
a nié en l'occurrence l'existence d'un cas d'expropriation matérielle.

3.1 Le classement d'un bien-fonds dans une zone de protection des eaux
souterraines au sens de l'art. 30 aLPEP est une mesure de police au
sens
étroit qui n'entraîne en principe aucune obligation d'indemniser (ATF
107 Ib
380 consid. 3 p. 384/385; 106 Ib 330 consid. 4 p. 332; 105 Ia 330
consid. 3b
p. 335; 96 I 356 consid. 4 p. 360; Stéphane Mérot, op. cit., p. 194
ss; voir
également ATF 122 II 17 consid. 7b p. 19; 121 II 317 consid. 12a p.
343). La
jurisprudence prévoit une exception si l'établissement d'une zone de
protection équivaut à un déclassement d'un terrain prêt pour la
construction
ou équipé, ce qui serait notamment le cas si celui-ci aboutissait à
une
interdiction totale de bâtir (ATF 106 Ib 336 consid. 5c p. 339; ZBl
92/1991
p. 557 consid. 3 p. 558; arrêt 1A.87/1991 du 5 juillet 1993 cité par
Jörg
Leimbacher, Mesures d'aménagement et expropriation matérielle,
Mémoire ASPAN
n° 63, Berne 1995, p. 78/79; Piermarco Zen-Ruffinen/Christine
Guy-Ecabert,
op. cit., p. 628; sur les motifs à la base de cette jurisprudence,
voir
Claude Rouiller, Considérations sur la garantie de la propriété et sur
l'expropriation matérielle faites à partir de la jurisprudence du
Tribunal
fédéral, RSJB 1985 p. 8). Lorsque la restriction équivalant à une
expropriation matérielle a été remplacée avant le jugement définitif
par une
restriction qui doit être supportée sans indemnité, le juge doit
tenir compte
de cette nouvelle situation juridique, car l'obligation d'indemniser
n'a
alors en principe plus de fondement, à défaut de dommage pour le
propriétaire; il ne se justifie de faire une exception que lorsque la
période
entre la première restriction et le changement ultérieur de régime
juridique
était particulièrement longue, de telle sorte que, sans la
restriction, le
propriétaire aurait pu faire dans l'intervalle une meilleure
utilisation de
son fonds (ATF 121 II 317 consid. 12d/bb p. 347 et les références
citées). La
jurisprudence ne fixe pas de manière schématique et générale ce qu'il
faut
entendre par restriction à la propriété de longue durée; la solution
dépend
des circonstances de chaque cas (ATF 123 II 481 consid. 9 in fine p.
497; 120
Ib 465 consid. 5e p. 473; 112 Ib 496 consid. 3a in fine p. 507; 109
Ib 20
consid. 4a p. 22; 103 Ib 210 consid. 3 p. 218/219; 99 Ia 482 consid.
5 p.
487; 93 I 338 consid. 7 p. 344; 89 I 460 consid. a p. 463; 69 I 234
consid. 2
p. 242).

3.2 En l'occurrence, la question de savoir si le recourant aurait en
principe
pu prétendre à une indemnité pour expropriation matérielle à la suite
de
l'inclusion de la parcelle n° 70 dans une zone SII de protection des
eaux
souterraines excluant toute construction peut rester ouverte. Selon la
jurisprudence, un déclassement n'entraîne une atteinte grave au droit
de
propriété constituant un cas d'expropriation matérielle que si
l'immeuble
concerné était juridiquement et pratiquement constructible au moment
déterminant et si, au vu des circonstances, il aurait été fait usage,
dans un
proche avenir, de cette possibilité de construire (ATF 125 II 431
consid. 3a
p. 433; 122 II 326 consid. 4b p. 330 et les arrêts cités; Piermarco
Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, op. cit., n. 1455, p. 610). Or,
cette
condition n'est pas réalisée lorsque l'édification d'une construction
dépend
de l'octroi d'une autorisation exceptionnelle à teneur de l'art. 24
LAT ou
d'une autorisation de défricher (arrêt du Tribunal fédéral
1A.260/1997 du 19
janvier 1998; voir aussi Piermarco Zen-Ruffinen/Christine
Guy-Ecabert, op.
cit., p. 593/ 594).

Lorsque le recourant a acquis la parcelle n° 70, le 10 novembre 1983,
celle-ci se trouvait en secteur S de protection des eaux tant selon
le plan
directeur cantonal en matière de protection des eaux approuvé par le
Conseil
d'Etat le 23 avril 1980 que selon le plan des zones communal adopté
par le
Conseil général de Y.________ le 29 juin 1982. Même si ce plan
n'était pas
encore en vigueur, tout projet de construction devait néanmoins lui
être
conforme en application de l'art. 79 de la loi cantonale sur
l'aménagement du
territoire et les constructions du 19 septembre 1986 (LATC). Par
ailleurs,
l'acte de vente précisait que le terrain demeure assujetti aux
restrictions
légales de la propriété foncière, notamment celles résultant de la
protection
des eaux. Le recourant devait donc savoir que tous travaux de
construction
étaient soumis à une autorisation spéciale du Département cantonal des
travaux publics, de l'aménagement et des transports en vertu des art.
29 al.
3 aLPEP (actuellement, l'art. 19 al. 2 LEaux) et 60 al. 2 RPE, auquel
renvoie
l'art. 22 al. 5 RPE régissant les immeubles sis en zone industrielle.
L'octroi de cette autorisation dépendait notamment de la zone de
protection
des eaux dans laquelle la parcelle n° 70 devait finalement être
colloquée;
aussi longtemps que les zones de protection des eaux n'étaient pas
délimitées, le recourant n'était pas certain de pouvoir construire
sur sa
parcelle et s'exposait à ce qu'une éventuelle demande de permis soit
si ce
n'est rejetée, du moins suspendue pour ce motif (cf. Luc Jansen, Les
zones de
protection des eaux souterraines: des mesures d'aménagement du
territoire
dans le droit de l'environnement, ZBl 1995 p. 355/356; Stéphane
Mérot, op.
cit., p. 154/155).
Dans ces circonstances, il n'était pas possible de considérer la
parcelle n°
70 comme très probablement vouée à la construction dans un proche
avenir,
puisqu'une autorisation spéciale eut été nécessaire, et que son
obtention
n'apparaissait guère vraisemblable. Cet obstacle de principe à la
construction, de nature juridique, excluait l'octroi d'une indemnité
pour
expropriation matérielle. Cette solution est au surplus conforme à
l'art. 119
al. 2 LEx, suivant lequel celui qui a acheté un immeuble grevé d'une
restriction de droit public ne peut réclamer en son nom une indemnité
de ce
chef.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, aux frais du recourant,
qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ); l'émolument judiciaire sera fixé
notamment en
fonction de la valeur litigieuse (art. 153a al. 1 et al. 2 let. c OJ;
cf. le
ch. 3 du tarif des émoluments judiciaires du Tribunal fédéral, du 31
mars
1992; RS 173.118.1). Suivant la pratique relative à l'art. 159 al. 2
OJ, ni
l'Etat de Vaud, ni la Commune de Nyon qui, par son importance,
dispose d'une
infrastructure suffisante pour procéder sans l'aide d'un mandataire
professionnel, n'ont droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à
l'Office fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 6 décembre 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.122/2002
Date de la décision : 06/12/2002
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2002-12-06;1a.122.2002 ?
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